Responsabilité du Notaire : 28 septembre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/02327

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Responsabilité du Notaire : 28 septembre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/02327
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délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/02327 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OC7K

dont a été joint le N° RG 19/02368 – N° Portalis DBVK-V-B7D-ODBY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 février 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 12/01474

APPELANTES :

CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC-ROUSSILLON

prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social

RCS de Montpellier n°383 451 267

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Clément BERMOND de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, constitué en lieu et place en cours de délibéré de Me Cyrille AUCHE de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER,

substitué à l’audience par Me Oliver GUERS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Appelante dans le n°19/02337 (Fond)

Intimée dans le n°19/02368

LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF)

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sophie ENSENAT, avocat au barreau de MONTPELLIER

Appelante dans le n°19/02368 (Fond)

Intimée dans le n°19/02327

INTIMES :

SCP POUDOU PAQUETTE LHOTELLIER LIBES

société titulaire d’un office notarial

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Intimée dans le n°19/2327 et le n°19/2368

Syndicat des copropriétaires de l’IMMEUBLE HARMONIE SUD 2 pris en la personne de son syndic en exercice le cabinet GIT

[Adresse 21]

[Adresse 21]

[Adresse 21]

et

Monsieur [RV] [H]

né le 27 Septembre 1972 à [Localité 27]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

et

Madame [P] [BT] épouse [H]

née le 10 Septembre 1972 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

et

Monsieur [N] [D]

né le 03 Juillet 1975 à [Localité 26]

de nationalité Française

[Adresse 23]

[Adresse 23]

[Adresse 23]

et

Madame [XY] [FB] épouse [D]

née le 20 Février 1978 à [Localité 33]

de nationalité Française

[Adresse 23]

[Adresse 23]

[Adresse 23]

et

Monsieur [ZF] [B]

né le 04 Juillet 1980 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 34]

[Adresse 34]

et

Monsieur [VD] [X]

né le 30 Mai 1972 à [Localité 32]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Adresse 7]

et

Madame [LS] [VX] épouse [X]

née le 15 Décembre 1972 à [Localité 24]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Adresse 7]

et

Monsieur [S] [L]

né le 26 Janvier 1954 à [Localité 18] (ALLEMAGNE)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

et

Madame [C] [TW] épouse [L]

née le 28 Décembre 1953 à [Localité 35]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

et

Monsieur [ZZ] [F]

né le 20 Avril 1973 à [Localité 20]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Adresse 10]

et

Madame [T] [KY] épouse [F]

née le 31 Août 1980 à [Localité 25]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Adresse 10]

et

Monsieur [OG] [I]

né le 21 Juin 1961 à [Localité 16]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Adresse 11]

et

Madame [W] [PN] épouse [I]

née le 05 Mai 1959 à [Localité 30]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Adresse 11]

et

Monsieur [MF] [HP]

né le 09 Décembre 1958 à [Localité 28]

de nationalité Française

[Adresse 36]

[Adresse 36]

et

Madame [BH] [A] épouse [HP]

née le 24 Avril 1955 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 36]

[Adresse 36]

et

Monsieur [G] [DA]

né le 08 Mars 1979 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

et

Monsieur [SB] [EH]

né le 26 Août 1975 à [Localité 24]

de nationalité Française

[Adresse 22]

[Adresse 22]

[Adresse 22]

et

Madame [V] [U] épouse [EH]

née le 10 Janvier 1975 à [Localité 24]

de nationalité Française

[Adresse 22]

[Adresse 22]

[Adresse 22]

et

Monsieur [RV] [K]

né le 06 Juillet 1974 à [Localité 19]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

et

Madame [J] [M] épouse [K]

née le 20 Août 1974 à [Localité 29]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

et

Monsieur [BC] [R]

né le 09 Novembre 1975 à [Localité 31]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Tous représentés par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l’audience par Me Jacob KUDELKO du cabinet FAYOL & Associés, avocat au barreau de VALENCE

Intimés dans le n°19/02368 et le n°19/02327

Ordonnance de clôture du 07 Juin 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 juin 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

Mme [C] WATTRAINT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

La SARL Harmonie Sud 2 a été constituée pour la construction et la vente en l’état futur d’achèvement d’un ensemble immobilier situé à [Localité 12] et comportant 12 logements.

La SARL Harmonie Sud 2, maître de l’ouvrage, a confié à Madame [NM] [O], architecte assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Français (ci-après la MAF), la maîtrise d’oeuvre d’exécution selon contrat régularisé entre les parties le 16 juillet 2007.

Monsieur [SO] [GI] et Monsieur [S] [Z], gérants de la SARL Harmonie Sud 2, ainsi que Monsieur [SO] [UP], cadre commercial, se sont portés cautions personnelles et solidaires de cette dernière à hauteur de 550 000 euros chacun.

Par ailleurs, par acte de cautionnement du 30 octobre 2007, la SARL Harmonie Sud 2 s’est vue consentir une garantie d’achèvement par la Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc-Roussillon (ci-après la Caisse d’Epargne).

Aux termes de cet acte, la Caisse d’Epargne se portait caution solidaire de la SARL Harmonie Sud 2 pour payer les sommes nécessaires à l’achèvement des travaux en cas de défaillance du promoteur.

Les logements en question ont été vendus en l’état futur d’achèvement, selon actes reçus en l’office notarial SCP Poudou-Lhotelier-Libes-Paquette, à :

– Monsieur [ZF] [B] (lots 1, 15 et 16 dont l’appartement A1)

– Monsieur [N] [D] et Madame [XY] [FB] épouse [D] (lots 2, 17 et 18 dont l’appartement A2)

– Monsieur [S] [L] et Madame [C] [TW] épouse [L] (lots 3 et 19 dont l’appartement A3)

– Monsieur [MF] [HP] et Madame [BH] [A] épouse [HP] (lots 4 et 20 dont l’appartement A4)

– Monsieur [SB] [EH] et Madame [V] [U] épouse [EH] (lots 5, 13 et 21 dont l’appartement A5)

– Monsieur [OG] [I] et Madame [W] [PN] épouse [I] (lots 6 et 22 (dont l’appartement A6)

– Monsieur [RV] [H] et Madame [P] [BT] épouse [H] (lots 7, 23 et 24 dont l’appartement B1)

– Monsieur [VD] [X] et Madame [LS] [VX] épouse [X] (lots 8, 25 et 26 dont l’appartement B2)

– Monsieur [BC] [R] (lots 9 et 27 dont l’appartement B3)

– Monsieur [ZZ] [F] et Madame [T] [KY] épouse [F] (lots 10, 14 et 28 dont l’appartement B4)

– Monsieur [G] [DA] (lots 11 et 29 dont l’appartement B5)

– Monsieur [RV] [K] et Madame [J] [M] épouse [K] (lots 12 et 30 dont l’appartement B6)

Ces acquisitions étaient faites dans le cadre de la loi Scellier ou Robien, les acquéreurs entendant faire un investissement locatif afin de défiscaliser une partie de leurs revenus.

Ces actes prévoyaient un délai de livraison des appartements au 3ème trimestre 2008 soit au 30 septembre 2008 au plus tard.

Le permis de construire a été délivré par le maire de la commune d'[Localité 12] le 27 mars 2007 et la déclaration d’ouverture du chantier a été déposée en Mairie le 2 octobre 2007.

Les travaux n’étant pas achevés au 30 septembre 2008, plusieurs copropriétaires ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Béziers aux fins notamment de voir condamner la SARL Harmonie Sud 2 à achever et livrer les appartements.

Par ordonnance du 10 novembre 2009, le juge des référés a condamné la SARL Harmonie Sud 2 à achever et livrer les appartements acquis par les requérants en l’état futur d’achevement, sous astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de l’ordonnance.

La SARL Harmonie Sud 2 n’a pas déféré à cette injonction.

Par jugement du 27 janvier 2010, le tribunal de commerce de Béziers a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Harmonie Sud 2 et désigné Me [MZ] [FO] en qualité de mandataire liquidateur.

Les copropriétaires ont sollicité la mise en oeuvre de la garantie d’achèvement auprès de la Caisse d’Epargne, en vertu de l’acte de cautionnement bancaire consenti le 30 octobre 2007.

Cette dernière leur a opposé un refus de garantie aux termes d’un courrier du 1er février 2010, au motif de la régularisation de la déclaration d’achèvement des travaux par la SARL Harmonie Sud 2 en date du 31 septembre 2008 attestée par l’architecte en charge du projet.

Parallèlement, une procédure pénale a été engagée par l’un des copropriétaires, Monsieur [I], celui-ci ayant porté plainte le 20 avril 2009 pour faux et usage de faux à l’encontre de Monsieur [GI] et de Monsieur [UP].

Par jugement du tribunal correctionnel de Béziers du 24 juin 2013, Messieurs [UP] et [GI] ont été déclarés coupables d’avoir sciemment fait usage d’un écrit ayant pour effet d’établir 1a preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques, en l’espèce un procès-verbal dans lequel avait été altérée frauduleusement la vérité en l’adressant à Me [PA], notaire, dans le but de faire débloquer une partie des fonds de la vente de l’immeuble.

Monsieur [GI] a formé opposition à ce jugement.

Par jugement du 6 octobre 2014, le tribunal a déclaré Monsieur [GI] coupable des faits qui lui étaient reprochés.

Suivants actes des 23 et 24 avril 2012, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Harmonie Sud 2 (ci-après le syndicat) et dix des copropriétaires ont assigné la Caisse d’Epargne, Madame [O] et la SCP de notaires Poudou-Lhotelier-Libes-Paquette en responsabilité et réparation de leurs préjudices.

Par ordonnance du 20 décembre 2012, le juge de la mise en état a :

– rejeté la demande d’expertise à l’égard de la Caisse d’Epargne et de la SCP de notaires ;

– ordonné une mesure d’expertise judiciaire au contradictoire de Madame [O] confiée à Monsieur [XE].

Par dénonce d’assignation et appel en cause du 26 mars 2014, Monsieur et Madame [H] ont mis en cause la SA Crédit Logement aux fins de lui voir déclarer le jugement à intervenir commun et opposable.

L’expert a déposé son rapport le 5 août 2014.

Selon ce rapport et suite à sa visite des lieux les 11 mars 2013 et 24 février 2014, l’expert conclut :

– les parties privatives de l’immeuble sont achevées excepté la terminaison du lot électricité.

Cependant il y eu beaucoup de vandalisme puisque l’ont trouve arrachés :

* les portes d’entrées

* l’unité intérieure de climatisation réversible

* le cumulus

* le lavabo

* parfois la cabine de douche

* parfois la cuvette des WC

* parfois les ouvrants des châssis bains et chambres sur les 12 appartements

– concernant les VRD, il convient de revoir entièrement le réseau eaux usées et le réseau eau potable, et de reprendre l’électricité dans les parties communes ;

– total de l’enjeu financier = 1 167 246,05 euros dont :

* 550 288,05 euros au titre du coût d’achèvement des travaux

* 546 000 euros au titre de la perte de valeur locative

* 70 958 euros au titre de la perte de gains fiscaux

L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 14 mai 2018, puis renvoyée à l’audience du 17 septembre 2018 suite à la communication de l’information du décès de l’architecte Madame [NM] [O].

Par ordonnance du 10 août 2018, le syndicat et les copropriétaires ont été autorisés à assigner à jour fixe la MAF, assureur de Madame [O], pour l’audience collégiale de plaidoirie du 17 septembre 2018.

Par jugement contradictoire du 18 février 2019, le tribunal de grande instance de Béziers a :

– ordonné la jonction de la procédure inscrite sous le numéro RG 18/2064 à la procédure inscrite sous le numéro RG 12/1474 ; (= jonction à l’instance principale de l’assignation à jour fixe concernant la MAF)

– homologué le rapport d’expertise de Monsieur [XE] en date du 5 août 2014;

– donné acte aux demandeurs de leur désistement envers Madame [O] ;

– condamné in solidum la Caisse d’Epargne et la MAF en sa qualité d’assureur de Madame [O], à payer :

* au syndicat des copropriétaires de la Résidence Harmonie Sud 2 la somme de 280 451,49 euros au titre du coût d’achèvement des travaux,

* aux époux [H], aux époux [D], à Monsieur [B], aux époux [X], aux époux [L], aux époux [F], aux époux [I], aux époux [HP], à Monsieur [DA], aux époux [EH], à Monsieur [BC] [R], à Monsieur [RV] [K] et Madame [J] [M], chacun, les sommes suivantes :

– coût d’achèvement des travaux : 22 486,63 euros

– pertes de revenus locatifs : 50 000 euros

– préjudice moral : 1 500 euros

– dit que, dans leurs rapports entre eux, la Caisse d’Epargne et la MAF seront obligées à parts égales ;

– dit que la condamnation de la MAF interviendra dans les conditions et limites du contrat d’assurance conclu avec Madame [NM] [O] ;

– mis hors de cause la SA Crédit Logement ;

– enjoint à la SCP Poudou-Lhotelier-Libes-Paquette, notaires, de restituer les fonds restant en la comptabilité du notaire :

– aux époux [D] : 8 000 euros

– à Monsieur [DA] : 7 850 euros

– aux époux [EH] : 7 850 euros

– à Monsieur [R] : 7 650 euros

– aux époux [K] : 7 850 euros,

– rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

– condamné in solidum la Caisse d’Epargne et la MAF en sa qualité d’assureur de Madame [O] à payer une indemnité de 1 500 euros à chacun des requérants sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la SA Crédit Logement et de la SCP de notaires ;

– condamné in solidum la Caisse d’Epargne et la MAF en sa qualité d’assureur de Madame [O] aux entiers dépens et ce compris le coût des frais inhérents à l’expertise judiciaire soit la somme de 23 189,67euros ;

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration au greffe du 4 avril 2019, la Caisse d’Epargne a relevé appel de ce jugement à l’encontre des 21 copropriétaires, du syndicat, de la MAF et de la SCP de notaires Poudou-Lhotelier-Libes-Paquette.

Par déclaration au greffe de 5 avril 2019, la MAF a également interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par ordonnance du 17 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des instances n°19/02368 et 19/02327 sous ce dernier numéro.

Par conclusions remises au greffe le 8 octobre 2019, la Caisse d’Epargne sollicite la réformation du jugement et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

– constater l’extinction de la garantie financière à la date du 31 juillet 2008 ;

– en conséquence, débouter le syndicat et les copropriétaires de l’intégralité de leurs demandes dirigées à son encontre ;

– les condamner in solidum (ou tout succombant) à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les honoraires de l’expert judiciaire.

A titre subsidiaire, la Caisse d’Epargne soulève l’irrecevabilité des demandes du syndicat et des copropriétaires au visa de l’article 2224 du code civil.

A défaut, elle demande à la cour de :

– limiter les sommes réclamées par les copropriétaires au titre de l’achèvement des parties privatives ;

– limiter son engagement vis-à-vis du syndicat à la somme de 144 980 euros ;

– juger que chacun des acquéreurs reste lui devoir 10 % du prix de vente des logements et ordonner la compensation des créances réciproques (détail dans les conclusions) ;

– débouter les copropriétaires de leurs demandes indemnitaires à l’encontre de la Caisse d’Epargne, ou à défaut limiter toute réparation au bénéfice de chacun à la somme de 20 702,50 euros.

Concernant son litige avec la MAF, la Caisse d’Epargne demande à la cour de :

– débouter la MAF de ses demandes ;

– juger recevable l’action subrogatoire à son encontre ;

– juger recevables les demandes formée à son encontre au titre de l’action personnelle de la Caisse d’Epargne ;

– condamner la MAF à relever et garantir la Caisse d’Epargne de l’intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au bénéfice des acquéreurs et du syndicat ;

– débouter la MAF de ses prétentions relatives à l’application d’un plafond de garantie de 500 000 euros.

Par conclusions remises au greffe le 19 février 2020, la MAF sollicite la réformation du jugement en ce qu’il a jugé recevable l’action formé à son encontre par les acquéreurs et le syndicat et l’a condamnée à les indemniser en qualité d’assureur de Madame [O] ; la MAF soulève la prescription de l’action initiée à son encontre au visa de l’article 2224 du code civil.

A titre subsidiaire, la MAF demande à la cour de débouter les copropriétaires et le syndicat de l’intégralité de leurs demandes, à défaut de réunion des éléments nécessaires à la mise en cause de la responsabilité civile contractuelle de l’architecte.

Encore plus subsidiairement, la MAF demande à la cour de :

– débouter tout requérant de toute demande élevée à son encontre au titre d’un motif autre que des éventuelles malfaçons ;

– condamner les requérants à supporter une partie des travaux correspondant à la reprise des dégradations et actes de vandalisme ainsi qu’aux travaux de mise en sécurité du bien (soit les sommes de 269 839,56 euros et 39 825,85 euros) ;

– laisser le surplus des sommes à la charge des responsables concernés que sont la SCP de notaires et le garant financier de l’achèvement soit la Caisse d’Epargne ;

– revoir le montant des préjudices invoqués et, statuant à nouveau sur ce point :

* juger que les sommes restantes en comptabilité du notaire restituées aux acquéreurs viendront en déduction des éventuelles sommes qui leur seraient allouées au titre des travaux d’achèvement, pertes de loyer ou préjudice moral ;

*confirmer le jugement en ce qu’il a retenu un abattement de 35 % correspondant à la perte de chance de louer les logements dans les conditions escomptées.

Concernant les prétentions de la Caisse d’Epargne, la MAF sollicite à titre liminaire la réformation du jugement en ce qu’il a statué extra petita à son égard, et demande à la cour de débouter en conséquence la Caisse d’Epargne de l’intégralité de ses demandes.

A titre principal, elle sollicite la réformation du jugement en ce qu’il a accueilli les prétentions de la Caisse d’Epargne à son encontre et dit qu’elles seraient tenues à parts égales dans leurs rapport ; elle soulève :

– l’irrecevabilité de l’action aux fins de relevé et garantie formée par la Caisse d’Epargne à son encontre, en l’absence de recours subrogatoire de la banque à l’égard des intervenants à l’acte de construire ;

– l’irrecevabilité de cette action car non initiée dans le délai de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil.

Plus subsidiairement, elle demande à la cour :

– de débouter la Caisse d’Epargne de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la MAF en l’absence de manquement en lien avec la mission confiée à Madame [O] et qui serait à l’origine de l’arrêt des travaux ;

– de condamner la banque seule à réparer l’entier préjudice causé aux acquéreurs tenant son positionnement et son comportement fautif depuis l’origine du litige.

Enfin, la MAF demande à la cour de :

– débouter tout requérant de toute prétention élevée à son encontre au titre du financement des travaux d’achèvement ;

– vu les conditions particulières du contrat d’assurance, juger la MAF recevable et bien fondée à opposer son plafond de garantie applicable aux dommages immatériels non-consécutifs ;

– si la cour devait condamner la MAF, limiter les sommes allouées au-delà de ce plafond d’un montant de 500 000 euros ;

– juger que la MAF est bien fondée à opposer sa franchise contractuelle telle que figurant au contrat d’assurance de Madame [O] ;

– confirmer le jugement et dire que l’éventuelle condamnation de la MAF interviendra strictement dans les conditions et limites du contrat d’assurance souscrit par Madame [O], pour le seul quantum qui lui est imputable soit 10 % de toute part éventuelle de responsabilité ; pour le surplus, seul le garant financier d’achèvement et la SCP de notaires devant voir leur responsabilité mobilisée et engagée ;

En tout état de cause, la MAF sollicite la condamnation de tout succombant à payer la somme de 7 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe le 6 septembre 2019, le syndicat et l’ensemble des copropriétaires forment appel incident, sollicitant la réformation du jugement en ce qu’il a :

– limité à 50 000 euros par copropriétaire le préjudice de perte de revenus locatifs,

– limité à 1 500 euros par copropriétaire le préjudice moral ;

– rejeté la demande d’indemnisation du préjudice financier.

Ils sollicitent donc une révision des montants accordés à chacun d’eux, à hauteur de :

– 81 900 euros au titre de la perte de revenus locatif,

– 10 000 euros au titre du préjudice moral,

Concernant le préjudice financier, il est sollicité la somme de 3 477,50 euros pour Monsieur et Madame [H].

Au titre du surcoût d’intérêts bancaires, il est sollicité :

– 15 328 euros pour Monsieur [B],

– 9 322 euros pour Monsieur et Madame [L],

– 17 272 euros pour Monsieur et Madame [HP],

– 7 238 euros pour Monsieur [DA].

A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de condamner la SCP de notaires à leur verser, au titre de sa responsabilité professionnelle :

– 22 950 euros à Monsieur et Madame [H]

– 8 000 euros à M. et Mme [D]

– 15 700 euros à M. et Mme [K]

– 16 000 euros à M. [B]

– 16 000 euros à M. et Mme [X]

– 13 501,37 euros à M. et Mme [L]

– 15 635,95 euros à M. et Mme [F]

– 7 650 euros à M. [R]

– 15 700 euros à M. et Mme [I]

– 15 700 euros à M. [DA]

– 7 850 euros à M. et Mme [EH].

En tout état de cause, le syndicat et les copropriétaires sollicitent la condamnation in solidum de la Caisse d’Epargne et de la MAF à payer à chacun des requérants la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Par conclusions remises au greffe le 28 octobre 2019, la SCP de notaires Poudou-Lhotelier-Libes-Paquette sollicite la confirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Béziers le 18 février 2019 en ce qu’il a rejeté l’action en responsabilité dirigée à l’encontre du notaire.

La SCP de notaires demande également à la cour :

– de débouter la MAF des prétentions dirigées à son encontre ;

– de condamner la MAF à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– de condamner tout succombant à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS DE L’ARRET :

Sur la garantie d’achèvement :

Aux termes de l’article R 261-24 alinéa 1 du code de la construction ” La garantie financière d’achèvement ou de remboursement prend fin à l’achèvement de l’immeuble, tel que défini à l’article R 261-1. Cet achèvement résulte de la constatation qui en est faite soit par une personne désignée dans les conditions prévues à l’article R 261-2, soit par un organisme de contrôle indépendant ou un homme de l’art. Lorsque le vendeur assure lui-même la maîtrise d’oeuvre, la constatation est faite par un organisme de contrôle indépendant “.

L’article R 261-1 dispose que l’immeuble vendu à terme ou en l’état futur d’achèvement est réputé achevé lorsque sont exécutés les ouvrages et y sont installés les éléments d’équipement qui sont indispensables à l’utilisation, conformément à sa destination, de l’immeuble faisant l’objet du contrat.

En l’espèce, la Caisse d’Epargne fait valoir que la signature par l’architecte de l’attestation de conformité contenue dans la déclaration d’achèvement des travaux emportait extinction de la garantie à effet au 31 juillet 2008.

Or, d’une part, il n’est pas contestable ni même contesté qu’à l’époque où cette déclaration des travaux a été rédigée, les travaux n’étaient pas achevés.

Sur ce point, le tribunal a justement relevé que cet inachèvement avait fait l’objet de constats de Maître [E], huissier de justice, des 16 janvier 2009 et 26 avril 2011.

Par ailleurs, l’architecte, Madame [O] a attesté avoir constaté que le 20 mars 2009, la copropriété Harmonie Sud 2 ne pouvait, en aucune façon, être considérée comme habitable ou livrable et a adressé le 23 mars suivant au maître d’ouvrage le courrier recommandé suivant :

” Dois-je vous rappeler que le chantier n’a pas été réceptionné, il est d’ailleurs loin d’être livrable (…). Les appartements sont sans chauffage, sans téléphone, sans télévision et plus grave encore, l’alimentation électrique se fait par le branchement chantier, le consuel n’est pas passé, rien n’est terminé ni aux normes de sécurité.

(…)

Je vous rappelle également que de nombreux points sont à terminer avant que l’on puisse procéder à la réception des travaux et qu’à ma grande surprise, lors de ma visite du 20/03, il n’y avait que 2 personnes sur le chantier, en train de monter les murets séparatifs des jardins “.

Le tribunal expose également que le député-maire d’Agde a certifié le 21 octobre 2010 ” Après enquête sur le terrain, les travaux concernant l’ensemble immobilier Résidence Harmonie Sud 2 n’ont jamais été achevés. Les appartements sont donc inhabitables en l’état “.

D’autre part, il ressort des pièces versées aux débats que la déclaration d’achèvement des travaux soumise au garant était un faux.

En effet, Monsieur [SO] [GI] a reconnu dans le procès-verbal d’audition du 2 février 2012 que la déclaration d’achèvement a été établie par le promoteur et non par l’architecte et qu’il s’agit d’un faux.

Il expose avoir ” à l’époque avec M. [UP] réceptionné l’appartement et signé en tant que maître d’ouvrage et M. [UP] pour l’acquéreur pour profiter d’un déblocage de fonds pour continuer les travaux dans la résidence “.

Concernant la déclaration d’achèvement des travaux, Monsieur [GI] a déclaré le même jour ” Je tiens à vous dire que je reconnais mon écriture sur la seconde attestation de déclaration d’achèvement de travaux du mois de juillet 2008, à savoir avoir rempli toutes les mentions au nom de [O] [NM]. Par contre, je ne l’ai pas signée. Je me souviens avoir rédigé ce document. [SO] [UP] a dû le signer puisqu’on se voyait régulièrement pour notre activité (…).

Avec [UP], j’ai donc établi cette fausse attestation d’achèvement de travaux valant pour l’ensemble des appartements de la résidence “.

Ces déclarations sont confirmées par celles de Madame [O] qui a affirmé à plusieurs reprises tant lors de l’expertise que dans le cadre de la procédure judiciaire ne pas avoir établi ni signé cette déclaration d’achèvement.

S’il n’est pas contesté que l’immeuble n’a jamais été achevé, la Caisse d’Epargne soutient en revanche que le garant n’a aucun pouvoir d’enquête ou de police, et qu’il ne peut être tenu de vérifier le bien fondé de l’attestation de conformité qui lui est remise.

Or, en l’espèce, une simple comparaison des signatures permettait de s’apercevoir que la déclaration d’achèvement n’avait pas été signée par Madame [O], le faussaire, comme le soulignent justement le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires, n’ayant même pas tenté d’imiter, même grossièrement, la signature de l’architecte.

Si la Caisse d’Epargne fait valoir qu’il est constant qu’une attestation, même mensongère ou de complaisance, libère le garant, il convient de relever qu’aux termes des arrêts cités par elle, la Cour de cassation a reconnu l’effet libératoire de la déclaration d’achèvement en constatant que cette dernière avait été faite par un homme de l’art, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

En tout état de cause, la Caisse d’Epargne , pour refuser de mettre en jeu la garantie d’achèvement, ne pouvait uniquement se fonder sur une déclaration transmise par fax, la signature figurant sur l’acte ne correspondant pas à celle de l’architecte et la déclaration n’étant en outre pas accompagnée de la preuve du dépôt en mairie établissant la date certaine de cette déclaration, conformément aux dispositions des articles L 462-1 et R 462-1 du code de l’urbanisme.

Par conséquent, la Caisse d’Epargne a manifestement manqué de vigilance et a refusé indûment de mettre en oeuvre la garantie d’achèvement sollicitée par les acquéreurs le 29 juin 2009, en invoquant une déclaration d’achèvement des travaux grossièrement falsifiée, ce qui engage sa responsabilité civile contractuelle pour faute, le garant ne pouvant opposer aux acquéreurs et au syndicat l’absence de mise en demeure alors que le garant a été interpellé à plusieurs reprises par les copropriétaires aux fins de mise en oeuvre de la garantie, ce qui ressort du courrier adressé le 1er février 2010 par le conseil de la Caisse d’Epargne au conseil des copropriétaires ” A ce jour, au travers de plusieurs correspondances, vous souhaitez voir mise en jeu la garantie d’achèvement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard”.

La responsabilité pour faute du garant conduit d’une part, à condamner ce dernier à assumer le coût de l’achèvement des travaux et d’autre part, à indemniser les autres préjudices résultant de ses manquements.

La Caisse d’Epargne soutient enfin que si la déclaration d’achèvement est un faux, l’action des copropriétaires et du syndicat serait prescrite, les acquéreurs devant agir dans le délai de cinq ans, le point de départ de la prescription étant le placement le 27 janvier 2010 en liquidation judiciaire de la société Harmonie Sud 2.

Contrairement à ce que soutient la Caisse d’Epargne, l’action diligentée par les acquéreurs et le syndicat le 24 avril 2012 tendait à la mise en jeu de la responsabilité pour faute du garant qui avait indûment refusé de mettre en oeuvre la garantie d’achèvement, l’action tendant à la mise en oeuvre de la garantie et celle tendant à reconnaître la responsabilité pour faute du garant tendant aux mêmes fins, à savoir obtenir une indemnisation permettant d’achever l’immeuble, outre une indemnisation des différents préjudices résultant de la faute du garant.

L’assignation délivrée le 24 avril 2012 a donc interrompu le délai de prescription, de sorte que la fin de non-recevoir soulevée à ce titre sera rejetée.

Sur la responsabilité de l’architecte :

Sur la prescription de l’action à l’encontre de la MAF :

La MAF soutient que l’action du syndicat des copropriétaires de l’immeuble Harmonie Sud 2 et des acquéreurs serait prescrite au visa de l’article 2224 du code civil au motif que l’action des demandeurs à son encontre aurait été initiée par une assignation du 28 août 2018, soit plus de cinq ans après la connaissance des faits litigieux.

En l’espèce, seul le rapport d’expertise judiciaire déposé le 5 août 2014 a permis au syndicat des copropriétaires et aux acquéreurs d’avoir connaissance des manquements de Madame [O] mis en exergue par l’expert, de sorte que l’action diligentée le 28 août 2018 à l’encontre de son assureur, la MAF, n’est pas prescrite.

Sur les fautes de l’architecte :

Il résulte du contrat d’architecte simplifié conclu le 16 juillet 2007 entre le maître d’ouvrage et Madame [NM] [O] que cette dernière était chargée d’une mission de maîtrise d’oeuvre comprenant les éléments suivants :

– maîtrise d’oeuvre d’exécution,

– assistance au maître d’ouvrage lors de la réception du chantier.

En l’espèce, Madame [O] a reconnu devant l’expert que bien qu’investie d’une mission de suivi d’exécution, elle n’avait pas accès aux dossiers des entreprises et ne visait donc pas les factures de celles-ci, précisant même qu’il n’y avait pas eu non plus un seul compte rendu de chantier.

L’expert souligne que Madame [O] ne disposait même pas du plan de masse de l’opération et n’a pas été en mesure de préciser si les VRD avaient été réalisés.

Madame [O] a donc reconnu dans le cadre de l’expertise qu’elle avait manqué à sa mission de direction et de suivi des travaux, affirmant dans ses conclusions qu’elle avait été empêchée d’exercer sa mission par le maître de l’ouvrage, ce qui ne l’a cependant pas conduite à dénoncer son contrat , Madame [O] ayant continué à signer des attestations relatives à l’avancement du chantier (attestations des 23 mai et 4 juillet 2008), ce qui a conduit le notaire à débloquer des fonds au bénéfice de la SARL Harmonie Sud 2, l’architecte allant même jusqu’à établir, le 29 septembre 2008, une attestation selon laquelle les travaux étant en cours d’achèvement, cette attestation étant manifestement mensongère puisque Madame [O] indiquait le 20 mars 2009 que la copropriété Harmonie Sud 2 ne pouvait en aucune façon être considérée comme habitable ou livrable et précisait le 23 mars 2009 que ” le chantier est loin d’être livrable, de nombreux points sont à terminer avant que l’on puisse procéder à la réception des travaux “, les travaux n’ayant en définitive jamais été réceptionnés.

Il résulte de ces éléments que non seulement, par sa passivité, Madame [O] a “couvert” les malversations des gérants de la SARL Harmonie Sud 2 mais qu’elle a également directement participé au préjudice des acquéreurs en signant des attestations d’avancement des travaux concernant le hors d’eau/hors d’air ou la pose des cloisons ou du placo alors même qu’elle ne contrôlait, selon ses propres dires, aucunement la direction et le suivi du chantier, attestations qui ont permis le déblocage des fonds au profit des promoteurs indélicats.

Enfin, comme l’a justement relevé le tribunal, il résulte de l’article 1601-3 alinéa 2 que dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement, le vendeur conserve les pouvoirs de maître de l’ouvrage jusqu’à la réception des travaux.

La réception n’étant jamais intervenue, la MAF ne peut reprocher aux acquéreurs d’avoir manqué à leur obligation de préservation du chantier alors que cette obligation pesait jusqu’à la réception sur le maître d’ouvrage et en cas de défaillance de ce dernier, sur le maître d’oeuvre.

Or en l’espèce, à l’exception d’un courrier adressé le 23 mars 2009 à la SARL Harmonie 2 dans lequel l’architecte informe cette dernière de l’état du chantier, il n’est pas démontré que Madame [O] ait pris la moindre initiative pour tenter de préserver le chantier des risques de dégradations et de vandalisme.

Madame [O] a donc engagé sa responsabilité civile contractuelle à l’égard du syndicat des copropriétaires et des acquéreurs pour l’ensemble des préjudices résultant de l’inachèvement de l’immeuble, la MAF devant en conséquence garantir son assurée dans les limites du contrat d’assurance et sous réserve de l’application de la franchise contractuelle.

Sur la responsabilité du notaire :

En l’espèce, le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires ne sollicitent la condamnation du notaire à payer à chaque copropriétaire, à titre de dommages et intérêts, le montant des fonds versés au titre de l’achèvement et au titre de la livraison, soit 10 % du prix de vente payé par chaque copropriétaire, qu’à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la garantie de la Caisse d’ Epargne et la responsabilité pour faute de cette dernière et de Madame [O] assurée par la MAF ne serait pas retenue.

Or, la cour a retenu d’une part la responsabilité pour faute du garant et a condamné ce dernier à assumer le coût de l’achèvement des travaux et à indemniser les autres préjudices résultant de ses manquements et a également retenu la responsabilité pour faute de Madame [O].

Dans ces conditions, le jugement sera simplement confirmé en ce qu’il a enjoint à la SCP Poudou-Lhotelier-Libes-Paquette, notaires, de restituer les fonds restant en la comptabilité du notaire :

– aux époux [D] : 8 000 euros

– à Monsieur [DA] : 7 850 euros

– aux époux [EH] : 7 850 euros

– à Monsieur [R] : 7 650 euros

– aux époux [K] : 7 850 euros.

Ces sommes viendront en déduction des sommes qui seront allouées à ces copropriétaires au titre du coût d’achèvement des travaux et des préjudices locatif, financier et moral.

Sur la réparation des préjudices :

Sur le coût d’achèvement de l’immeuble :

L’expert judiciaire a chiffré le coût des travaux d’achèvement, y compris la maîtrise d’oeuvre, de la façon suivante :

* au titre de la remise en état intérieure des appartements : 22 486,63 euros TTC par appartements, soit pour 12 appartements : 269 839,56 euros TTC

* au titre de la mise en sécurité des logements : 39 825,85 euros TTC

* au titre des parties communes extérieures : 16 572 euros TTC

* au titre des parties communes extérieures et VRD, clôtures comprises : 191 091,38 euros TTC

* au titre des frais et taxes : 32 959,26 euros TTC

soit un total de 550 288,05 euros.

L’expertise amiable réalisée par Monsieur [Y], architecte, à la demande de la Caisse d’Epargne, ne permet pas de venir utilement contredire les évaluations de l’expert judiciaire, l’expert amiable ne précisant aucunement sur quelles bases sont effectuées l’évaluation des travaux à effectuer.

En l’espèce, le coût d’achèvement des travaux tel que fixé par l’expert restera à la charge exclusive de la Caisse d’Epargne, au titre de sa garantie d’achèvement qu’elle a indûment refusé de mettre en oeuvre, la MAF n’ayant en tout état de cause pas vocation à garantir le financement des travaux d’achèvement de l’immeuble.

Il convient donc de condamner la Caisse d’Epargne, au titre du coût d’achèvement de l’immeuble, au paiement des sommes suivantes :

* au syndicat des copropriétaires de la Résidence Harmonie Sud 2 la somme de 280 448,49 euros au titre du coût d’achèvement des travaux,

* aux époux [H], aux époux [D], à Monsieur [B], aux époux [X], aux époux [L], aux époux [F], aux époux [I], aux époux [HP], à Monsieur [DA], aux époux [EH], à Monsieur [BC] [R], à Monsieur [RV] [K] et Madame [J] [M], chacun, la somme de 22 486,63 euros au titre du coût d’achèvement des travaux.

Sur les sommes restant dues au garant :

Aux termes de l’article L 261-10-1 alinéa 4 du code de la construction ” Lorsque sa garantie est mise en oeuvre, le garant financier de l’achèvement de l’immeuble est seul fondé à exiger de l’acquéreur le paiement du solde du prix de vente, même si le vendeur fait l’objet d’une procédure au titre du livre VI du code de commerce”.

Or, en l’espèce, la Caisse d’Epargne a refusé de mettre en oeuvre sa garantie, le tribunal, puis la cour ayant retenu à ce titre sa responsabilité pour faute.

Dans ces conditions, le garant n’est pas fondé à venir réclamer le solde du prix de vente, sa demande étant rejetée.

Sur le préjudice locatif :

D’une part, le jugement sera confirmé en ce qu’il a fixé, en l’absence d’autres éléments (journées d’intempéries, travaux supplémentaires ou modificatifs), le point de départ des retards au 30 septembre 2008, date à laquelle l’immeuble devait être achevé.

D’autre part, le terme du délai sera fixé au 31 mai 2020, rien ne démontrant que les travaux auraient été achevés avant cette date.

La valeur locative de chaque appartement a été fixée par l’expert à 650 euros par mois.

Ce montant sera retenu compte tenu de l’abandon par les demandeurs de leurs prétentions au titre de la perte de gains fiscaux.

Au titre de leur préjudice locatif, les copropriétaires ont subi une perte de chance de percevoir des loyers qui peut être estimée, compte tenu des aléas afférants à la location, à 20 %.

Par conséquent, le préjudice locatif de chacun des copropriétaires sera évalué de la façon suivante :

140 mois x 650 euros – 20% : 72 800 euros.

La Caisse d’Epargne et Madame [O] ont contribué ensemble à la réalisation du préjudice locatif du fait de leurs manquements respectifs, ce qui justifie la condamnation in solidum du garant et de la MAF, assureur de l’architecte, au paiement de la somme de 72 800 euros par copropriétaires.

Sur les préjudices financiers :

Il ressort des pièces versées aux débats que certains copropriétaires ont été contraint, compte tenu de l’impossibilité de louer les appartements, de négocier des moratoires de remboursement auprès de leurs établissements bancaires et ont dû assumer des coûts supplémentaires en termes d’intérêts.

Par ailleurs, les époux [H], suite à la résiliation de leur prêt pour impayés, ont été condamnés à payer au Crédit Logement le capital du prêt et des pénalités de retard s’élevant à la somme de 3 477,50 euros.

Par conséquent, la Caisse d’Epargne et la MAF, assureur de Madame [O], seront condamnés in solidum à payer les sommes suivantes :

* 15 328 euros à Monsieur [ZF] [B],

* 9 322 euros à Monsieur et Madame [S] [L],

*17 272 euros à Monsieur et Madame [MF] [HP],

* 7 238 euros à Monsieur [G] [DA],

* 3 477,50 euros à Monsieur et Madame [H].

Sur le préjudice moral :

Le tribunal a justement relevé que l’existence d’un préjudice moral pour chacun des copropriétaires résultait de la situation qu’ils subissaient depuis plusieurs années et de ce que les retards cumulés avaient pu engendrer en termes de préoccupation financières ou de tracasseries administratives.

Il a cependant sous évalué le montant de ce préjudice subi par les copropriétaires depuis une quinzaine d’années.

La Caisse d’Epargne et la MAF, assureur de Madame [O], seront donc condamnées in solidum à payer à chacun des copropriétaires la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral.

Sur les recours des co- obligés entre eux :

La Caisse d’Epargne sollicite la condamnation de la MAF à la relever et garantir de l’intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au bénéfice des acquéreurs et du syndicat des copropriétaires.

Elle fait valoir qu’après paiement de sa dette et par application de l’article L 313-22-1 du code monétaire et financier, le garant est subrogé dans les droits des acquéreurs et du syndicat des copropriétaires, conformément aux dispositions de l’article 1346 du code civil.

Si l’article L 443-1 du code des assurances, introduit par l’article 26 de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010, qui a un caractère interprétatif, dispose que les entreprises d’assurance habilitées à pratiquer les opérations de caution et ayant fourni un cautionnement disposent pour les paiements effectués au titre de leur engagement de la subrogation dans les droits du créancier prévue à l’article 1346 du code civil, il ressort en l’espèce que la Caisse d’Epargne n’a pas effectué de paiement au titre de sa garantie, sa responsabilité pour faute ayant été retenue à ce titre tant par le tribunal que par la cour.

Elle ne peut donc se prévaloir d’un recours à l’encontre de l’assureur de l’architecte et solliciter que la MAF la garantisse de l’intégralité des condamnations prononcées à son encontre, étant en outre relevé qu’il a été retenu la responsabilité contractuelle pour faute du garant et de l’architecte, ces derniers ayant été condamnés in solidum s’agissant des préjudices locatifs, financiers et moral, ce qui exclu tout recours en garantie entre les co-débiteurs.

La demande présentée à ce titre par la Caisse d’Epargne sera par conséquent rejetée.

Sur le plafond de garantie de la MAF :

La MAF expose que les sommes allouées au titre des préjudices locatifs, financiers ou moral ne sauraient aller au-delà du plafond de garantie tel que figurant dans les conditions particulières à hauteur de 500 000 euros, s’agissant de dommages immatériels non consécutifs.

Il résulte des conditions générales que les dommages immatériels sont qualifiés de non consécutifs lorsqu’ils surviennent en l’absence de tout dommage matériel ou corporel couvert par le présent contrat.

La MAF soutient que tous les postes de préjudice résultent d’un seul évènement, à savoir l’inachèvement de l’ouvrage, qui n’est ni un dommage corporel, ni un dommage matériel.

Or, en l’espèce, l’expert a bien distingué les travaux à achever et les travaux vandalisés, ces derniers constituant bien des dommages matériels et étant la conséquence des fautes commises à la fois par le garant qui a refusé sa garantie et par l’architecte qui a été totalement défaillante dans le suivi du chantier.

Les préjudices locatifs, financier et moral invoqués par les copropriétaires résultent bien, au moins pour partie, des dommages matériels constatés par l’expert de sorte qu’il convient d’appliquer le plafond de garantie prévue par les conditions particulières pour les dommages matériels et immatériels à hauteur de 1 750 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme partiellement le jugement et statuant à nouveau sur le tout, pour une meilleure compréhension de la décision ;

Rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription soulevée par la Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon et par la MAF ;

Dit que la Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon et Madame [NM] [O] ont engagé leur responsabilité civile contractuelle à l’égard du syndicat des copropriétaires de l’immeuble Harmonie Sud 2 et des copropriétaires ;

Condamne la Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon, au titre du coût d’achèvement de l’immeuble, au paiement des sommes suivantes :

* au syndicat des copropriétaires de la Résidence Harmonie Sud 2 la somme de 280 448,49 euros au titre du coût d’achèvement des travaux,

* aux époux [H], aux époux [D], à Monsieur [B], aux époux [X], aux époux [L], aux époux [F], aux époux [I], aux époux [HP], à Monsieur [DA], aux époux [EH], à Monsieur [BC] [R], à Monsieur [RV] [K] et Madame [J] [M], chacun, la somme de 22 486,63 euros au titre du coût d’achèvement des travaux ;

Déboute la Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon de sa demande au titre du solde du prix de vente ;

Condamne in solidum la Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon et la MAF, assureur de Madame [NM] [O], à payer :

* aux époux [H], aux époux [D], à Monsieur [B], aux époux [X], aux époux [L], aux époux [F], aux époux [I], aux époux [HP], à Monsieur [DA], aux époux [EH], à Monsieur [BC] [R], à Monsieur [RV] [K] et Madame [J] [M], chacun, la somme de 72 800 euros au titre du préjudice locatif et la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ;

Condamne in solidum la Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon et la MAF, assureur de Madame [NM] [O], à payer, au titre du préjudice financier, les sommes suivantes :

* 15 328 euros à Monsieur [ZF] [B],

* 9 322 euros à Monsieur et Madame [S] [L],

*17 272 euros à Monsieur et Madame [MF] [HP],

* 7 238 euros à Monsieur [G] [DA],

* 3 477,50 euros à Monsieur et Madame [H] ;

Dit que la MAF devra garantir son assurée dans les limites du plafond de garantie à hauteur de 1 750 000 euros et sous réserve de l’application de la franchise contractuelle ;

Déboute la MAF de sa demande aux fins d’être relevé et garantie par la Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;

Enjoint à la SCP Poudou-Lhotelier-Libes-Paquette, notaires, de restituer les fonds restant en la comptabilité du notaire :

– aux époux [D] : 8 000 euros,

– à Monsieur [DA] : 7 850 euros,

– aux époux [EH] : 7 850 euros,

– à Monsieur [R] : 7 650 euros,

– aux époux [K] : 7 850 euros ;

Dit que ces sommes viendront en déduction des sommes qui seront allouées à ces copropriétaires au titre du coût d’achèvement des travaux et des préjudices locatif, financier et moral ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne in solidum la Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon et la MAF, assureur de Madame [NM] [O], à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Harmonie Sud 2 et à chacun des copropriétaires la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour leurs frais engagés en première instance et en appel ;

Condamne in solidum la Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon et la MAF, assureur de Madame [NM] [O] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La greffière, Le président,

 


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