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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 13
ARRÊT DU 22 Septembre 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/02945 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7NFP
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 18/01173
APPELANT
Monsieur [J] [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparant en personne
INTIMEE
CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE VIEILLESSE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par M. [G] [R] en vertu d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M Raoul CARBONARO, président de chambre
M Gilles REVELLES, conseiller
M Gilles BUFFET , conseiller
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Madame Fatma DEVECI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par M. [J] [Y] d’un jugement rendu le 13 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l’opposant à la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [J] [Y] a saisi le 16 mars 2018, en son nom, et en celui de sa nièce Mme [S] [E], le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris en contestation de la récupération de l’Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées versée à son frère qui lui a été notifiée par la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse le 19 janvier 2018.
Par jugement du 13 décembre 2018, le tribunal a :
– dit irrecevable le recours de M. [J] [Y] en ce qu’il et formé au nom de Mme [S] [E] ;
– dit irrecevable la demande de sursis à statuer ;
– rejeté le recours de M. [J] [Y] ;
– condamné M. [J] [Y] à verser à la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse la somme de 10 807,86 euros ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– mis les frais d’exécution du jugement à la charge de M. [J] [Y].
Le tribunal a, au fond, jugé que les dispositions de l’article 786 du code civil n’étaient pas applicables dès lors que la créance de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse constitue une charge de succession née après le décès de l’allocataire et non une dette successorale. Il a en outre rappelé que la caisse avait avisé le notaire du principe de sa créance, sans en chiffrer le montant, de telle sorte que le requérant ne pouvait en ignorer l’existence. Il a enfin retenu que la créance ne pouvant être récupérée que si l’actif net de la succession était supérieur à 39 000 euros, le patrimoine personnel du requérant n’était pas obéré.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 29 janvier 2019 à M. [J] [Y] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception adressée le 28 février 2019.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience, M. [J] [Y] demande à la cour de :
– infirmer le jugement ;
– débouter la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse de sa demande en paiement , condamner la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse aux dépens ;
– subsidiairement, en cas de rejet de sa demande principale, condamner la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse au paiement de dommages et intérêts équivalant à la moitié de sa créance.
Il expose que le jugement a été rendu au terme d’une procédure non contradictoire ; que la caisse a prévenu tardivement notaire et au-delà du délai de six mois imparti à ce dernier pour régler la succession alors qu’elle avait été dûment avertie par le tuteur ; qu’il a donc été victime d’un préjudice ; que la récupération de la créance de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse amènerait l’actif net successoral à moins que 39 000 euros ; que la caisse doit prendre en intégralité les frais funéraires, le devis ayant été signé avant le décès
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son représentant, la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 13 décembre 2018 ;
– débouter M. [J] [Y] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner M. [J] [Y] à rembourser à la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse la somme de 10 807, 86 euros ainsi qu’aux entiers dépens ;
à titre subsidiaire, si les frais funéraires et successoraux devaient être déduits de l’actif brut successoral ;
– débouter M. [J] [Y] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner M. [J] [Y] à rembourser à la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse la somme de 10 375, 43 euros ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle expose que articles L. 815-13 et D. 815-4 du code de la sécurité sociale, les sommes servies au titre de l’allocation de solidarité sont récupérées si l’actif net successoral est supérieur à 39 000 euros ; qu’en l’espèce, la déclaration de succession mentionne un actif brut de succession à 72 260,67 euros auquel le notaire a déduit des frais funéraires (10 455,89 euros et 1 500 euros) et des frais successoraux (553,91 euros) pour un montant total de 12 509,80 euros ; que les frais funéraires ne doivent être déduits que pour un montant forfaitaire de 1 500 euros en vertu de l’article 775 du code général des impôts ; que les frais successoraux ne sont pas déductibles, de sorte que la réalité de l’actif net successoral est bien de 70 206,76 euros ; qu’il resterait encore la somme de 20 750,87 euros à récupérer en la divisant par le nombre d’héritiers (2) soit 10 375,43 euros pour M. [J] [Y]; que par ailleurs, le seuil de recouvrement (39 000 euros) se déduit de l’actif net successoral et non de la part de chaque héritier ; qu’elle a informé le notaire en charge de la succession que le de cujus était titulaire de l’allocation de solidarité puis a notifié son opposition à la liquidation de la succession dans le délai de cinq ans prévu à l’article L.815-13 du code de la sécurité sociale ; que le délai de six mois, à compter du jour du décès, invoqué par l’appelant correspond au délai pour établir la déclaration de succession (article 641 du code général des impôts) et non du délai pour liquider une succession lequel peut varier d’une succession à une autre ; qu’en l’espèce, la déclaration de succession a été signée le 29 mai 2017 et communiquée à la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse seulement par courrier du 28 décembre 2017 ; que pour chiffrer la somme recouvrable conformément à l’article L. 815-4 du code de la sécurité sociale, elle ne disposait pas de la déclaration de succession avant sa transmission par courrier du 28 décembre 2017 ; que le fait d’un tiers (la prétendue responsabilité du notaire) invoqué par l’appelant ne saurait constituer une faute de sa part; que le préjudice personnel allégué par l’appelant qu’il chiffre à 50 % de la créance n’est pas établi ; que la récupération de l’allocation de solidarité sur la succession de son bénéficiaire prévue à l’article L. 815-13 du code de la sécurité sociale est le corollaire de son service ; qu’elle ne constitue pas un préjudice pour les héritiers ; qu’elle est une charge de la succession et non une dette successorale ; que le litige entre le notaire (qui n’est pas partie à l’instance) et l’appelant sont indépendants de ce contentieux ; qu’au surplus, les courriers produits par l’appelant concernant le notaire sont anciens.
SUR CE :
– Sur l’effet de l’appel
L’effet dévolutif de l’appel jouant, même en cas d’excès de pouvoir, élément qui ne ressort pas des notes d’audience du jour de la plaidoirie devant le tribunal, la cour est saisie de l’entier litige et doit l’évoquer au fond.
Dès lors, l’éventuelle nullité du jugement, non démontrée en l’espèce, ne saurait interdire de juger du principe et du montant de la créance de la caisse.
– Sur la créance de la caisse
L’article L. 815-13 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, applicable au litige dispose que :
« Les sommes servies au titre de l’allocation sont récupérées après le décès du bénéficiaire dans la limite d’un montant fixé par décret et revalorisé dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article L. 816-2.
« Toutefois, la récupération n’est opérée que sur la fraction de l’actif net qui excède un seuil dont le montant est fixé par décret.
« Lorsque la succession du bénéficiaire, en tout ou en partie, comprend un capital d’exploitation agricole, ce dernier ainsi que les bâtiments qui en sont indissociables ne sont pas pris en compte pour l’application du deuxième alinéa. La liste des éléments constitutifs de ce capital et de ces bâtiments est fixée par décret.
« Le recouvrement est opéré dans des conditions et selon des modalités fixées par décret par les organismes ou services assurant le service de l’allocation mentionnés à l’article L. 815-7.
« Les sommes recouvrables sont garanties par une hypothèque légale prenant rang à la date de son inscription.
« L’action en recouvrement se prescrit par cinq ans à compter de l’enregistrement d’un écrit ou d’une déclaration mentionnant la date et le lieu du décès du défunt ainsi que le nom et l’adresse de l’un au moins des ayants droit.
« Lorsque le montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées est versé à des conjoints, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité, tous deux bénéficiaires, l’allocation est réputée avoir été perçue pour moitié par chacun des membres du couple . »
L’article D 815-4 du code de la sécurité sociale précise que le seuil est fixé à 39 000 euros.
En l’espèce, M. [Z] [Y], frère de l’appelant, décédé le 27 novembre 2016, a été bénéficiaire de l’allocation de solidarité aux personnes âgées du 1er juin 2013 au 30 novembre 2016. La caisse dépose l’attestation de paiement pour la période du 1er juin 2013 au 30 novembre 2016 représentant 21 615,71 euros.
Selon la déclaration de succession, l’actif brut successoral s’élève à 72 260,67 euros. Le passif est composé du montant du devis n° 069040 des Services Funéraires de la Ville de [Localité 5], accepté le 23 novembre 2016, les frais acquittés au titre de la succession de sa soeur et les frais funéraires pour un montant de 1 500 euros.
S’agissant de la prise en compte du devis accepté antérieurement au décès, l’article 768 du code général des impôts énonce que : « Pour la liquidation des droits de mutation par décès, les dettes à la charge du défunt sont déduites lorsque leur existence au jour de l’ouverture de la succession est dûment justifiée par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite ».
Si un devis accepté vaut contrat, il appartient à celui qui l’invoque d’en prouver l’existence.
En l’espèce, si la déclaration de succession mentionne un devis accepté et ses références, M. [J] [Y] ne le produit pas au soutien de sa contestation, la déclaration de succession n’étant signée que des héritiers, sans intervention d’un tiers en attestant l’exactitude. Dès lors, selon le texte de l’article précité, faute de dépôt de la pièce, la cour n’est pas en mesure de vérifier la véracité de l’allégation d’une acceptation du devis antérieurement au décès, ni de son montant.
Faute de preuve de l’existence de ce contrat antérieurement au décès, le montant de l’actif net successoral doit donc être fixé à 70 206,76 euros. Le seuil de récupération étant de
39 000 euros, l’assiette du recouvrement s’établit donc à 31 206,76 euros.
La créance de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse étant divisible par moitié entre chaque héritier, la part due par M. [J] [Y] est donc de 10 807,86 euros.
La décharge prévue à l’article 786, alinéa 2, du code civil, ne s’applique qu’aux dettes successorales, nées avant le décès et qui sont le fait du défunt. Les sommes servies au titre de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, qui peuvent être récupérées après le décès du bénéficiaire sur une fraction de l’actif net, en application de l’article L. 815-13 du code de la sécurité sociale, ne constituent pas des dettes successorales mais des charges de la succession, nées après le décès de l’allocataire. Ainsi, l’article 786, alinéa 2, du code civil n’est pas applicable à la récupération exercée par une caisse de retraite sur l’actif net de la succession d’un bénéficiaire de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (1re Civ., 7 février 2018, pourvoi n° 17-10.818, Bull. 2018, I, n° 25).
Aucun dégrèvement par application de l’article 786 du code civil ne saurait être accordé, cet article n’étant pas applicable au litige.
M. [J] [Y] sera donc condamné au paiement de cette somme et le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
– Sur la demande de dommages et intérêts
M. [J] [Y] produit au soutien de son allégation de négligence fautive de la caisse, une lettre du 20 décembre 2016 établie par son notaire, demandant à celle-ci notamment les conditions de recouvrement de l’allocation de solidarité. Le 16 février 2017, la caisse répond que le défunt percevait bien l’allocation supplémentaire ou de solidarité et indique ne pas être débitrice de sommes envers la succession, sans répondre sur les modalités de récupération. Elle envoie le 18 décembre 2017 un courrier rappelant au notaire qu’elle doit récupérer les sommes versées lorsque l’actif net est supérieur à 39 000 euros. Le notaire répond alors avoir clôturé la succession.
M. [J] [Y] ne saurait faire grief à la caisse d’avoir tardé à répondre dès lors qu’elle disposait d’un délai de 5 ans pour opérer sa réclamation à compter de l’enregistrement d’un écrit ou d’une déclaration mentionnant la date et le lieu du décès du défunt ainsi que le nom et l’adresse de l’un au moins des ayants droit.
Or, aucun des courriers du notaire n’a informé la caisse du nom d’au moins un des héritiers, de telle sorte que le délai n’a pu courir.
En outre, faute d’avoir adressé à la caisse une information sur le montant de l’actif net successoral, le notaire, mandataire des héritiers, ne permettait pas à la caisse de connaître la situation de la succession et de faire valoir sa créance.
La tardiveté de la réponse de la caisse ne peut donc être qualifiée de fautive.
La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.
M. [J] [Y], qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DÉCLARE recevable l’appel de M. [J] [Y] ;
CONFIRME le jugement rendu le 13 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris en ses dispositions soumises à la cour ;
DÉBOUTE M. [J] [Y] de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE M. [J] [Y] aux dépens d’appel.
La greffière Le président