Responsabilité du Notaire : 13 juillet 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/01210

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Responsabilité du Notaire : 13 juillet 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/01210
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 13 JUILLET 2023

N° RG 20/01210 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPVZ

[U] [E]

c/

[B] [R]

SA CARDIF ASSURANCE VIE

S.A.R.L. ROVEZ INVESTISSEMENTS

S.A.S. WINNER WINNER

S.A.R.L. WINNER FINANCE CONSEIL

S.A. BNP PARIBAS

S.A. AGEAS FRANCE

S.A. ORADEA VIE

S.C.P. [T] [W] ET [N] [A]

S.E.L.A.R.L. HIROU

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 février 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PERIGUEUX (RG : 17/01368) suivant déclaration d’appel du 28 février 2020

APPELANT :

[U] [E]

né le 11 Juillet 1966 à [Localité 10]

de nationalité Française

Profession : Chef d’entreprise,

demeurant [Adresse 7]

Représenté par Me Stéphanie BOURDEIX de la SCP CABINET MALEVILLE, avocat au barreau de PERIGUEUX

et assisté de Me Valérie PLOUTON, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

[B] [R]

né le 21 Janvier 1953 à [Localité 13]

de nationalité Française

Profession : Notaire,

demeurant [Adresse 6]

Représenté par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER – SAMMARCELLI – MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

et assisté de la SELARL GARY & ASSOCIES, avocats au barreau de TOULON

SA CARDIF ASSURANCE VIE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

Représentée par Me Lisiane FENIE-BARADAT, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Karine DUBOIS de la SCP ABCD (AVOCATS BRUGIERE-DUBOIS-BOURGUEIL-CLOCET), avocat au barreau de TOURS

S.A.R.L. ROVEZ INVESTISSEMENTS

au capital de 7.622,45 euros inscrite au Registre du commerce et des Sociétés de TOULON sous le n° 419743.083, en liquidation amiable, ayant son siege social

[Adresse 4], prise en la personne de son liquidateur amiable domicilié es qualités au dit siege

Représentée par Me David BERTOL de la SELARL SELARL AVOCATS VICTOR HUGO, avocat au barreau de PERIGUEUX

et assistée de Me Sandra D’ASSOMPTION de la SELARL D’ASSOMPTION-HUREAUX, avocat au barreau de TARASCON

S.A.S. WINNER WINNER

SAS au capital de 338 175 € – Inscrite au RCS de LIBOURNE sous le N° 429 652 985 prise en la personne de ses représentants légaux domicilés en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

non représentée, assignée selon acte d’huissier en date du 31 août 2020 délivré à l’étude

S.A.R.L. WINNER FINANCE CONSEIL

SARL au capital de 110 000 €, inscrite au RCS de LIBOURNE sous le N° 453 442 303 prise en la personne de ses représentants légaux domicilés en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

non représentée, assignée selon acte d’huissier en date du 31 août 2020 délivré à l’étude

S.A. BNP PARIBAS

S.A au capital de 2 507 455 130,00 €, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 662 042 449, dont le siège social est [Adresse 5], prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Karine PERRET de la SELAS PERRET & ASSOCIES, avocat au barreau de BERGERAC

S.A. AGEAS FRANCE

société anonyme au capital de 109.221.274,91 euros, immatriculée au R.C.S de Nanterre sous le numéro 352 191 167, ayant son siège social situé [Adresse 9], pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me TRUONG substituant Me Albin TASTE de la SCP CABINET LEXIA, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Christophe BOURDEL de la SCP Herald anciennement Granrut, avocat au barreau de PARIS

S.A. ORADEA VIE

Société Anonyme au capital de 20 204 256 € dont le siège social est sis [Adresse 14] immatriculée au R.C.S de NANTERRE sous le N° 430 435 669 prise en la personne de son Président Directeur Général en exercice domicilié es-qualité audit siège

Représentée par Me Anne-Sophie VERDIER de la SELARL MAÎTRE ANNE-SOPHIE VERDIER, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Marie-Annette TATU-CUVELLIER, avocat au barreau de MARSEILLE

S.C.P. [T] [W] ET [N] [A]

société civile professionnelle immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PERIGUEUX sous le numéro 781 701 883, dont le siège social est sis [Adresse 8], prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité

Représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER – SAMMARCELLI – MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTE :

S.E.L.A.R.L. HIROU

prise en la personne de ses représentants légaux domicilés en cette qualité au siège social sis [Adresse 1] (FRANCE)

es qualité de mandataire liquidateur de la SAS WINNER WINNER

non représentée, assignée selon acte d’huissier en date du 20 novembre 2020 délivré à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été examinée le 22 mai 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller

Mme Christine DEFOY, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

– par défaut

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 23 octobre 2005, M. [U] [E] a signé un compromis de vente avec la société Rovez Investissement pour l’acquisition d’un appartement d’une surface de 118,80 m² constituant le lot n°3 d’un immeuble en copropriété ‘dans un état vétuste’ situé à [Localité 15] au Château [11] pour le prix de 148 500 euros, le notaire chargé de la vente étant Maître [B] [R], notaire à [Localité 13], en concours avec Maître [T] [W], notaire à [Localité 12].

Suivant acte authentique en date du 21 décembre 2005 reçu par Maître [W], M. [E] a donné mandat à tout clerc de notaire de l’étude de Maître [R], notaire à [Localité 13], à l’effet d’acquérir le bien en son nom.

Selon offre acceptée en date du 27 décembre 2005, la société Fortis Banque a consenti à M. [E] un prêt immobilier ‘in fine’ d’un montant de 168 200 euros au taux fixe de 4,10 % l’an, °d’une durée de 20 ans, destiné à l’acquisition de l’immeuble.

Ce prêt était garanti par le privilège de prêteur de deniers (PPD) et une délégation du produit d’assurance-Vie Oradea Vie à hauteur de 45 000 euros.

Par avenant en date du 25 avril 2006, la banque a consenti à M. [E] un différé de paiement des intérêts sur une durée de 18 mois.

Selon offre acceptée en date du 27 décembre 2005, la société Fortis Banque a consenti à M. [E] un prêt immobilier ‘in fine’ d’un montant de 267 300 euros au taux fixe de 4,10 % l’an, d’une durée de 20 ans, destiné au financement des travaux de rénovation.

Ce prêt était garanti par une hypothèque de deuxième rang et une délégation du produit d’assurance-Vie Oradea Vie à hauteur de 45 000 euros avec abondements à hauteur de 140 000 euros les deux premières années.

Par avenant en date du 25 avril 2006, la banque a consenti à M. [E] un différé de paiement des intérêts sur une durée de 18 mois.

Suivant acte authentique en date du 30 décembre 2005 reçu par Maître [P] [F], notaire salarié de l’étude de Maître [R], avec la participation de Maître [T] [W], M. [E] a acquis les lot n°3, 27 et 51 correspondant respectivement à l’ appartement, une cave et une place de parking.

Le permis de construire visant les travaux de réhabilitation du Château [11] a été délivré par le Maire de [Localité 15] le 26 septembre 2006.

Les travaux ont débuté le 04 décembre 2006 et ont donné lieu à une déclaration d’achèvement en date du 07 novembre 2008.

L’appartement a ensuite été offert à la location.

Suivant actes d’huissier en date des 19, 27, 28, 31 juillet et 1er août 2017, M. [E] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Périgueux les sociétés Rovez Investissement , Winner Winner, Winner Finance Conseil, BNP Paribas et Fortis Banque.

Par jugement rendu le 4 février 2020, le tribunal judiciaire de Périgueux a:

-déclaré prescrite l’action en nullité de la vente et l’action en responsabilité engagée par M. [E] à l’égard des défendeurs,

En conséquence:

-déclaré ces actions irrecevables,

-prononcé la mise hors de cause de la société Ageas France,

-débouté la société Ageas France de sa demande en paiement de dommages et intérêts formée contre M. [E] pour procédure abusive,

– condamné M. [E] à payer à la Société Rovez Investissement , la société Winner Winner, la société Winner Finance Conseil, Maître [R], la SCP [W] & [A], la société BNP Paribas, la société Ageas France et la société Oradea Vie, la somme de 1 000 euros à chacun d’eux en application de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné M. [E] aux dépens de l’instance, dont distraction au profit de la Selarl Avocat Victor Hugo, la SCP Grand-Barateau- Noel, Maître Muriel Noel, Maître Nadège Trion et Maître Iban Arreguy, Avocats, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire du jugement .

Par déclaration électronique en date du 28 février 2020, M. [E] a relevé appel de cette décision en chacune de ses dispositions reprise expressément.

Il y a intimé les sociétés Cardif Assurance Vie, Rovez Investissement , Winner Winner, Winner Finance Conseil, BNP Paribas, Ageas France, Oradea Vie, la S.C.P. [W] – [A] et M. [B] [R].

M. [E] a notifié sa déclaration d’appel ainsi que ses conclusions à la société Winner Winner le 31 août 2020.

M. [E], dans ses dernières conclusions d’appelants en date du 24 juillet 2020, demande à la cour, au visa des articles 1178 et suivants,1240 et 1241 du code civil, de :

I- A titre principal, sur la nullité de la vente pour dol :

ln limine litis sur la fin de non-recevoir tiré de l’absence de la formalité à la conservation des hypothèques.

– dire et juger que les requérants ont effectué la formalité de la publication de l’assignation à la conservation des hypothèques avant clôture de la présente procédure, dont le justificatif est versé aux débats de sorte que la fin de non-recevoir opposée à ce titre par les défendeurs doit être rejetée.

En conséquence,

Confirmant le jugement dont appel,

– dire et juger que la demande de M. [E] est parfaitement recevable.

ln limine litis sur la fin de non-recevoir tiré de la prescription de la demande.

Réformant le jugement dont appel,

– dire et juger que le point de départ du délai de prescription s’entend de différents éléments dont le demandeur a pu prendre conscience successivement au fil du temps depuis l’acquisition du bien immobilier dont s’agit, depuis la configuration de leur appartement non conforme au descriptif et à la nature du bien vendu, à la question de la non rentabilité locative, à celle de la surévaluation du prix du bien immobilier lors de l’acquisition, à celle enfin de la configuration de la propriété dans son ensemble, le dernier événement étant la consultation de leur conseil, de sorte que leur demande n’est absolument pas prescrite.

– dire et juger que la société Rovez Investissement avec l’entremise de la société Winner Winner, a utilisé des man’uvres dolosives à son égard pour le convaincre de la souscription de la vente litigieuse, ce dont il se serait abstenu s’il avait eu connaissance de l’exacte économie générale du schéma d’investissement, de la réalité de la valeur immobilière du bien au moment de son acquisition, de l’état du marché locatif local et de la valeur locative réelle de leur bien, de l’étendue exacte des travaux de rénovation, de ce que leur bien serait en définitive un appartement de type T2 au lieu et place d’un T3 qui leur a été contractuellement vendu, et enfin de ce que le domaine du château ne comportait pas un terrain ainsi que la maison dite « du gardien ” que le vendeur a conservé pour lui-même, et nécessiterait en outre des travaux de grosse structure non signalés et non prévus dans l’enveloppe de travaux.

En conséquence, et subsidiairement,

– prononcer la nullité de la vente immobilière consentie le 30 décembre 2005 par la société Rovez Investissement à M. [E] pour dol.

Sur les demandes résultant du prononcé de la nullité de la vente immobilière intervenue entre la Société Rovez Investissement et M. [E]

Réformant le jugement dont appel,

1/ Sur la vente :

En conséquence directe de la nullité de la vente :

– condamner la Société Rovez Investissement à rembourser à M. [E] le prix de la vente, soit la somme de 148 500 euros, assorti des intérêts au taux légal, à compter de la date de la vente définitive, soit le 30 décembre 2005.

– condamner la Société Rovez Investissement à rembourser à M. [E] le prix des travaux de rénovation, soit la somme de 267 300 euros, assorti des intérêts au taux légal, à compter de la date de la vente définitive, soit le 30 décembre 2005,

– dire et juger que la restitution du bien par M. [E] à la Société Rovez Investissement est subordonnée à Ia restitution préalable de son prix de vente, et du prix des travaux, l’un n’allant pas sans l’autre ces deux aspects du prix de vente global étant indivisibles.

– condamner en outre solidairement la société Winner Winner, la société Winner Finance Conseil, et Me [B] [R], à garantir le paiement de la somme de 415 800 euros, à première demande sans autre formalité après signification de la décision à intervenir, en cas de défaillance de la société Rovez Investissement et de non-paiement de cette dernière sous un délai de deux mois à compter de la signification de la décision.

2/ Sur les deux prêts,

Par application de l’article L 312-12 du Code de la Consommation, dire et juger que l’annulation de la vente intervenue entre M. [E] et la Société Rovez Investissement entraîne de facto l’annulation pure et simple du prêt souscrit pour financer cette acquisition.

En conséquence,

– prononcer la nullité des deux prêts souscrits par M. [E] avec la Fortis Banque:

– le 14 décembre 2005 pour l’acquisition du bien

– le 15 décembre 2005 pour le financement des travaux.

– se prononcer sur la restitution de la somme restant due au titre des prêts souscrits auprès de la Fortis Banque, par M. [E] , déduction faite des remboursements effectués par le requérant au titre de ce prêt à la date du prononcé de la décision à intervenir,

– prononcer en outre, à compter du prononcé du jugement à intervenir, la résiliation du contrat d’assurance affecté à ces prêts,

– condamner la Banque au remboursement de la totalité des sommes versées au titre de la conclusion du contrat de prêt, et en particulier les intérêts conventionnels, les frais de dossier, et les frais d’assurance-crédit emprunteur,

– ordonner la compensation judiciaire entre lesdites sommes et celles devant être restituées par la banque à M. [E] ,

– condamner in solidum la Société Rovez Investissement , la société Winner Winner, et la société Winner Finance Conseil à garantir le paiement de ces sommes.

3/ Sur les dommages et intérêts :

Condamner solidairement la Société Rovez Investissement , la société Winner Winner, la société Winner Finance Conseil, et Me [B] [R], si l’annulation de la vente est prononcée pour dol, à verser à M. [E] une somme complémentaire de 25.000 euros, à titre de réparation de leur préjudice « moral, administratif et psychologique ”, en raison des obstacles et inquiétudes rencontrées depuis la réalisation de cette opération, de la répercussion de cette situation sur leur Vie quotidienne, et sur la gestion d’une procédure longue et coûteuse.

– condamner en outre la Société Rovez Investissement , la société Winner Winner, la société Winner Finance Conseil, et Me [B] [R], si l’annulation de la vente est prononcée pour dol :

* relever et garantir à première demande M. [E] de toute reprise fiscale éventuelle effectuée par l’administration des impôts, du fait de la rétroactivité de la nullité de la vente.

* rembourser M. [E] de toutes les dépenses et sommes afférentes à la signature de l’acte de vente du 30 décembre 2005, en ce compris les frais notariés et les droits d’enregistrement.

* rembourser M. [E] de toutes les dépenses liées au contrat de gestion immobilière, ainsi que de tous les frais de dossier et de prise de garanties pour les prêts souscrits avec la Fortis Banque.

* restituer le montant total des taxes foncières payées depuis l’année d’acquisition.

– dire et juger enfin que M. [E] conservera les loyers perçus jusqu’au jour du jugement, à titre de dommages et intérêts complémentaires, ainsi que les éventuelles indemnités d’assurance versées en cas de période de carence locative indemnisée.

– dire et juger que dans l’hypothèse de l’annulation de la vente, les sociétés Winner Winner et Winner Finance Conseil, devront rembourser à M. [E], le montant des commissions qu’elles ont perçu respectivement du promoteur pour la vente, de la Banque pour la souscription du contrat de prêt, et de la société de placement pour la souscription du contrat d’assurance vie adossé au contrat de prêt in fine, à titre de dommages et intérêts complémentaires.

Il – A titre infiniment subsidiaire, sur la responsabilité des différents

intervenants :

Vu les articles 1240 et 1241

Réformant le jugement dont appel,

A titre préalable sur la prescription opposée par les défendeurs.

– prendre acte de ce que moins de 10 ans se sont écoulés entre la date des contrats, et celle de l’assignation.

En conséquence,

– dire et juger que la prescription n’est pas acquise et déclarer recevable la demande de M. [E], sur le seul fondement du manquement à l’obligation d’information, de conseil et de mise en garde.

Subsidiairement, et par application de l’article 2224 du Code civil,

– dire et juger que le point de départ de la prescription ne peut être celle de l’acte, et que c’est bien la date à laquelle ils ont pu découvrir le dommage allégué, dans sa consistance et son ampleur, que doit se situe est le point de départ du délai pour agir.

– dire et juger que ce n’est qu’à partir des premières difficultés, à la fois en termes de location, puis de la découverte du prix surdimensionné du bien, et des autres éléments de dol de la part des différents intervenants à cette opération, que les acquéreurs ont pu ainsi appréhender la nature et I’ampIeur du préjudice dont ils demandent aujourd’hui réparation.

En conséquence,

– dire et juger que la prescription n’est pas acquise et déclarer recevable la demande de M. [E], sur le seul fondement du manquement à l’obligation d’information, de conseil et de mise en garde.

1/Sur la responsabilité du vendeur, la Société Rovez Investissement :

– dire et juger que la société Rovez Investissement a manqué à son devoir de conseil, d’information et de loyauté, en présentant un projet trompeur à différents égard, en surévaluant le coût de l’acquisition de l’appartement de M. [E] dans des proportions plus que substantielles au regard du prix du marché, soit environ deux fois et demi le prix de marché lors la période de l’acquisition, en construisant une opération financière totalement erronée du fait du caractère mensonger de différents paramètres essentiels de l’opération tel que notamment le prix du loyer, en ne cloisonnant pas les chambres, en mettant un simple sol OSB au lieu d’un parquet, en occultant le fait que l’acquisition de cette propriété n’intégrait pas la totalité du terrain, ni la maison de gardien à l’intérieur du domaine du château, en présentant un projet qui intégrait une rénovation dans le cadre de la loi monument historique qui laissait présumer une rénovation totale alors même que les extérieurs et les parties gros ‘uvre du château n’ont pas fait l’objet de travaux pourtant plus que nécessaires, de sorte que la présentation globale était erronée.

– dire et juger que ce faisant la société Rovez Investissement a trompé M. [E] par ces différentes man’uvres dolosives de sorte que sa responsabilité est pleinement engagée, et, ou qu’à minima sa responsabilité est engagée au titre de son devoir de conseil et d’information.

– dire et juger que ces man’uvres dolosives ont fait perdre à M. [E] une chance de ne pas s’engager dans ce projet ou de s’engager à de meilleures conditions dans un projet immobilier.

2/ Sur la responsabilité du commercial, la SAS Winner Winner.

– dire et juger que la société Winner Winner a pris en charge l’intégralité de la présentation, depuis le démarchage de M. [E] à son domicile, en passant par le choix du notaire procurateur, le choix de la Banque, le choix du lot « attribué ” à M. [E] le choix du contrat d’assurance Vie adossé au contrat de prêt, et enfin la signature des actes, à son domicile, faisant en sorte que ce dernier ne rencontre jamais les différents intermédiaires.

– dire et juger que la société Winner Winner a manqué à son devoir de conseil, d’information et de loyauté, en présentant un projet trompeur à différents égard, en surévaluant le coût de l’acquisition de l’appartement de M. [E] dans des proportions plus que substantielles au regard du prix du marché, en construisant une opération financière totalement erronée du fait du caractère mensonger de différents paramètres essentiels de l’opération tel que notamment le prix du loyer, en occultant le fait que l’acquisition de cette propriété n’intégrait pas la totalité du terrain, ni la maison de gardien à l’intérieur du domaine du château, en présentant un projet qui intégrait une rénovation dans le cadre de la loi monument historique qui laissait présumer une rénovation totale de qualité alors même que les extérieurs et les parties gros ‘uvre du château n’ont pas fait l’objet de travaux pourtant plus que nécessaires, de sorte que la présentation globale était erronée.

– dire et juger que cette carence informative est d’autant plus dolosive que la société Winner Winner était le seul commercial en exclusivité pour la commercialisation des lots du château [11], de sorte qu’ayant tous les éléments d’information utiles, elle aurait dû informer clairement et honnêtement M. [E] avant de l’engager dans cette opération.

Dans le prolongement de ces observations,

– dire et juger que la société Winner Winner n’a remis aucune simulation et projection sous forme de fichier informatique de l’opération à M. [E], tant sur le plan de la rentabilité locative, du résultat d’exploitation, que sur l’optimisation fiscale, se contentant de le visiter tard le soir à son domicile, pour qu’il ne soit pas en situation d’avoir le temps d’analyser la proposition, et en lui faisant uniquement des démonstrations prétendument savantes sur des brouillons qui restaient totalement opaques pour lui.

– dire et juger que la société Winner Winner, seul interlocuteur de M. [E], a profité de la crédulité et de la confiance de ce dernier, pour lui faire acquérir ce bien immobilier dans un château, dont le programme de rénovation laissait croire à ce dernier qu’il faisait un achat de qualité et pérenne, lui garantissant une stabilité de la valeur du bien ainsi acquis.

En conséquence,

– dire et juger que le comportement de la société Winner Winner constitue un manquement à son devoir d’information et de conseil, et que sa responsabilité délictuelle se trouve de ce fait engagée à l’égard de M. [E].

3/ Sur la responsabilité de la société Winner Finance Conseil.

– dire et juger que la société Winner Finance Conseil a fourni à M. [E] les deux offres de prêt relatives à cette acquisition auprès de Société Rovez Investissement , se chargeant de recueillir ses éléments financiers pour le montage du dossier, choisissant à la fois la banque pour l’offre de prêt et le placement financier adossé à celui-ci, sans que M. [E] n’ait jamais eu le choix de la banque, ni de la nature du financement, ni encore du placement en assurance Vie associé au prêt.

– prendre acte de ce que M. [E] n’a jamais rencontré ladite banque, la société Winner Finance Conseil et son dirigeant, M. [Y], se chargeant même de lui faire signer l’offre de prêt à leur domicile.

– dire et juger que la société Winner Finance Conseil n’a jamais apporté la moindre explication à M. [E] sur la mise en place d’un prêt in fine associé à un contrat d’assurance Vie, ce mécanisme dispendieux créant une source d’insécurité totale sur le remboursement du prêt à son terme, compte tenu de l’aléa important afférent au placement.

– dire et juger que la société Winner Finance Conseil a nécessairement perçu une commission, à la fois par la Banque en lien avec les deux offres de prêt (Acquisition et Travaux) et par la société auprès de laquelle le contrat d’assurance Vie a été souscrit avec nantissement au profit de la Banque.

– dire et juger que ce faisant la société Winner Finance Conseil a participé à la perte de chance de M. [E] de ne pas avoir contracté, ou d’avoir contracté à des conditions de financement plus avantageuses, et moins risquées.

En conséquence,

– la condamner à indemniser M. [E] au même titre que les sociétés Winner Winner, Sarl Rovez Investissement , Maître [R], et la SCP [W], [S] et [A], de leur perte de chance.

– la condamner également à indemniser M. [E] de sa perte de chance spécifique d’avoir contracté un mode de financement moins dispendieux.

4/ Sur la responsabilité de Maître [B] [R], notaire instrumentaire :

– dire et juger que Maître [B] [R] a manqué à son obligation de conseil, de loyauté, et d’information générale, en ne renseignant pas son client sur les caractéristiques de l’opération en Loi monument historique, sur I’opportunité d’un investissement dans ce secteur géographique, et sur les conséquences exactes de son acquisition.

– dire et juger que cette obligation de devoir d’information s’imposait d’autant plus que Maître [R] était le notaire désigné par le promoteur dès l’avant contrat, et ayant reçu pour mission de procéder à la régularisation de l’ensemble des actes de vente pour le Château [11], il se devait et avait à sa disposition tous les éléments permettant d’apporter une information complète, loyale et objective à l’ensemble des acquéreurs, dont M. [E].

– dire et juger de surcroît que Maître [R] ne rapporte absolument pas la preuve d’avoir apporté à M. [E] une information loyale relative à sur l’opération en général, sur le dispositif légal de la défiscalisation en loi Monument Historique, sur les règles de précaution dans ce type d’investissement, sur le prix de vente comparatif sur ce même secteur géographique précis, tous les notaires ayant un accès direct à ce type d’information.

En conséquence,

– dire et juger que le comportement de Maître [B] [R] constitue un manquement à son devoir d’information et de conseil qui engage sa propre responsabilité.

5/ Sur la responsabilité du notaire procurateur, la SCP [W], [S] et [A], Notaire à Périgueux :

– dire et juger que la SCP [W], [S] et [A] a manqué à son obligation de conseil, de loyauté, et d’information générale, en ne renseignant pas son client sur les caractéristiques de l’opération, sur l’opportunité d’un investissement dans ce secteur, et sur les conséquences exactes de son acquisition.

– dire et juger que la SCP [W], [S] et [A] aurait dû être particulièrement vigilante en présence d’une demande de procuration globale pour acquérir laquelle rendait encore plus fragile son client pour connaître les données exactes de l’opération, en particulier lorsque le contact initial était pris parle commercial du promoteur, et non par les clients eux-mêmes.

En conséquence,

– dire et juger que le comportement de la SCP [W], [S] et [A], Notaire à Périgueux constitue un manquement à son devoir d’information et de conseil qui engage sa propre responsabilité.

III- Sur la réparation des préjudices.

Réformant le jugement dont appel,

1/ A titre principal: sur la réparation du préjudice financier de M. [E].

Pour l’ensemble de ces intervenants, dire et juger que la perte financière, s’analyse au regard de la différence entre le prix du marché et le prix payé lors de l’acquisition, qui serait subie par M. [E] en cas de revente de son bien à ce jour, est à minima de 245 800 euros (415 800 euros – 170 000 euros)

En conséquence,

– condamner solidairement la Société Rovez Investissement, la société Winner Winner, la société Winner Finance Conseil, Maître [B] [R], notaire instrumentaire, et la SCP [W], [S] et [A], notaire procurateur, au paiement de la somme de 245 800 euros à titre de dommages cet intérêts au titre du préjudice financier de M. [E].

2/ A titre subsidiaire, sur la réparation du préjudice de perte de chance de M. [E].

– dire et juger que le préjudice de M. [E] s’analyse en une perte de chance de ne pas avoir contracté, ou d’avoir contracté à des conditions plus avantageuses.

– dire et juger que compte tenu des différentes composantes de la perte de chance de M. [E] de ne pas avoir contracté ou d’avoir contracté à des conditions plus avantageuses correspondant à la réalité du marché, il y a lieu de fixer le préjudice de M. [E] résultant de sa perte de chance à 60% du montant global de leur investissement.

En conséquence,

– prononcer la condamnation solidaire de la société Rovez Investissement , la société SAS Winner Winner, la société Winner Finance Conseil, Maître [B] [R], notaire instrumentaire, et la SCP [W], [S] et [A], notaire procurateur, au paiement de la somme globale de 249 480 euros (60 % de 415 800 euros), à titre de dommages et intérêts au titre de leur préjudice lié à la perte de chance de ne pas avoir contracté, ou d’avoir contracté à de meilleures conditions.

4/ Sur le préjudice de perte de chance spécifique lié à la responsabilité de la banque et de la société Winner Finance Conseil.

– dire et juger que la banque BNP Paribas, venant au droit de la société Fortis Banque, avait un devoir d’information, de mise en garde, et de conseil, au-delà I’opération dans sa globalité, à savoir plus précisément sur l’opportunité de la souscription de ce type de prêt in fine, opération de financement complexe au sens de la définition donnée notamment par la jurisprudence.

– dire et juger que face à une proposition de financement complexe, la Banque BNP Paribas aurait dû, par quelque support que ce soit, attirer l’attention de l’emprunteur, sur les caractéristiques les moins favorables, et les risques inhérents à l’association d’un contrat d’assurance Vie, ce qu’elle n’a fait ni préalablement à l’émission de l’offre de prêt, n’ayant jamais pris soin de correspondre avec M. [E] ou de le rencontrer, ni dans le cadre de l’offre de prêt elle-même.

– dire et juger que la banque ne rapporte pas la preuve d’avoir dispensé ce conseil, et ne démontre d’ailleurs pas avoir proposé d’autres types de prêt à M. [E], ni d’avoir apporté une information complète sur la nature et le fonctionnement d’un prêt in fine.

– dire et juger que la société de conseil en courtage de financements, la société Winner Fiance Conseil, a été particulièrement taisante à l’endroit de M. [E] au regard des risques encourus avec ce type de financement, et ne démontre pas avoir apporté le moindre conseil à M.[E] sur les modalités spécifiques de ce type de financement, se contentant de lui demander un certain nombre de pièces financières, sans jamais lui préciser préalablement le type de prêt qui lui serait proposé.

En conséquence :

– dire et juger que ce faisant, M. [E] a perdu une chance de pouvoir souscrire un mode de financement plus adapté, sans risque, et moins coûteux, pour cette opération.

En conséquence :

– condamner solidairement la Banque BNP Paribas et la société Winner Finance Conseil qui a mise en place ce montage financier dans le cadre de la présente acquisition à rembourser à M. [E] à titre d’indemnisation de ce préjudice spécifique la totalité des intérêts des deux prêts souscrits pour cette opération, les frais de souscription des dits prêts, les frais de souscription des contrats d’assurance vie adossés à ces deux prêts, ainsi que le coût de l’assurance de ces deux prêts, outre les frais de prise de garantie sur les contrats d’assurance Vie.

5/ A titre complémentaire, et dans tous les cas.

5-1/ Sur la demande de paiement de la carence locative à titre de dommages et intérêts complémentaires.

– condamner solidairement de la société Rovez Investissement, la société SAS Winner Winner, la société Winner Finance Conseil, Maître [B] [R], notaire instrumentaire, et la SCP Isabelle Gomis et Jean-Pierre Reversat, notaire procurateur, au paiement de la somme de 21 000 euros au titre de la carence locative à titre de dommages et intérêts complémentaires, selon tableau versé aux débats en pièce numéro 34, arrêté à la date de l’assignation, à parfaire au jour du jugement.

5-2/ Sur le préjudice administratif, moral et psychologique de Madame et M. [O].

– dire et juger que M. [E] a subi un véritable préjudice psychologique, moral et administratif.

– dire et juger que le préjudice administratif ne saurait être contesté compte tenu de l’importance et de la longueur de la présente procédure, qu’il a été contraint de mettre en ‘uvre afin de faire valoir ses droits.

– dire et juger que le préjudice moral et psychologique est attesté par différents éléments versés aux débats.

– condamner solidairement les différents intervenants qui ont permis, chacun face à leur carence au regard de leur devoir de conseil et d’information loyale, la réalisation de ce vente immobilière par dol et tromperie, à savoir la Société Rovez Investissement, la société Winner Winner, la société Winner Finance Conseil, Maître [B] [R], notaire instrumentaire et la SCP « [W], [S] et [A] ”, notaire procurateur, au paiement de la somme de 25 O00 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral.

IV – A titre complémentaire, sur les autres demandes formulées dans tous les cas de condamnation:

Réformant le jugement dont appel,

1/ Sur l’article 700 du NCPC.

En raison de l’important travail sur ce type de dossier et de la multiplicité de demandes et de défendeurs impliquant des frais d’avocat importants, condamner solidairement la Société Rovez Investissement, la société Winner Winner, la société Winner Finance Conseil, Maître [B] [R], notaire instrumentaire et la SCP [W], [S] et [A], notaire procurateur, à verser à M. [E] la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles.

Dans tous les cas, compte tenu des importants dommages subis par les requérants,

– rejeter toute demande formulée au titre de l’article 700 du NCPC par les parties défenderesses qui n’ont eu de surcroît à conclure qu’à l’encontre d’une seule partie, et dire qu’il n’y a pas lieu à une indemnité au titre de leurs frais irrépétibles.

2/ Sur les dépens.

– condamner en outre, sous la même solidarité, la société Rovez Investissement, la société Winner Winner, la société Winner Finance Conseil, Maître [B] [R], notaire instrumentaire et la SCP [W], [S] et [A], notaire procurateur, aux entiers dépens de première instance, et ce incluant le coût :

– des frais de signification des assignations dans le cadre de la présente instance,

– de leurs publications à la conservation des hypothèques,

– de la publication du jugement à intervenir à la conservation des hypothèques,

– de la signification du jugement à intervenir aux différentes parties.

Distraits au profit de Me Boudaix, sur son affirmation de droit.

– ordonner en outre l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans caution.

La société Rovez Investissement , dans ses dernières conclusions d’intimée en date du 15 octobre 2020, demande à la cour de :

Au principal,

– dire et juger M. [E] irrecevable en son action en nullité de la vente comme étant prescrite,

– dire et juger M. [E] irrecevable en ses actions en responsabilité comme étant prescrites,

– le débouter de l’ensemble de ses demandes tant principales que subsidiaires ou solidaires comme étant prescrites,

En conséquence

Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions

Subsidiairement,

– dire et juger que la vente du 30.12.2005 est parfaite et ne recèle aucun dol commis par la Sarl Rovez de nature à emporter sa nullité,

– débouter M. [E] de l’ensemble de ses demandes tant principales que subsidiaires ou bien encore solidaires à l’encontre de la Sarl Rovez,

A titre infiniment subsidiaire,

– dire et juger que la vente du 30 décembre 2005 est parfaite et ne recèle aucun manquement contractuel à l’obligation d’information de nature à emporter sa nullité,

– dire et juger que la Sarl Rovez n’a pas manqué à son obligation de conseil et d’information en sa qualité de vendeur,

– débouter M. [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la Sarl Rovez tant principales que subsidiaire ou bien encore solidaires,

– condamner solidairement M. [E] à payer à la Sarl Rovez représentée par son liquidateur amiable, la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en ce compris les entiers dépens distraction faite au profit de la Selarl Avocat Victor Hugo, avocat postulant sur ses affirmations de droit.

La société BNP Paris, venant aux droits de la société Banque Fortis, dans ses dernières conclusions d’intimée en date du 21 septembre 2020, demande à la cour, au visa de l’article 2224 du code civil, de :

– dire et juger M. [U] [E] recevable mais mal fondé en son appel,

– l’en débouter,

– constater que la prescription d’une action en responsabilité contractuelle dirigée contre un établissement bancaire à raison d’un manquement à son devoir de mise en garde court à compter de l’octroi du crédit,

– constater que le contrat de prêt a été signé le 15 décembre 2005 et que ce n’est que par exploit en date du 27 juillet 2017 que M. [E] a soulevé le manquement de la BNP Paribas à son devoir de conseil et de mise en garde, soit plus de 5 ans après la signature du contrat de crédit;

En conséquence,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Périgueux le 4 février 2020 ;

– dire et juger que l’action de M. [U] [E] pour manquement au devoir de conseil et de mise en garde est prescrite.

– débouter M. [U] [E] de l’intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour infirmerait le jugement entrepris et estimerait que l’action de M. [U] [E] n’est pas prescrite,

– constater que M. [U] [E] ne rapporte pas la preuve d’une faute de la société Fortis Banque, du préjudice subi et d’un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice subi ;

– constater que M. [E] a été informé sur les éléments essentiels de l’opération de défiscalisation et a adhéré à un projet correspondant exactement au type d’investissement fiscal qu’il recherchait.

– constater que M. [E] doit être considéré comme un emprunteur averti et qu’il n’est pas fondé à rechercher la responsabilité de la BNP Paribas pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde,

En conséquence,

– dire et juger que la société Fortis Banque n’a pas manqué à son devoir de conseil et de mise en garde,

– débouter M. [U] [E] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la Cour estimerait que la société Fortis Banque a manqué son devoir de conseil et de mise en garde,

– constater que M. [U] [E] ne rapporte pas la preuve d’un lien direct entre la faute commise par la Banque et le préjudice allégué,

– constater que M. [U] [E] ne rapporte pas la preuve de la perte de chance d’avoir souscrit un contrat offrant des garanties mieux adaptées à sa situation;

En conséquence,

– débouter M. [U] [E] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

Sur les conséquences de la nullité de la vente sur les contrats de prêts :

– dire et juger que la nullité du contrat de vente emporte l’anéantissement rétroactif du contrat de prêt,

– dire et juger que dans cette hypothèse, la BNP Paribas est fondée à demander à être indemnisée au titre de la restitution des intérêts échus et des frais d’emprunt et à se prévaloir de la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir,

En conséquence,

– ordonner la restitution par M. [E] des sommes prêtées

– ordonner la restitution par la BNP Paribas des intérêts, frais, accessoires et cotisations d’assurance ;

– condamner la société Rovez Investissement et la Société Winner Winner au paiement des intérêts échus et des intérêts à échoir, et à la restitution des frais d’emprunt, en réparation du préjudice subi par la BNP Paribas du fait de l’annulation des contrats de prêts.

En tout état de cause,

– condamner M. [U] [E] à payer à la BNP Paribas venant aux droits de la société Fortis Banque la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– le condamner aux entiers dépens, de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Karine Perret, Avocat aux offres de droit.

La société Ageas France, dans ses dernières conclusions d’intimée en date du 22 octobre 2020, demande à la cour, au visa de l’article 1240 du code civil, de :

Confirmer le jugement rendu le 4 février 2020 en ce qu’il a prononcé la mise hors de cause la société Ageas France ;

Infirmer le jugement rendu le 4 février 2020 en ce qu’il a débouté la société Ageas France de sa demande en paiement de dommages et intérêt d’un montant de 10.000,00 euros formée à l’encontre de M. [E] pour procédure abusive ;

– condamner M. [E] au paiement de la somme de 10.000,00 euros à la société Ageas France au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamner M. [E] aux entiers dépens d’instance, dont distraction au

profit de Maître Albin TASTE, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

La société Oradea Vie, dans ses dernières conclusions d’intimée en date du 22 octobre 2020, demande à la cour, au visa des 2224 et suivants articles du code civil et L110-4 du code de commerce, de :

– dire et juger irrecevables les actions en nullité et en responsabilité de M. [U] [E] comme étant prescrites,

Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

– condamner tout succombant au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner tout succombant aux entiers dépens d’instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de Maître A-S Verdier sur son affirmation de droit.

La SCP [W] et [A], dans ses dernières conclusions d’intimée en date du 23 octobre 2020, demande à la cour de :

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Périgueux du 4 février 2020 ;

En conséquence,

A titre principal :

– juger irrecevables les demandes de M. [E] à l’encontre de la SCP [W] et [A].

A titre subsidiaire :

– débouter M. [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, à l’encontre de la SCP [W] et [A].

En tout état de cause :

– condamner M. [E] à payer à la SCP [W] et [A] une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [E] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Laydeker Sammarcelli Mousseau, avocat, sur ses affirmations de droit.

Maître [R], dans ses dernières conclusions d’intimée en date du 21 octobre 2020, demande à la cour, au visa des articles 2224, 2222 et 2270-1 anciens et 1240 du code civil, de :

A titre principal,

Confirmer le jugement entrepris ayant déclaré irrecevables comme prescrites l’action en nullité et l’action en responsabilité à l’encontre des défendeurs de M. [E], en l’état des éléments exposés ci-dessus, les premiers Juges ayant fait une juste appréciation des éléments de fait et de droit de la cause.

– dire et juger l’action de M. [E] à l’encontre de Maître [R], notaire, définitivement prescrite en application des articles 2224, 2222 du Code Civil et par voie de conséquence, irrecevable, en l’état des éléments exposés ci-dessus.

A titre subsidiaire,

– dire et juger que l’action et les demandes de M. [E] portent exclusivement sur l’opportunité économique et financière de l’opération.

– dire et juger l’acte de vente du 30 décembre 2005 reçu par Maître [R] pleinement efficace.

– dire et juger mal fondées les demandes de M. [E] en tant que dirigées à l’encontre de Maître [R], notaire, en l’état des éléments exposés ci-dessus caractérisant l’absence de tout manquement de la concluante, de tout lien de causalité et préjudice subséquent, en ce que le Notaire ne saurait être tenu d’une quelconque obligation concernant l’opportunité économique et financière d’une opération.

En conséquence,

– débouter M. [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l’encontre de Maître [R], notaire.

– prononcer la mise hors de cause pure et simple de Maître [R], notaire.

– dire et juger que Maître [R], Notaire, ne saurait être concerné et sa responsabilité engagée du chef d’éventuelles man’uvres dolosives et/ou pratiques commerciales trompeuses, en l’état des éléments exposés ci-dessus.

– débouter M. [E] de ses demandes à titre de dommages-intérêts fondées sur d’éventuelles man’uvres dolosives ou pratiques commerciales trompeuses.

– dire et juger que Maître [R], Notaire, ne saurait être concerné par les problèmes résultants des défauts de réalisation de travaux, non-conformités et autres, survenus postérieurement à l’acte de vente.

A titre très subsidiaire,

– débouter M. [E] de sa demande à hauteur de 415 800 euros correspondant à la restitution du prix de vente et prix des travaux qui ne saurait concerner le Notaire, en ce que la restitution du prix de vente et prix des travaux ne saurait constituer, un préjudice indemnisable pouvant être mis à la charge du Notaire qui n’en a pas perçu le prix et ce au regard de la jurisprudence désormais constante.

– débouter M. [E] de ses demandes respectives à hauteur de 245 800 euros au titre du préjudice financier ; de 249 480 euros au titre de la perte de chance et 21 000 euros au titre de la carence locative en tant que dirigées à l’encontre de Maître [R], en l’état des éléments exposés ci-dessus.

– débouter M. [E] de sa demande à hauteur de 25 000 euros au titre du préjudice moral, en l’état des éléments exposés ci-dessus

– débouter M. [E] de sa demande à hauteur de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, en l’état des éléments exposés ci-dessus.

– condamner M. [E] à payer à Maître [R], notaire, la somme de 3 000 euros titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

– débouter tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Laydeker-Sammarcelli-Mousseau, avocats associés, sur son affirmation de droit en application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

La société Cardif Assurances Vie, dans ses dernières conclusions en intervention volontaire en date du 18 octobre 2022, demande à la cour de :

– déclarer irrecevable et mal fondé l’appel interjeté par M. [E]

Ce faisant,

Confirmer la décision entreprise,

Subsidiairement, si la Cour devait réformer le jugement dont appel,

Confirmer la mise hors de cause de la société Ageas France,

– donner acte à la société Cardif Assurance Vie de son intervention volontaire.

La SAS Winner Winner et la Sarl Winner Finance Conseil, bien que régulièrement à la Sarl Hirou ès qualitès de mandataire judiciaire de la SAS Winner Winner pour la première, par exploit d’huissier en date du 31 août 2021 portant notification de la déclaration d’appel et des conclusions d’appelant du 24 juillet 2020 et modificatives du 27 juillet 2020, n’ont pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2023.

Lors de l’audience des plaidoiries la cour a invité les parties à présenter leurs observations par une note en délibéré à intervenir au plus tard le 5 juin 2023 sur le moyen relevé d’office suivant:

-l’application des dispositions de l’article 2270-1 ancien du code civil à l’espèce s’agissant du point de départ de la prescription des actions en responsabilité extra-contractuelle: manquement au devoir de conseil des professionnels et des notaires.

Par ailleurs, en cours de délibéré, le 2 juin 2023, la cour a sollicité les observations des parties sur :

– la qualité de professionnel de la vente immobilière de la Sarl Rovez Investissement et sur les conséquences de cette qualification sur l’obligation de conseil pesant sur le vendeur,

-le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité introduite contre le banquier au regard de l’article L 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, et notamment la possibilité de retenir ‘la date de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s’est révélé à la victime si celle ci établit qu’elle n’en avait pas eu connaissance antérieurement’ plutôt que la date de souscription du crédit, ce par le biais d’une note en délibéré à intervenir au plus tard le 10 juin 2023,

Vu la note en délibéré adressée par maître [R] le 2 juin 2023,

Vu les notes en délibéré de la SA BNP Paribas en date des 2 et 8 juin 2023,

Vu la note en délibéré de la société [W] [A] en date du 5 juin 2023,

Vu les notes en délibéré de la Sarl Rovez Investissement en date des 5 juin 2023 et 9 juin 2023,

Vu la note en délibéré de M. [E] le 7 juin 2023,

Vu la note en délibéré de la société Oradea Vie du 8 juin 2023,

Il n’y a pas lieu de tenir compte de la note en délibéré adressée le 13 juin 2023 par M. [E] accompagnée de plusieurs pièces dont les statuts de la société Rovez Investissement, produits hors délais.

Enfin, le 22 juin 2023 la cour a sollicité les observations de M. [E] sur l’application d’office des dispositions de l’article L 622-21et L 622-22, L 622-24 et R 622-24 du code de commerce, posant le principe de l’interruption des actions tendant à la condamnation du débiteur qui fait l’objet de l’ouverture d’un procédure collective, en paiement de sommes, aux demandes formulées par M. [E] à l’encontre de la société Winner Winner tendant à sa condamnation au paiement de sommes d’argent, au regard de l’ouverture d’une procédure collective à son encontre, dès lors qu’il n’apparaît pas que M. [E] a déclaré sa créance conformément aux textes

susvisés, à intervenir sous forme de note en délibéré au plus tard pour le 4 juin 2023.

Il n’a pas été déposé d’observations sur ce point dans le délai imparti.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La décision n’est finalement pas contestée en ce qu’elle a écarté la fin de non recevoir tirée d’un défaut de publication de l’assignation des acquéreurs en nullité de la vente immobilière, le tribunal ayant constaté que cette formalité avait eu lieu et avait donc régularisé la situation.

M. [E] agit à la fois en nullité de la vente pour dol contre le vendeur et en responsabilité contre les différents intervenants à la vente, ce en quoi il a été déclaré irrecevable en toutes ses demandes par le jugement déféré à la cour du fait de la prescription.

I -Sur l’action en nullité de la vente pour dol :

Il est reproché au tribunal d’avoir recherché la prescription de l’action point par point alors que le dol s’évincerait en l’espèce d’un ensemble d’éléments constitués au fur et à mesure, qui se sont cumulés depuis le démarchage par la société Winner Winner jusqu’à la signature de l’acte de vente par le biais de procurations auprès d’un notaire toulonnais et qu’il ne s’est révélé à eux qu’à l’occasion de la consultation de leur conseil courant 2014 ou à l’occasion de la lecture d’articles de presse courant 2015, en sorte que l’action ne serait pas prescrite, ce d’autant qu’il doit être tenu compte de l’avantage fiscal de 15 années, ayant nécessairement différé le point de départ de la prescription.

A. Sur la prescription de l’action en nullité de la vente :

La nullité de la vente pour dol est poursuivie à l’encontre de la Sarl Rovez, vendeur immobilier, par l’entremise de la société Winner Winner, les appelants insistant en effet sur un démarchage particulièrement accrocheur de la part de la société Winner Winner, une présentation commerciale trompeuse du projet (acquisition, cadre historique et travaux), une proposition de financement adossée à un dispositif fiscal intéressant allant jusqu’à la prise en main de la signature des actes par le biais de procurations, le tout participant d’une présentation dolosive du projet dans son ensemble.

Cependant, dans ses conclusions au fond s’agissant de sa demande de nullité de la vente pour dol reproché à la seule société Rovez, l’appelant ne formule finalement à l’encontre de celle-ci que quatre griefs portant sur:

-le prix d’acquisition,

– le prix annoncé du locatif,

-la nature du bien vendu comme F3,

-la présentation du château et de la copropriété.

Ces quatre éléments peuvent eux mêmes être regroupés en deux griefs, d’une part le rapport coût /bénéfice de l’acquisition et d’autre part, la présentation de l’appartement et de son environnement (copropriété).

Or, si l’appelant se prévaut des dispositions de l’article 2224 du code civil, entré en vigueur postérieurement au contrat dont s’agit, soutenant que le point de départ de la prescription doit être ‘situé au jour ou la victime a pris connaissance ou aurait dû prendre connaissance des faits nécessaires à l’exercice de son action’, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que s’appliquait à la prescription de l’action en nullité pour dol l’article 1304 du code civil, sauf à préciser qu’il s’applique dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2009, selon lequel, ‘dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts’.

Le tribunal a également observé que la réforme de la prescription n’avait pas eu d’incidence sur la prescription applicable à la présente instance dès lors que la prescription de l’action en matière de dol était déjà soumise au délai quinquennal avant la réforme mais il convient surtout d’observer que la réforme de la prescription, si elle s’est appliquée immédiatement aux prescriptions en cours, s’agissant des délais plus courts, n’a pas modifié le point de départ des délais pour agir qui sont demeurés soumis aux lois antérieures à son entrée en vigueur, alors que ce qui est précisément discuté en l’espèce, ce n’est pas le délai pour agir mais bien le point de départ de celui-ci.

D’ailleurs, l’appelant convient également dans ses écritures (page 19) que ‘la prescription de 5 ans ne s’applique pas à compter de la date d’achat mais à compter de la découverte des faits dolosifs.’ Et c’est effectivement la notion de ‘découverte’ des faits qui doit être retenue comme constituant le point de départ de la prescription.

Dès lors, M. [E] invoquant à l’encontre du vendeur quatre faits précis susceptibles de constituer un dol, il importe de rechercher point par point la date de leur découverte ainsi qu’y a procédé le tribunal.

Sur la valeur locative et la valeur du bien :

Pour retenir la prescription de l’action engagée les 31 août, 4 et 5 septembre 2017 sur ces deux fondements, le tribunal a relevé que, dès le mois de janvier 2009, et en tous les cas à compter de la fin de l’année 2011, l’appelant avait connaissance du manque de rendement locatif annoncé et, la valeur locative d’un bien immobilier étant corrélée à sa valeur, qu’il disposait au plus tard à la fin de l’année 2011 des éléments lui permettant également d’apprécier la valeur réelle de son bien, pour agir.

L’ appelant fait au contraire valoir que l’investissement ayant été réalisé dans le cadre du dispositif de la loi Monument Historique qui prévoit que le bien doit être loué pendant une période minimale de 15 ans, étant adossé durant cette période à un avantage fiscal, il n’a pu découvrir la perte de valeur vénale qu’à l’issue de ces 15 ans à compter de la première mise en location en 2009. Mais il conclut également que ce n’est qu’après ‘le second épisode d’une longue carence locative de 18 mois à compter du 13 août 2012, la location s’étant achevée le 31 juillet 2012, qu’il a eu alors pleinement conscience de la difficulté locative particulière liée à cet investissement’, en sorte que l’assignation délivrée en juillet 2017 n’est pas prescrite.

Cependant, le tribunal a justement retenu que la perspective d’un rendement locatif annoncé de 1 000 euros par mois, ainsi que s’en prévaut l’appelant devant la cour, a été revue à la baisse dès la première mise en location du bien, le 10 octobre 2009 jusqu’au 27 octobre 2010 au prix de 550 euros, avant de subir une vacance de locative de 16 mois jusqu’au 1er mars 2012, date à laquelle le bien a été reloué pour un prix de 650 euros durant 5 mois jusqu’au 31 juillet 2012 avant de subir une nouvelle vacance locative de 8 mois à l’issue de laquelle le bien a été reloué pour un montant de 580 euros.

Force est ainsi d’observer les difficultés locatives majeures rencontrées par M. [E] dès la première location, alors même qu’il apparaît qu’il n’a pu louer son bien pour la première fois qu’en octobre 2009, les travaux ayant été réceptionnés en novembre 2008, comme en atteste la déclaration d’achèvement des travaux, sans s’expliquer sur ce qui s’apparentait déjà à une vacance locative de 11 mois expliquant que la première mise en location de l’appartement ait été conclue pour un loyer de 550 euros, particulièrement bas au regard du loyer initialement annoncé et qui ne permettait d’ores et déjà plus à M. [E] d’espérer respecter l’équilibre financier du projet, qui impliquait à la fois, rappelons-le, avantage locatif, valeur du bien et avantage fiscal. Dans ce contexte, la très longue période de vacance locative qui s’est ensuivie durant 16 mois ayant expiré au 1er mars 2012, qui correspond à une difficulté dirimante en suite des deux premières difficultés ayant également remis en cause la perception de l’avantage fiscal, a incontestablement marqué la découverte par M. [E], sans attendre le terme de cette période, non seulement du défaut de rendement locatif du bien mais également nécessairement de la dépréciation de la valeur du bien alors que, même simple particulier, M. [E] ne pouvait pour autant ignorer que la piètre valeur locative du bien révélait également et nécessairement une bien moindre valeur du bien.

Le rendez vous pris chez son conseil en 2014, bien après la découverte de la surévaluation du rendement locatif du bien et partant de sa valeur, s’il a marqué la décision pour M. [E] d’agir en justice ou de se renseigner sur l’opportunité de le faire ainsi que la définition d’une stratégie à adopter, n’a rien ajouté en terme de découverte des faits susceptibles de caractériser un dol.

C’est donc avec justesse que le tribunal a considéré, au regard de la longue période de vacance locative qui atteignait d’ores et déjà 14 mois en fin d’année 2011, laquelle s’était ajoutée à une absence de location antérieure du bien durant près d’un an ayant justifié une première mise en location pour un loyer de près de moitié inférieur au loyer initialement prévu, que l’appelant avait au plus tard à cette date découvert la présentation fallacieuse ou dolosive du projet financier dans son ensemble, et jugé en conséquence prescrite l’action entreprise par les assignations des mois de juillet et août 2017, sur ce fondement, peu important en effet que l’acquéreur bénéficiait de l’avantage fiscal durant 15 années, alors qu’il n’a d’ailleurs pas attendu l’expiration de celui-ci en 2024 (15 ans après la première mise en location du bien) pour agir, ce qui atteste le caractère tout à fait théorique de cette date en l’espèce.

Sur la présentation du bien (F3)

Il en va autrement de l’action entreprise sur le fondement du dol sur la présentation de l’appartement en F3 pour laquelle le premier juge a retenu que le point de départ de la prescription a commencé à courir au jour de la vente où l’ acquéreur ‘était en mesure de connaître’, à tout le moins dès la remise des clés, que la superficie Carrez du lot n° 3 n’était pas conforme aux mentions du compromis de vente, ce qui revient à lui opposer qu’il ‘aurait dû connaître’ cet élément à cette date mais ne suffit pas à établir que M. [E] a effectivement découvert à cette occasion la superficie Carrez effective du bien, alors qu’il n’est pas contesté que l’acte de vente a été signé par l’entremise d’un clerc de notaire, M. [E] qui avait remis procuration, n’y étant pas présent, que celui-ci a ensuite confié la gestion locative du bien à une agence en sorte qu’il n’a pas découvert à cette date les faits susceptibles de constituer un dol.

Le fait qu’il a pourtant déclaré avoir pris connaissance du projet d’acte de vente qui lui a été adressé par lettre recommandée avec accusé de réception le 14 décembre 2005, présentée le 15 décembre 2005, et qu’il a déclaré avoir bénéficié d’un délai de rétractation de 7 jours est sans incidence sur la découverte des faits lui permettant d’agir puisqu’il soutient que le bien décrit dans l’acte de réservation et l’acte authentique de vente comme un F3 ne correspond finalement pas à la réalité du bien acquis, ce dont il n’a pu prendre connaissance au moment de la vente.

En l’absence de tout élément de preuve que M. [E] a découvert avant les mois de juillet/août 2012, les éléments caractérisant un dol concernant la présentation de l’appartement vendu, antérieurement aux contacts pris avec un conseil, courant 2014, ainsi que l’acquéreur le soutient, l’action entreprise sur ce fondement, le 31 août 2017, n’est pas prescrite et le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ce qu’il en a autrement décidé.

Sur la présentation de la copropriété:

L’appelant fait encore valoir qu’il a été trompé sur la présentation de la copropriété et sa consistance, en ce sens notamment que la maison de gardien qui était présentée comme en faisant partie a finalement été conservée par son propriétaire.

Sur ce point, le jugement ne saurait davantage être confirmé en ce qu’il a retenu que M. [E] ‘disposait dès la conclusion de l’acte de vente de tous les éléments lui permettant de déterminer l’étendue exacte de la copropriété’, alors qu’il soutient avoir été trompé et n’avoir découvert cet élément que lors qu’il a pris rendez vous chez son conseil en fin d’investissement, rappelant que du fait du système mis en place, il n’a jamais rencontré aucun professionnel, l’ensemble des actes y compris la recherche d’un prêt ayant été effectivement opérés par procuration, le notaire chargé de l’opération ayant sa résidence à [Localité 13].

Or, aucun élément ne permet de dater la découverte par l’appelant du contenu effectif de la copropriété avant les contacts pris avec son conseil en 2014 ou la publication concomitante d’articles de presse, en sorte que l’action en nullité pour dol sur ce fondement n’est pas prescrite, et que le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

B ) Sur le bien fondé de l’action pour dol.

Selon l’article 1116 du code civil, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de la réforme du droit des obligations, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol exige en conséquence que soit rapportée la preuve de manoeuvres dolosives émanant du cocontractant ayant vicié le consentement et emporté erreur dans son esprit.

Sur la présentation du château et de la copropriété :

L’appelant a vu son argument selon lequel il lui aurait été présenté une copropriété comportant notamment une maison de gardien, alors que le vendeur se la serait finalement gardée pour lui, justement rejeté par le tribunal qui a retenu que, ni le projet d’acte de vente dont il a été destinataire, ni l’acte de vente qu’il a signé, et ce même par représentation, alors que ces actes authentiques ne sont pas argués de faux, ne mentionnaient la maison de gardien dans la copropriété et que la copropriété s’avérait correspondre exactement à ce qui avait été effectivement vendu.

M. [E] soutient également que la plaquette de présentation du projet ainsi que ‘l’économie même du projet laissait entendre que le Château serait rénové dans sa globalité’ alors qu’il n’en a rien été, seule la partie intérieure des lots ayant été rénovée.

De même, il prétend que la société Rovez a trompé les acquéreurs en ce qu’ils croyaient acheter un lot d’un domaine historique complet, incluant le Château, le parc, les allées ainsi qu’une maison à l’entrée du château juste après le portail, dite maison de gardien.

Cependant, la présentation à son avantage du projet dans une plaquette n’ayant aucune valeur contractuelle ne constitue un dol qu’à la condition de démontrer qu’elle constitue une exagération fautive de sa présentation caractérisant des manoeuvres dolosives destinées à surprendre le consentement de l’acquéreur, ce qui n’est pas établi en l’espèce.

En effet, l’appelant se contente d’indiquer que les ‘parties extérieures se sont révélées ne pas faire partie de l’enveloppe des travaux, ce dont il n’avait pas été préalablement informé’ (page 36), ce dont il ne ressort pas qu’une fausse information lui aurait été donnée à ce sujet par le vendeur, alors que la charge de la preuve repose sur le demandeur.

Quant à la ‘piètre’ qualité de la rénovation telle qu’elle ressortirait du constat d’huissier dressé par maître [D], elle ne saurait en soi, en l’absence de tout élément permettant d’établir que les travaux auraient été notamment volontairement sur évalués ou mal effectués, ce qui n’est pas même affirmé, caractériser une manoeuvre dolosive destinée à surprendre le consentement de l’appelant.

Il convient en effet de rappeler avec la société Rovez Investissement que celle-ci, poursuivie en qualité de vendeur, s’est effectivement contentée de vendre un appartement en l’état vétuste, n’étant pas établi, ni même allégué, qu’elle serait intervenue dans le choix du cadre fiscal de la loi sur les Monuments Historiques qui a été proposé par la société Winner Winner, à savoir un investissement immobilier locatif dans un monument historique à rénover avec le bénéfice d’un régime de fiscalité particulièrement attractif de 15 ans, ni dans le volet travaux de l’opération, ni dans la publicité qui a pu être faite de l’opération.

En effet, l’appelant fait état d’une présentation commerciale du projet émanant de la société Winner Winner. S’il indique simplement que ‘la société Rovez Investissement et la société Winner Winner ont construit une proposition commerciale dans sa globalité dans le seul but de vendre un bien immobilier dans le cadre de la loi monuments historiques, selon une méthode de vente désormais très classique en matière d’acquisition en loi de défiscalisation’ ou en conclusion avoir été trompé sur le projet par la société Rovez ‘par l’entremise’ de la société Winner Winner, évoquant la notion de dol du fait d’un tiers, il n’indique pas en quoi la société Rovez serait intervenue dans la phase de démarchage, de commercialisation, dans la proposition d’un mode de financement adossé à l’achat, voire dans l’obtention des procurations, se contentant sur ces différents points de mettre en évidence des faits reprochés à la société Winner Winner, sans jamais caractériser, ni même qualifier, la relation qui aurait existé entre les dites sociétés, ni préciser la nature de la relation contractuelle avec le conseiller en gestion de patrimoine par laquelle celui-ci a été amené à lui proposer le bien litigieux à l’achat.

En l’état de la carence probatoire de l’appelant dans la caractérisation de manoeuvres émanant du vendeur, y compris par le biais de la société Winner Winner, destinées à surprendre son consentement, M. [E] sera débouté de son action en nullité pour dol sur la présentation de la copropriété.

Sur la présentation de l’appartement en F3 :

M. [E] fait valoir qu’il résulte de l’avant contrat qu’il a acquis un appartement de type F3 Duplex de 118,80 m2 comportant deux chambres alors que l’attestation de surface Loi Carrez mentionne une surface de 70,80 m2, que de même l’appartement devait contenir deux chambres mais que celles-ci placées dans la mezzanine ne correspondent pas à la définition de chambres en sorte qu’il n’a finalement pas acquis un F3, ce qui était pourtant déterminant de son choix.

Il soutient qu’il résulte des éléments contractuels, plan annexé au contrat de réservation, évaluation Carrez intervenue avant l’acte de vente et courriers échangés entre les intervenants, qu’il a été trompé sur ce point alors qu’il était déterminant pour lui d’acquérir un F3 car il visait une clientèle avec enfant plus pérenne.

Cependant, s’agissant de la surface effective du bien, loi Carrez, si le compromis de vente portait sur un appartement de type T3 de 120,20 m2, le tribunal a justement relevé d’une part, que l’acte d’acquisition qui a été signé par leur représentant le 30 décembre 2005 décrivait le lot qu’ils ont acquis comme étant de Type T3 duplex d’une surface Carrez de 70,80 m2,le vendeur ayant observé expressément à l’acte que l’appartement comprenait une mezzanine de 43,40 m2 et d’autre part, qu’aucun des actes n’a jamais mentionné le nombre de chambres.

S’il est constant que l’appartement ne peut effectivement pas être loué comme un F3 en regard de la configuration des chambres en mezzanine, il ne peut être évincé de cette seule réalité des manoeuvres imputables au vendeur de nature à caractériser un dol, alors qu’au surplus il n’apparaît pas que le vendeur ait jamais fait personnellement obstacle à la visite du bien par l’acquéreur ainsi qu’il lui était loisible, n’étant pas non plus allégué qu’il serait intervenu pour proposer la signature des actes par procuration.

En l’état de sa carence probatoire M. [E] sera débouté de son action en nullité de la vente pour dol sur ce fondement.

Par voie de conséquence, il sera nécessairement débouté de toutes ses demandes en nullité des contrats de prêt et des contrats d’assurance y afférents avec remise des choses en leur état antérieur. Il sera ajouté en ce sens au jugement entrepris.

II – Sur l’action en responsabilité pour manquement des professionnels à leur devoir d’information et de conseil :

A. Sur la prescription de l’action en responsabilité :

Le tribunal a fait application des dispositions de l’article 2224 du code de procédure civile selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans ‘à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’ et rappelé que la loi du 17 juin 2008 relative à la prescription, entrée en vigueur le 19 juin 2008, a réduit de 30 ans à 5 ans le délai des actions mobilières prévu par l’ancien article 2262 du code civil, que par application de l’article 2222 du code civil le nouveau délai plus court issu de la loi du 17 juin 2008 s’est appliqué au jour de son entrée en vigueur aux prescriptions en cours sans que la durée totale puisse excéder le délai prévu par la loi antérieure.

Cependant, si le nouveau délai quinquennal de prescription des actions personnelles et mobilières, au terme des dispositions transitoires de la loi n° 2008- 561 du 17 juin 2008 s’est effectivement appliqué immédiatement aux prescriptions en cours non acquises au jour de son entrée en vigueur, le 19 juin 2008, en aucun cas les dispositions transitoires de l’article 26 II de la loi portant réforme de la prescription n’ont modifié le point de départ des prescriptions en cours au jour de son entrée en vigueur.

Il est constant que le notaire instrumentaire engage sa responsabilité extra-contractuelle dans l’établissement des actes et que le professionnel engage pareillement sa responsabilité extra contractuelle au titre de son manquement à son obligation pré-contractuelle d’information et de conseil.

Or, antérieurement à la réforme de la prescription, l’ancien article 2270 -1du code civil s’appliquant aux actions en responsabilité délictuelle, prévoyait que ‘les actions en responsabilité civile extra contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation’.

Au regard de la date de l’acte authentique antérieur au 19 juin 2018, le point de départ de la prescription est donc demeuré ici la date de manifestation du dommage ou de son aggravation tel que prévu par l’article 2270-1 ancien, date à partir de laquelle la réforme de la prescription est venue substituer au délai décennal, le délai quinquennal plus court, sans qu’au total, les prescriptions ayant déjà commencé à courir puissent excéder le délai de 10 ans.

Sur la recevabilité de l’action à l’encontre de la société Winner Winner :

S’agissant de la société Winner Winner, l’action engagée à son encontre par M. [E] se heurte au principe de principe de l’interruption des actions tendant à la condamnation du débiteur qui fait l’objet de l’ouverture d’un procédure collective en paiement de sommes, tel qu’il résulte des dispositions des articles L 622-21et L 622-22, L 622-24 et R 622-24 du code de commerce.

En effet en cours de procédure d’appel, a été prononcée l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l’encontre de cette société ce qui obligeait M. [E] qui agit en responsabilité contre la société Winner Winner et en dommages et intérêts, à déclaré sa créance, ce que ne justifiant pas avoir fait, ses demandes à l’encontre de la SAS Winner Winner sont irrecevables. La décision entreprise est en conséquence confirmée en ce qu’elle a déclarée l’action irrecevable à son égard, mais sur un autre fondement.

Quant aux demandes formulées à l’encontre de la société Winner Finance Conseil, elles ne sont accompagnées d’aucun moyen de droit ou de fait à l’encontre de cette société en dehors des seules condamnations sollicitées à son encontre, en sorte M. [E] ne saisit la cour d’aucun moyen de réformation de la décision entreprise à son égard, ce en quoi elle sera confirmée.

Sur la prescription de l’action en responsabilité contre le vendeur :

Il est difficile d’isoler le manquement reproché à la société Rovez Investissement par l’appelant qui permettrait de rechercher une éventuelle prescription de l’action. Toutefois il est mentionné par l’appelant (ses conclusions page 43), la société Rovez n’a informé à aucun moment M.[E] sur les différents points visés au paragraphe précédent.

Or, le paragraphe précédent reproche au vendeur ‘d’avoir joué sur l’ambiguïté trompant la confiance et l’acquiescement à l’acquisition de M. [E]’ et le paragraphe précédent fait référence à des ‘éléments liés à la vente trompeurs à son égard’ le vendeur les ayant trompés ‘sur d’autres sujets’, ‘ne leur ayant pas donné connaissance d’informations essentielles pour une complète et exacte analyse de la situation’, sans autres précisions.

Cette présentation évasive fait référence à un manquement à un devoir d’information et de conseil dont l’appelant soutient par ailleurs qu’il n’aurait pris connaissance qu’ après avoir consulté son conseil à la suite de différentes alertes.

De manière générale, M. [E] soutient avec exactitude, invoquant cependant à tort dans ses conclusions les dispositions de l’article 2224 du code civil, que la prescription de l’action en responsabilité fondée sur un manquement à l’obligation d’information loyale court à compter du jour où le dommage s’est révélé, et non la date de conclusion de l’acte de vente. Il en déduit que ce n’est qu’à partir de la première difficulté, à la fois en terme de location, puis de la découverte du prix surdimensionné du bien, et ‘des autres éléments du dol’ de la part des différents intervenants à cette opération, que l’ acquéreur a découvert le préjudice allégué dont il demande aujourd’hui réparation.

Cependant, la société Rovez observe à bon droit, que s’agissant des manquements allégués au devoir de conseil sur la rentabilité locative et la valeur du bien, la prescription a couru dès 2011 et au plus tard fin 2011, date à laquelle il a été précédemment retenu que M. [E] avait pleine connaissance d’une rentabilité locative sans commune mesure avec celle annoncée et, par voie de conséquence, d’une dépréciation significative de la valeur du bien, ce qui a constitué pour lui la manifestation suffisante du dommage, quand bien même l’investissement incluait le bénéfice d’un avantage fiscal sur quinze ans, en sorte qu’il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la prescription de l’action en responsabilité contre le vendeur, peu important que l’investissement ne soit pas arrivé à son terme puisque d’ores et déjà il s’était manifesté à lui que le rendement locatif ne serait pas atteint, que la valeur du bien était manifestement surestimée et qu’il n’avait pu bénéficier de l’avantage fiscal pendant une période de vacance locative de plus d’un an en fin d’année 2011, n’ayant de toute façon pas attendu la fin du délai de 15 ans pour agir.

Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu’il a déclaré prescrite l’action en responsabilité contre le vendeur pour manquement à son devoir de conseil s’agissant de la rentabilité de l’opération.

S’agissant au contraire du manquement au devoir de conseil quant à la présentation du bien vendu et de la copropriété, il n’est allégué aucun élément postérieur à la vente qui marquerait la manifestation d’un dommage aux yeux de l’acquéreur de nature à faire courir le délai de prescription de ce chef en sorte que cette action n’est pas prescrite.

Sur la prescription de l’action en responsabilité contre le notaire instrumentaire:

Il est constant que le notaire instrumentaire engage sa responsabilité extra-contractuelle dans la rédaction des actes et que cette prescription est demeurée soumise quant au point de départ de la prescription aux dispositions de l’article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, celle ci n’étant d’application immédiate aux prescriptions en cours qu’en ce qu’elle a fait passer le délai de la prescription de 10 à 5 ans, seul étant en discussion ici le point de départ de la prescription.

Le notaire fait valoir que la prescription de l’action pour manquement à son devoir d’information, de conseil et de mise en garde, au regard de la complexité de l’opération projetée, a couru soit au jour de la vente en décembre 2005, soit au plus tard en décembre 2011, puisqu’à cette date, l’acquéreur était parfaitement informé, des caractéristiques du bien vendu, de la consistance de la copropriété, de la valeur de son investissement et de la qualité des travaux de restauration dont il se plaignait, en sorte que l’action entreprise à son égard par exploit en date du 31 août 2017 est prescrite.

L’appelant fait au contraire valoir qu’il reproche au notaire, comme au promoteur ou au conseiller en gestion de patrimoine, un manquement à son obligation quant à l’équilibre économique global de l’investissement réalisé, de ne pas l’ avoir alerté sur les risques encourus et que c’est la date à laquelle le dommage s’est manifesté dans toute son ampleur et sa consistance qui constitue le point de départ du délai pour agir, qui ne peut être la date de l’acte, alors que ce n’est ‘qu’à partir de la première difficulté, à la fois en terme de location, puis de la découverte du prix surdimensionné du bien, et des autres éléments de dol de la part des autres intervenants à cette opération, que les acquéreurs ont pu prouver le préjudice allégué dont ils demandent aujourd’hui réparation’ (ses conclusions page 42).

Il reproche également au notaire instrumentaire un manquement à son devoir de conseil, à savoir, un manquement à son obligation ‘en général’ dans le cadre d’une vente immobilière, à savoir une absence d’information sur l’opération en général, et absence d’information comparative sur le prix du marché immobilier local.

Or, il a été sus retenu que la première difficulté locative, et plus exactement trois difficultés locatives majeures s’étaient d’ores et déjà manifestées de manière dirimante entre 2009 et l’année 2011, que ces difficultés annonçaient nécessairement aux yeux de l’acquéreur une surévaluation manifeste de la valeur du bien au regard du marasme affectant le marché locatif local et que celui-ci avait nécessairement perdu son avantage fiscal durant plus d’une année.

Si l’acquéreur fait référence à la date à laquelle il a consulté son conseil, en 2014, voire à la date à laquelle il a pris connaissance, en 2015, par des articles de presse ou émissions, des difficultés rencontrées par les acquéreurs avec ce type d’investissements défiscalisés, la date de 2014, qui est antérieure à celle de 2015, apparaît avoir marqué le choix de la stratégie à adopter au regard d’une perte de rendement dont la manifestation était d’ores et déjà patente dès le début de l’année 2011 et en tout état de cause à la fin de l’année 2011.

Il s’ensuit que l’action en responsabilité engagée le 31 août 2017 contre le notaire instrumentaire s’agissant de l’information afférente à l’investissement réalisé ou à la valeur du bien est prescrite, ce en quoi le jugement entrepris est confirmé.

Sur la prescription de l’action en responsabilité contre le notaire procurateur :

Le devoir de conseil du notaire relevant de son statut, le manquement du notaire procurateur, mandataire de son client, à son devoir d’information et de conseil relève, ainsi que l’observe à juste titre la SCP [W]- [A], de la responsabilité extra-contractuelle de l’ancien article 1382 du code civil. L’action engagée contre le notaire procurateur sur ce fondement se trouve en conséquence également soumise à la prescription de l’ancien article 2270-1 du code civil s’agissant du point de départ de la prescription qui n’a pas été modifié, pour les prescriptions en cours à la date du 19 juin 2008, par la réforme de la prescription, seule la durée de la prescription ayant été ramenée à 5 ans.

Il est reproché ici un double manquement de la société SCP [W]-[S] et [A] dans le cadre de la procuration qui lui a été donnée le 21 décembre 2005 (pour représenter M. [E] devant le notaire instrumentaire ‘pour la signature de l’acte authentique de vente le 30 décembre 2005″, ainsi que ‘pour la signature de deux actes authentiques de prêt auprès de la société Fortis Banque, le 15 décembre 2005 pour le financement de l’acquisition et le 30 décembre 2005 et pour le financement des travaux.’

L’ appelant sollicite finalement par le biais de sa note en délibéré au regard de la date de conclusion du contrat antérieure à la réforme de 2008, l’application, s’agissant du point de départ de la prescription, des dispositions de l’article 2270-1 ancien du code civil, la réforme de la prescription issue de la loi du 17 juin 2008, n’ayant pas modifié le point de départ des prescriptions en cours à la date de son entrée en vigueur.

Le notaire procurateur fait au contraire valoir que s’agissant de la consistance du bien acquis, la prescription a commencé à courir à compter de l’acte de décembre 2005 et que s’agissant du grief de manquement à son devoir de conseil sur la valeur du bien et son rendement locatif, l’acquéreur en avait parfaite connaissance dès l’année 2010/2011, peu important que le régime de déduction fiscale ne soit pas parvenu à son terme.

La prescription de l’action ne sera examinée qu’au regard de ce qui est reproché sur le fond au notaire procurateur.

S’agissant de la représentation à l’acte du 30 décembre 2005, la critique visant l’absence de mise en garde sur la valeur du bien et le caractère aléatoire du rendement dans ce type d’opération, se trouve pour les mêmes motifs que précédemment tenant à la révélation du dommage dès avant la fin de l’année 2011, prescrite.

Mais en ce qu’il est fait référence à l’acte du 30 décembre 2005 s’agissant, tant la valeur d’achat du bien et de son rendement locatif que de la consistance du bien vendu, alors que les actes ont tous été passés par procuration, il n’est pas établi que l’ appelant a découvert la réalité de la présentation du bien acquis au moment même de la signature de l’acte et en l’absence d’indication d’éléments postérieurs à la vente ayant pu marquer ‘la manifestation du dommage’ pour l’acquéreur sur ce point, la prescription n’ayant pas commencé à courir, n’était en conséquence pas acquise à la date de l’assignation en août 2017.

Le jugement entrepris est donc infirmé en ce qu’il a déclaré l’action prescrite de ce seul chef tenant à la présentation ou à la consistance du bien lui même.

S’agissant de la représentation à la signature des deux actes de prêts, la société [W] [A] n’allègue aucune prescription en défense.

Il conviendra donc de statuer sur le bien fondé de l’action à son encontre au titre de la consistance du bien acquis et de son environnement et de la signature des deux actes de prêts.

B ) Sur le bien fondé de l’action en responsabilité :

Sur la responsabilité du vendeur :

Seule a été retenue comme n’étant pas prescrite l’action dirigée contre le vendeur pour manquement à son devoir de conseil s’agissant de la consistance du bien vendu et de son environnement (copropriété).

S’il appartient au professionnel de justifier qu’il a rempli son devoir d’information et de conseil, il doit cependant être observé que les griefs articulés à l’encontre de la Sarl Rovez s’agissant de l’engagement de sa responsabilité pour manquement à son obligation de conseil sont particulièrement flous.

En tout état de cause, il a été justement énoncé par le tribunal que l’acte par lequel l’acquéreur s’est déterminé portait une description précise des caractéristiques de l’appartement vendu et de la copropriété et pour le surplus il n’est pas indiqué en quoi la Sarl Rovez qui n’a fait que vendre un appartement à rénover en l’état aurait manqué à son obligation de conseil sur les caractéristiques du bien qu’elle vendait ce dont l’acquéreur pouvait parfaitement se convaincre en visitant l’appartement avant son acquisition, ce qui est normalement attendu d’un acquéreur, même profane.

Le vendeur n’a donc pas manqué à son obligation de conseil sur ces points en sorte que M. [E] sera débouté de sa demande de ce chef à l’encontre de la société Rovez Investissement, étant ajouté en ce sens au jugement entrepris.

Sur la responsabilité du notaire procurateur :

Il a été retenu que n’était pas prescrite l’action en responsabilité contre le notaire procurateur concernant la consistance du bien acquis et celle de la copropriété.

Cependant, ainsi qu’il a été retenu, s’il appartient au notaire de prouver qu’il a satisfait à son obligation de conseil, laquelle l’oblige a attirer l’attention des parties sur une description qui serait insuffisante du bien acquis tant en ce qui concerne la description du lot privatif que de la copropriété, il apparaît finalement qu’en l’espèce, les actes mentionnent clairement la consistance du bien acquis et notamment sa superficie loi Carrez et que celle-ci comme la description de la copropriété dans l’acte correspondent à la réalité du bien au jour de la vente. En revanche, il n’incombe pas au notaire de visiter le bien, celui ci n’ayant aucune obligation de conseil quant à la superficie de l’appartement et au nombre de pièces qui sont indiquées à l’acte, alors qu’il revient à l’acquéreur, normalement diligent, fut il profane, de visiter le bien qu’il se propose d’acquérir, ce qu’il est supposé avoir fait.

Enfin, quant à la responsabilité du notaire procurateur, dans la souscription des deux crédits afférents, l’appelant n’indique nullement en quoi celui-ci aurait manqué à son obligation de conseil sur ce point, alors que le notaire n’est pas tenu d’un tel devoir d’information quant au choix d’une stratégie d’investissement.

Il convient en conséquence de débouter M. [E] de toutes ses demandes à l’encontre de la société [W] et [A].

III- Sur l’action en responsabilité contre la société BNP Paribas :

A ) Sur la prescription de l’action :

M. [E] indique agir à titre complémentaire en responsabilité contre le banquier pour un manquement à son devoir de conseil au regard du type de prêt proposé.

La BNP Paribas oppose à M. [E] la prescription quinquennale de l’article L 110-4 du code de commerce et fait valoir que le dommage résultant du manquement à l’obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste dès l’octroi du crédit en sorte que l’action serait prescrite.

Les appelants ne répliquent à cette fin de non recevoir.

Selon les dispositions de l’article L 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au présent litige entre le 21 septembre 2000 et le 19 juin 2008, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

La loi du 19 juin 2008 qui a fait passer le délai de prescription de 10 à 5 ans a trouvé application immédiate au cas présent dès lors que la prescription n’était pas acquise à la date d’entrée en vigueur de la loi.

La réforme de 2008 n’a pas modifié la rédaction de ce texte s’agissant du délai de prescription en matière d’action en responsabilité contre le banquier qui dès avant la réforme du 17 janvier 2008 était apprécié comme courant à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s’est révélé à la victime si celle ci établit qu’elle n’en avait pas eu connaissance antérieurement.

Il est admis qu’en cas de manquement du banquier à son obligation de mise en garde à l’occasion d’un prêt in fine, le préjudice de l’emprunteur consiste en une perte de chance d’éviter la réalisation du risque de non remboursement du prêt et non pas une perte de chance de ne pas contracter et que la perte de chance d’éviter la réalisation du risque de non remboursement n’apparaît qu’au terme de l’opération.

Il s’ensuit que l’action entreprise contre la BNP Paribas sur le manquement à son obligation de conseil relativement à la conclusion d’un prêt in fine qui n’est pas arrivé à terme n’est pas prescrite.

En revanche, s’agissant du montage fiscal dans le cadre duquel l’investissement a été réalisé, outre qu’il ne relève pas de l’obligation de conseil et de mise en garde du banquier, le point de départ de l’action en responsabilité du banquier pour manquement à son devoir de mise en garde et de conseil a également pour point de départ le jour de la manifestation du dommage à savoir celui de la réalisation du risque afférent à la fragilité de ce type d’investissement, dont il a été précédemment retenu qu’il était réalisé en l’espèce en cours d’année 2011 et en tous les cas en fin d’année 2011, après que l’acquéreur a subi une première difficulté dans la location de son bien pendant une période de 11 mois suivant l’achèvement des travaux ce qui l’a contraint à mettre en location son bien pour un loyer très inférieur aux prévisions d’un montant de 550 euros au lieu de 1 000 euros, pour connaître une nouvelle période de vacances pendant près de 16 mois ce dont il ressortait que l’acquéreur avait nécessairement connaissance de la surévaluation particulièrement importante de la valeur du bien et de son rendement locatif, ayant d’ores et déjà été privé de l’avantage fiscal pendant la durée de la vacance locative, en sorte que l’action est prescrite de ce chef.

B ) Sur le bien fondé de l’action :

Il est reproché à la banque d’avoir manqué à son obligation d’information et de conseil en ne mettant pas M. [E] en garde sur la particularité du crédit in fine et du risque de non remboursement du prêt à l’échéance.

Il appartient effectivement au banquier de rapporter la preuve qu’il a satisfait à son obligation d’information et de mise en garde de son client sur la particularité et les dangers du crédit in fine.

Cependant, en l’absence de toute notion de réalisation du risque, il n’est nullement établi que le manquement du banquier à son devoir de mise en garde soit à l’origine d’un préjudice pour M. [E] dont il n’est pas indiqué qu’il n’a pu ou n’aurait pu faire face aux mensualités de son crédit, ni ainsi que l’observe justement la banque, que le crédit consenti n’était pas adapté à ses possibilités financières, en sorte qu’il convient de débouter M. [E] de ses demandes indemnitaires à ce titre à l’encontre de la SA BNP Paribas.

Au vu de l’issue du recours, il est sans objet de statuer sur les diverses demandes indemnitaires de l’appelant, étant observé qu’aucune demande n’est formée à l’encontre de la société Oradea Vie et Ageas France.

Il convient par ailleurs de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a par des motifs pertinents que la cour adopte débouté la société Ageas France de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive et en ce qu’il a mis les dépens de première instance à la charge de M. [E].

Succombant en son appel, M.[E] en supportera les dépens et sera équitablement condamné à payer à la société Oradea Vie, à la société Ageas France, à la Sarl Rovez Investissement, à Maître [B] [R], à la SCP [W] & [A] et à la SA BNP Paribas, chacun, une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Infirme partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevables les actions en nullité pour dol sur la présentation du bien vendu et de la copropriété, en responsabilité contre le vendeur pour manquement à son devoir de conseil sur la présentation du bien vendu et de la copropriété, en responsabilité contre le notaire procurateur pour manquement à son devoir de conseil sur ces mêmes éléments et en responsabilité contre banquier au titre de son devoir de mise en garde concernant le crédit in fine.

Statuant à nouveau de ces chefs :

Déclare recevable l’action en nullité de la vente pour dol sur la présentation de l’appartement et de la copropriété.

La dit mal fondée.

Déboute M. [U] [E] de son action en nullité de la vente pour dol relativement à la présentation de l’appartement et de la copropriété.

Déboute M. [U] [E] de toutes ses demandes en découlant.

Déclare recevable l’action en responsabilité extra-contractuelle contre le vendeur pour manquement à son obligation d’information et de conseil relativement aux caractéristiques et à la description du bien vendu et de la copropriété.

Déboute M. [U] [E] de ses demandes de ce chef.

Déclare recevable l’action en responsabilité entreprise contre le notaire procurateur pour manquement à son devoir d’information et de conseil sur les caractéristiques et la description du bien vendu et de la copropriété.

Déboute M. [U] [E] de ses demandes de ce chef.

Déclare recevable l’action en responsabilité entreprise contre le la SA BNP Parias au titre de son devoir de mise en garde s’agissant du crédit in fine.

Déboute M. [U] [E] de ses demandes de ce chef.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions non contraires au présent arrêt et y ajoutant :

Condamne M. [U] [E] à payer au titre de leurs frais irrépétibles d’appel, à la Sarl Rovez Investissement, à Maître [B] [R], à la SCP [W] & [A] à la SA BNP Paribas, la société Oradea Vie et à la Ageas France, chacun, une somme de 1 500 euros.

Condamne M. [U] [E] aux dépens du présent recours avec distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande.

Le présent arrêt a été signé par Mme Paule POIREL, président, et par Mme Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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