Responsabilité du Notaire : 3 juillet 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03524

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Responsabilité du Notaire : 3 juillet 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03524
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N° RG 21/03524 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LAA3

C3

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Lassaad CHEHAM

la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU LUNDI 03 JUILLET 2023

Appel d’une décision (N° RG 19/00088)

rendue par le Tribunal judiciaire de BOURGOIN JALLIEU

en date du 27 mai 2021

suivant déclaration d’appel du 30 juillet 2021

APPELANTE :

S.C.I. JFK prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Lassaad CHEHAM, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU

INTIMEE :

S.C.P. GILLES PAGLIAROLI prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 8]

représentée par Me Olivier DORNE de la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 30 mai 2023, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport en présence de Mme Blatry, conseiller, assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant acte authentique du 25 janvier 2008 dressé par la SCP Gilles Pagliaroli, notaire à [Localité 8] (Isère), la SCI Les Trappes a vendu à la SCI JFK notamment, dans un immeuble en copropriété sis [Adresse 6] à [Localité 2], cadastré section AL [Cadastre 7], le lot 1 (petit hall en rez-de-chaussée, totalité du premier étage et du deuxième étage, la communauté du couloir du rez-de-chaussée et les 2/3 de la propriété du sol et des parties communes générales) et le lot 2 (une pièce à usage de magasin au rez-de-chaussée, petit arrière magasin, petite cuisine à la suite et passage commun et WC au Nord de ce passage commun, et le 1/3 de la propriété du sol et des parties communes).

M. [Z] [O] et Mme [P] [W] épouse [O] sont propriétaires depuis 2004 des parcelles cadastrées AL [Cadastre 3] et [Cadastre 4] situées à l’Ouest de la parcelle AL [Cadastre 7]’; pour se rendre dans leur propriété, ils utilisent le couloir situé dans la propriété de la SCI JFK menant à son jardin.

Suivant acte extrajudiciaire du 27 septembre 2019, la SCI JFK a assigné M. et Mme [O] devant le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu pour faire constater la cessation de l’état d’enclave de leur propriété et voir prononcer la suppression de la servitude de passage dans le couloir.

Elle a assigné en intervention forcée le 27 septembre 2019, le notaire rédacteur de l’acte de vente du 25 janvier 2008.

Par jugement contradictoire du 27 mai 2021, ce tribunal devenu tribunal judiciaire, a’:

déclaré la SCI JFK recevable en son action contre M. et Mme [O],

déclaré la SCP JFK irrecevable en son action contre la SCP Pagliaroli pour cause de prescription,

débouté la SCP JFK de ses demandes,

autorisé M. et Mme [O] à effectuer les travaux de raccordement au gaz de ville dans le couloir d’accès au [Adresse 6],

débouté M. et Mme [O] de leur demande de démolition du balcon pour empiétement,

condamné la SCI JFK à payer à M. et Mme [O] la somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la SCI JFK aux dépens de l’instance,

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Le tribunal a retenu en substance, qu’il n’existait pas d’ambiguïté quant au caractère commun du couloir du rez-de -chaussée qui n’est considéré ni comme une simple tolérance de passage ni comme une servitude de passage pour enclavement par les actes de propriété anciens et actuels et que dès lors ce couloir est la propriété commune de la SCI JFK et de M. et Mme [O], relevant du régime de l’indivision.

Par déclaration déposée le 30 juillet 2021, la SCI JFK a relevé appel des seules dispositions ayant dit irrecevable son action à l’encontre du notaire.

Dans ses dernières conclusions n°3 déposées le 11 mai 2023 sur le fondement des articles 1240 et suivants, 2224 et suivants du code civil, la SCI JFK demande à la cour de’:

réformer le jugement déféré dans la limite des chefs du jugement expressément critiqués,

juger que la SCP Pagliaroli a manqué à son devoir de conseil et d’information,

condamner la SCP Pagliaroli au paiement des sommes suivantes’:

2.700€ correspondant à la facture du généalogiste foncier,

21.600€ conséquence de l’appropriation de la servitude par M. et Mme [O],

13.234€ au titre du remboursement des frais de notaire,

5.000€ au titre du préjudice moral,

1.500€ au titre de sa résistance abusive,

juger que l’ensemble des condamnations mises à sa charge au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance seront à la charge de la SCP Pagliaroli , soit 2.000€ accordés à M. et Mme [O],

condamner la SCP Pagliaroli à lui verser la somme de 10.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel , avec distraction au profit de Me Cheham en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 28 novembre 2022au visa des articles 122 du code de procédure civile, 1240 et 2224 du code civil, la SCP Pagliaroli sollicite que la cour’ :

à titre principal :

constate que M. et Mme [O] utilisent le couloir d’accès commun depuis leur acquisition soit depuis 2004, et que leur boite aux lettres, compteur électrique et disjoncteur se situent dans le couloir d’accès commun,

juge que la SCI JFK ne pouvait ignorer l’utilisation dudit couloir par M. et Mme [O] dès les visites du bien en vue de l’acquisition,

juge que l’acte authentique de vente du 25 janvier 2008 mentionne expressément la communauté du couloir litigieux,

par conséquent,

juge que la SCI JFK disposait de tous les éléments justifiant aujourd’hui sa mise en cause dès la régularisation de l’acte authentique de vente du 25 janvier 2008,

constate que l’action en responsabilité du notaire se prescrit par 5 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008,

constate que la SCI JFK se devait d’intenter une quelconque action en responsabilité à son encontre avant le 17 juin 2013,

constate que l’acte d’assignation délivrée à son encontre est en date du 27 septembre 2019,

juge l’action de la SCI JFK à son encontre prescrite,

dès lors, confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré la SCI JFK irrecevable en son action à son encontre pour cause de prescription,

à titre subsidiaire ,

constate qu’elle a retracé l’origine de propriété trentenaire du bien litigieux,

constate qu’elle a repris la désignation du bien telle qu’elle figurait dans les actes précédents,

constate qu’il ne résultait d’aucun des documents en sa possession de l’existence d’une servitude de passage,

constate que la désignation des biens vendus est claire et précise et corroborée par l’utilisation qui en est faite,

constate que la SCI JFK ne pouvait ignorer l’utilisation du couloir litigieux par M. et Mme [O] dès son acquisition,

juge qu’elle n’a commis aucun manquement fautif dans l’accomplissement de sa mission,

constate que la SCI JFK ne justifie aucunement tant du principe que du quantum de sa demande indemnitaire,

constate qu’elle ne saurait être tenue pour responsable du comportement négligent de la SCI JFK dans les obligations qui seraient mises à sa charge en cas de condamnation de cette dernière à la destruction du balcon litigieux,

juge que la SCI JFK ne justifie de l’existence d’aucun préjudice du fait de la SCP notariale,

en conséquence,

déboute la SCI JFK de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions formées à son encontre,

dès lors, confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la SCI JFK de ses demandes,

en tout état de cause,

confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SCI JFK à lui payer la somme de 2.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de l’instance,

y ajoutant, condamne la SCI JFK au paiement de la somme de 3.000€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 mai 2023.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’action en responsabilité

La SCI JFK soutient que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de son assignation délivrée à l’encontre de M. et Mme [O] le 3 janvier 2019 pour voir mettre fin à leur servitude de passage, la date de dépôt des conclusions de ces derniers devant le premier juge (non précisée) ou encore la date du jugement déféré, le 27 mai 2021, l’ayant déboutée de ses demandes à leur encontre, en faisant valoir qu’elle a toujours pensé être propriétaire du couloir litigieux et que M. et Mme [O] l’utilisaient dans le cadre d’une simple servitude de passage du fait de l’état d’enclavement de leur propriété’; elle soutient subsidiairement que la prescription a été suspendue du fait de son ignorance du fait générateur de son droit, à savoir la nature juridique de ce couloir.

C’est à bon droit que la SCP Pagliaroli s’oppose à cette analyse.

Selon l’article 2224 du code civil, la prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

Il s’en déduit que le point de départ du délai de prescription de l’ action en responsabilité contre le notaire est non la date de la commission de la faute mais la date de la réalisation du dommage.

Or en l’espèce, l’acte notarié de vente mentionne clairement que la vente du lot n°1 incluait la «’communauté du couloir du rez-de-chaussée’».

La SCI JFK ne peut dès lors pas sérieusement soutenir avoir eu la croyance légitime d’acquérir la pleine propriété de ce couloir et d’en être par conséquent la seule propriétaire, le terme «’communauté’» étant exclusif de toute propriété individuelle.

Cet acte de vente contenait par ailleurs aucune mention de l’existence d’une servitude de passage de quelque nature que ce soit au profit de M. et Mme [O] sur ledit couloir.

Ensuite, la SCI JFK a été en mesure de constater par elle-même, lors de la visite des lieux avant l’acquisition, que ce couloir comportait des signes d’occupation par M. et Mme [O] (boite aux lettres, compteur électrique et disjoncteur… ).

La SCI JFK ne peut dès lors utilement exciper du bénéfice de la suspension du cours de la prescription «’du fait de son ignorance du fait générateur de son droit, à savoir la nature juridique de ce couloir’».

En conséquence de ces considérations et constatations, il doit être admis que le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité est la date de l’acte authentique de vente du 25 janvier 2008 qui porte intrinsèquement le dommage (vente portant sur un bien commun) dont l’existence a été révélée à la SCI JFK à la simple lecture de cet acte qui contenait au surplus l’historique trentenaire des titres de propriété des lots faisant l’objet de la vente du 22 janvier 2008, historique faisant référence à aucune servitude de passage mais de manière continue à la communauté du couloir acquise par les acquéreurs successifs, couloir menant au jardin de la propriété de la SCI JFK .

Sans plus ample discussion, l’action en responsabilité initiée par la SCI JFK à l’encontre de la SCP Pagliaroli suivant assignation en intervention forcée du 27 septembre 2019 sur le fondement du devoir de conseil et d’information est donc prescrite comme ayant été mise en ‘uvre plus de 5 ans après la date de l’acte authentique de vente du 25 janvier 2008, et le jugement querellé confirmé.

Sur les mesures accessoires

Partie succombante, la SCI JFK est condamnée aux dépens d’appel et conserve ses frais irrépétibles exposés devant la cour’; elle est condamnée à verser à l’intimée une indemnité de procédure pour l’instance d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, dans les limites de l’appel, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne la SCI JFK à verser à la SCP Pagliaroli une indemnité de procédure de 2.000€ pour l’instance d’appel,

Déboute la SCI JFK de sa demande présentée en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI JFK aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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