Responsabilité du Notaire : 5 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/01927

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Responsabilité du Notaire : 5 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/01927
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRET DU 05 AVRIL 2023

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01927

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Novembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL – RG n° 17/09012

APPELANTE

SCI 45 BRIAND

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Olivier ELBAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C0183

INTIMEE

SCP [D] BADUFLE ET MONTEIRO agissant poursuites et diligences de ses représentants

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Thomas RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, et devant Mme Estelle MOREAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre,

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 05 avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

M. [U] [E], propriétaire d’un terrain à construire situé [Adresse 3], et la Sci 45 Briand se sont rapprochés pour réaliser une opération immobilière.

Par acte du 5 décembre 2011, M. [D], notaire exerçant au sein de la Scp Jean Parentaud et [I] [D] devenue la Scp [I] [D], Cédric Badufle et Nuno Monteiro, notaires associés à Boissy Saint Léger (ci-après, la Scp [D]), a établi un état descriptif de division du terrain divisé en 8 volumes.

Puis, par un second acte notarié du même jour reçu par M. [D], M. [E] a vendu à la Sci 45 Briand, d’une part, l’ensemble des lots de volumes numérotés 2 à 8, d’autre part, les lots numéros 1 à 11, 13 à 17, 20 à 28, 32 à 55 et 59 à 81 du lot de volume numéro 1, M. [E] demeurant propriétaire des lots 12, 18, 19, 29 à 31 et 56 à 58.

Le prix a été fixé à 1 292 000 euros dont 515 000 euros devaient être payés comptant et le paiement du solde de 777 000 euros devait consister en l’obligation pour la Sci 45 Briand de construire pour M. [E] trois appartements, trois caves et trois emplacements de parking sur les lots qu’il gardait. L’acte stipule que la vente est exonérée de la Tva.

A la suite d’un contrôle fiscal, la Sci 45 Briand s’est vue notifier une proposition de rectification le 28 novembre 2014 faisant état d’un rappel de Tva de 127 334 euros et 16 753 euros d’intérêts de retard.

C’est dans ces circonstances que par acte du 16 octobre 2017, la Sci Briand a fait assigner la Scp [I] [D], Cédric Badufle et Nuno Monteiro devant le tribunal de grande instance de Créteil en responsabilité civile professionnelle.

Par jugement rendu le 15 novembre 2019, ledit tribunal a :

– écarté des débats la pièce n°8 de la Scp [D],

– dit n’y avoir lieu à écarter la pièce n°10 versée aux débats par cette partie,

– débouté la Sci 45 Briand de l’intégralité de ses demandes,

– condamné celle-ci à payer à la Scp [D] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration du 21 janvier 2020, la Sci 45 Briand a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 17 novembre 2022, la Sci 45 Briand demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a écarté la pièce n° 8 versée aux débats par la Scp [D],

– infirmer le même jugement pour le surplus en ce qu’il a :

– dit n’y avoir lieu à écarter la pièce n° 10 versée aux débats par la Scp [D],

– l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes,

– l’a condamnée à payer à la Scp [D] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’a condamnée aux dépens,

statuant à nouveau,

– écarter des débats la pièce n° 10 aujourd’hui n° 9 communiquée par la Scp [D] intitulée ‘mail adressé aux MMA, assureurs de la Scp [D] confirmant la consultation du 13 mars 2018″ ou ‘consultation de Deloitte en date du 13 septembre 2018 adressée aux MMA, assureurs de la Scp [D]’,

– déclarer la Scp [D] fautive et dire qu’elle a manqué à son devoir d’information et de conseil en stipulant expressément dans l’acte reçu le 5 décembre 2011 que la vente entre M. [U] [E] et la Sci 45 Briand est placée hors du champ d’application de la tva pour la valeur des constructions livrées à M. [U] [E],

– déclarer la Scp [D] responsable des préjudices qu’elle a subis,

– condamner la Scp [D] à lui payer les sommes suivantes :

– 110 868 euros au titre de sa perte de chance de conclure la vente du 5 décembre 2011 à des conditions financières plus avantageuses,

– 16 753 euros au titre de l’intérêt de retard,

– débouter la Scp [I] [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

– condamner la Scp [D] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la Scp [D] aux dépens dont distraction au profit de Me Olivier David Elbaz avocat aux offres de droit.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 18 novembre 2020, la Scp [D] Badulfe et Monteiro (la Scp [D]) demande à la cour de :

– confirmer le jugement,

en conséquence,

– dire et juger que la Sci 45 Briand ne rapporte pas la preuve du fait fautif invoqué à son encontre,

en tout état de cause,

– dire et juger que la Sci 45 Briand ne rapporte pas la preuve d’un préjudice actuel, certain et direct,

en conséquence,

– la débouter de toutes ses demandes,

y ajoutant,

– condamner la Sci 45 Briand à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens.

SUR CE

Sur la demande à voir écarter des débats les pièces numéros 8 et 10

Le tribunal a écarté des débats, comme relevant du secret professionnel en application de l’article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, la pièce numéro 8, qui est une consultation juridique adressée par la société d’avocats Deloitte à Me Ronzeau, avocat de la société [D], ne portant pas la mention ‘officiel’ et constituant par conséquent une correspondance entre un avocat et son confrère, couverte par le secret professionnel. Il a jugé, en revanche, que la même consultation juridique adressée par la société Deloitte à la société MMA, société d’assurances, et objet de la pièce n°10 ne constitue pas une communication couverte par le secret professionnel.

L’appelante soutient que la pièce 10, désormais pièce 9, n’est pas un courrier d’un avocat seulement destiné à son client mais également à d’autres avocats, et donc couvert par le secret professionnel, et doit par conséquent être écartée des débats.

La Scp [D] répond que s’agissant d’une consultation juridique, le principe de confidentialité des correspondances n’est nullement opposable, d’autant plus que ces consultants en leur qualité de spécialistes en fiscalité ont autorisé ladite communication.

Selon l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, ‘En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères, à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention ‘officielle’, les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces sont couvertes par le secret professionnel (…)’.

Le courriel litigieux objet de la pièce 9 est adressé par ‘[W] [Y], avocat associé Xixi Zhang, avocat’ à la société MMA, avec copie à ‘[R] [L], avocat associé, [X] [S], avocat’.

Il ne s’agit pas d’une consultation adressée par son avocat à son client ni d’une correspondance échangée entre un client et son avocat, aucun élément n’établissant que M. [Y] serait l’avocat de la société MMA. Ce courriel ne constitue pas davantage un échange de correspondance entre l’avocat et ses confrères, puisque le courriel est destiné à la société MMA et que M. [L] et Mme [S] y figurent seulement en copie.

Cette pièce n’est donc pas couverte par le secret professionnel et il n’y a pas lieu de la rejeter des débats en confirmation du jugement.

Sur la responsabilité du notaire

Le tribunal a retenu que :

– une erreur de droit ne peut constituer une faute de la part des notaires que si elle résulte de la méconnaissance d’un état du droit qui découle de dispositions législatives, réglementaires ou jurisprudentielles claires, non équivoques et connues de tous les juristes,

– il ne peut être reproché au notaire en charge de la rédaction de l’acte de vente d’avoir indiqué que celle-ci n’était pas soumise à la Tva immobilière alors que deux thèses contradictoires s’affrontent sur l’application de la Tva, la position de l’administration fiscale étant contredite par un arrêt du Conseil d’État du 5 juillet 1996 qui, dans le cas d’une vente portant sur des tantièmes d’un terrain assortie d’un paiement consistant en l’obligation pour l’acheteur d’édifier des immeubles sur les tantièmes conservés par le vendeur, considère que l’édification de ces immeubles ne constitue pas une dation en paiement, le vendeur en devenant propriétaire par la voie de l’accession et qui en conclut que l’opération n’est pas soumise à la Tva, laquelle jurisprudence n’était pas obsolète lors de la signature de l’acte de vente puisqu’elle est citée dans un fascicule du juriclasseur datant du 21 janvier 2014, cette position étant par ailleurs soutenue par deux avocats fiscalistes du cabinet Deloitte.

L’appelante soutient que la Scp [D] a manqué à son obligation de conseil et d’information sur le régime fiscal applicable à la vente du 5 décembre 2011 en ce que :

– l’état du droit positif applicable au moment de l’acte est explicité dans un article du professeur [J] [O] intitulé ‘La réforme de la Tva immobilière, une révolution culturelle pour les notaires’ paru au Répertoire Défrénois du 15 mars 2011 donc antérieurement à la vente litigieuse,

– contrairement au dispositif précédent régi par les articles 256 et 257 du code général des impôts, abrogés, la nouvelle version de l’article 257 I° du code général des impôts soumet à la Tva toute opération concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, notamment ‘les droits réels immobiliers’, en sorte que depuis l’entrée en vigueur de la loi de finance rectificative du 9 mars 2010, il n’existe plus de distinction entre meubles ou immeubles et la Tva est applicable à toute opération, notamment celle portant sur des droits indivis, concourant à la production ou à la livraison d’immeuble dès lors qu’elle est réalisée à titre onéreux par une personne assujettie à la Tva,

– la circonstance que l’opération ait porté directement sur des immeubles ou des droits indivis (tantièmes de volumes) ne modifie en rien l’applicabilité de la Tva puisque cette hypothèse d’opération assimilée à des livraisons d’immeuble est clairement visée à l’article 257 I°, 1, 1° du code général des impôts lorsqu’elle porte sur des droits réels immobiliers,

– la jurisprudence du Conseil d’Etat de 1996 qui avait posé que l’accession au profit du cédant de tantièmes des locaux qui lui sont remis en paiement n’équivaut plus fiscalement à une mutation à titre onéreux, est devenue obsolète depuis cette réforme, car le fait générateur de la Tva n’est plus le transfert de propriété, l’article 269 1c) renvoyant à l’article 257 7° du code général des impôts ayant été abrogé, mais la livraison de l’immeuble,

– il n’est d’ailleurs produit aucune décision d’un tribunal administratif portant sur une opération postérieure à 2010 et exonérant de Tva une cession de tantièmes de volumes avec construction d’immeubles sur les tantièmes non vendus,

– en conséquence, la Scp [D] a commis une faute caractérisée en mentionnant que la vente du 5 décembre 2011 n’était pas soumise à la Tva,

– le redressement fiscal est entièrement imputable à la faute du notaire,

– la conclusion d’une transaction avec l’administration fiscale sans épuiser les voies de recours, n’empêche pas d’engager la responsabilité des notaires car l’action en responsabilité n’est pas subordonnée à une poursuite préalable contre d’autres débiteurs et elle n’était pas tenue de s’engager dans un contentieux avec l’administration fiscale.

La Scp [D] réplique que :

– la faute du notaire doit être appréciée au regard du droit positif applicable au jour de l’opération, qui relevait de la loi du 9 mars 2010 entrée en vigueur le 11 mars 2010,

– selon l’instruction 3A-9-10 du 29 décembre 2010 présentant l’ensemble du dispositif applicable aux opérations immobilières en matière de Tva, en principe toutes les opérations sont taxables et certaines peuvent faire l’objet d’exonération, et la définition du terrain à bâtir a été modifiée et ne dépend plus de l’intention de l’acquéreur en sorte que le redevable de la Tva redevient le vendeur du terrain à bâtir,

– pour autant, l’administration fiscale s’est méprise sur la nature de l’opération comprenant la vente intervenue le 5 décembre 2011 au profit de la Sci 45 Briand mais également un engagement de contruire par ladite Sci, en fondant le redressement fiscal sur la notion de dation en paiement et non pas celle de cession de millièmes, seule applicable puisque le vendeur ne cède qu’un certain nombre de tantièmes indivis et conserve le surplus, sur lequel la Sci édifiera les locaux pour le compte du vendeur, ce qui donne lieu à un régime de Tva radicalement différent,

– sous l’empire de la législation applicable en matière de Tva jusqu’au 11 mars 2010, date de la réforme de la Tva immobilière, dans la configuration d’une vente de millièmes indivis d’un terrain moyennant la remise de locaux à construire dans la proportion des droits indivis conservés par le vendeur, l’analyse commune à la doctrine administrative et à la jurisprudence du Conseil d’Etat jusqu’à sa décision du 5 juillet 1996 consistait à voir dans ce mécanisme une double mutation soumise à la Tva,

– par arrêt du 5 juillet 1996, le Conseil d’Etat a jugé que l’accession au profit du cédant de tantièmes des locaux qui lui sont remis en paiement n’équivaut plus fiscalement à une mutation à titre onéreux, en sorte que la Tva immobilière alors applicable ne pouvait plus être exigée sur la valeur des constructions remises au vendeur du terrain, seule la Tva de droit commun demeurant exigible sur les travaux effectués par le constructeur pour le compte du cédant de tantièmes,

– si le Conseil d’Etat n’a pas eu l’occasion de réitérer, sous l’empire des nouvelles dispositions législatives, les principes dégagés par l’arrêt du 5 juillet 1996, ceux-ci demeurent transposables aux cessions de millièmes contre remise de locaux à construire intervenues depuis le 11 mars 2010, ce d’autant plus que l’analyse civiliste ayant motivé le revirement de jurisprudence du Conseil d’Etat n’a pas été remise en cause, peu important que l’administration fiscale n’ait pas repris dans son instruction du 29 décembre 2010 (BOI 3A-9-10) les commentaires publiés dans sa documentation de base DB 8A 1131 N°96 selon lesquels la cession d’une fraction indivise d’un terrain moyennant un prix converti en obligation pour l’acquéreur de remettre des locaux neufs au vendeur s’analysait en une double mutation soumise à la Tva,

– cette analyse a été récemment confirmée par un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 3 avril 2018 ayant jugé que la remise en paiement des locaux ne pouvait être soumise à Tva, seule la construction et l’aménagement des lots à remettre par l’acquéreur à leurs propriétaires constituant des travaux immobiliers au sens de l’article 256 du code général des impôts, et soumis à la Tva,

– ainsi, la remise en paiement par la Sci 45 Briand des locaux construits pour le compte de M. [E] ne pouvait être assimilée à une livraison d’immeubles imposable à la Tva sur le fondement des dispositions de l’article 257 I du code général des impôts, dès lors que la Sci 45 Briand n’a jamais été propriétaire desdits locaux du fait du mécanisme de l’accession, et il appartenait à ladite société de procéder à la déclaration de Tva sur les travaux de construction lors de la remise des locaux, laquelle s’est réalisée en dehors de toute intervention de l’étude notariale,

– l’exonération de Tva mentionnée à l’acte est conforme au droit positif applicable en ce que :

– le vendeur du terrain n’étant pas assujetti à la Tva, la vente de celui-ci est hors champ de la Tva en application de la loi du 9 mars 2010,

– l’acte d’acquisition, qui contient un engagement de construire de la Sci 45 Briand dans un délai de quatre ans, est exonéré de droits d’enregistrement en application de l’article 1594-0 G A du code général des impôts,

– ce n’est que postérieurement à l’intervention du notaire, à la fin des opérations de construction, que les locaux ont été remis à M. [E] et la propriété des constructions advient au vendeur par accession sur un terrain dont il n’a jamais cessé d’être propriétaire de sorte qu’il n’y a aucun contrat de caractère translatif et que la réglementation des ventes d’immeubles à construire ne peut s’appliquer,

– par conséquent, le redressement dont a fait l’objet la Sci 45 Briand n’est aucunement la résultante d’une faute du notaire, mais d’une erreur de l’administration fiscale confortée par une absence de recours contentieux de la Sci 45 Briand,

– au jour de l’acte d’acquisition, les obligations fiscales ont donc été intégralement respectées et l’acte de vente n’est aucunement critiquable sur le plan fiscal, comme il en ressort de la consultation juridique du 18 septembre 2018 établie par le cabinet Deloitte,

– l’appelante a accepté de transiger avec l’administration fiscale sans épuiser les voies de recours alors que le redressement fiscal n’est pas fondé.

Le notaire engage sa responsabilité à charge pour celui qui l’invoque de démontrer une faute, un lien de causalité et un préjudice.

Le notaire, tenu à un devoir de conseil, doit éclairer les parties sur la portée des actes reçus par ses soins.

La faute reprochée au notaire doit s’apprécier au regard du droit positif applicable au jour de l’acte.

La vente litigieuse a été conclue par M. [E], ‘vendeur de tantièmes indivis d’un terrain et bénéficiaire de locaux à construire’, au bénéfice de la Sci 45 Briand, ‘acquéreur des tantièmes indivis du terrain et constructeur des locaux’. L’acte précise que la Sci 45 Briand acquiert la propriété des lots de volumes 2 à 8 et des biens et droits immobiliers vendus et dépendant du lot de volume numéro 1 et qu’une partie du prix est payée comptant (515 000 euros), le solde dû (777 000 euros) étant converti en obligation pour la Sci 45 Briand d’édifier pour le compte de M. [E] et de lui livrer après achèvement les locaux correspondant aux tantièmes dont il demeure propriétaire dans le lot de volume numéro 1.

Il est précisé, au titre du régime fiscal de la vente, que ‘S’agissant de la vente d’un terrain à bâtir par un vendeur non assujetti au profit d’un vendeur assujetti, la vente est placée hors du champ d’application de la Tva. »

La proposition de rectification dont a fait l’objet la Sci 45 Briand est fondée sur l’article 257 7°du code général des impôts prévoyant l’imposition à la Tva des opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, la vente d’immeuble s’entendant de toutes mutations à titre onéreux (vente, échange, …). L’administration fiscale retient que ‘les immeubles faisant l’objet de la dation en paiement étant vendus en leur état futur d’achèvement, leur cession était passible de la Tva immobilière due par le vendeur. En effet, la remise d’un immeuble en paiement de l’acquisition d’un autre bien s’analyse comme une vente immobilière propre donnant lieu à la perception chez le vendeur de la Tva immobilière, si l’immeuble cédé est neuf ou a moins de cinq ans.

La doctrine administrative précise, concernant la Tva : ‘en cas de dation en paiement, dès lors que la livraison des locaux remis en dation relève d’un contrat portant sur un bien à construire, l’exigibilité de la Tva due à ce titre intervient à la livraison du terrain qui en constitue la contrepartie’.

La taxe due par le promotteur sur la dation en paiement de l’immeuble à construire doit donc être acquittée à la date du transfert de propriété matérialisée par l’acte, puisque le prix de vente de l’immeuble en état futur d’achèvement est intégralement payé d’avance par la remise du terrain servant d’assiette à la construction’.

L’administration fiscale a donc considéré que la remise d’un immeuble en paiement de l’acquisition d’un bien immobilier s’analysait en une dation en paiement assimilable à une mutation à titre onéreux et par voie de conséquence soumise à la Tva immobilière.

En réponse aux observations de la Sci 45 Briand conformes à l’argumentation développée par la Scp [D], l’administration fiscale a précisé le 16 février 2015 que :

– le redressement est en réalité fondé sur les dispositions de l’article 257 I° du code général des impôts, la référence à l’article 257 7° du même code, abrogé le 10 mars 2010, constituant une erreur de plume,

– s’agissant de la jurisprudence issue du champ d’application de l’article 257-7° du code général des impôts abrogé par la loi du 10 mars 2010, la doctrine administrative publiée en novembre 2001 précise que le Conseil d’Etat a confirmé dans plusieurs arrêts le principe de l’imposition à la Tva de la dation des locaux à construire en paiement de millièmes indivis de terrain à bâtir : dès lors que le contrat passé a pour effet et objet d’attribuer au cédant un droit de propriété sur une fraction de l’immeuble construit par l’acquéreur en contrepartie de la cession de millièmes de terrain et qu’il ne renvoie à aucun acte ultérieur, il relève d’une mutation à titre onéreux soumise à la Tva en application de l’article 257-7° du code général des impôts,

– les arrêts antérieurs issus de la jurisprudence citée par la Sci 45 Briand sont des arrêts d’espèce qui n’ont pas été suivis par la doctrine administrative en matière de Tva immobilière, et l’ensemble des jurisprudences invoquées est basé sur le champ d’application de l’article 257-7° du code général des impôts abrogé à compter du 11 mars 2010 et n’est plus applicable en l’espèce,

– la loi de finance du 9 mars 2010 entrée en vigueur le 11 mars 2010 a mis fin au régime de la Tva immobilière en abrogeant les articles 257-6° et 257-7° qui définissaient jusqu’alors un champ d’application spécifique aux opérations portant sur les immeubles ou des droits assimilés assujettis à la Tva et depuis l’entrée en vigueur de cette loi, toutes les livraisons d’immeubles sont désormais comprises dans le champ d’application de droit commun de la Tva dès lors qu’elles sont réalisées à titre onéreux par un assujetti en tant que tel défini à l’article 256 du code général des impôts,

– une opération est réalisée à titre onéreux en matière de Tva lorsqu’il existe un lien direct entre le service rendu ou le bien livré et la contre-valeur reçue, le bénéficiaire de la prestation ou livraison devant en retirer un avantage individuel dont le niveau est en relation avec le prix payé,

– en application de l’article 266 du code général des impôts, la base d’imposition est constituée pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de la livraison ou de la prestation,

– la Sci 45 Briand est un assujetti en tant que tel et a livré en 2013 à M. [E] trois appartements neuf achevés depuis moins de cinq ans en contrepartie de la vente du terrain,

– cette opération est considérée en matière de Tva comme réalisée à titre onéreux car il existe un lien direct entre le bien livré et la contre valeur reçue : ce n’est pas le terrain faisant l’objet de l’indivision qui a été évalué à 777 000 euros mais la valeur des trois appartements, individualisés dans l’acte du 5 décembre 2011 construits par l’acquéreur au bénéfice du vendeur,

– l’acte emportant livraison est donc imposable à la Tva.

L’administration fiscale, abandonnant sa position ayant trait à la notion de dation en paiement ressortant de sa proposition de rectification, a donc fondé le redressement fiscal sur le fait que l’opération litigieuse consistant en la livraison d’un immeuble en contrepartie de la vente du terrain constituait une mutation à titre onéreux assujettie à la Tva en application des dispositions de l’article 257 I du code général des impôts aux termes duquel toutes les livraisons d’immeubles sont désormais comprises dans le champ d’application de droit commun de la Tva dès lors qu’elles sont réalisées à titre onéreux par un assujetti tel que défini à l’article 256 du code général des impôts.

La proposition de rectification est fondée sur les dispositions de l’article 257 I du code général des impôts lequel, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2011 applicable à l’acte conclu le 5 décembre 2011, dispose que :

I.-Les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent.

1. Sont assimilés à des biens corporels et suivent le régime du bien immeuble auquel ils se rapportent :

1° Les droits réels immobiliers, à l’exception des locations résultant de baux qui confèrent un droit de jouissance ;

2° Les droits relatifs aux promesses de vente ;

3° Les parts d’intérêts et actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble ou d’une fraction d’un bien immeuble;

4° Les droits au titre d’un contrat de fiducie représentatifs d’un bien immeuble.

2. Sont considérés :

1° Comme terrains à bâtir, les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d’un plan local d’urbanisme, d’un autre document d’urbanisme en tenant lieu, d’une carte communale ou de l’article

2° Comme immeubles neufs, les immeubles qui ne sont pas achevés depuis plus de cinq années, qu’ils résultent d’une construction nouvelle ou de travaux portant sur des immeubles existants qui ont consisté en une surélévation ou qui ont rendu à l’état neuf :

a) Soit la majorité des fondations ;

b) Soit la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l’ouvrage ;

c) Soit la majorité de la consistance des façades hors ravalement ;

d) Soit l’ensemble des éléments de second ‘uvre tels qu’énumérés par décret en Conseil d’Etat, dans une proportion fixée par ce décret qui ne peut être inférieure à la moitié pour chacun d’entre eux.

3. Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée :

1° Lorsqu’elles sont réalisées par des personnes assujetties au sens de l’article 256 A :

a) Sans préjudice des dispositions du II, les livraisons à soi-même d’immeubles neufs lorsque ceux-ci ne sont pas vendus dans les deux ans qui suivent leur achèvement ;

b) Les livraisons à soi-même des travaux immobiliers mentionnés au III de l’article 278 sexies;

2° Lorsqu’elles sont réalisées, hors d’une activité économique visée à l’article 256 A, par toute personne, dès lors assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée à ce titre :

a) La livraison d’un immeuble neuf lorsque le cédant avait au préalable acquis l’immeuble cédé comme immeuble à construire ;

b) La livraison à soi-même de logements visés au II de l’article 278 sexies.

L’article 256 du code général des impots dans sa version du 9 mars 2010 prévoit que ‘Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.

II. 1° Est considéré comme livraison d’un bien, le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire’.

L’article 257 du code général des impôts, abrogé, prévoyait que :

‘Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée :

6° Sous réserve du 7° :

a) Les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ;

b) Les cessions de droits au titre d’un contrat de fiducie représentatifs de biens visés au a et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ;

7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles.

Ces opérations sont imposables même lorsqu’elles revêtent un caractère civil.

1. Sont notamment visés :

a) Les ventes et les apports en société de terrains à bâtir, des biens assimilés à ces terrains par le A de l’article 1594-0 G ainsi que les indemnités de toute nature perçues par les personnes qui exercent sur ces immeubles un droit de propriété ou de jouissance, ou qui les occupent en droit ou en fait ;

Sont notamment visés par le premier alinéa, les terrains pour lesquels, dans un délai de quatre ans à compter de la date de l’acte qui constate l’opération, l’acquéreur ou le bénéficiaire de l’apport obtient le permis de construire ou le permis d’aménager ou commence les travaux nécessaires pour édifier un immeuble ou un groupe d’immeubles ou pour construire de nouveaux locaux en surélévation.

Ces dispositions ne sont pas applicables aux terrains acquis par des personnes physiques en vue de la construction d’immeubles que ces personnes affectent à un usage d’habitation.

Toutefois, lorsque le cédant est une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, il peut, sur option, soumettre la cession à la taxe sur la valeur ajoutée.

Un décret en Conseil d’Etat détermine les modalités d’application des troisième et quatrième alinéas ;

b) Les ventes d’immeubles et les cessions, sous forme de vente ou d’apport en société, de parts d’intérêt ou d’actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un immeuble ou d’une fraction d’immeuble ;

b bis) Les cessions par le constituant, dans le cadre d’un contrat de fiducie, de droits représentatifs de biens visés aux a et b ;

c) Les livraisons à soi-même d’immeubles.

Constituent notamment des livraisons à soi-même d’immeubles les travaux portant sur des immeubles existants qui consistent en une surélévation, ou qui rendent à l’état neuf:

1° Soit la majorité des fondations ;

2° Soit la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l’ouvrage ;

3° Soit la majorité de la consistance des façades hors ravalement ;

4° Soit l’ensemble des éléments de second oeuvre tels qu’énumérés par décret en Conseil d’Etat, dans une proportion fixée par ce décret qui ne peut être inférieure à la moitié pour chacun d’entre eux (…).

L’article 257 I issu de la loi du 9 mars 2010 prévoit ainsi, tout comme l’article 257 7° abrogé, que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, sous certaines conditions, mais en élargissant notamment le champ d’application de la Tva immobilière aux opérations portant sur ‘les droits réels immobiliers’ ainsi qu’aux ‘livraisons d’un immeuble neuf lorsque le cédant avait au préalable acquis l’immeuble cédé comme immeuble à construire’.

La question en débat est de savoir si, au regard du droit positif en vigueur au moment de la réception de l’acte par le notaire, la livraison de l’immeuble construit par le cessionnaire en paiement du prix de cession immobilière devait être assimilée à une opération soumise à la Tva immobilière en application des dispositions de l’article 257 I 1 1° qui prévoit notamment que ‘I.-Les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent.

1. Sont assimilés à des biens corporels et suivent le régime du bien immeuble auquel ils se rapportent :

1° Les droits réels immobiliers, à l’exception des locations résultant de baux qui confèrent un droit de jouissance’ ou encore qu’est assujetti à la Tva ‘la livraison d’un immeuble neuf lorsque le cédant avait au préalable acquis l’immeuble cédé comme immeuble à construire’ ; ce quelle que soit la qualification juridique de la vente et peu important que l’opération de vente n’ait pas porté directement sur l’immeuble livré mais sur des droits indivis, soit des tantièmes de terrain, moyennant l’obligation pour l’acquéreur d’ériger un immeuble sur les tantièmes de terrain dont le vendeur demeurait acquéreur.

S’agissant de la portée de la loi du 9 mars 2010 quant au régime de Tva immobilière applicable à la vente litigieuse, l’appelante entend tirer argument d’un article de Mme [J] [O], professeur à l’Université de la Réunion, intitulé ‘La réforme de la Tva immobilière, une révolution culturelle pour les notaires’ paru au Répertoire Défrénois du 15 mars 2011, soit antérieurement à la vente litigieuse conclue le 5 décembre 2011, duquel il ressort que :

– auparavant, l’ancien régime de la Tva immobilière était réservé aux tranferts de propriété de terrrains à bâtir et d’immeubles neufs. Désormais, la Tva est susceptible de s’appliquer à toutes les livraisons de terrains et d’immeubles. La réforme emporte une modification des causes d’exigibilité de la Tva relativement à l’objet des opérations dans ses deux composantes : la livraison et le bien immeuble,

– si sous le régime antérieur issu de l’article 269 du code général des impôts, le fait générateur (et l’exigibilité) des mutations immobilières soumises à la Tva était constitué par ‘l’acte qui constate l’opération ou, à défaut, par le transfert de propriété’, désormais le fait générateur de l’imposition à la Tva correspond à la ‘livraison du bien’ définie par l’article 5 & 1 de la sixième directive comme ‘le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel, comme un propriétaire’,

– aux livraisons d’immeubles proprement dites, s’ajoutent désormais les opérations assimilées à de telles livraisons, en particulier les opérations concernant certains droits portant sur des immeubles. Sont ainsi notamment visées les opérations (constitution, cession) portant sur des droits réels immobiliers (démembrement de propriété, droits indivis, droit de superficie, servitude, bail emphythéotique…),

– si sous l’ancienne législation, seuls étaient concernés par la Tva immobilière les terrains à bâtir et les immeubles neufs, désormais tous les biens immeubles, dès lors qu’ils sont cédés dans le cadre d’une activité économique, sont soumis à la Tva. Mais le régime n’est pas le même selon la nature des biens : impositions de plein droit pour les terrains à bâtir et les immeubles neufs ; Tva sur option pour les autres terrains et les autres immeubles,

– désormais, la Tva immobilière est toujours due par celui qui réalise l’opération immobilière, soit en cas de vente par le vendeur,

– alors qu’il suffisait aux notaires d’identifier la nature du bien (terrain à bâtir, immeubles neufs) pour soumettre la transaction à la Tva, sans considération ni du contexte dans laquelle s’inscrivait l’opération, ni de la qualité du cédant, désormais pour asseoir l’imposition, les notaires devront replacer l’opération dans un contexte plus général, celui de l’activité menée par son auteur dès lors qu’en application des dispositions de l’article 256 du code général des impôts sont imposables à la Tva les livraisons de biens immeubles réalisées dans le cadre d’une activité économique par un assujetti en tant que tel.

Cet article fait état de toute livraison de bien, en particulier la livraison de droits indivis, en se référant à l’ancien régime de la Tva immobilière réservé aux tranferts de propriété de terrrains à bâtir et d’immeubles neufs. Il ne mentionne cependant pas le cas particulier de la cession par le propriétaire de tantièmes de terrain moyennant la livraison d’un immeuble construit sur les tantièmes de terrain dont il demeure propriétaire, dont le régime fiscal applicable a donné lieu à des évolutions jurisprudentielles.

Le régime de fiscalité applicable à ce type de vente est spécifiquement abordé dans le fascicule 1690 du Jurisclasseur Roulois intitulé ‘Construction- Cession de terrains contre locaux à contruire’ mis à jour le 21 janvier 2014, qu’oppose l’intimée. Cette documentation renvoie, s’agissant de la fiscalité applicable à la cession par le propriétaire de tantièmes de terrain, à l’arrêt du Conseil d’Etat du 5 juillet 1996. Il est ainsi indiqué : ‘Par un important revirement de sa jurisprudence en date du 5 juillet 1996, le Conseil d’Etat considère désormais que l’accession, au profit du cédant de tantièmes, des locaux qui lui sont remis en paiement n’équivaut plus fiscalement à une ‘mutation à titre onéreux’. Il s’ensuit que la Tva immobilière ne peut plus être exigée sur la valeur des constructions remises au vendeur du terrain. La Tva de droit commun demeure exigible sur le prix des travaux effectués par le constructeur pour le compte du cédant de tantième. La cession de tantième est assujettie de plein droit à la cession de Tva immobilière lorsqu’elle est réalisée par un assujetti agissant en tant que tel (article 256 du code général des impôts), le redevable de la Tva étant le cédant. Lorsque le cédant agit hors d’une activité économique, la cession est hors du champ d’application de la Tva immobilière’.

Ainsi, si l’arrêt du Conseil d’Etat du 5 juillet 1996 est fondé sur les dispositions abrogées de l’article 257 7° du code des impôts, l’auteur de cet article considère que cette jurisprudence, loin de constituer un arrêt isolé, est toujours d’actualité nonobstant l’entrée en vigueur de la loi du 9 mars 2010.

Pendant longtemps le Conseil d’Etat s’est démarqué de la jurisprudence civile en se fondant sur la notion d’opération concourant à la production d’immeuble, fondement même de la Tva immobilière et qui n’est pas limitativement définie par la loi ; ainsi, alors même qu’il n’y aurait pas de double mutation, la remise de constructions était analysée comme une opération imposable sur la valeur vénale totale du bien livré.

Par son arrêt du 5 juillet 1996, le Conseil d’Etat a jugé que l’acte par lequel une Sci avait acquis des millièmes indivis de terrain d’une autre société dont celle-ci était propriétaire moyennant un prix dont une partie serait convertie en l’obligation pour la Sci d’édifier, pour le compte du vendeur, un nouvel immeuble sur la partie indivise du terrain conservé par ses soins, n’était pas assujeti à la Tva immobilière en raison de la “dation en paiement” de ces lots, la Sci devenant propriétaire, par voie d’accession, au fur et à mesure de l’exécution des travaux les concernant, des lots qui seraient réalisés pour son compte, par l’acquéreur, et qu’en conséquence, cette transaction ne pouvait être regardée comme donnant lieu à une mutation à titre onéreux d’immeubles entrant dans le champ d’application du 7° de l’article 257 du code général des impôts.

Ce faisant, le Conseil d’Etat s’est rallié à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Il n’est justifié d’aucun arrêt de jurisprudence postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 9 mars 2010 adoptant la position de l’administration fiscale ou celle du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, l’arrêt de la cour d’appel de Lyon du 3 avril 2018 qu’invoque l’intimé, et adoptant la jurisprudence du Conseil d’Etat, ayant trait à une vente conclue le 31 mars 2008.

La consultation du cabinet Deloitte du 18 septembre 2018 considère que le revirement de jurisprudence introduit par l’arrêt du 5 juillet 1996 est majeur et toujours d’actualité dès lors que:

– l’administration fiscale n’a pas repris, dans son instruction du 29 décembre 2010 (BOI 3A-9-10) les commentaires publiés à la DB 8 A 1131 n°96 selon lesquels la ‘cession d’une fraction indivise d’un terrain moyennant un prix converti en l’obligation pour l’acquéreur de remettre les locaux neufs au vendeur’ s’analysait en une double mutation soumis à la Tva, cette non reprise traduisant le fait que l’administration fiscale entendait rapporter sa position antérieure,

– cette position est corroborée par le fait que l’actuel BOFIP ne reprend pas non plus la solution publiée à la DB 8 A 1131 n°96.

L’appelante se réfère à l’instruction 3 A 9-10 du 30 décembre 2010 (BOI n° 16) ainsi rédigée:

« CHAPITRE 1 : CHAMP D’APPLICATION

3. Le nouveau régime législatif a mis fin à celui dit de la « TVA immobilière » en abrogeant les articles 257 6° et 257 7° qui définissaient, jusqu’au 10 mars 2010, un champ d’application spécifique aux opérations portant sur des immeubles ou des droits assimilés qui devaient ou pouvaient être soumises à la TVA.

En ce sens, la suppression au 1° du II de l’article 256 du terme « meuble » en tant qu’il constituait une restriction vise à traduire le principe selon lequel, conformément à la directive TVA, les livraisons d’immeubles doivent être traitées de la même manière que les livraisons de biens meubles corporels.

4. Par conséquent, toutes les livraisons d’immeubles (dont la définition des différentes catégories résulte du 2 du I de l’article 257 : terrains à bâtir ou non, immeubles bâtis neufs ou achevés depuis plus de cinq ans) sont désormais comprises dans le champ d’application de droit commun de la TVA dès lors qu’elles sont réalisées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (section I).

Par livraison, on entend au sens de la directive TVA le transfert du pouvoir de disposer de l’immeuble comme un propriétaire, ce qui conduit à y comprendre aussi bien les ventes ou cessions, que les apports en société, les expropriations ou les échanges.

(‘) Sous section 1 ‘ Les livraisons d’immeubles imposables de plein droit

18. Les livraisons d’immeubles réalisées par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la TVA à l’exception de celles qui sont exonérées en application du 5 de l’article 261″.

Cependant, cette disposition qui énonce que toutes les livraisons d’immeubles (dont la définition des différentes catégories résulte du 2 du I de l’article 257 : terrains à bâtir ou non, immeubles bâtis neufs ou achevés depuis plus de cinq ans) sont désormais comprises dans le champ d’application de droit commun de la Tva dès lors qu’elles sont réalisées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, ne traite pas la question spécifique des conséquences inhérentes à la vente de terrain contre remise de locaux à construire.

Si l’administration fiscale a rapporté l’ensemble des solutions qu’elle avait données antérieurement pour l’application de la Tva immobilière aux opérations de vente de terrains contre remise de locaux à construire, elle n’a pas publié de commentaires d’ensemble des conséquence fiscales inhérentes aux dites opérations.

La doctrine administrative maintenant le principe de l’exigibilité au jour de la livraison du terrain, la jurisprudence du Conseil d’Etat, applicable sous l’empire de la législation antérieure, est transposable en sorte que le fait générateur de la Tva se produirait au moment de la vente de tantièmes de terrain et non pas de la livraison par l’acquéreur de l’immeuble ultérieurement construit sur les tantièmes de terrain demeurés propriété du vendeur.

Au vu de ces éléments, l’état du droit positif ne permettait pas au notaire de douter du maintien de la jurisprudence du Conseil d’Etat, en sorte qu’il n’est caractérisé aucune faute de sa part.

Le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

L’appelante échouant en ses prétentions est condamnée aux dépens d’appel et à payer à l’intimée la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne la Sci 45 Briand à payer à la Scp [D] Badulfe et Monteiro la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sci 45 Briand aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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