Responsabilité du Notaire : 24 août 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 22/00123

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Responsabilité du Notaire : 24 août 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 22/00123
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N° 293

NT

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Copie exécutoire

délivrée à :

– Me Algan,

le 28.08.2023.

Copie authentique

délivrée à :

– Me Quinquis,

le 28.08.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 24 août 2023

RG 22/00123 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 22/17, rg 19/00353 du Tribunal Civil de Première Instance de Paeete du 28 janvier 2022 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 21 avril 2022 ;

Appelante :

La Scp Office Notarial Philippe Clémencet Alexandrine Clémencet et [Y] [X], notaires, dont le siège est sis à [Localité 15] [Adresse 3] ;

Ayant pour avocat la Selarl FMA Avoats, représentée par Me Vaitiare ALGAN, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

La Sci Marland, dont le siège est sis à [Adresse 7] ;

Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;

En présence de :

M. [M] [V], né le 7 mai 1970 à [Localité 15], de nationalité française, agent police municipale, demeurant à [Localité 6] [Adresse 16] ;

Non comparant, assigné à personne le 1er juin 2022 ;

La Société Tahitienne d’Agriculture (Sotagri) dont le siège social est sis [Adresse 8], représentée par son co-gérant [J] [A] ;

Non comparante, assignation transformée en procès-verbal de remise en Etude le 2 juin 2022 ;

Ordonnance de clôture du 12 mai 2023 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 8 juin 2023, devant Mme TISSOT, vice-président placé auprès du premier président, désigné par l’ordonnance n° 57/OD/PP.CA/22 du premier président de la Cour d’Appel de Papeete en date du 7 novembre 2022 pour faire fonction de président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt par défaut ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signée par Mme. TISSOT, présidente et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Selon acte reçu par Me [X], notaire à [Localité 15], les 31 août, 4 et 5 septembre 2012, transcrit le 09 octobre 2012 (volume 3926 n° 20), M. [M] [V] a acquis par licitation amiable la parcelle A du domaine [Adresse 14] sis à [Localité 6], cadastrée section [Cadastre 13], qu’il a par la suite divisé en 5 parcelles cadastrées [Cadastre 9], [Cadastre 1], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 2], selon document d’arpentage établi par M. [S], géomètre, le 06 mars 2015, sous le numéro 2500617.

Par acte authentique du 25 mai 2016 reçu par Me [X], notaire associé à [Localité 15] :

– [M] [V] a vendu à la SCI MARLAND les parcelles cadastrées section [Cadastre 10] (d’une contenance de 12a 72 ca) et [Cadastre 11] (d’une contenance de 14 ca), moyennant le prix de 3.780.000 F CFP,

– la SC Société Tahitienne D’Agriculture (SOTAGRI) a vendu à la SCI MARLAND la parcelle cadastrée section [Cadastre 12] (d’une contenance de la 48 ca), moyennant le prix de 2.220.000 francs CFP.

La SCI MARLAND représentée par M [B] [K], a déposé un permis de construire le 06 octobre 2017, rejeté par le service de l’urbanisme le 09 juillet 2018 aux motifs suivants :

– des pièces sollicitées n’ont pas été produites dans le délai imparti,

– l’historique de la parcelle vendue devait être éclairci car demeurait un doute sur l’appartenance ou non de la parcelle au lotissement Supermahina ; le Service de l’urbanisme a conclu qu’en l’état, la parcelle ne pouvait être utilisée qu’en jardin d’agrément sans construction,

– lors du dépôt de la demande de construire, l’avis du Maire était favorable sous réserve de l’accord du Syndic représentant les propriétaires du lotissement Supermahina, lequel a émis un “avis défavorable” au raccordement des propriétés de la SCI MARLAND aux réseaux et voiries du lotissement Supermahina,

– par courrier du 26 avril 2018, le maire de [Localité 6] a demandé de surseoir à l’examen du dossier, car il a émis un avis favorable sous réserve de l’accord du SYCLOM pour autoriser le raccordement à ses réseaux, lequel a émis un avis défavorable, et car suite à une succession d’éboulements sur la zone en question, le projet du PGA de [Localité 6] a prévu de classer ces parcelles en zone non constructible,

– notamment en lecture d’une étude géotechnique réalisée par le Labo TP,

il était préconisé de réaliser deux sondages pressiométriques à 20 m environ sur deux plate formes distinctes préalablement nettoyées et terrassées, afin de pouvoir faire des sondages complémentaires.

Par acte d’huissier en date des 23 et 25 juillet et 05 août 2019, et requête enrôlée par voie dématérialisée le 06 août 2019, la SCI MARLAND a fait assigner [M] [V], la SC SOTAGRI et la SCP OFFICE NOTARIAL Philippe CLEMENCET, Alexandrine CLEMENCET et [P] [X], devant le Tribunal Civil de Première Instance de PAPEETE.

Par jugement du 28 janvier 2022 auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, le tribunal civil de première instance de PAPEETE a :

– rejeté l’exception de nullité de la requête soulevée par [M] [V],

– débouté la SCI MARLAND de sa demande de résolution de la vente pour

erreur,

– débouté la SCI MARLAND de sa demande subsidiaire de résolution de la vente sur le fondement des vices cachés,

– condamné la SCP Office Notarial Philippe CLEMENCET-Alexandrine CLEMENCET et [P] [X] à payer à la SCI MARLAND la somme de 1.500.000 F CFP à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la perte de chance en raison de son manquement à son devoir de conseil,

– débouté la SCI MARLAND du surplus de ses demandes indemnitaires,

– condamné la SCP Office Notarial Philippe CLEMENCET-Alexandrine CLEMENCET et [P] [X] à verser à la SCI MARLAND la somme de 150.0000 F CFP sur le fondement de l’article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française,

-condamné la SCI MARYLAND à payer à [M] [V] la somme de 10 0.000 F CFP sur le fondement de l’article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française,

– condamné la SCP Office Notarial Philippe CLEMENCET-Alexandrine CLEMENCET et [P] [X] aux dépens de l’instance.

Suivant déclaration d’appel enregistrée au greffe le 21 avril 2022 et conclusions reçues par RPVA au greffe le 18 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et arguments de l’appelant, la SCI MARLAND demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL,

Vu les articles 1109, 1110 et 1117 du Code civil, dans sa version applicable en Polynésie française,

-infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete sous le numéro de rôle 19/00353, en date du 28 janvier 2022,

Statuant à nouveau,

-déclarer que le consentement de la SCI MARLAND a été vicié par l’erreur,

-annuler la vente conclue par M. [M] [V] et la SOTAGRI à la SCI MARLAND en date du 25 mai 2016,

à titre subsidiaire,

Vu les articles 1641 et 1147 du Code civil, dans sa version applicable en Polynésie française,

-infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete sous le numéro de rôle 19/00353, en date du 28 janvier 2022,

Statuant à nouveau,

-déclarer que les parcelles [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12] situées à [Localité 6] sont affectées de vices cachés,

en conséquence,

-prononcer la résolution de la vente en date du 25 mai 2016 conclue entre M. [M] [V] et la SOTAGRI, et la SCI MARLAND,

en toutes hypothèses,,

Vu l’article 1147 du Code civil, dans sa version applicable en Polynésie française,

-Déclarer que l’Office Notarial SCP CLEMENCET [X] a manqué à ses obligations contractuelles et notamment à son obligation de conseil :

– en ne prévoyant pas dans son acte “les conditions d’utilisations et d’entretiens de la voirie et des réseaux divers”,

– en ne s’assurant pas de l’historique de la parcelle vendue, laquelle, selon le service de l’Urbanisme, devait être “éclaircie car demeurait un doute sur l’appartenance ou non de la parcelle au [Adresse 5]”,

en conséquence,

-condamner solidairement M. [M] [V] et la SOTAGRI à rembourser à la SCI MARLAND le prix de vente de 6.000.000 francs CFP,

DIRE que la solidarité sera limitée :

– à la somme de 3.780.000 francs CFP pour M. [M] [V],

– à la somme de 2.220.000 francs CFP pour la SOTAGRI,

-condamner solidairement M. [M] [V], la SOTAGRI, et la SCP CLEMENCET [X] à payer à la SCI MARLAND la somme de 1.608.000 francs CFP à titre de dommages et intérêts,

CONDAMNER solidairement les défendeurs au paiement de la somme de 300.000 francs CFP au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.

Suivant dernières conclusions reçues par RPVA au greffe le 4 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et arguments de l’intimé, la la SCP CLEMENCET-[X] demande à la cour de :,

-infirmer le jugement du 28 janvier 2022 seulement en ce qu’il a condamné la SCP CLEMENCET-[X] à payer à la SCI MARLAND la somme de 1.500.000 Fcfp à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance, en raison de son manquement à son devoir de conseil et à lui payer des frais irrépétibles,

statuant à nouveau sur ce point,

-dire que la SCP CLEMENCET-[X] a respecté son obligation d’information, qu’elle a effectué toutes les diligences nécessaires et qu’elle a respecté le devoir de conseil lui incombant,

-débouter la SCI MARLAND de toutes ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la SCP CLEMENCET-PINNA,

en tout état de cause

-confirmer le jugement sur le surplus,

-condamner la SCI MARLAND à payer à la SCP “Office Notarial Philippe CLEMENCET, Alexandrine CLEMENCET et [P] [X]” la somme de 700.000 Fcfp au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

-la condamner aux entiers dépens.

Bien que régulièrement assignés M. [M] [V], la SOTAGRI, n’ont pas conclu.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l’appel :

La recevabilité de l’appel n’est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d’en relever d’office l’irrégularité.

Sur la demande de résolution de la vente pour erreur :

L’article 1109 du Code Civil dans sa version applicable en Polynésie française dispose que : “Il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol”;

Les dispositions de l’article 1110 du même code retiennent que : “L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.

Elle n’est point une cause de nullité, lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention” ;

La SCI MARLAND maintient en appel avoir commis une erreur sur la constructibilité de la parcelle acquise de M [M] [V] et de la société SOTAGRI, ainsi que sur l’accessibilité du terrain ;

Toutefois Il résulte de l’acte de vente, et notamment des mentions reprenant les dispositions de la note d’urbanisme du 15 février 2016 annexé à l’acte dont il est précisé le caractère temporaire, que :

– la parcelle [Cadastre 12] n’est pas constructible,

– la parcelle [Cadastre 11] est destinée à usage exclusif d’accessoire de voirie,

– la parcelle est [Cadastre 10], située en zone bleue de mouvements de terrain, est constructible, la délivrance d’autorisation étant possiblement subordonnée à la fourniture d’études spécifiques ;

La SCI MARLAND produit, pour justifier de l’inconstructibilité de la parcelle [Cadastre 10] en cause, le courrier du service de l’Urbanisme en date du 09 juillet 2018 adressé à son gérant, l’informant de ce que sa “demande de travaux ne peut, en l’état, recevoir de suite favorable” ;

Il résulte toutefois de l’examen de cette pièce que le refus en’ l’état ‘du seul permis de construire déposé est lié, d’une part à la carence de la SCI à répondre aux demandes du service d’urbanisme dès lors qu’elle n’a pas fourni les renseignements demandés par le courrier du 16 novembre 2017, ni manifestement répondu au mail du 29 mai 2018 relatif à la demande d’éclaircissements sur l’historique de la parcelle, et dans la réalisation d’études géotechniques importantes ; en raison d’autre part, de l’avis défavorable du syndic du lotissement SUPERMAHINA pour le raccordement au réseau routier, étant précisé qu’ “aucune convention de passage réglant la future participation aux charges d’entretien et de rénovation des voiries d’accès à ce lot n’a été proposée” ;

Il y est également fait état de l’avis défavorable du SYCLOM pour le raccordement à ses réseaux, avis dont il est relevé qu’il n’a pas fait l’objet de contestation par la SCI MARLAND ;

Enfin le refus en l’état opposé est en lien avec le projet de révision du PGA, dont il est annoncé qu’il devrait aboutir au classement des parcelles en zone non constructible étant observé qu’il n’est pas justifié en appel que cette révision soit encore d’actualité ;

Or il résulte par ailleurs, de la lecture de l’acte de vente que la SCI MARLAND : ” déclare qu’il n’a jamais fait de l’obtention d’un certificat d’urbanisme et de la possibilité d’exécuter des travaux nécessitant l’obtention préalable d’un permis de construire, une condition des présentes’ ;

Cette clause est située juste après les mentions des réserves reprises de la note d’urbanisme susvisée du 15 février 2016 et après l’indication du renoncement de son droit à préemption de la commune de [Localité 6] par lettre du 27 mai 2016 annexé à l’acte sur les trois parcelles ;

Il ressort de cette mention claire et dépourvue d’ambiguïté qui ne peut s’assimiler à une clause de style, que la constructibilité du terrain n’était pas une condition de la vente, de telle sorte que la SCI MARLAND ne peut désormais soutenir avoir fait une erreur sur celle-ci, dès lors qu’elle n’ignorait pas la probabilité de devoir répondre à de possibles exigences complémentaires par le service de l’urbanisme ;

Il sera relevé s’agissant des deux autres motifs d’erreur complémentaires que la SCI MARLAND soutient avoir découverts ultérieurement à la vente concernent, d’une part, les risques de glissement et d’éboulement du terrain et et d’autre part, de la présence d’une colonie de fourmis de feu “dans la zone” que ces circonstances n’ont rien d’inhabituelles en Polynésie et sont bien connus des professionnels de l’immobilier, compte tenu de la spécificité de l’assise foncière, de la nature des sols et de la présence notoire des fourmis de feu à TAHITI ;

S’agissant de l’inaccessibilité alleguée des parcelles acquises, la SCI MARLAND produit comme seul élément le courrier relatif au rejet de la demande de permis de construire, lequel fait état comme dit plus haut du refus du syndic, comportant la précision selon laquelle “aucune convention de passage réglant la future participation aux charges d’entretien et de rénovation des voiries d’accès à ce lot n’a été proposée”;

Or, la SCI MARLAND ne justifie d’aucune démarche de sa part relative à la proposition d’une telle convention depuis cette notification alors que par ailleurs elle ne peut soutenir que l’inaccessibilité est avérée des lors que le plan annexé à l’acte suggère a minima que les parcelles vendues longent la rue de l”Aorai avec un accès direct par cette voie et que la parcelle litigieuse [Cadastre 10] est accessible tant par [Adresse 4] que par la parcelle [Cadastre 11] acquise par la SCI MARLAND le 25 mai 2016 ;

C’est donc par des motifs pertinents que la nullité pour cause d’erreur a été écartée par le premier juge.

Sur la demande de résolution de la vente au titre des vices cachés :

Selon les dispositions de l’article 1641 du Code Civil : “Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.”;

Selon les dispositions de l’article 1147 du Code Civil dans sa version applicable en Polynésie française : “Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.”;

Les parcelles achetées par la SCI MARLAND recèlent selon la SCI MARLAND au moins deux vices cachés qui les rendent impropres à l’usage auxquelles elles sont destinées en ce que les vices affectant les parcelles litigieuses sont d’une part, leur inconstructibilité, d’autre part leur inaccessibilité. Elle excipe en appel également de travaux de terrassements indispensables et inhabituels, au demeurant impossibles à réaliser en raison de l’interdiction d’évacuer les matériaux infestés de fourmis de feu ;

ll est constant que l’inconstructibilité des parcelles [Cadastre 12] et [Cadastre 11] étaient connues lors de l’achat de la parcelle, comme résultant de l’acte de vente et de la note d’urbanisme du 15 février 2016 ;

S’agissant de la parcelle [Cadastre 10], il était d’ores et déjà précisé dans l’acte de vente que celle-ci se trouvait située en zone bleue de mouvements de terrain, mais était mentionnée comme constructible ;

Non seulement la SCI MARLAND ne justifie pas davantage en appel de ce que des études et des travaux “titanesques” sont à prévoir pour permettre la construction, mais elle ne donne pas d’éléments permettant de retenir que les études et travaux à effectuer seraient sans commune mesure avec ceux raisonnablement envisageables lors de l’achat d’un terrain situé en

zone bleue de mouvements de terrain, et pour lequel la délivrance d’autorisation est “possiblement” subordonné à la fourniture d’études spécifiques ;

Il n’est produit aucun élément permettant d’établir l’existence d’éboulements avant l’acte de vente du 25 mai 2016, et la SCI MARLAND produit simplement une facture relative à une intervention à la suite d’un éboulement survenu le 04 avril 2018 ;

Si en appel elle produit un rapport d’expertise du Géologue [G] [S] au soutien de sa position, outre que celui date du 5 mars 2019, cette étude vise des parcelles certes voisines mais différentes, achetées par une autre SCI et n’est par suite pas pertinente dans le cadre de la présente instance. L’expert retenant lui même au surplus le caractère ponctuelle de ses analyses, les résultats n’étant pas extrapolables à l’ ensemble du site ;

Enfin, comme déjà retenu ci-dessus, le refus de permis de construire opposé est également en partie imputable à la carence de la SCI MARLAND, dès lors qu’elle n’a pas fourni les éléments demandés qu’elles pouvaient rechercher auprès du rédacteur de l’acte de vente ni fait le nécessaire, entre autres, auprès du syndic du lotissement SUPERMAHINA;

S’agissant de l’inaccessibilité des parcelles acquises, la SCI MARLAND produit là également comme seul élément, le courrier relatif au rejet de la demande de permis de construire déjà relevé du 9 juillet 2018 lequel fait état du refus du syndic, comportant la précision selon laquelle “aucune convention de passage réglant la future participation aux charges d’entretien et de rénovation des voiries d’accès à ce lot n’a été proposée”. Or, la SCI MARLAND ne justifie d’aucune démarche de sa part relative à la proposition d’une telle convention depuis cette notification, de telle sorte qu’elle ne peut soutenir que l’inaccessibilité est avérée. Elle ne justifie pas là également au vu du plan annexé à l’acte être, comme vu plus haut, dans une situation d’enclavement ;

Il n’est enfin justifié autrement que par les assertions de l’expert aux termes de son expertise du 5 mars 2019 concernant deux parcelles étrangères à la cause, que la présence de la fourmi de feu aurait pour conséquence une décision négative pour l’octroi d’un permis de construire ;

Ce moyen est donc insuffisant pour prétendre à l’inconstructibilité des parcelles acquises, étant observé qu’il existe des traitements permettant d’éradiquer d’une zone les colonies de la fourmi de feu, opération qui a d’ailleurs déjà été menée avec succès en Polynésie française.

Le caractère occulte des vices n’est par suite pas établi ;

En conséquence, la SCI MARLAND a justement été déboutée de sa demande de résolution de la vente au titre des vices cachés.

Sur la demande de dommages et intérêts à l’encontre de la SCP CLEMENCET- [X] :

Selon les dispositions de l’article 1382 du Code Civil : “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”;

Il est constant que le notaire, dans l’exercice de ses fonctions, est tenu à obligation de conseil l’égard de ses clients ; il est tenu d’éclairer les parties et de s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes rédigés par lui ;

Il est fait grief au premier juge par l’appelant d’avoir retenu la motivation suivante pour retenir la responsabilité du notaire instrumentaire : ‘Si la SCI MARLAND ne démontre pas que la parcelle [Cadastre 10] est inconstructible, ni qu’elle est inaccessible, le défaut d’information de la part du notaire, qui n’a pas été diligent dans les démarches et/ou le devoir de conseil lui incombant, a entraîné pour l’acquéreur une perte de chance de ne pas contracter, qui sera toutefois limitée, dès lors qu’elle n’a pas entendu faire de la délivrance d’un permis de construire une condition déterminante de son achat. La carence du notaire a surtout directement entraîné, pour la SCI MARLAND, une perte de chance de déposer une demande de permis de construire complète et utile, et à minima l’expose à de nombreuses démarches afin d’éclaircir le flou existant sur l’environnement juridique des parcelles acquises’ ;

En l’espèce il résulte de l’acte de vente, et notamment des mentions reprenant les dispositions de la note d’urbanisme du 15 février 2016 que comme dit plus haut, il a bien été précisé :

– la parcelle [Cadastre 12] n’est pas constructible,

– la parcelle [Cadastre 11] est destinée à usage exclusif d’accessoire de voirie,

– la parcelle est [Cadastre 10], située en zone bleue de mouvements de terrain, est constructible, la délivrance d’autorisation étant possiblement subordonnée à la fourniture d’études spécifiques ;

Il résulte par ailleurs de l’acte de vente que la SCI MARLAND a acquis les parcelles cadastrées [Cadastre 10] et [Cadastre 11] auprès de M. [M] [V] et la parcelle cadastrée [Cadastre 12] auprès de la société SOTAGRI. Une analyse complète des faits antérieurs et des mutations successives a été effectuée dans l’acte de vente ;

Il n’est pas contesté qu’à l’origine les parcelles [Cadastre 10] et [Cadastre 11] appartenaient à la société SOTAGRI avant d’être cédées à Monsieur [M] [V] et que l’agent immobilier alors mandaté par la societe SOTAGRI et par M [V] était M [B] [K] gérant de la SCI MARLAND ;

Ces trois parcelles dépendant de la parcelle A du domaine NOHU AHU, acquises par la SCI MARLAND, il n’est pas davantage utilement contesté s’agissant de l’accessibilité querellée qu’elles entrent dans le champ d’application du cahier des charges du 16 octobre 1978 qui est visé dans l’acte de vente et qui retient que ‘la route appartiendra à tous les propriétaires presents et a venir , de tout ou partie des domaines (…) [Adresse 7]’;

Les extraits du plan cadastral annexés à l’acte, fournit par la direction des affaires foncières établissent que les parcelles vendues longent la [Adresse 17] avec un accès direct par cette voie, le service de l’urbanisme précisant au surplus dans sa note du 15 février 2016 que la parcelle cadastrée section [Cadastre 11] sera à usage exclusif d’accès. Il en ressort que la parcelle litigieuse [Cadastre 10] est accessible tant par [Adresse 4] que par la parcelle [Cadastre 11] acquise par la SCI MARLAND le 25 mai 2016 ;

Il n’est pas contesté utilement les assertions de l’étude notariale selon lesquelles les lots querellés sont desservis régulièrement par les routes édifiées par la SOTAGRI en sa qualité de lotisseur et que la partie du domaine sur laquelle se situent les lots querellés ne correspond pas au lotissement MAHINARAMA, lequel est desservi par la “Route de MAHINARAMA” , ni ne font partie du lotissement SUPER [Localité 6] ;

Dans cette logique de parcelles situées hors lotissement, il est justifié du reste de ce que le 19 avril 2016 par courrier annexé à l’acte de vente adressé au syndic des lotissements du domaine [Adresse 7], le notaire avait sollicité des précisions préalablement à la vente pour la parcelle [Cadastre 12] rappelant ‘cette parcelle d’après toutes mes recherches ne fait pas partie du lotissement et est restée dans le patrimoine de la société SOTAGRI sans qu’il ait été prévue une quelconque affectation de réserve’;

La SCI MARLAND reproche toutefois au notaire instrumentaire d’avoir repris, dans l’acte notarié du 18 août 2015, le texte d’une fiche de renseignement d’aménagement lui ayant été délivrée par le service de l’urbanisme, sans apporter aucune précision supplémentaire aux observations complémentaires émises par ledit service ;

La mention extraite “Les conditions d’utilisations et d’entretien de la voirie et des réseaux divers (V.R.D.) du lotissement ” SUPER [Localité 6]” sont à préciser aux actes ‘insérée dans la note d’aménagement n’est cependant dans le contexte relevé que purement informative s’agissant de parcelles se situant hors de ce lotissement ;

L’acte de vente a d’ailleurs précisé le caractère informatif de la note d’aménagement en ces termes: “L’ACQUÉREUR:

– s’oblige expressément à faire son affaire personnelle de l’exécution des charges et prescriptions et du respect des servitudes publiques et. autres limitations administratives au droit de propriété qui sont mentionnées en ce document au caractère purement informatif, et dont il déclare avoir pris connaissance ;

– reconnaît que le notaire soussigné lui a fourni tous éclaircissements complémentaires sur la portée, l’étendue et les effets desdites charges, prescriptions et administrations ;

– déclare qu’il n’a jamais fait de l’obtention d’un certificat d’urbanisme et de la possibilité d’exécuter des travaux nécessitant l’obtention préalable d’un permis dé construire, une condition des présentes’ ;

Il n’est pas utilement contesté la circonstance soulevée par l’appelant que le service de l’urbanisme ait pu produire une note le 9 juillet 2018 sans analyser que le terrain querellé était hors lotissement et que la commune qui avait donné son avis favorable pour le permis ne pouvait le conditionner à un accord du syndic pour des parcelles situées hors lotissement ;

Outre les clauses classiques qui apparaissent dans un acte authentique de vente, l’acte notarié du 25 mai 2016 a repris en détail les termes de la note de renseignement d’aménagement, indiquant que la parcelle est constructible et qu’elle est située en zone bleue du Plan de Prévention des risques naturels (PPRN) ;

Cette note a été annexée audit acte et paraphée par la SCI MARLAND ;

L’acquéreur avait ainsi une parfaite connaissance de la constructibilité du terrain, telle que confirmée par le Plan Général d’Aménagement (PGA) de la commune de [Localité 6] ainsi que du risque moyen d’instabilité éventuel du terrain, établi par le PPRN ;

Le notaire n’était doté d’aucun mandat spécial exigeant des connaissances techniques particulières en géotechnique et encore moins d’information révélatrice d’une quelconque difficulté puisque l’Urbanisme, pleinement compétent en la matière, avait confirmé par sa note que la parcelle en litige était constructible ;

L’obligation de devoir effectuer des travaux de terrassement ou de confortement ne qualifient pas une parcelle ” d’inconstructible ” – si c’était le cas la plupart des lotissements de l’île de Tahiti auraient été édifiés sur des parcelles inconstructibles ;

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour constate que les droits qui devaient être précisés par l’étude notariale l’ont été, en ce qu’elle a adéquatement informé l’acheteur des caractéristiques des lots qu’il s’apprêtait à acquérir ;

Par suite le tribunal sera infirmé en ce qu’il condamné la SCP Office Notarial Philippe CLEMENCET-Alexandrine CLEMENCET et [P] [X] à payer à la SCI MARLAND la somme de 1.500.000 F CFP à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice pour manquement aux obligations du notaire instrumentaire.

Sur l’article 407 du code de procédure civile de Polynésie française :

Il n’apparaît pas inéquitable en l’espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de la présente instance.

Sur les dépens :

En application de l’article 406 du code de procédure civile, selon lequel toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, la SCI MARCHAND sera condamnée aux dépens de la présente instance.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par défaut et en dernier ressort ;

Déclare l’appel recevable ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la SCP Office Notarial Philippe CLEMENCET-Alexandrine CLEMENCET et [P] [X] à payer à la SCI MARLAND la somme de 1.500.000 F CFP à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la perte de chance en raison de son manquement à son devoir de conseil ;

Et statuant à nouveau :

Deboute la SCI MARLAND de ses demandes, à l’encontre de la SCP CLEMENCET-[X] ;

Y ajoutant :

Condamne aux entiers dépens la SCI MARLAND qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à Papeete, le 24 août 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : N. TISSOT

 


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