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CF/SH
Numéro 23/02992
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 19/09/2023
Dossier : N° RG 22/03362 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IMTH
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés par l’activité des auxiliaires de justice
Affaire :
S.A.S. EXPERTIZ’IMMO BÉARN-PYRÉNÉES
C/
[J] [M]
S.C.P. RIGAL – [M] – DUC
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 19 Septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 13 Juin 2023, devant :
Madame FAURE, Présidente, magistrate chargée du rapport conformément à l’article 785 du Code de procédure civile
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Madame REHM, Magistrate honoraire
assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l’appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. EXPERTIZ’IMMO BÉARN-PYRÉNÉES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège ès qualités
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître CREPIN de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU
assistée de Maître JOST, de la SELARL JOST JURIDIAG, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Monsieur [J] [M]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
S.C.P. RIGAL – [M] – DUC
Notaires
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentés par Maître PIAULT, avocat au barreau de PAU
assistés de la SCP KUHN, avocats au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 30 NOVEMBRE 2022
rendue par le PRÉSIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU
RG numéro : 22/00245
Le 30 août 2021, Monsieur et Madame [T] ont acquis un immeuble situé à [Localité 5] pour le prix de 315 000 € auprès des consorts [H] par le ministère de Maître [J] [M], notaire.
Après la découverte de termites, les époux [T] ont assigné par actes des 28 et 29 septembre 2021, 1er et 5 octobre 2021 les consorts [H], la SAS Expertiz’immo diagnostiqueur, et Maître [J] [M], notaire devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pau afin de voir organiser une expertise et voir désigner Maître [M], comme séquestre du prix de vente.
Par ordonnance du 15 décembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pau a ordonné une expertise avec la mission habituelle et commis pour y procéder Monsieur [E] [R], a ordonné la mise hors de cause de Maître [M], notaire dans l’expertise ordonnée et ordonné le séquestre du prix de vente litigieux entre les mains de Maître [M].
Monsieur [R] a été remplacé par Monsieur [V], expert judiciaire.
Par acte d’huissier en date du 26 juillet 2022, la société Expertiz’immo SAS a fait assigner en référé Maître [J] [M] et la SCP office notarial Marianne Rigal ‘ [J] [M] ‘ Christophe Duc ‘ notaires associés, devant le tribunal judiciaire de Pau, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, afin que les opérations d’expertise en cours confiées à M. [V] par ordonnance rendue le 15 décembre 2021 leur soient déclarées communes et opposables.
Suivant ordonnance contradictoire en date du 30 novembre 2022 (RG n°22/00245), le juge des référés a :
– débouté la société Expertiz’immo de ses demandes,
– rejeté toutes demandes plus amples et contraires,
– condamné la société Expertiz’immo à payer à Maître [J] [M] 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Expertiz’immo aux dépens.
Le juge des référés a relevé qu’une ordonnance de référé n’a pas l’autorité de chose jugée ce qui permet en cas de rejet de la demande de la représenter à condition de présenter de nouveaux arguments ou de nouvelles pièces pour déclarer l’action de la société Expertiz’immo recevable.
Il a néanmoins rejeté la demande de voir déclarer les opérations communes et opposables au notaire dès lors que la caractérisation d’une faute éventuelle n’entre pas dans la compétence du juge des référés, juge de l’évidence alors que le notaire a reproduit les mentions du rapport de diagnostic lequel était annexé à l’acte de vente. Il a précisé que le notaire ne doit pas se référer à l’historique du bâtiment pour conclure ou non à la présence d’insectes ce qui est en outre une spécialité technique qui n’est pas celle du notaire. Il a conclu à l’absence de motif légitime.
La SAS Expertiz’immo a relevé appel par déclaration du 15 décembre 2022 (RG n°22/03362), critiquant l’ordonnance dans l’intégralité de ses dispositions.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 8 mars 2023, la société Expertiz’immo Béarn-Pyrénées, appelante, statuant sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, entend voir la cour :
– infirmer l’ordonnance du 30 novembre 2022, sauf en ce qu’elle a jugé recevable l’action de l’entreprise Expertiz’immo Béarn-Pyrénées à l’encontre de M. [M],
– ordonner l’extension à Monsieur [M] des opérations d’expertise confiées à M. [V],
– compléter la mission confiée à M. [V] en lui demandant de déterminer :
– la nature des informations dont le notaire disposait avant la vente réitérée le 30 août 2021,
– la nature des renseignements demandés aux consorts [H] s’agissant des traitements anti-termites effectués in situ entre 1991 et 2021,
– débouter Monsieur [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société Expertiz’immo Béarn-Pyrénées.
Les moyens de la société Expertiz’immo sont les suivants :
– l’action est recevable car l’analyse émise par l’expert est une circonstance nouvelle depuis l’ordonnance de référé du 15 décembre 2021 et le notaire disposait de deux rapports de diagnostic établis à six ans d’intervalle y compris celui de 2015. Aucune des parties n’avait sollicité la mise hors de cause du notaire ; l’évolution du litige justifie l’extension sollicitée.
– le notaire aurait dû tenir compte des informations révélées par le titre de propriété du vendeur,
– soit le notaire, parce qu’il n’est pas un sachant dans le domaine des termites, n’est pas habilité à commenter ou à résumer, de quelque manière que ce soit, le contenu du rapport de diagnostic, soit le notaire, parce qu’il estime disposer de connaissances, même minimales, dans ce domaine, peut résumer un rapport de 10 pages par la formule qu’il estime appropriée et il ne peut soutenir avoir cru que l’absence visible de termites actifs pouvait signifier une absence totale de termites en activité. Il existe donc un motif légitime que le notaire soit dans les opérations d’expertise.
– le notaire s’est contenté du dernier diagnostic alors que le titre de propriété du vendeur révèle une infestation qu’il avait été prévu de traiter et le notaire aurait dû demander au vendeur de justifier des traitements accomplis depuis 1991.
– le notaire était investi d’un devoir de conseil à l’égard de l’acquéreur dont, contrairement à l’opérateur, il connaissait l’identité.
Par conclusions déposées le 20 février 2023, Maître [J] [M], notaire associé de la SCP Marianne Rigal [J] [M] et Christophe Duc sur le fondement des dispositions des articles 14, 145, 538 et 542 du code de procédure civile, entend voir la cour :
à titre principal,
– infirmer l’ordonnance rendue le 30 novembre 2022 en ce qu’elle a jugé la société Expertiz’immo Béarn Pyrénées recevable en ses demandes,
et statuant à nouveau sur ce point,
– dire et juger la société Expertiz’immo Béarn Pyrénées irrecevable en ses demandes contre Maître [M],
– dire et juger la société Expertiz’immo Béarn Pyrénées irrecevable en ses demandes contre l’office notarial,
– condamner la société Expertiz’immo Béarn Pyrénées à payer à Maître [J] [M] une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Expertiz’immo Béarn Pyrénées aux entiers dépens dont distraction pour ceux d’appel au profit de Maître François Piault, avocat qui y a pourvu, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire,
– confirmer l’ordonnance rendue le 30 novembre 2022 en ce qu’elle a jugé la société Expertiz’immo Béarn Pyrénées mal fondée en ses demandes,
et y ajoutant,
– débouter la société Expertiz’immo Béarn Pyrénées de sa demande aux fins d’expertise en ce qu’elle est dirigée à l’encontre de Maître [J] [M], et dire n’y avoir lieu à expertise à son égard,
– condamner la société Expertiz’immo Béarn Pyrénées à payer à Maître [J] [M] une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Expertiz’immo Béarn Pyrénées aux entiers dépens dont distraction pour ceux d’appel au profit de Maître François Piault, avocat qui y a pourvu, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
à titre encore plus subsidiaire,
– donner acte à Maître [J] [M] de ses protestations et réserves relativement à la demande d’expertise formulée par la société Expertiz’immo Béarn Pyrénées.
Les moyens de Maître [M] sont les suivants :
– les demandes dirigées contre l’office notarial ne concernent pas la SCP Marianne Rigal-[J] [M]- Christophe Duc, notaires associés et sont donc irrecevables dès lors qu’un office notarial n’a pas la personnalité morale,
– la société Expertiz’immo était partie à la procédure qui a donné lieu à l’ordonnance du 15 décembre 2021 qui a mis hors de cause Maître [M] et le juge des référés n’est pas la juridiction d’appel de ses propres décisions.
– il n’existe pas de motif légitime à voir attraire Maître [M] aux opérations d’expertise ; c’est au tribunal qu’il appartiendra de trancher la question des responsabilités, et il n’appartient pas à un expert technique de rechercher quelles étaient les connaissances du notaire rédacteur ni de dire si l’intervention du notaire était fautive et les commentaires de celui-ci doivent être écartés.
Par conclusions du 2 mai 2023, le procureur général a requis de la cour d’appliquer la jurisprudence habituelle s’agissant des obligations de conseil, diligences et de vérifications imposées aux notaires, et a constaté que le juge des référés paraissait avoir à bon droit relevé que la caractérisation de la faute d’un notaire n’entrait pas dans sa compétence.
Vu l’ordonnance de clôture du 13 juin 2023.
MOTIFS
Il est fait remarquer par Maître [M] que la dénomination office notarial n’existe pas et que la SCP n’a pas été partie à la première instance.
L’ordonnance de référé du 30 novembre 2022 comportait comme partie, la SCP Office notarial M Rigal, A [M] et C Duc. L’appel a été interjeté également à son égard.
La SCP était bien présente devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pau mais la mention office notarial est inexacte sans que cela n’ait de conséquence sur sa qualité de partie à l’instance puisque la SCP Rigal [M] et Duc a été assignée en tant que telle avec cette indication superfétatoire de l’office notarial.
L’article 488 du code de procédure civile dispose que l’ordonnance de référé n’a pas au principal l’autorité de la chose jugée. Elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu’en cas de circonstances nouvelles.
Ainsi, en l’absence de fait nouveau, le juge des référés ne saurait méconnaître l’autorité s’attachant aux ordonnances antérieurement rendues entre les parties.
Aussi la mise hors de cause du notaire Maître [M], par l’ordonnance de référé rendue le 15 décembre 2021 ne pourrait être remise en question que si des circonstances nouvelles sont apparues et non comme l’a indiqué le juge des référés si la demande est fondée.
Il est sollicité dans le présent litige l’extension des opérations d’expertise ordonnées par l’ordonnance de référé du 15 décembre 2021 entre les époux [T], les consorts [H] et la SAS Expertiz’immo sur la présence d’insectes xylophages et de termites à l’occasion de la vente d’un immeuble, après la mise hors de cause de Maître [M], notaire, dans l’expertise ainsi ordonnée.
L’expert judiciaire désigné, Monsieur [O] [V], a indiqué dans son point 4 de la note d’expert du 4 juillet 2022 que les parties ont précisé vouloir appeler à la cause le notaire, la promesse de vente n’a pas été fournie ainsi que la précision de termites dès 1991, ce qui aurait probablement évité cette procédure.
Ce rapport d’expertise judiciaire ne constitue pas une circonstance nouvelle dès lors que, à l’occasion des débats ayant donné lieu à l’ordonnance de référé du 15 décembre 2021, la société Expertiz’immo avait sollicité que la mission de l’expert soit complétée par des questions relatives à la date de prise de connaissance de son rapport par les acquéreurs, le contenu du compromis de vente, les mesures prises par l’acquéreur, la pertinence technique des informations contenues dans l’acte notarié au chapitre termites et les conséquences pratiques et financières de ces informations. À cela, le juge des référés avait répondu qu’il s’agissait d’appréciations d’ordre juridique ou de fait qui relevaient de la compétence du juge du fond et non de l’expert dont la mission est purement technique et il avait alors mis hors de cause le notaire dans cette mesure.
Le juge des référés ne peut être le juge d’appel de cette ordonnance de référé du 15 décembre 2021 et il n’est pas démontré une circonstance nouvelle dès lors que la responsabilité du notaire est recherchée par le diagnostiqueur la société Expertiz’immo sur le compromis de vente et les informations contenues dans l’acte notarié, éléments déjà invoqués par la société Expertiz’immo lors de l’ordonnance du 15 décembre 2021.
L’ordonnance du 15 décembre 2021 ne peut donc être modifiée dans le cadre de cette nouvelle procédure de référé et l’action de la société Expertiz’immo sera déclarée irrecevable contre Maître [M] et la SCP Rigal [M] Duc. L’ordonnance qui avait débouté la société Expertiz’ immo sera donc infirmée, les demandes étant irrecevables.
Les autres dispositions seront confirmées, la société Expertiz’immo succombant en appel.
L’équité commande d’allouer une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme l’ordonnance en ce qu’elle a débouté la société Expertiz’immo Bearn-Pyrénées de ses demandes ;
statuant à nouveau :
Déclare irrecevables les demandes de la société Expertiz’immo Béarn-Pyrénées ;
confirme l’ordonnance pour le surplus des dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant :
Condamne la SAS Expertiz’immo Béarn-Pyrénées à payer à Maître [J] [M] et à la SCP M Rigal A [M] et C Duc la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Expertiz’immo Béarn-Pyrénées aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE