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ARRET N° 81
N° RG 22/00061 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BIJM2
AFFAIRE :
Me [C] [T]
C/
M. [F] [W], Mme [X] [H] épouse [V], M. [E] [V], S.A.R.L. DIAGNAC , S.A.R.L. VAN DEN BERG IMMOBILIER
GS/LM
Demande en dommages-intérêts contre le prestataire de services pour mauvaise exécution
Grosse délivrée à
COUR D’APPEL DE LIMOGES
Chambre civile
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ARRET DU 02 MARS 2023
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Le DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre civile a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
Maître [C] [T], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANT d’une décision rendue le 07 JANVIER 2022 par le PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BRIVE LA GAILLARDE
ET :
Monsieur [F] [W]
né le 23 Février 1969 à [Localité 7], demeurant [Adresse 9]
représenté par Me Juliette POMPIGNAC, avocat au barreau de BRIVE
Madame [X] [H] épouse [V]
née le 15 Février 1956 à [Localité 10], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Philippe CAETANO de la SELARL MARCHE CAETANO, avocat au barreau de BRIVE
Monsieur [E] [V]
né le 18 Août 1957 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Philippe CAETANO de la SELARL MARCHE CAETANO, avocat au barreau de BRIVE
S.A.R.L. DIAGNAC Représentée par son Gérant domicilié en cette qualité audit siège de la société., demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES
S.A.R.L. VAN DEN BERG IMMOBILIER, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Corinne ROUQUIE de la SELARL CABINET ROUQUIE, avocat au barreau de BRIVE
INTIMES
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 05 Janvier 2023. L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2022.
La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Mme Mandana SAFI, Greffier. A cette audience, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 02 Mars 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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LA COUR
FAITS et PROCÉDURE
Selon compromis de vente signé les 13 et 18 juin 2017 avec l’entremise de la société Van Den Berg immobilier (l’agent immobilier), M. [F] [W] a vendu aux époux [V] un ensemble immobilier situé au [Adresse 6] à [Localité 8] (19) pour un prix de 160 000 euros.
La vente a été définitivement régularisée par acte authentique reçu par Me [C] [T], notaire, le 14 octobre 2017, au vu d’un diagnostic réalisé par la société Diagnac le 4 juillet 2017 ne faisant pas état de la présence d’amiante.
Un nouveau diagnostic réalisé par la société Diagnac le 1er juin 2018 révélant la présence d’amiante dans les toitures de deux hangars et de la volière, les époux [V] ont assigné, par actes des 29 juillet et 9 août 2019, M. [W] et la société Diagnac devant le tribunal judiciaire de Brive en réparation de leurs préjudices sur les fondements de la responsabilité contractuelle, de la garantie des vices cachés, subsidiairement du dol et du manquement à l’obligation de délivrance.
Le 12 mai 2020, M. [W] a mis en cause le notaire et l’agent immobilier pour être relevé indemne de toutes condamnations par ceux-ci, ainsi que par la société Diagnac, en leur reprochant d’avoir manqué à leurs obligations professionnelles.
Par jugement du 7 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Brive a notamment, sous le bénéfice de l’exécution provisoire:
– condamné M. [W] à payer aux époux [V] 47 856 euros au titre de la mise aux normes des immeubles et 210 euros correspondant au diagnostic du 1er juin 2018, sur le fondement de la garantie des vices cachés,
– condamné in solidum le notaire et l’agent immobilier à garantir M. [W] de toutes condamnations et fixé, dans leurs rapports entre eux, à 80% la part de responsabilité du notaire et à 20% celle de l’agent immobilier,
– écarté la responsabilité de la société Diagnac.
Le notaire a relevé appel de ce jugement.
MOYENS et PRÉTENTIONS
Le notaire conclut au rejet des demandes formées à son encontre, en soutenant n’avoir commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité dans l’accomplissement de sa mission. Il soutient ne pas être tenu de vérifier les documents techniques, notamment le diagnostic ‘amiante’, en l’absence de toute réserve ou anomalie apparente.
Les époux [V] concluent à la confirmation du jugement déféré.
M. [W], appelant incident, expose que la présence d’amiante dans les toitures de deux hangars et de la volière ne peut, en l’occurrence, être considérée comme un vice caché engageant sa garantie légale de vendeur. Subsidiairement, il conteste les sommes réclamées par les époux [V] dans le cadre de leur action estimatoire. Il demande à être relevé indemne de toutes condamnations par la société Diagnac, l’agent immobilier et le notaire, ces professionnels ayant tous commis des fautes dans l’exécution de leurs missions respectives.
La société Diagnac conclut à la confirmation du jugement écartant sa responsabilité après avoir retenu qu’elle n’avait pas commis de faute.
L’agent immobilier, appelant incident, conclut au rejet des demandes formées à son encontre en soutenant n’avoir commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.
MOTIFS
Sur l’action estimatoire des époux [V], acheteurs du bien immobilier.
La présence d’amiante dans les toitures de deux hangars et de la volière, qui figurent au rang des bâtiments vendus le 14 octobre 2017 par M. [W] aux époux [V], n’est pas sujette à contestation. Il n’est pas fait mention de ce défaut dans le diagnostic réalisé par la société Diagnac le 4 juillet 2017, préalablement à la vente, si bien qu’en l’absence de révélation dans ce document, ce vice ne pouvait être décelé par les époux [V], la profession du mari, qui dirige une entreprise Déco menuiserie spécialisée dans l’aménagement intérieur, n’en faisant pas un acheteur averti en matière de diagnostic immobilier.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont décidé que la présence d’amiante, même limitée à la toiture de bâtiments non destinés à l’habitation, était constitutive d’un vice caché, dès lors qu’elle diminuait l’usage des biens concernés à raison des risques qu’elle fait courir pour la santé des personnes vivant à proximité, ce qui aurait conduit les époux [V] à offrir un moindre prix pour l’acquisition de l’ensemble immobilier du fait des contraintes à surmonter en lien avec la présence de ce produit.
Pour réclamer la confirmation du jugement en ce qu’il leur alloue une indemnité de 47 856 euros sur le fondement de la garantie des vices cachés, les époux [V] se prévalent de devis sur les travaux nécessaires au désamiantage des toitures et à leur réfection.
Cependant, la présence d’amiante est limitée aux toitures de deux hangars et de la volière qui ne sont pas des bâtiments à usage d’habitation, seuls concernés par une obligation de mise aux normes. Sauf pour les époux [V] à démontrer qu’ils avaient un projet
sérieux d’aménagement des bâtiments en cause en lieux d’accueil, ce dont ils ne justifient pas en l’espèce, il n’y a pas lieu à estimer leur préjudice sur la base des travaux de mise aux normes qui ne présentent pas un caractère obligatoire. Leur préjudice apparaît limité à la réduction de prix qu’ils pouvaient escompter lors de la négociation du prix d’achat de l’ensemble immobilier du fait de ce défaut.
Sur ce point, il sera observé que les époux [V] ont déjà obtenu un rabais de 15 000 euros sur le prix du bien qui avait été mis en vente au prix net vendeur de 175 000 euros (hors frais d’agence). Compte tenu du caractère restreint du vice caché, limité à deux hangars et une volière, ainsi que de l’importance du rabais initialement consenti par le vendeur, la réduction en lien avec la présence d’amiante que pouvaient escompter les époux [V] ne pouvait dépasser 6 000 euros. M. [W] sera condamné à leur payer cette somme sur le fondement de la garantie légale des vices cachés.
Les époux [V] réclament, en outre, la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné M. [W] à leur rembourser la somme de 210 euros correspondant au coût du diagnostic du 1er juin 2018.
Cependant, cette dépense entre dans la catégorie des frais irrépétibles sur lesquels il sera statué dans le cadre de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur les recours en garantie de M. [W].
Ces recours sont dirigés à l’encontre de la société Diagnac, de l’agent immobilier et du notaire.
1) La société Diagnac.
L’ensemble immobilier vendu par M. [W] aux époux [V] a fait l’objet de deux diagnostics ‘amiante’ successifs, tous deux réalisés par M. [J] [S], préposé de la société Diagnac :
– un premier diagnostic du 4 juillet 2017, à l’initiative de M. [W], qui ne fait pas état de la présence d’amiante,
– un second diagnostic du 1er juin 2018, à l’initiative de M. [V], qui constate cette fois la présence d’amiante.
Il existe donc une discordance entre ces deux diagnostics qui portent sur le même ensemble immobilier sur lequel aucune intervention (travaux, aménagements,…) n’est alléguée dans l’intervalle.
Pour écarter toute responsabilité de la société Diagnac, les premiers juges ont retenu que la mission qui lui avait été donnée en juillet 2017 par M. [W] était limitée à la maison principale, au chalet et l’atelier attenant (qui ne contenaient pas d’amiante) alors que celle donnée par les époux [V] en juin 2018 s’étendait aux deux hangars et à la volière (dans lesquels la présence d’amiante a été découverte).
Cependant, la société Diagnac se trouve, en sa qualité de professionnelle du diagnostic immobilier, tenue, envers ses clients, à un devoir d’information et de conseil. Informée par M. [W] de son projet de vente immobilière qui motivait son intervention, ainsi que cela ressort des mentions du rapport de diagnostic du 4 juillet 2007, il incombait à la société Diagnac de s’enquérir auprès de ce dernier sur les bâtiments concernés par cette vente, et pour le cas où comme en l’espèce, il lui serait demandé de ne pas procéder au diagnostic de l’ensemble de ces bâtiments, de mettre en garde le vendeur, par une réserve expresse, sur le caractère incomplet de son rapport au regard des exigences légales applicables en matière de vente immobilière, notamment celles résultant de l’article L.1334-13 du code de la santé publique et L.271-4 du code de la construction et de l’habitation.
En l’occurrence, la société Diagnac ne justifie pas avoir satisfait à cette obligation contractuelle d’information. Sa responsabilité se trouve de ce fait engagée à l’égard de M. [W] qui est fondé en son recours en garantie dirigé contre cette société. Le jugement sera réformé de ce chef.
2) L’agence immobilière.
Membre d’une profession réglementée exerçant sur le marché de l’immobilier, l’agent immobilier, en tant qu’intermédiaire négociateur et rédacteur d’actes, se trouve tenu envers ses clients d’une obligation d’information et de conseil et il doit veiller à assurer l’efficacité juridique des actes qu’il rédige.
L’agent immobilier reconnaît dans ses conclusions d’appel avoir été rendu destinataire du rapport de diagnostic ‘amiante’ du 4 juillet 2017 qu’il a annexé au compromis de vente qu’il a rédigé et qui renvoie expressément à ce document en son paragraphe VIII pour ce qui concerne l’amiante.
Le simple rapprochement du rapport de la société Diagnac avec la désignation des biens vendus, telle qu’elle figure en paragraphe II du compromis, révèle que le diagnostic ‘amiante’ ne concerne pas l’ensemble des bâtiments vendus. C’est à juste titre et au terme d’une motivation pertinente que la cour d’appel adopte fondée sur la négligence fautive de l’agent immobilier dans la vérification de la portée du diagnostic qui lui avait été remis, que les premiers juges ont retenu sa responsabilité à l’égard de M. [W] qui est fondé en son recours en garantie à l’encontre de celui-ci.
3) Le notaire.
En sa qualité de professionnel du droit, le notaire est tenu, envers sa clientèle, à un devoir d’information et de conseil et il doit veiller à assurer l’efficacité des actes qu’il rédige.
En l’occurrence, c’est au terme d’une exacte appréciation des éléments de fait du litige que les premiers juges ont retenu que le notaire avait négligé de vérifier si le rapport de diagnostic du 4 juillet 2017 s’étendait à l’ensemble des bâtiments vendus, alors que le plan figurant dans ce rapport révélait une anomalie sur ce point. Le jugement sera confirmé en ce qu’il décide que le notaire a engagé sa responsabilité à ce titre envers M. [W] qui est fondé à rechercher sa garantie.
Il résulte de ce qui précède que la société Diagnac, l’agent immobilier et le notaire seront condamnés in solidum à garantir M. [W] des condamnations prononcées contre lui au profit des époux [V], et que dans leurs rapports entre eux, ils seront tenus chacun à proportion d’un tiers des sommes ainsi mises à leur charge puisque leurs manquements professionnels respectifs ont contribué dans la même mesure à la réalisation du dommage.
PAR CES MOTIFS
La Cour d’appel statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement rendu le 7 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Brive, mais seulement en ses dispositions:
– déclarant M. [F] [W] tenu de garantir les époux [V] du vice caché affectant l’ensemble immobilier vendu, situé au [Adresse 6] à [Localité 8] (19),
– condamnant in solidum Me [C] [T] et la société Van Den Berg immobilier à garantir M. [F] [W] de toutes condamnations;
Le REFORME pour le surplus et statuant à nouveau,
CONDAMNE M. [F] [W] à payer à M. [E] [V] et à son épouse, Mme [X] [V]:
– 6 000 euros à titre de réduction sur le prix de vente de l’ensemble immobilier précité ;
– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Diagnac, in solidum avec Me [C] [T] et la société Van Den Berg immobilier, à garantir M. [F] [W] des condamnations précitées, y compris du chef de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et DIT que dans leurs rapports entre eux, la société Diagnac, Me [C] [T] et la société Van Den Berg immobilier seront tenus dans la proportion d’un tiers chacun à ces condamnations ;
Vu l’équité, DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [F] [W];
CONDAMNE la société Diagnac, Me [C] [T] et la société Van Den Berg immobilier aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRÉSIDENTE,
Line MALLEVERGNE. Corinne BALIAN.