Responsabilité du Notaire : 27 février 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/00342

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Responsabilité du Notaire : 27 février 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/00342
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 27 FEVRIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00342 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E5QC

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire d’EPINAL,

R.G.n° 19/01363, en date du 31 janvier 2022

APPELANT :

Monsieur [T] [G]

né le 02 Août 1955 à [Localité 15] (88)

domicilié [Adresse 12]

Représenté par Me Violaine GUIDOT de la SELARL BGBJ, avocat au barreau d’EPINAL

INTIMÉS :

Monsieur [X] [D]

né le 26 Avril 1965 à [Localité 14] (62)

domicilié [Adresse 11]

Représenté par Me Stéphanie PICOCHE, avocat au barreau d’EPINAL, avocat postulant

Plaidant par Me Salomé MINASSIAN, substituant Me Nicolas VANDEN BOSSCHE, avocat plaidant, avocats au barreau de LILLE

Madame [J] [U]

née le 24 Août 1969 à [Localité 16] (62)

domiciliée [Adresse 11]

Représentée par Me Stéphanie PICOCHE, avocat au barreau d’EPINAL, avocat postulant

Plaidant par Me Salomé MINASSIAN, substituant Me Nicolas VANDEN BOSSCHE, avocat plaidant, avocats au barreau de LILLE

Maître [H] [P]

Notaire

domiciliée [Adresse 1]

Représentée par Me Cyrille GAUTHIER de la SCP GAUTHIER, avocat au barreau d’EPINAL

S.A.S. OFFICE NOTARIAL DE L’EST, venant aux droits de la SCP HELLUY GUNSLAY DUBAR, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]

Représentée par Me Cyrille GAUTHIER de la SCP GAUTHIER, avocat au barreau d’EPINAL

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Présidente, chargée du rapport, et Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 27 Février 2023, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 27 Février 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Présidente, régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier ;

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur [T] [G] était propriétaire de trois parcelles cadastrées AW n°[Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] sises [Adresse 12] d’une superficie totale d’un hectare au [Localité 19].

Suivant mandat de vente du 9 septembre 2015 signé avec la société par actions simplifiée (SAS) Capi France, il a mis en vente ces parcelles décrites comme “ferme à aménager + 1 hectare de terrain + chalot + droit d’eau à aménager” au prix net vendeur de 90000 euros.

Le 7 novembre 2015, Monsieur [X] [D] et Madame [J] [U], son épouse, qui ne souhaitaient pas acquérir la totalité des biens mis en vente, ont formalisé une offre d’achat pour “la ferme située [Adresse 12]” au prix de 74000 euros, frais d’agence d’un montant de 4000 euros inclus, un compromis devant être signé avant le 25 novembre 2015.

Le 1er février 2016, les parties ont signé un compromis de vente authentique portant sur ‘une ferme à rénover comprenant un appartement de 27m² (entrée, salle d’eau avec WC, chambre), grange, cellier, écuries, remise, atelier, garage, un chalot ‘ section AW [Cadastre 3] et [Cadastre 4], [Adresse 12] au [Localité 19] , au prix de 70000 euros, une division cadastrale étant à effectuer.

Un plan de division cadastrale a été établi le 1er mars 2016 par Monsieur [Y] [Z], géomètre-expert :

– la parcelle AW [Cadastre 2] (66a 20ca) a été divisée en AW [Cadastre 5] (62a 42ca) et AW [Cadastre 6] (3a et 78ca),

– la parcelle AW[Cadastre 3] (14a et 60ca) a été divisée en AW[Cadastre 7] (6a et 79ca) et AW [Cadastre 8] (7a et 81 ca),

– la parcelle AW [Cadastre 4] a été divisée en AW [Cadastre 9] (8a et 65ca) et AW [Cadastre 10] (13 et 03ca).

Ce document ne fait pas apparaître le chalot.

Suivant acte authentique des 25 mars et 4 avril 2016 passé par-devant Maître [H] [P], notaire au sein de la société civile professionnelle (SCP) ‘Helluy-Gunslay-Dubar, notaires associés”, Monsieur [T] [G] a vendu aux époux [D] les parcelles nouvellement créées AW [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 9] d’une superficie totale de 18a et 65 ca ainsi désignées “une ferme à rénover comprenant un appartement de 27m² composé d’une entrée, d’une salle d’eau avec WC et d’une chambre, une grange, un cellier, des écuries, une remise, un atelier, un garage et un chalot” pour le prix de 70000 euros.

Les trois autres parcelles issues de la division susvisée AW [Cadastre 5], [Cadastre 8] et [Cadastre 10] d’une superficie totale de 83a et 26ca sont restées la propriété de Monsieur [T] [G] ; il est constant que le chalot est situé sur la parcelle AW [Cadastre 5] et qu’il n’apparaît pas au cadastre.

Un chalot est ‘une dépendance de la ferme d’un petit territoire situé à la limite des Vosges méridionales et des Vosges saônoises. Il est utilisée comme grenier pour la conservation du grain, de l’alcool… C’est une construction réalisée tout en bois. Sa structure en chêne est assemblée par tenons et mortaises, que l’on remplit par d’épaisses planches en sapin, ce qui permet à la construction d’être complètement démontable’ (source Wikipedia).

Par courrier du 15 février 2019, le conseil de Monsieur et Madame [D] a sollicité de Monsieur [G] l’exécution de la vente du chalot. Par courrier du 8 avril 2019, le conseil de Monsieur [G] a répondu que le chalot n’avait pas été vendu.

oOo

Par exploit d’huissier signifié le 11 juillet 2019, Monsieur [X] [D] et Madame [J] [U] ont fait assigner Monsieur [T] [G] devant le tribunal de grande instance d’Epinal.

Par exploit d’huissier signifié le 10 décembre 2019, Monsieur [T] [G] a fait assigner la SCP Helluy-Gunslay-Dubar et Maître [H] [P] devant le tribunal de grande instance d’Epinal.

Les deux instances ont été jointes par mention au dossier le 27 janvier 2020.

Par jugement contradictoire du 31 janvier 2022, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire d’Epinal a :

– condamné Monsieur [T] [G] à livrer à Monsieur [X] [D] et Madame [J] [U] le chalot vendu, suivant acte des 25 mars et 4 avril 2016, dans le délai de quatre mois à compter de la signification du jugement,

– condamné Monsieur [T] [G] à payer à Monsieur [X] [D] et Madame [J] [U], la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur trouble de jouissance,

– rejeté toutes les autres demandes,

– condamné Monsieur [T] [G] à payer à Monsieur [X] [D] et Madame [J] [U] la somme de 1000 euros au titre de leurs frais de défense,

– condamné Monsieur [T] [G] à payer à la SCP Helluy-Gunslay-Dubar et Maître [H] [P] la somme de 1000 euros au titre des frais de défense,

– condamné Monsieur [T] [G] aux dépens,

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que la volonté initiale de Monsieur [G] de vendre le chalot résultait du mandat de vente qu’il avait signé le 9 septembre 2015 et qu’un accord de volontés sur la vente du chalot et son achat par les époux [D] avait été acté dans le compromis authentique signé par les parties le 1er février 2016 qui mentionne expressément le chalot comme faisant partie des biens vendus indépendamment de la division cadastrale à effectuer. Le tribunal a également constaté que le chalot était mentionné au titre des biens vendus dans l’acte de vente des 25 mars et 4 avril 2016 qui a réitéré l’accord des parties sur ce point. En conséquence, Monsieur [G] a été condamné à livrer le chalot aux époux [D]. Le tribunal a estimé à 500 euros le montant des dommages et intérêts dûs à ces derniers en réparation de leur préjudice de jouissance. Enfin, il a considéré qu’aucune faute ne pouvait être retenue à l’encontre du notaire et a en conséquence débouté Monsieur [G] de toutes ses demandes à l’encontre de la SCP Helluy-Gunslay-Dubar et de Maître [H] [P].

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 10 février 2022, Monsieur [T] [G] a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 7 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [G] demande à la cour de :

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il :

‘ l’a condamné à livrer à Monsieur [X] [D] et Madame [J] [U] le chalot vendu, suivant acte des 25 mars et 4 avril 2016, dans le délai de quatre mois à compter de la signification du jugement,

‘ l’a condamné à payer à Monsieur [X] [D] et Madame [J] [U] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur trouble de jouissance,

‘ a rejeté toutes les autres demandes,

‘ l’a condamné à payer à Monsieur [X] [D] et Madame [J] [U] la somme de 1000 euros au titre de leurs frais de défense,

‘ l’a condamné à payer à la SCP Helluy-Gunslay-Dubar et Maître [H] [P] la somme de 1000 euros au titre des frais de défense,

‘ l’a condamné aux dépens,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– déclarer Monsieur [D] et Madame [U] mal fondés en toutes leurs demandes,

– les en débouter,

– condamner in solidum Monsieur [D] et Madame [U] à lui verser la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner in solidum Monsieur [D] et Madame [U] à lui verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

– condamner in solidum Monsieur [D] et Madame [U] aux entiers dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel,

A titre subsidiaire,

Vu l’article 1240 du Code Civil,

– condamner in solidum Maître [H] [P] et la SAS Office notarial de l’Est, venant aux droits de la SCP Helluy Gunslay Dubar, à le relever et le garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, dommages-intérêts, frais de l’article 700 du code de procédure civile et dépens, qui viendraient à être prononcés contre lui sur la demande de Monsieur [D] et Madame [U],

– condamner in solidum Maître [H] [P] et la SAS Office notarial de l’Est, venant aux droits de la SCP Helluy Gunslay Dubar, à lui verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

– condamner in solidum Maître [H] [P] et la SAS Office notarial de l’Est, venant aux droits de la SCP Helluy Gunslay Dubar, aux entiers dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 28 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [X] [D] et Madame [J] [U] demandent à la cour, au visa des articles 1582 et suivants, 1103 et suivants, 1197, 1221 et 1223 du code civil, 514 et 515, 700 du code de procédure civile de :

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire d’Epinal en date du 31 janvier 2022 en ce que la juridiction a :

* condamné Monsieur [T] [G] à leur verser le chalot vendu, suivant acte des 25 mars et 4 avril 2016,

* condamné Monsieur [T] [G] à leur payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur trouble de jouissance,

* rejeté toutes les autres demandes,

* condamné Monsieur [T] [G] à leur payer la somme de 1000 euros au titre de leurs frais de défense,

* condamné Monsieur [T] [G] aux dépens,

– débouter Monsieur [T] [G] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Monsieur [T] [G] à leur verser la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile quant à la procédure en appel,

– le condamner aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 18 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Maître [H] [P] et la SCP Helluy Gunslay Dubar demandent à la cour, au visa des articles 1240 et suivants du code civil, de :

– dire et juger que ni Maître [H] [P], ni la SCP Helluy Gunslay Dubar n’ont commis de faute en lien de causalité avec un préjudice subi soit par Monsieur [T] [G], soit par Monsieur [X] et Madame [J] [D],

– débouter Monsieur [T] [G] de l’intégralité de ses demandes,

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire d’Epinal en date du 31 janvier 2022,

– condamner Monsieur [T] [G] à régler la somme de 4000 euros à Maître [H] [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [T] [G] aux dépens d’instance et d’appel.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 15 novembre 2022.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 5 décembre 2022 et le délibéré au 27 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [G] le 7 novembre 2022, par Monsieur [D] et Madame [U] le 28 octobre 2022 et par Maître [H] [P] et la SCP Helluy Gunslay Dubar – à présent dénommée Office Notarial de l’Est-le 18 octobre 2022, et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 15 novembre 2022 ;

A titre liminaire, il sera relevé que la SAS Office notarial de l’Est vient aux droits de la SCP Helluy Gunslay Dubar selon le procès-verbal de l’AGE du 31 août 2019 (pièce 14 appelant) ;

Sur le bien fondé de l’appel

A l’appui de son recours, Monsieur [G] fait valoir que le chalot ne se situe pas sur les parcelles objet de la vente et que le fait que le chalot figure sur le mandat de vente et sur le compromis du 1er février 2016 est sans emport, seule la division cadastrale compte ;

de plus, il conteste la qualification juridique de meuble appliquée au chalot par le tribunal dès lors qu’un bâtiment comportant un toit et qui ferme à clé doit être qualifié d’immeuble bâti et soutient que le chalot est soumis à obligation de diagnostic, lequel n’a pas été effectué ce qui démontre qu’il n’était pas inclus dans la vente ; enfin il affirme que c’est à la suite d’une erreur matérielle que le chalot a été mentionné à l’acte de vente ;

il ajoute que le chalot n’est pas démontable vu son état et conteste le devis produit par la partie adverse et fournit des éléments de preuve à cet égard ; il ajoute que les époux [D] ne subissent aucun préjudice, étant donné qu’ils ne sont jamais venus dans leur propriété depuis leur acquisition et avancent que le chalot est dépourvu de toute valeur vénale eu égard à son état ce dont il justifie ;

En réponse, les époux [D] font valoir que le fait que le chalot se situe actuellement sur le fonds appartenant au vendeur, n’est pas de nature à remettre en cause le transfert de propriété, résultant de l’acte de vente signé entre les parties ;

ils observent que le fait que le chalot soit qualifié de meuble ou d’immeuble ou qu’il soit soumis au diagnostic de performance énergétique ou amiante – le dernier a été réalisé postérieurement à la vente à l’initiative de Monsieur [G] – n’a pas d’incidence à cet égard ;

ils affirment que le fait que le chalot se trouve actuellement sur le fonds de l’appelant n’est en rien une preuve de la soit disant erreur du notaire, mais au contraire, de la duperie de Monsieur [T] [G] qui a consisté à profiter de l’imprécision de la contenance du terrain sur le compromis et de l’absence des futurs acquéreurs lors du bornage effectué par le géomètre le 1er mars 2016, sur ses seules indications ; ainsi il a volontairement omis la partie du terrain où se situe le chalot, tout en se gardant de le signaler lors de la signature de l’acte de vente ; Monsieur [T] [G] tente de se prévaloir de sa propre faute ; en outre les intimés soutiennent que le chalot peut parfaitement être démonté puis remonté malgré son mauvais état ;

enfin ils reprochent à Monsieur [G] de ne pas respecter son obligation de délivrance de la chose vendue après avoir fait réaliser seul, le document d’arpentage qui au demeurant, ne mentionne pas la position du chalot ; dès lors ils font valoir qu’ils sont fondés à réclamer l’exécution forcée du contrat ;

Aux termes de l’article 1103 du code civil ‘les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi’ selon l’article 1104 du même code ;

En outre l’article 1583 du code civil énonce que la vente est parfaite entre les parties et la propriété acquise dès quelles sont convenues de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ;

Sur ce fondement Monsieur [X] [D] et Madame [J] [U] réclament l’exécution forcée du contrat ainsi que la condamnation de Monsieur [T] [G] à délivrer la totalité de la chose vendue ;

les intimés produisent aux débats le devis d’une entreprise spécialisée pour un prix s’élevant à 4500 euros (ht) correspondant au coût des opérations de démontage et de montage du chalot ;

Pour s’opposer à cette demande Monsieur [G] fait valoir en premier lieu que le chalot n’a pas été vendu, en deuxième lieu qu’il n’est pas démontable compte-tenu de son état vétuste et troisièmement, que l’absence de délivrance de ce bien n’est aucunement préjudiciable pour les appelants, acquéreurs ;

Sur le premier point il y a lieu de relever avec les premiers juges, que Monsieur [G] a manifesté sa volonté de vendre le chalot dès l’origine lorsqu’il a signé le mandat de vente le 9 septembre 2015 ; ultérieurement l’accord des volontés sur la vente d’une partie de son bien immobilier a été concrétisé entre Monsieur [G] et Monsieur et Madame [D], selon compromis de vente authentique du 1er février 2016 (pièce 12 appelant) ; celui-ci mentionne expressément la vente d’une surface de 18 ares 65 centiares pour une somme de 70’000 euros, et au titre des biens vendus le chalot ;

enfin dans l’acte authentique de vente signé les 25 mars et 4 avril 2016, les parties ont entendu réitérer leur accord ; cet acte (pièce 7 appelant) mentionne au titre de la désignation du bien vendu : « à [Localité 19] (Vosges) [Localité 19], [Adresse 12], une ferme à rénover comprenant l’appartement de 27 m² composé d’une entrée salle d’eau avec WC d’une chambre, une grange, un cellier, des écuries, une remise, un atelier, garage et un chalot, le tout cadastré section AW, numéro [Cadastre 6],[Cadastre 7],[Cadastre 9]” ;

Il est précisé dans l’acte, au paragraphe division cadastrale que « la parcelle cadastrée section AW numéro [Cadastre 6] provient de la division d’un immeuble de plus grande importance originairement cadastrée section AW numéro [Cadastre 2] lieu-dit [Localité 17], pour une contenance de 66,26 ares pour le surplus restant appartenir au vendeur est désormais cadastré section AW numéro [Cadastre 5] lieu-dit [Localité 17], pour une contenance de 62 ares et 42 centiares ;

la parcelle cadastrée section AW numéro [Cadastre 7] provient de la division d’un immeuble plus grande importance originairement cadastrée section AW numéro [Cadastre 3], lieu-dit [Adresse 12] pour une contenance de 14 ares 60 centiares, pour le surplus restant appartenir au vendeur est désormais cadastré section AW numéro [Cadastre 7] lieu-dit [Adresse 12] pour une contenance de 7 ares 81 centiares ;

la parcelle cadastrée section AW numéro [Cadastre 9] provient de la division d’un immeuble plus grande importance originairement cadastré section AW numéro [Cadastre 4] lieu-dit [Localité 17], d’une contenance de 20 ares pour le surplus, restant appartenir au vendeur, et désormais cadastré section AW numéro [Cadastre 10] lieu-dit [Localité 17], pour une contenance de 13 ares et 3 centiares ;

cette division résulte d’un document d’arpentage dressé par Monsieur [Y] [Z] le géomètre expert à [Localité 18], [Adresse 13] , le 1er mars 2016 (‘) » ;

Il en résulte dès lors, que les parties ont entendu procéder à la cession et à l’achat d’une partie des terres de Monsieur [G], telle que décrites dans le compromis de vente ; l’acte authentique qui fait foi jusqu’à preuve du contraire, détermine les effets de la division cadastrale obtenue de cette cession partielle ;

Quelle que soient les mentions du relevé cadastral établi, il y a lieu de le rappeler, en la seule présence de Monsieur [G] postérieurement au compromis de vente et antérieurement à l’acte authentique, il est établi que le chalot fait partie des biens acquis par Monsieur et Madame [D] ; dès lors l’appelant n’est pas fondé à invoquer une erreur matérielle de la part du notaire pour exclure de la vente le chalot en litige ;

En outre le caractère déplaçable du bien compte tenu de son état de conservation n’a pas à être pris en compte s’agissant de l’obligation de délivrance du vendeur résultant des dispositions de l’article 1610 ancien du code civil lequel prévoit que si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l’acquéreur pourra à son choix demander la résolution de la vente ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur et suivant l’article 1611 du même code, dans tous les cas le demandeur doit être condamné à des dommages-intérêts s’il résulte un préjudice pour l’acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu ;

en effet tel que reconnu par Monsieur [G] dans ses conclusions de première instance, le chalot est un bien meuble et le fait qu’il ait mandaté un diagnosticien immobilier après la vente, pour examiner ses biens en ce compris, le chalot, n’a pas pour effet de lui conférer la nature d’un immeuble, laquelle aurait pour effet de le faire figurer sur le plan cadastral ;

De même l’état de conservation ou de non conservation du bien acquis, la présence ou l’entretien des lieux par les acquéreurs (constat pièce 8 et pièce 21 appelant) ne sont pas des notions susceptibles de délier le vendeur de son obligation de délivrance de la chose vendue, tout au plus d’apprécier le préjudice qu’ils subissent de ce fait ;

Par conséquent le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné Monsieur [G] à livrer le chalot à Monsieur et Madame [D] dans les quatre mois de la signification de la décision ;

Enfin en l’absence d’éléments nouveaux, la décision sera également confirmée en ce qu’elle a évalué à la somme de 500 euros, le montant des dommages-intérêts au bénéfice de Monsieur et Madame [D] au titre de l’indemnisation de leur préjudice de jouissance ;

Sur l’appel en garantie

À l’appui de son recours Monsieur [G] rappelle le principe aux termes duquel le notaire chargé de la vente doit s’assurer de l’efficacité des actes qu’il reçoit et par conséquent, s’assurer de la volonté des parties contractantes ; il doit également éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques des actes envisagés et réaliser toutes les investigations utiles à cette fin ;

il en conclut qu’en l’espèce, la responsabilité du notaire qui a reçu l’acte de vente est engagée, dès lors qu’il avait connaissance de la disparition de son intention de vendre son chalot, une fois la division des parcelles effectuée et a cependant repris stricto sensu les termes du compromis de vente ;

Maître [P] et la SCP Helluy-Gunslay-Dubar contestent la mise en cause en relevant que Monsieur [G] a voulu vendre le chalot en signant à trois reprises un document dans lequel était stipulé que le chalot était vendu (mandat de vente, compromis de vente, acte de vente) ; ils contestent l’existence de toute erreur matérielle ou de toute faute leur incombant et exposent qu’ils n’ont jamais connu avec précision l’emplacement du chalot ; il contestent enfin le fait qu’un notaire soit tenu de visiter le bien vendu ;

Il y a lieu de retenir comme les premiers juges, que la responsabilité avancée par Monsieur [G] contre la SCP notariale suppose la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux ;

Or en l’espèce le notaire a rédigé un acte authentique de vente conforme au plan de division, reprenant justement les numéros des sections cédées après division ; de plus il est constant que l’état de division a été fait par le géomètre expert après une visite non contradictoire des lieux avec le vendeur, lequel connaissait assurément l’endroit où se trouvait le chalot ;

ce dernier a cependant signé un acte de cession de ce bien à Monsieur et Madame [D], comme étant compris la désignation des biens vendus, sans informer les parties du fait que le chalot se trouvait sur sa parcelle (section 1 numéro [Cadastre 5]), situé à un peu plus d’un mètre de la limite de propriétés ;

Aucune faute n’étant démontrée à l’encontre du notaire, Monsieur [G] sera débouté de ses demandes prises à l’encontre de la SCP Helluy, Gunsay et Dubar devenue la SAS Office notarial de l’Est et de Maître [H] [P] ;

Sur la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive

L’appelant affirme que la procédure lui est préjudiciable, ayant été engagée par les acquéreurs de mauvaise foi, ce, trois ans après la vente ce qui justifie l’indemnisation qu’il réclame ; compte-tenu des développements précédents, cette demande sera rejetée ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Monsieur [T] [G] succombant dans ses prétentions, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamné aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de chacun des défendeurs.

Monsieur [T] [G], partie perdante, devra supporter les dépens ; en outre il sera condamné à payer respectivement à Monsieur [X] [D] et Madame [J] [U] ainsi qu’à la SCP Helluy, Gunsay et Dubar devenue la SAS Office notarial de l’Est, la somme de 2000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance ; en revanche il sera débouté de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [T] [G] à payer à Monsieur [X] [D] et Madame [J] [U] la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [T] [G] à payer à la SAS Office notarial de l’Est venant aux droits de la SCP Helluy, Gunsay et Dubar la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Monsieur [T] [G] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [T] [G] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Présidente de chambre, régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : M. BUQUANT.-

Minute en onze pages.

 


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