Responsabilité du Notaire : 19 septembre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 19/04594

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Responsabilité du Notaire : 19 septembre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 19/04594
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19/09/2023

ARRÊT N°

N° RG 19/04594

N° Portalis DBVI-V-B7D-NIH6

MD / RC

Décision déférée du 10 Septembre 2019 Tribunal de Grande Instance d’ALBI

(17/01381)

M. ALZINGRE

[K] [N]

C/

[E] [G]

[Z] [J] [Y] [H]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Maître [K] [N]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représenté par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Florence COULANGES de la SELARL SELARL LEX ALLIANCE, avocat au barreau D’AGEN

INTIMEES

Madame [E] [G]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-paul COTTIN de la SCP D’AVOCATS COTTIN – SIMEON, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [Z] [J] [Y] [H]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Sylvie SABATHIER, avocat au barreau D’ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 06 Mars 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

A.M ROBERT, conseiller

S.LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé de promesse synallagmatique de vente en date du 23 juillet 2014 passé en l’étude de Maître [K] [N], notaire à [Localité 9] (32), Mme [E] [G] a acquis auprès de Mme [Z] [H] une maison d’habitation et une parcelle de terre cadastrées section AJ [Cadastre 1] et A [Cadastre 2], lieudit [Localité 8], commune de [Localité 12] (82) au prix de 147.000 euros sous conditions particulières de la réalisation de travaux par le vendeur (aménagement de la salle de bains et de la pièce du bas, raccordement au réseau d’assainissement public) avant la réitération de la vente par acte notarié et de la production de factures et attestations relatives à la réfection de la toiture.

L’acte authentique de vente a été signé le 1er octobre 2014 devant le même notaire qui a repris les termes des conditions particulières portant sur les travaux qui n’étaient toujours pas réalisés par le vendeur, mais devant l’être avant le 30 novembre 2014, et qui a stipulé qu’une partie du prix de vente à hauteur de 9 000 euros serait placée sous séquestre entre les mains d’un clerc de l’étude, à titre de garantie de certains des engagements du vendeur.

Il était stipulé dans cet acte que le séquestre serait valablement déchargé de sa mission par la remise de la somme à l’acquéreur directement et hors la présence du vendeur si les travaux n’étaient pas réalisés à la date convenue, et à la Caisse des Dépôts et Consignations en cas de contestation avec mention que le vendeur a déclaré qu’il a d’ores et déjà payé les travaux à réaliser par le plaquiste.

Le 23 décembre 2014 le notaire a débloqué au profit du vendeur une somme de 6.921,07 euros représentant le coût des travaux réalisés par le plombier, ceux du plaquiste ayant déjà été réglés, mais a conservé par devers lui une somme de 2 078,93 euros que le vendeur et l’acquéreur ont réclamée à leur bénéfice respectif sans s’accorder sur son sort.

Après la prise de possession des lieux le 4 octobre 2014, Mme [G] a constaté des désordres au niveau de la toiture et dans la réalisation des travaux.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 mai 2015, Mme [G] a mis en demeure Mme [H] de lui fournir la facture de rénovation de la toiture et la justification de la garantie décennale, en vain.

Par ordonnance en date du 15 avril 2016 le juge des référés du tribunal de grande instance d’Albi a, sur assignation délivrée par Mme [G] le 7 mars 2016, ordonné une expertise confiée à Mme [V] qui a déposé son rapport le 3 avril 2017

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Par actes d’huissier des 25 et 31 août 2018, Mme [G] a fait assigner Mme [H] et Maître [N] devant le tribunal de grande instance d’Albi en déclaration de responsabilité et réparation des préjudices subis sur le fondement des articles 1146 ancien et suivants, 1382 ancien du code civil et les articles L. 262-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation.

Par jugement du 10 septembre 2019 assorti de l’exécution provisoire cette juridiction a :

– dit que Mme [H] a manqué à ses obligations contractuelles,

– dit que Maître [N] a manqué à ses obligations professionnelles,

– condamné in solidum Mme [H] et Me [K] [N] à payer à Mme [G] les sommes suivantes :

* 4 418,70 euros de dommages-intérêts au titre de la réfection de la salle de bains

* 9 507 euros de dommages-intérêts au titre de la réfection de la toiture

* 1 500 euros de dommages-intérêts au titre de son préjudice de jouissance

– condamné Mme [H] à payer à Mme [G] la somme de 275 euros de dommages-intérêts au titre du remplacement du carrelage abîmé,

– dit que le solde du dépôt d’un montant de 2 078,93 euros séquestré entre les mains de Maître [N] est dû à Mme [G] et autorisé le notaire à se dessaisir de cette somme au profit de l’acquéreur,

– dit que cette somme sera déduite du montant des dommages-intérêts alloués à Mme [G] au titre de la réfection de la salle de bains

– condamné in solidum Mme [H] et Me [N] à payer à Mme [G] une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens, en ce compris les frais du référé du 15 avril 2016 et les frais d’expertise judiciaire,

– débouté les parties du surplus de leurs moyens et prétentions.

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Par courrier adressé au juge d’instruction du 29 juillet 2019 Mme [H] a déposé plainte contre X… avec constitution de partie civile devant la juge d’instruction de [Localité 11] pour des faits d’escroquerie, ‘insinuations mensongères’ et autres, a procédé à la consignation mise à sa charge par ordonnance du 30 octobre 2019 et a été convoquée pour audition le 6 février 2020.

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Par déclaration du 22 octobre 2019, Maître [N] a interjeté appel du jugement rendu le 10 septembre 2019.

Par conclusions du 16 avril 2020, Mme [H], au visa des articles 4 du code de procédure pénale et 378 du code de procédure civile, a demandé qu’il soit sursis à statuer sur les demandes respectives des parties devant la cour jusqu’à l’issue pénale de la plainte avec constitution de partie civile pour escroquerie et insinuations mensongères.

Par une ordonnance d’incident en date du 31 décembre 2020, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Toulouse a :

– dit n’y avoir lieu à un quelconque sursis à statuer,

– condamné Mme [H] à payer à Mme [G] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens de l’incident seront supportés par Mme [H].

EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 14 août 2020, Maître [K] [N], appelante, demande à la cour, au visa des articles 1382 et 1240 du code civile, de :

À titre principal,

– réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

– débouter Mme [G] de son appel incident,

– condamner Mme [G] à restituer les fonds perçus au titre de l’exécution provisoire, soit la somme de 11 630,75 € avec intérêt à compter du versement,

Y ajoutant,

– condamner Mme [G] au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’article 696 dudit code,

À titre subsidiaire,

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamné in solidum avec Mme [Z] [H] à réparer le préjudice subi par Mme [E] [G],

– dire que Mme [E] [G] devra restituer les fonds perçus au titre de l’exécution provisoire,

Y ajoutant,

– condamner Mme [Z] [H] a supporté seule le préjudice de Mme [E] [G],

À défaut,

– condamner Mme [Z] [H] à relever indemne le notaire de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, en raison de l’attitude trompeuse de la venderesse,

– condamner Mme [Z] [H] au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’article 696 dudit code.

Maître [N] soutient qu’elle n’a commis aucune faute en précisant que la date prévue pour la réitération authentique de la vente était constitutive du point de départ de la période à partir de laquelle l’une des parties pouvait obliger l’autre à s’exécuter et que la clause ‘travaux’ contenue dans le compromis était stipulée en faveur de l’acquéreur qui pouvait y renoncer en déchargeant le vendeur de tout ou partie de son obligation. Elle a soutenu que Mme [G] connaissait parfaitement la situation, ayant paraphé les pages reprenant notamment la déclaration du vendeur sur la réalisation des travaux par le plaquiste et que le séquestre portait uniquement sur les travaux confiés au plombier selon devis de sorte que n’étant pas garant de la bonne réalisation des travaux, le notaire n’a pas à contrôler leur exécution ni émettre de réserve à la communication d’une facture émise par un professionnel.

Le notaire a considéré que les travaux litigieux ne pouvaient conduire à proposer le choix du régime de la vente d’immeuble à rénover, faute de correspondre à la notion d’ouvrage ou de construction propre à fonder l’application des articles L. 262-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation;

Maître [N] a par ailleurs ajouté qu’ayant pris possession de l’immeuble au jour de la signature de l’acte authentique, Mme [G] n’a pas informé cette dernière de difficultés propres à empêcher le déblocage du séquestre.

Subsidiairement, il a contesté tout lien de causalité entre le préjudice allégué et la faute qui pourrait être retenue à sa charge

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 13 mai 2020, Mme [E] [G], intimée, demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1382, 1353, 1956, 1960 du code civil, et des articles L. 262-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation, et de l’article 700 du code civil, de :

– ‘dire et juger’ que Mme [H] n’a pas respecté les engagements contractuels auxquels elle était tenue tant en vertu de l’acte sous seing privé du 23 juillet 2014 que de l’acte authentique du 1er octobre, cette dernière n’ayant pas réalisé les travaux qu’elle devait exécuter avant le 30 novembre 2014, n’ayant pas raccordé l’intégralité du logement au réseau d’assainissement, et n’ayant fourni aucun justificatif ou attestation de garantie quant à la rénovation de la toiture du bien vendu,

– ‘dire et juger’ que, lors de l’établissement de l’acte sous seing privé du 23 juillet 2014, lors de

l’établissement de l’acte authentique du 1er octobre 2014 et lors du déblocage des fonds séquestrés le 23 décembre 2014, Maître [N] a commis divers manquements professionnels qui ont directement causé le préjudice de Mme [G], notamment par la violation de son devoir de vérification, de son devoir d’information et de conseil, et de son obligation de soumission de la vente aux dispositions des articles L. 262-1 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation,

– confirmer, en conséquence, le jugement dont appel en ce qu’il a :

* dit que Mme [H] a manqué à ses obligations contractuelles ;

* dit que Maître [N] a manqué à ses obligations professionnelles ;

* condamné in solidum Mme [H] et Maître [N] aux sommes de 4.418,70 euros de dommages-intérêts au titre de la réfection de la salle de bain et 9.507 euros de dommages-intérêts au titre de la réfection de la toiture ;

* condamné Mme [H] à la somme de 275 euros de dommages-intérêts u titre du

remplacement du carrelage abîmé ;

* dit que le solde du dépôt du montant de 2 078,93 euros séquestrés serait remis à Mme [G] et déduit des dommages-intérêts alloués au fifre de la réfection de la salle de bain,

* alloué à Mme [G] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– réformer le jugement dont appel en ce que :

* il n’a pas été fait application des articles L. 262-1 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation pour retenir la responsabilité de Maître [N] au titre des travaux de rénovation auxquels Mme [H] s’était engagée de procéder ;

* les responsabilités contractuelles et professionnelles de Mme [H] et de Maître [N] n’ont pas été retenues s’agissant du raccordement du bien vendu au réseau d’assainissement ;

* le préjudice de jouissance subi par Mme [G] n’a été estimé qu’à hauteur de 1 500 euros ;

* aucun préjudice moral n’a été retenu.

Statuant à nouveau,

Sur les travaux de rénovation de la salle de bains

– ‘dire et juger’ que Maître [N] a commis un manquement professionnel en ne faisant pas application des articles L. 262-1 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation et en n’imposant pas aux parties la conclusion d’un contrat de vente d’immeuble à rénover, alors que ces dispositions d’ordre public devaient obligatoirement s’appliquer aux travaux de rénovation auxquels Mme [H] s’était engagée de procéder,

– condamner, en conséquence, Maître [N] in solidum à la somme de 4 418,70 euros de dommages-intérêts au titre de la réfection de la salle de bain,

Sur l’assainissement

– ‘dire et juger’ que Maître [N] a commis des manquements professionnels en adoptant une rédaction confuse quant à l’obligation de raccordement d’assainissement et en n’informant pas de manière complète les parties quant à son étendue,

– ‘dire et juger’ que Mme [H] n’a réalisé qu’un raccordement partiel du bien au réseau d’assainissement, alors qu’elle s’était engagée auprès d’elle en connaissance de cause à un raccordement complet, celui-ci résultant notamment de la neutralisation de la fosse septique du bien,

– condamner, en conséquence, Maître [N] et Mme [H] in solidum à la somme de 3 600 euros de dommages-intérêts correspondant au montant des travaux de raccordement restant à effectuer, selon estimation de l’Expert judiciaire,

Sur le préjudice de jouissance

– ‘dire et juger’ qu’elle n’a pas pu avoir une utilisation normale du rez-de chaussée du bien en raison de la non réalisation des travaux et de l’absence de raccordement à l’assainissement,

– constater que ce rez-de-chaussée indépendant du 1er étage constituait un studio qu’elle pouvait louer,

– condamner, en conséquence Maître [N] et Mme [H] in solidum à la somme de 6 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, soit 100 euros par mois du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2019,

Sur le préjudice moral

– ‘dire et juger’ que Mme [H] a fait preuve d’une mauvaise foi caractérisée dans l’exécution de ses obligations contractuelles, en affirmant notamment que la salle de bain avait été terminée, puis l’en accusant de l’avoir détruite, ce qui est totalement réfuté par le rapport d’expertise et par les attestations de M. [B],

– ‘dire et juger’ que Maître [N] a elle-aussi fait preuve de mauvaise foi dans l’exécution de ses missions, notamment lors de l’accomplissement de ses devoirs de séquestre en affirmant n’avoir pas reçu les courriels de Mme [G] l’informant de l’avancée anormale des travaux de rénovation,

– ‘dire et juger’ qu’elle a nécessairement subi un préjudice moral en raison de l’attitude de Mme [H] et de Maître [N],

– condamner, en conséquence, Mme [H] et Maître [N] in solidum la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par Mme [G],

En tout état de cause,

– débouter Mme [H] et Maître [N] de toutes leurs demandes,

Sur les frais de l’article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens,

– condamner Mme [H] et Maître [N] in solidum à la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, compte tenu du fait qu’elles l’ont contraint à engager de lourds frais de justice devant le Juge des référés, le Tribunal de Grande Instance d’Albi et la cour d’appel de Toulouse, alors qu’une résolution amiable aurait pu être trouvée en novembre 2015,

– les condamner in solidum aux entiers dépens, en ce compris les frais du référé et de l’expertise judiciaire.

Mme [G] sollicite la confirmation des condamnations prononcées à l’endroit de Mme [H] et, s’agissant du notaire instrumentaire, elle soutient avoir informé ce dernier, par plusieurs courriels dont elle déclare justifier, des difficultés relatives aux travaux commencés tardivement et dont la durée d’exécution excédaient les délais stipulés. Elle reproche à Maître [N] de n’avoir pas requis le consentement des parties préalablement à tout transfert des fonds séquestrés.

Mme [G] soutient également que la notaire n’avait pas respecté les dispositions d’ordre public des dispositions du code la construction et de l’habitation en ne prévoyant pas les justificatifs exigés pour la conclusion d’un contrat de vente d’immeuble à rénover (notamment les garanties décennales et dommage-ouvrages, procès-verbal de livraison, garantie financière d’achèvement) qui auraient évité le litige et la constitution d’un séquestre.

Mme [G] considère par ailleurs que Maître [N] n’a pas apporté la preuve qu’elle avait effectué les vérifications utiles sur l’existence des factures et attestations de garantie, avant de rédiger le compromis et la réitération authentique ni jugé utile de l’alerter quant à la modification intervenue entre ces deux actes, manquant à ses obligations de conseil et d’information, spécialement au regard des difficultés résultant de la lecture de diverses pièces sur l’étendue et la nature des raccordements aux réseaux.

Mme [G] critique le montant de la somme allouée au titre de la réparation de son préjudice de jouissance et le rejet de sa demande présentée au titre de la réparation de son préjudice moral.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 20 avril 2020, Mme [Z] [H], intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal-fondées,

– rejeter l’appel principal et infondé de Maître [N] notaire, et débouter Mme [G] de son recours incident et injustifié,

– accueillir son appel incident portant sur les dispositions ayant retenu sa responsabilité et l’ayant condamné au paiement de diverses sommes au profit de Mme [G],

– réformer le jugement dont appel sur ces dispositions,

Et statuant à nouveau :

– débouter Mme [G] de toutes ses demandes injustifiées à son encontre,

– reconventionnellement condamner in solidum Maître [N] notaire et Mme [G] au paiement des sommes suivantes :

* 3078,93 euros représentant le solde du prix de vente de l’immeuble vendu, pour lequel

autorisation judiciaire a été donnée au notaire de lever le séquestre,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

* 2 078,93 euros, représentant le solde du prix de vente lui restant dû,

* 10 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

– condamner Mme [G] et Maître [N] solidairement aux entiers dépens d’instance, les frais d’expertise judiciaire étant laissés à la charge exclusive de l’acheteur.

Indiquant avoir été reconnue handicapée par la Maison départementale des personnes handicapées du Tarn-et-Garonne, Mme [H] précise qu’elle a obtenu une aide de compensation financière pour la réalisation de travaux d’aménagement de la salle de bains mais qu’en raison de l’indisponibilité du plaquiste et de l’insuffisance de l’aide accordée elle n’a pu finaliser tous les travaux et a choisi de vendre l’immeuble.

Mme [H] affirme que les travaux mis à sa charge dans l’acte de vente ont été exécutés dans le délai contractuel ayant permis le déblocage du solde de l’aide départementale. Au soutien de cette affirmation, elle produit des attestations et discute celles produites par Mme [G], ajoutant que les travaux ont été détruits dès le mois de décembre 2014 à la demande de cette dernière pour la réalisation de nouveaux travaux à son goût de sorte que le rapport d’expertise ne peut être retenu sur ce point. Elle affirme par ailleurs que n’ayant plus accès à l’immeuble elle a fourni les carreaux litigieux à l’acquéreur qui n’a jamais proposé de date pour leur pose.

Elle a considéré que le raccordement général du bien aux réseaux d’assainissement est conforme et que le contrat ne comportait pas d’obligation à la charge du vendeur de raccordement de l’évier de la cuisine du rez-de-chaussée de l’immeuble étant précisé que celui de la cuisine principale de l’immeuble était quant à lui raccordé.

Mme [H] a considéré qu’elle ne pouvait être condamnée au paiement des travaux sur la toiture alors que l’acquéreur y a renoncé expressément dans l’acte authentique, la clause s’y référant dans la procuration n’ayant pas été reprise.

Elle a contesté les sommes réclamées par Mme [G] et s’est opposée au recours exercé par le notaire à son endroit considérant que ce dernier ne rapporte pas la preuve de faute, l’intimée niant avoir trompé quiconque et affirmant que Maître [N] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice personnel en lien de causalité avec une faute du vendeur, seuls les propres manquements professionnels du notaire reprochés par l’acquéreurs étant en cause.

Mme [H] a sollicité reconventionnellement la condamnation du notaire de Mme [G] à lui payer des dommages et intérêts pour procédure abusive.

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Maître Sylvie Sabatier a signifié à Mme [H], par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 septembre 2022 pour lui indiquer qu’elle se dessaisissait de son dossier.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 février 2023. L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 6 mars 2023.

Par courriers des 17 et 28 février 2023, Mme [H] a écrit à la cour pour solliciter le report de l’audience de plaidoirie au motif qu’elle ne trouverait pas d’avocat pour remplacer son conseil et que sa demande d’attribution de l’aide juridictionnelle a été rejetée.

Après examen de cette demande à l’audience et après avoir reçu les observations des conseils des autres parties, l’affaire a été retenue motif pris qu’en l’absence de droit au bénéfice de l’aide juridictionnelle et de démonstration d’un dysfonctionnement des règles ordinales de la profession d’avocat, Mme [H] bénéficiait depuis le mois de septembre d’un délai suffisant pour constituer un autre conseil ainsi que des dispositions de l’article 419 du code de procédure civile prévoyant que le mandat de représentation ne cesse que du jour où l’avocat est remplacé par un nouveau représentant constitué par la partie de sorte que les droits de la défense de Mme [H] qui avait déjà fait déposer des conclusions sur le fond en avril 2020 ne sont pas atteints dans leur substance.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

1. Sur la responsabilité de la venderesse :

1.1 Il résulte des dispositions univoques des actes successifs signés par les parties le 23 juillet 2014 pour le compromis et le 1er octobre 2014 pour l’acte authentique de vente de l’immeuble litigieux par Mme [H] à Mme [G] que :

– la venderesse s’est obligée à réaliser avant la signature de l’acte authentique des ‘travaux de réfection de la salle de bain du bas comprenant remplacement de la douche, réfection des murs avec pose de placoplâtre et de faïence dans la douche, peinture des mûrs et plafond, réfection de l’électricité et de la plomberie’ selon un devis joint et à remplacer ‘des carreaux abîmés dans la pièce du bas’ ;

– le compromis de vente précisait que l’immeuble avait fait l’objet de travaux de rénovation de la toiture ‘sans recours’, l’acquéreur devant prendre le bien dans l’état où il se trouvait le jour de l’entrée en jouissance, sous les garanties dues en vertu des articles 1792 et suivants du code civil et la venderesse s’obligeant à ‘remettre à l’acquéreur les factures et attestations des garanties décennales des entreprises qui ont participé aux travaux de rénovation de la toiture et qui réaliseront le raccordement au tout à l’égout, au plus tard le jour de la signature de l’acte authentique’ ;

– les travaux n’ayant pas été finalisés à la signature de l’acte authentique de vente, ledit acte comportait une constitution de séquestre d’une somme de 9 000 euros entre les mains d’un clerc de l’étude notariale correspondant au montant des travaux à effectuer avant le 30 novembre 2014, d’une part par M. [I] [B], artisan plombier dont le devis était annexé à l’acte et, d’autre part par le plaquiste étant relevé qu’il était précisé dans l’acte authentique que ‘le vendeur déclare qu’il a payé d’ores et déjà payé les travaux à réaliser par le plaquiste'(sic).

Le 23 décembre 2014, le notaire a débloqué au profit de la venderesse la somme de 6.921,57 euros correspondant au montant de la facture de M. [B], datée du 12 décembre 2014, et a conservé le solde de la somme séquestrée.

Mme [G] recherche d’abord la condamnation de Mme [H] à lui payer diverses sommes en raison du manquement de la venderesse à plusieurs de ses obligations liées à la parfaite réalisation des travaux promis et à la remise de divers documents.

1.2 Sur les travaux de rénovation de la salle de bains, le tribunal a condamné Mme [H] à payer à Mme [G] qui en demande confirmation, la somme de 4 418,70 euros à titre de dommages et intérêts déterminés sur la base du rapport d’expertise judiciaire qui note que la salle de bains est inutilisable en l’état en raison de l’absence de réalisation de nombreuses prestations et que celles qui ont été réalisées sont à reprendre dont notamment les travaux de maçonnerie.

La cour relève que les travaux attendus en vertu de l’acte authentique de vente mobilisaient l’intervention d’un plombier nommément cité et d’un plaquiste sans aucune mention de son identité et il ne lui échappe pas que le délai supplémentaire concédé à la venderesse pour la réalisation de ces travaux était indubitablement lié à l’aide du conseil départemental sollicitée par cette dernière, en raison de son handicap, consentie sur la base des devis du plombier ainsi que d’un plaquiste et dont le solde lui a été réglé par décision du 22 décembre 2014 nonobstant le fait que l’article 2 de cette décision précisait que le logement devait être celui du bénéficiaire ou devenir sa résidence principale. La défection du plaquiste initialement choisi et la couverture insuffisante des travaux par cette aide ne peuvent qu’expliquer l’avance faite par l’acquéreur à un autre plaquiste en la personne de M. [L] saisi par Mme [H].

Cette dernière produit une attestation sur l’honneur de M. [L], signée le 28 février 2015, assurant avoir ‘terminé novembre 2014, tous les travaux (plaquiste etc…) en conformité au devis établi par mon confrère pour la MDPH, dans l’ancienne maison de Madame [H] [D] [M] [Localité 8]. Ces travaux m’avaient entièrement été réglés par Madame [D] [M] (bien notifié sur l’acte du notaire). Mme [G], la nouvelle propriétaire, m’a demandé de lui faire des travaux supplémentaires (non notifiés sur le devis de Mme [H]). Ces travaux là, ont étés entièrement terminés courant novembre, Mme [G], à ma demande s’est engagée à me payer par chèque emploi service. Elle ne m’a pas toujours payé’ (sic). Cet artisan a par la suite attesté le 19 mai 2016 qu’il a dû refaire entièrement le ‘placo’ dans toute la salle d’eau ‘à cause des mauvais travaux de M. [B], le plombier qui a entraîné une fuite d’eau. Je confirmé que j’ai été acheté du carrelage pour toute la salle d’eau, sol y compris avec [C] la fille de madame [G] à Bric-dépôt à [Localité 10]. Ceci n’était pas compris car Mme [H] avait laissé assez de carrelage authentique pour faire la reprise de la seule salle d’eau’ (sic).

M. [B] a pour sa part établi une attestation datée du 23 février 2015 indiquant avoir réalisé les travaux lui incombant sans mentionner de date en affirmant que ceux-ci n’ont pas été finalisés et en incriminant la mauvaise qualité des travaux réalisés par le plaquiste alors que ce même plombier avait établi le 12 décembre 2014 une facture pour avoir paiement du solde des travaux laissant ainsi supposer qu’ils étaient achevés.

Au regard du contexte administratif qui vient d’être décrit, les contradictions qui se sont amplifiées par de multiples attestations croisées, ne peuvent être arbitrées que par les constatations de l’expert judiciaire qui a noté lors de sa visite des lieux faite le 29 juin 2016 que notamment aucun sanitaire n’était en place, la reprise du carrelage du sol dans la profondeur de l’embrasure élargie n’est pas réalisée, la porte n’est pas en place, l’appui de la fenêtre est à l’état brut, partiellement enduit de ciment, les joints sur les plaques de plâtre en murs et plafond ne sont pas ou très mal réalisés et le plâtre sur l’un des murs est mal lissé, les plinthes ne sont pas posées, l’installation électrique n’est pas finalisée (page 13 du rapport).

L’allégation d’une prétendue alliance frauduleuse de l’acquéreur et du plombier avant l’expertise laissant supposer une destruction des travaux initialement réalisés ne repose sur aucun élément concret et pertinent. Mme [H] produit une attestation établie par M. [O] le 20 septembre 2018 et indiquant que le 17 novembre 2014 ‘Etant du métier j’admirai la perfection du travail tant les sanitaires, les carrelages, les lumières. Je félicitais le plombier pour ce beau travail d’artisanat’ alors que Mme [G] écrivait au notaire par courriel le 12 novembre 2014 : ‘le plombier et le plaquiste ont encore du travail à réaliser. Le raccordement du tout à l’égout est presque terminé, par contre la salle de bain n’est pas faite’ (pièce n°4 du dossier de Mme [G]).

L’expert a précisé que cette pièce est dans l’état décrit par M. [B] dans son attestation du 23 février 2015 et que personne n’a vérifié l’état des travaux à la date du règlement de la facture du plombier, Mme [G] affirmant toutefois avoir adressé au notaire des courriels l’avertissant du défaut d’achèvement des travaux.

Il n’est pas discuté que conformément aux mentions de l’acte authentique, l’acquéreur devait prendre la possession des lieux à compter du 4 octobre 2014 mais il n’est nullement établi au regard des explications parfois confuses des artisans que l’inachèvement des travaux est imputable à Mme [G] qui s’inquiétait plus de leur retard que de leur modification et alors qu’en réalité, ce retard était lié à la mauvaise exécution de leurs travaux respectifs. Les travaux supplémentaires prétendument commandés par Mme [G] ne sont pas définis par M. [L] ni corroborés par un ordre de travaux signé par l’acquéreur.

Le tribunal a donc justement considéré que les travaux prévus à la charge de Mme [H] n’avaient pas été réalisés tant avant la date butoir fixée par l’acte authentique qu’avant l’engagement de la procédure de sorte que la responsabilité contractuelle de la venderesse a été à bon droit retenue et que cette dernière a été justement condamnée à payer des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 4 418,70 euros sur la base de l’estimation faite par l’expert de la valeur des travaux contractuellement prévus.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

1.3 S’agissant du remplacement des carreaux de la cuisine du bas, le tribunal a condamné Mme [H] à payer à Mme [G] la somme de 275 euros correspondant au montant des ‘carreaux abîmés dans la pièce du bas’ tel que chiffré TTC par l’expert judiciaire.

Ce dernier a effectivement constaté la présence de ‘5 carreaux dégradés en sol de la cuisine’.

Dans ses conclusions, Mme [H] ne discute pas n’avoir pas procédé à ce remplacement dans le délai convenu affirmant seulement avoir remis les carreaux nécessaires à la réparation du sol de la cuisine et ceux devant constituer la frise et n’avoir pu faire poser ces carreaux par M. [L] qui aurait refusé d’accomplir cette prestation ni avoir été invitée à accéder dans les lieux après la vente pour faire réaliser ces travaux de telle façon qu’elle aurait cru que l’acquéreur avait abandonné ce point.

L’attestation établie le 24 mars 2016 par le jardinier qui affirme avoir enlevé des encombrants dans le jardin les 4 et 5 février 2015 et parmi lesquels se trouvaient des carrelages qu’il ne décrit pas, ne saurait faire la démonstration d’une impossibilité d’exécution de l’obligation de la venderesse devant être accomplie avant le 30 novembre 2014.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

1.4 Sur les travaux de raccordement au réseau d’assainissement public, le tribunal a rejeté les demandes de Mme [G] qui demandait la condamnation de la venderesse à lui payer une somme de 3 600 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au montant des travaux de raccordement de l’évier du rez-de-chaussée qui était encore branché sur le réseau pluvial.

Il est constant que le compromis de vente comportait bien en page 14 au chapitre de l’assainissement la mention selon laquelle le vendeur déclarait que l’immeuble vendu ‘sera raccordé au réseau d’assainissement préalablement à la signature de l’acte authentique’ et s’obliger ‘à faire neutraliser à ses frais la fosse septique existante et à supporter tous les frais de branchement ainsi qu’il résulte du devis établi par M. [B] et ci dessus visé’. L’acte authentique de vente comporte pour sa part en page 13 la mention suivante : ‘Le vendeur déclare que l’immeuble vendu est desservi par le réseau d’assainissement mais n’est pas raccordé à ce dernier’ et a fait un rappel en gras des engagements pris au compromis s’agissant de la neutralisation aux frais du vendeur de la fosse septique existante et à supporter tous les frais de branchement ainsi qu’il résulte du devis établi par M. [B].

L’expert judiciaire a relevé que ‘le raccordement à l’égout de l’évier de la cuisine n’a pas été réalisé’ contrairement aux exigences réglementaires interdisant le branchement des eaux usées de la cuisine sur le réseau pluvial.

Si le raccordement au réseau d’assainissement doit s’entendre comme global, le premier juge a exactement relevé que les termes de l’acte authentique informaient l’acquéreur de l’absence de réalisation de ces travaux de branchement et que les frais auxquels la venderesse était contractuellement tenue étaient limités à ceux visés au devis du plombier, annexé à l’acte et qui ne mentionne pas au rez-de-chaussée le raccordement litigieux mais seulement celui de la salle de bains du bas.

Il n’est pas contesté que Mme [H] a fait raccorder l’ensemble des autres installations, Mme [G] ayant pu écrire au notaire le 12 novembre 2014 que ‘le raccordement au tout à l’égout est presque terminé’ sans souligner la nature des travaux restant à accomplir et n’a pas plus dénoncé l’absence du raccordement de l’évier avant sa lettre recommandée à Mme [H] du 5 mai 2015 (pièce n° 10 du dossier de Mme [G]).

Le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.

1.5 S’agissant de la toiture, le tribunal a condamné Mme [H] à payer à Mme [G] une somme de 9 507 euros à titre de dommages et intérêts pour la réfection de la toiture sur la base de l’estimation faite TTC par l’expert judiciaire des désordres constatés sur la toiture étant retenu que la venderesse n’a pas transmis à Mme [G] toutes les informations et documents relatifs aux travaux effectués sur la toiture alors même qu’elle s’y était engagée dans le compromis de vente et dans sa procuration annexée à l’acte authentique de vente, privant l’acquéreur de tout recours contre les professionnels intervenus.

Suivant le compromis de vente du 23 juillet 2014, il est précisé au titre des conditions

particulières à la vente d’un immeuble ou partie d’immeuble achevé depuis moins de 10 ans :

“L’immeuble objet des présentes a fait l’objet de travaux de rénovation de la toiture. Le tout sans aucun recours.

L’acquéreur prendra le bien dans l’état où il le trouvera le jour de l’entrée en jouissance, sous les garanties dues en vertu des articles 1792 et suivants du Code civil, le tout dans la mesure où elles sont susceptibles d’être encore mises en jeu.

L’acquéreur exercera ces garanties contre le vendeur ; celui-ci est considéré comme constructeur de l’ouvrage ; dans le cas contraire, il sera subrogé dans tous les droits et obligations du vendeur.

Le vendeur s’oblige à remettre à l’acquéreur les factures et les attestations de garanties décennales des entreprises qui ont participé aux travaux de rénovation de la toiture, et qui réaliseront le raccordement au tout-à-l’égout, au plus tard au jour de la signature de l’acte authentique”.

Il est constant que cette clause n’a pas été reprise à l’acte authentique du 1er octobre 2014.

Mme [H] avait expliqué dès le 12 juillet 2014 par un courrier adressé au notaire que la réfection de la toiture était intervenue à la suite d’un gros orage de grêle survenu le 5 août 2012 et qu’elle avait confié les travaux de réparation à un auto-entrepreneur en la personne de M. [L] dont elle donnait les coordonnées et qu’elle affirmait avoir réglé par un chèque emploi. Elle a communiqué dès le 12 juillet 2014 les documents relatifs à l’intervention du plombier pour le raccordement au réseau d’assainissement mais aucune pièce relative à ‘la rénovation’ évoquée dans le sous seing privé du 23 juillet 2014.

L’expert judiciaire a pu déterminer des travaux de pose par une entreprise [A] d’un velux attestés par une facture de mars 2007 et que rien n’attestait d’autres travaux effectivement réalisés sur la toiture de l’immeuble et allégués comme ayant été ponctuellement accomplis par M. [L], plaquiste non assuré pour de tels travaux qui n’attestera rien à ce sujet. La toiture présentait de nombreuses malfaçons génératrices d’infiltrations constatées (défaut d’alignement des tuiles, défaut de recouvrement et de plaquage des tuiles, absence de solin contre mitoyen, mauvaise implantation du velux, trop près du faîtage, défaut d’écartement des tuiles de part et d’autre de la fenêtre du toit, ensourdement partiel du faîtage dont les cassures ont été siliconnées).

M. [X], artisan intervenu en mai 2015 à la suite de fuites, a attesté que la toiture a ‘déjà été bricolée plusieurs fois’ et a établi un devis de réfection de 77 m² de toiture et de remplacement de la fenêtre de toit pour un montant de 9 507 euros TTC.

Selon les propres dires de Mme [H] au cours de l’expertise et rapportés par l’expert (page 7 du rapport), un devis de l’entreprise [A] du 27 août 2012 d’un montant de 5 912,82 TTC, a été accepté par l’assureur de Mme [H] (la Banque Postale) qui a remboursé cette dernière de ce montant et que la main d’oeuvre a été finalement assurée par M. [L] qui aurait travaillé pour une entreprise Parra. L’expert a noté que les travaux entrepris n’ont pas été réalisés conformément au devis de l’entreprise [A] pas plus que ceux ayant fait l’objet d’un précédent devis par cette même entreprise en octobre 2005.

Bien que se prévalant de l’attestation d’une auxiliaire de vie affirmant avoir remis diverses factures à Mme [G] sans aucune mention de date et de l’objet exact des documents évoqués, rendant sans portée cette attestation, Mme [H] n’a jamais remis de documents pertinents et promis en exécution du compromis et que si cette communication ne peut être exigée en vertu de l’acte authentique, les constatations qui précèdent démontrent une absence totale de sincérité dans les affirmations faites à l’acquéreur sur la nature des travaux réalisés sur la toiture de l’immeuble de sorte que la venderesse a engagé sa responsabilité en dissimulant la réalité des travaux réalisés dans les dix ans qui précédaient la vente alors que la question de la garantie de la rénovation alléguée à l’acte avaient été jugée importante par l’acquéreur lors de la rédaction du compromis. Cette faute ne peut que rendre inefficace la clause générale de l’acte authentique sur la non-garantie des vices de l’immeuble, la toiture ne présentant pas aux yeux de Mme [G], profane, un quelconque vice apparent.

Le jugement ayant accueilli, tant en son principe qu’en son montant la demande de dommages et intérêts présentée à ce titre par Mme [G] doit être confirmé.

1.6 Sur le préjudice de jouissance, le tribunal a fixé à la somme de 1 500 euros (25 euros par mois durant 60 mois) sur la base de l’évaluation faite par l’expert, le montant du préjudice de jouissance subi par Mme [G] du fait du caractère inutilisable de la salle de bain en considérant pour minorer la demande que l’acquéreur ne justifiait pas qu’elle envisageait de louer le 1er étage de la maison.

Sans qu’il soit démontré que le défaut de raccordement réglementaire au réseau d’assainissement de l’évier de la cuisine du bas ait concrètement entraîné un préjudice de jouissance et en l’absence de tout élément nouveau en appel, il convient de confirmer sur ce point la décision entreprise dont l’analyse est conforme aux éléments produits au dossier.

1.7 Sur le préjudice moral, le tribunal a rejeté la demande présentée par Mme [G] au motif qu’elle ne démontrait pas de préjudice ‘distinct autres que ceux déjà réparé au titre du préjudice de jouissance ou au titre des frais de procédure’.

L’indemnité de jouissance comme l’indemnité due au titre des frais irrépétibles n’ont pas pour vocation de réparer le préjudice moral dont l’existence est en l’espèce justifiée en son principe au regard de l’ensemble des constatations qui précèdent sur la mauvaise foi de la venderesse et les délais vainement consentis par l’acquéreur pour s’exécuter.

Infirmant sur ce point le jugement entrepris, il convient de fixer le montant de ce poste de préjudice à la somme de 1 000 euros au paiement de laquelle Mme [H] sera condamnée.

1.8 Il convient de confirmer par ailleurs le jugement en ce qu’il a ordonné la déconsignation au profit de Mme [G] du solde du dépôt séquestré entre les mains du notaire et s’élevant à 2 078,93 euros conformément aux pièces indiscutables du dossier et ce, aux fins de compensation avec le montant des dommages et intérêts dus au titre de la réfection de la salle de bains.

2. Sur la responsabilité du notaire :

2.1 En droit, le notaire qui prête son concours à l’établissement d’actes authentiques doit veiller à leur efficacité. Il doit, préalablement, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer leur utilité et leur efficacité, sans toutefois être dans l’obligation de vérifier les informations d’ordre factuel fournies par les parties en l’absence d’éléments de nature à faire douter de la véracité ou de l’exactitude des renseignements donnés. Il est en outre tenu, envers ceux qui sollicitent son ministère d’un devoir de conseil et, le cas échéant de mise en garde, notamment en ce qui concerne les conséquences et risques des stipulations convenues.

2.1.1 Selon l’article L. 262-1 du code de la construction et de l’habitation, ‘Toute personne qui vend un immeuble bâti ou une partie d’immeuble bâti, à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation, ou destiné après travaux à l’un de ces usages, qui s’engage, dans un délai déterminé par le contrat, à réaliser, directement ou indirectement, des travaux sur cet immeuble ou cette partie d’immeuble et qui perçoit des sommes d’argent de l’acquéreur avant la livraison des travaux doit conclure avec l’acquéreur un contrat soumis aux dispositions du présent chapitre.

Le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution. L’acquéreur est tenu d’en payer le prix à mesure de l’avancement des travaux.

Les dispositions du présent chapitre ne s’appliquent pas aux travaux d’agrandissement ou de restructuration complète de l’immeuble, assimilables à une reconstruction.

Le contrat mentionné au premier alinéa est soumis aux dispositions relatives à la vente d’immeubles existants, et notamment à celles du titre VI du livre III du code civil, sous réserve de l’application des articles L. 262-2 à L. 262-11 du présent code’.

Mme [G] reproche au notaire de ne pas lui avoir conseillé de conclure un contrat de vente d’immeuble à rénover qui lui aurait permis de bénéficier de garanties utiles pour s’assurer de l’exécution des obligations de la venderesse.

S’agissant de la salle de bain, l’objet des travaux restant à accomplir étaient ceux d’adaptation d’une salle de bain à une situation de handicap partiellement financée par un tiers au bénéfice exclusif de la propriétaire qui a sollicité l’aide départementale et non à une opération de rénovation.

S’agissant toutefois des travaux de mise aux normes réglementaires du raccordement des eaux usées au réseau d’assainissement, force est de constater que les dispositions précitées du code de la construction et de l’habitation trouvent à s’appliquer quelle que soit la valeur des travaux à accomplir, n’écartant leur application qu’en cas d’agrandissement ou de reconstruction.

Le notaire doit démontrer qu’il a conseillé la conclusion d’un tel contrat, Mme [H] ne disposant manifestement pas de fonds pour avancer leur financement avant la libération de l’essentiel du prix de vente par l’acquéreur. La preuve de ce conseil n’est manifestement pas rapportée.

Néanmoins, ce manquement du notaire à son obligation de conseil doit avoir eu un lien de causalité avec le dommage subi dont Mme [G] lui demande la réparation intégrale et solidaire.

Or, la perte de chance d’éviter le dommage, s’agissant ici de ce manquement spécifique, consiste en la privation pour l’acquéreur d’un droit de bénéficier des garanties offertes par ces dispositions et notamment de celle d’une garantie financière d’achèvement, soit la finalisation d’un raccordement complet évalué par l’expert à 3 600 euros. Il vient d’être constaté que Mme [G] a été pleinement informée de l’étendue des travaux contractuellement arrêtés en gras dans le texte par l’acte authentique de vente et se rapportant à ceux visés au devis annexé à l’acte ne comprenant pas le raccordement de l’évier. Les travaux prévus ont été intégralement réalisés et réglés par la venderesse.

À défaut de solliciter la requalification de l’acte de vente et son annulation pour défaut de mention des informations d’ordre public qui doivent figurer dans un acte de vente d’immeuble à rénover, Mme [G] ne peut se prévaloir d’un préjudice en lien de causalité avec le défaut de conseil qui vient d’être relevé.

2.1.2 Par ailleurs, les clauses figurant à l’acte de vente authentique de vente étaient claires et les passages susceptibles d’avoir une portée sur le litige sont même en gras et documentés par des annexes connues de Mme [G] qui ne pouvait ignorer le contexte dans lequel les conditions particulières de l’acte ont été rédigées. Cela était particulièrement vrai pour l’étendue du raccordement au réseau d’assainissement ainsi que cela vient d’être rappelé mais aussi pour les documents relatifs à la toiture étant relevé que Mme [G] ne pouvait ignorer que ceux-ci n’avaient pas été remis au plus tard le jour de la signature de l’acte authentique contrairement à ce qui était promis et qu’aucune disposition n’avait été stipulée à cet égard, le notaire ne disposant d’ailleurs pas d’autres éléments que ceux déclarés par la venderesse et qu’il n’était pas en mesure de vérifier utilement ni même tenu de le faire en l’absence d’élément susceptible de mettre en doute les informations portées à sa connaissance.

Il ne peut donc être retenu un manquement du notaire à son devoir de conseil dans la rédaction de l’acte authentique de vente.

2.2 Demeure la question de la libération partielle des fonds séquestrés entre les mains de l’étude notariale.

Selon l’article 1960 du code civil, ‘le dépositaire chargé du séquestre ne peut être déchargé avant la contestation terminée, que du consentement de toutes les parties intéressées, ou pour une cause jugée légitime’.

En l’espèce, l’objet des sommes séquestrées était la garantie des travaux réalisés par M. [B] conformément au devis annexé et le coût des travaux du plaquiste étant constaté que la venderesse avait affirmé avoir déjà payé le plaquiste.

Il est constant que le 23 décembre 2014, le notaire a débloqué au profit de la venderesse une somme de 6 921,07 euros représentant le coût des travaux réalisés par le plombier. S’il est de principe que le notaire n’a pas à vérifier le suivi des travaux et leur achèvement, il était tenu de s’assurer du consentement de toutes les parties à la libération même partielle des fonds.

Mme [G] produit plusieurs courriels à l’étude notariale (aux adresses respectives du notaire et d’un clerc sans allégation d’erreur d’écriture) avant le 23 décembre 2014 et spécialement celui du 15 décembre 2014 annonçant que les travaux du plaquiste n’étaient pas terminés et ne pourraient se faire qu’en janvier ou février 2015. Le notaire conteste avoir reçu ces messages et si, effectivement, l’expéditeur n’apporte pas la preuve de leur réception, Maître [N] ne justifie d’aucune démarche auprès de Mme [G] pour solliciter son accord à une telle libération de sorte que celle-ci ainsi effectuée était fautive.

Le dommage en lien de causalité avec cette faute ne consiste qu’en une perte de chance de bénéficier d’une garantie propres à participer à la réparation des conséquences dommageables d’un litige sur l’exécution des travaux de la salle de bains. Au regard des développements qui précèdent, ce taux de perte de chance doit être fixé à 90 % et s’appliquer uniquement à la somme de 2 339,77 euros soit 4 418,70 € (préjudice retenu) – 2 078,93 € (solde déconsigné au profit de l’acquéreur) de sorte que le jugement ayant condamné le notaire in solidum avec Mme [H] à réparer l’entier dommage causé par cette dernière sera infirmé et que Maître [N] sera condamnée à payer à Mme [G], in solidum avec MM la seule somme de 2 105,79 euros en réparation du préjudice en lien de causalité avec la faute commise dans la gestion du séquestre.

3. Cette condamnation trouve son fondement dans la faute personnelle et exclusive du notaire qui ne pouvait se contenter des affirmations de la venderesse ni d’une facture même payée du plombier pour se dispenser de son obligation basique de recueillir le consentement de l’acquéreur avant de libérer les fonds. Maître [N] sera déboutée de sa demande reconventionnelle en condamnation de Mme [H] à la garantir en tout ou partie de la condamnation prononcée.

4. Mme [H] ne justifie aucunement d’une faute de Maître [N] dans l’exercice de son droit d’agir ou de se défendre en justice notamment dans la présentation de cette demande. Elle sera déboutée de sa demande présentée à ce titre.

5. Au regard de l’économie générale de la procédure en appel, les dépens qui y sont attachés seront partagés à parts égales entre les parties.

La décision entreprise étant infirmée quant à la condamnation in solidum de Mme [H] et du notaire aux dépens de première instance, ces derniers seront mis, frais de référé et d’expertise compris, à la seule charge de Mme [H].

6. Il n’est nullement inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens. Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La condamnation in solidum du notaire au paiement des frais non compris dans les dépens exposés en première instance sera infirmée et laissée à la seule charge de Mme [H].

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 10 septembre 2019 par le tribunal de grande instance d’Albi en ses dispositions relatives au rejet de l’indemnité demandée en réparation du préjudice moral et la condamnation du notaire.

Le confirme pour le surplus.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne Mme [Z] [H] à payer à Mme [E] [G] la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral.

Condamne Mme [Z] [H] seule aux dépens de première instance en ce compris les frais de référé et d’expertise.

Condamne Mme [Z] [H] seule à payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne Maître [K] [N] in solidum avec Mme [Z] [H] à hauteur de la seule somme de 2 105,79 euros au titre de la condamnation à réparer le préjudice lié à la réfection de la salle de bains.

Déboute Mme [E] [G] du surplus de ses demandes formées à l’endroit de Maître [K] [N].

Déboute Maître [K] [N] de sa demande de condamnation de Mme [Z] [H] à la garantir.

Déboute Mme [Z] [H] de sa demande en paiement d’une indemnité au titre de la procédure abusive.

Partage à parts égales les dépens d’appel entre Mme [Z] [H], Mme [E] [G] et Maître [K] [N].

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

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