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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 1
ARRÊT DU 17 MARS 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/12379 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD7E6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Décembre 2020 -Tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 19/02770
APPELANTE
S.A.R.L. DIRECT FORMALITÉS immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 494 810 534, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Jessica CHUQUET de la SELEURL CABINET CHUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0595 assistée de Me Thomas MLICZAK de la SELEURL MARGAUX HORSTMANN SELARL, avocat au barreau de PARIS, toque : D 653
INTIMÉES
S.A.S. NOVARE GRAND [Localité 7] immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 843 733 015, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 3]
Assignation devant la cour d’appel de Paris en date du 16 septembre 2021 à étude conformément aux articles 655 et 656 du code de procédure civile
S.C.P. [U] [Y] immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 395 244 536, représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée et assistée de Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0435
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Corinne JACQUEMIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Claude CRETON, président de chambre
Mme Corinne JACQUEMIN, Conseillère
Mme Catherine GIRARD-ALEXANDRE., conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Marylène BOGAERS.
ARRÊT :
–réputé contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Claude CRETON , Président de chambre et par Madame Marylène BOGAERS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******
Par acte sous seing privé du 10 février 2018, la société Foncière Monceau a donné à la SARL Direct Formalités le mandat de vendre des locaux commerciaux sis [Adresse 2] (92), lot 10, au prix de 2 060 000 euros , la rémunération du mandataire, d’un montant de 60 000 euros , étant à la charge de l’acquéreur.
Par acte authentique reçu le 6 septembre 2018 par M. [U] [Y], notaire, la société Foncière Monceau a promis de vendre à la SAS Novaré Office 1, qui s’était réservé la faculté d’acquérir, le lot 10 de l’état de division d’un ensemble immobilier, sis à l’adresse précitée, au prix de 2 000 000 euros , étant précisé, au chapitre ‘Négociation’, que la convention avait été négociée par l’intermédiaire, d’une part, de la société Direct Formalités dont 50 000 euros à la charge du promettant, d’autre part, de la société Novare Agency dont 84 000 euros à la charge du bénéficiaire. La vente a été réalisée suivant acte authentique du 21 décembre 2018 au profit de la SAS Novaré Grand [Localité 7], aux prix et conditions de rémunération des agents immobiliers tels que prévus dans la promesse unilatérale de vente. Par acte extrajudiciaire des 1er et 5 mars 2019, la société Direct Formalités a assigné la société Novaré Grand [Localité 7] et la SCP [U] [Y] en condamnation, à titre principal, de la société Novaré Grand [Localité 7] à lui payer la somme de 60 000 euros en réparation de son préjudice, à titre subsidiaire, en condamnation de la SCP [U] [Y] aux mêmes fins.
C’est dans ces conditions que, par jugement du 1er décembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :
– déclaré recevables les demandes de la société Direct Formalités,
– débouté la société Direct Formalités de ses demandes tendant à :
. condamner la société Novaré Grand [Localité 7] et, subsidiairement, la société [U] [Y] à lui verser la somme de 60 000 € en réparation de son préjudice, outre les intérêts légaux avec anatocisme à compter du 24 mars 2019,
. condamner les mêmes à lui verser une somme de 3 000 € en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile,
. ordonner l’exécution provisoire,
– condamné la société Direct Formalités à verser, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, la somme de 3 000 € à la société Novaré Grand [Localité 7], celle de 3 000 € à la SCP [U] [Y],
– condamné la société Direct Formalités aux dépens.
Par dernières conclusions du 14 février 2022, la société Direct Formalités, appelante, demande à la cour de :
– vu l’article 1240 du Code civil,
– à titre principal :
. infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de la société Novaré Grand [Localité 7] à lui verser la somme de 60 000 € en réparation de son préjudice, outre les intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 24 mars 2019, et en ce qu’il l’a condamnée, elle appelante, au paiement à la société Novaré Grand [Localité 7] et à la SCP [U] [Y] de la somme de 3 000 € chacune, ainsi qu’aux dépens,
. condamner la société Novaré Grand [Localité 7] à lui payer la somme de 60 000 € TTC en réparation du préjudice subi, outre les intérêts au taux légal et anatocisme à compter du 24 mars 2019,
. condamner la société Novaré Grand [Localité 7] à lui payer la somme de 5 000 € en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus,
– à titre subsidiaire :
. infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de la SCP [U] [Y] à lui verser la somme de 60 000 € en réparation de son préjudice, outre les intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 24 mars 2019, et en ce qu’il l’a condamnée, elle appelante, au paiement à la société Novaré Grand [Localité 7] et à la SCP [U] [Y] de la somme de 3 000 € chacune, ainsi qu’aux dépens,
. condamner la SCP [U] [Y] à lui payer la somme de 60 000 € TTC en réparation du préjudice subi, outre les intérêts au taux légal et anatocisme à compter du 24 mars 2019,
. condamner la SCP [U] [Y] à lui payer la somme de 5 000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 3 janvier 2022, la SCP [U] [Y] requiert de la cour de :
– confirmer le jugement entrepris,
-débouter la société Direct Formalités de toutes ses demandes en ce qu’elle sont dirigées contre elle,
– en tous les cas : condamner la société Direct Formalités à leur payer la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, dépens de première instance et d’appel en sus.
La société Novaré Grand [Localité 7], assignée par acte délivré en l’étude de l’huissier de justice, n’a pas constitué avocat.
SUR CE :
Il résulte des dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 invoquées par l’appelant, ainsi que du décret d’application de ce texte, que l’agent immobilier ne peut réclamer une rémunération à l’occasion d’une opération visée à l’article 1er de la loi d’une personne autre que celle mentionnée comme en ayant la charge dans le mandat et dans l’engagement des parties.
Au cas d’espèce, le mandat de vente donné le 10 février 2018 par le vendeur, la société Foncière Monceau, met la rémunération de l’agent immobilier, la société Direct Formalités, à la charge de l’acquéreur, alors que l’acte de vente du 21 décembre 2018, qui constitue l’engagement des parties, met la rémunération à la charge du ‘promettant’.
Il est acquis aux débats que, bien qu’ayant rempli sa mission, la société Direct Formalités n’a pas perçu de rémunération.
Sur la responsabilité de l’acquéreur invoquée par l’agent immobilier
Au chapitre ‘Négociation’ (pp. 52-53 de l’acte authentique du 21 décembre 2018), la clause 33 énonce : ‘Les parties déclarent que les présentes ont été négociées par l’intermédiaire de :
Direct Formalités, [Adresse 1], à la charge du promettant d’un montant de 50 000 € TTC selon mandat n° 10-1502-2018 du 15 février 2018, ainsi déclaré par le vendeur ;
[Adresse 6], d’un montant de 84 000 € TTC selon mandat de recherche n° 3124 en date du 6 septembre 2018.’
L’acte de vente reproduit la clause ‘Négociation’ de la promesse unilatérale de vente du 6 septembre 2018 (pp. 7-8), en ce compris le terme inadéquat de ‘promettant’ au lieu de vendeur et l’erreur matérielle consistant en l’omission du terme ‘rémunération’, mais à l’exception de la phrase : ‘Les mandats n’ont pas été présentés au notaire soussigné, ce qui est accepté par les parties’ qui ne figure pas dans l’acte de vente du 21 décembre 2018.
La société Novaré Agency, acquéreur, est un tiers au mandat du 10 février 2018. Si la société Direct Formalités a indiqué à l’acquéreur, par deux courriels des 12 février et 2 août 2018 (pièces 10 et 13) qui récapitulaient l’ensemble des conditions de la vente, que sa rémunération était à la charge de l’acquéreur, cependant, postérieurement et par deux fois, d’abord, lors de la signature devant notaire le 6 septembre 2018 de la promesse unilatérale de vente, ensuite, lors de la signature le 21 décembre 2018 de l’acte authentique de vente, le vendeur, mandant, qui ne pouvait ignorer, en tant que tel, que la rémunération était à la charge de l’acquéreur, a affirmé que la rémunération de l’agent immobilier était à sa propre charge.
Dans ces conditions et faute d’information contraire fournie aux parties par le rédacteur de l’acte authentique au vu du mandat, la société Novaré Agency a pu croire aux affirmations du vendeur proférées devant l’officier ministériel, de sorte que la faute invoquée par la société Direct Formalités contre elle n’est pas établie.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté l’agent immobilier de ses demandes contre l’acquéreur.
Sur la responsabilité du notaire
Il vient d’être rappelé que l’agent immobilier, intermédiaire d’une vente, ne peut réclamer une rémunération d’une personne autre que celle mentionnée comme en ayant la charge dans le mandat et dans l’engagement des parties. Il s’en déduit que le notaire, rédacteur d’un acte authentique d’une vente négociée par un agent immobilier, doit s’assurer que le débiteur de la rémunération énoncé dans l’acte qu’il rédige est identique à celui qui est mentionné dans le mandat.
En l’espèce, M. [U] [Y], notaire, rédacteur de la promesse unilatérale de vente du 6 septembre 2018 et de l’acte authentique de vente du 21 décembre 2018, y a énoncé que, dans la vente négociée, selon les déclarations des parties, par l’intermédiaire de la société Direct Formalités, la rémunération de cet agent immobilier était ‘à la charge du promettant d’un montant de 50 000 € TTC selon mandat n° 10-1502-2018 du 15 février 2018, ainsi déclaré par le vendeur’. La mention insérée dans l’engagement des parties (acte authentique de vente du 21 décembre 2018) révèle que le notaire n’a pas vérifié le mandat comme il devait le faire, ayant d’ailleurs précisé, dans la promesse unilatérale de vente du 6 septembre 2018, que ‘Les mandats n’ont pas été présentés au notaire soussigné, ce qui est accepté par les parties’. Or, cette vérification aurait appris au notaire que le débiteur était l’acquéreur et que la mention du vendeur dans l’acte de vente avait pour effet de priver l’agent immobilier de toute rémunération.
En conséquence, M. [U] [Y], notaire, a commis une faute qui a privé la société Direct Formalités de la rémunération d’un montant de 60 000 € prévue au mandat.
Mais le préjudice de la société Direct Formalités n’est qu’une perte de chance de percevoir cette rémunération qui doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. Le prix de vente d’un montant de 2 060 000 € prévu dans le mandat ayant été réduit à la somme de 2 000 000 € dans le contrat de vente, la Cour dispose d’éléments suffisants pour évaluer la perte de chance à la somme de 50 000 € au paiement de laquelle il convient de condamner la SCP [U] [Y] avec intérêts au taux légal à compter de 20 septembre 2019, date des dernières conclusions devant le Tribunal valant mise en demeure à l’encontre du notaire, la mise en demeure invoquée du 24 mars 2019 n’étant pas versée aux débats. Les intérêts échus pour une année entière seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil à compter du 20 septembre 2019, lesdites conclusions renfermant une demande d’anatocisme.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a débouté la société Direct Formalités de ses demandes formées contre le notaire.
La SCP [U] [Y], qui succombe en ses prétentions, supportera les dépens de l’instance d’appel dirigé contre elle. Par suite, sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ne peut prospérer.
L’équité commande qu’il soit fait droit à la demande de la société Direct Formalités, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS : statuant publiquement
Confirme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il a :
– débouté la SARL Direct Formalités de ses demandes formées contre la SAS Novaré Grand [Localité 7],
– condamné la SARL Direct Formalités à verser, en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile, la somme de 3 000 € à la SAS Novaré Grand [Localité 7],
– condamné la SARL Direct Formalités aux dépens de l’instance introduite à l’encontre de la SAS Novaré Grand [Localité 7] ;
Infirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
Condamne la SCP [U] [Y], notaire, à payer à la SARL Direct Formalités la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de 20 septembre 2019 ;
Dit que les intérêts échus pour une année entière seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil à compter du 20 septembre 2019 ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la SCP [U] [Y], notaire, aux dépens de première instance et d’appel dirigé contre elle, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile ;
Condamne la SCP [U] [Y], notaire, à payer à la SARL Direct Formalités la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT,