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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 13/04/2023
N° de MINUTE : 23/147
N° RG 22/01867 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UHF2
Jugement (N° 20/00712) rendu le 24 Mars 2022 par le tribunal judiciaire d’Arras
APPELANTE
Madame [R] [F]
née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne Sophie Audegond-Prud’Homme, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉ
Monsieur [D] [N]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Xavier Brunet, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Guillaume Salomon, président de chambre
Claire Bertin, conseiller
Yasmina Belkaid, conseiller
———————
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé
DÉBATS à l’audience publique du 09 février 2023 après rapport oral de l’affaire par Yasmina Belkaid
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : 18 novembre 2022
Communiquées aux parties le 21 novembre 2022
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 janvier 2023
****
Mme [F] expose qu’elle avait contracté trois prêts auprès du Crédit Agricole en 1984, en 1985 et en 1993 ; qu’afin d’apurer sa dette représentant la somme totale de 666 242,58 Francs en septembre 1994, elle a mis en vente son immeuble à usage d’habitation, l’acte de vente ayant été régularisé par Maître [V] le 29 août 2002 au prix de 79 250 euros ; que sept mois après la vente, le Crédit Agricole lui a réclamé une somme résiduelle de 90 915,12 euros en principal, intérêts et frais qu’elle a remboursée intégralement après une saisie pratiquée sur ses rémunérations ; que le notaire lui avait fait vendre sa maison à perte alors que la valeur vénale du bien immobilier représentait la somme de 140 000 euros, qu’elle a donc sollicité Maître [N], avocat, pour engager la responsabilité tant du notaire que de la banque et que son avocat n’avait jamais délivré l’assignation qu’il avait rédigée.
C’est dans ces conditions que par acte d’huissier de justice du 16 juillet 2019, Mme [R] [F] a saisi le tribunal de grande instance de Cambrai, aux fins de voir juger que Maître [N] a commis une faute dans l’exécution de sa mission et d’obtenir la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 120.000 euros en réparation de son préjudice outre 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par une ordonnance du 27 novembre 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Cambrai a renvoyé l’examen de l’affaire devant le tribunal de grande instance d’Arras.
Par un jugement du 24 mars 2022, le tribunal judiciaire d’Arras a :
jugé prescrite l’action en responsabilité professionnelle de Mme [F]
débouté Mme [F] de l’ensemble de ses demandes
condamné Mme [F] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
condamné Mme [F] à payer les dépens de l’instance
Par déclaration du14 avril 2022, Mme [F] a interjeté appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 décembre 2022, Mme [R] [F] demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1231-1 du code civil, de :
– réformer la décision entreprise
– la recevoir en son action
par conséquent,
– juger que Maître [N] a commis une faute dans l’exécution de sa mission – condamner Maître [N] au paiement de la somme de 120.000 € en réparation de son préjudice outre les intérêts aux taux légaux à compter de la délivrance de l’assignation initiale, soit à la date du 16 juillet 2019
– condamner Maître [N] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
– le condamner aux entiers frais et dépens.
A titre liminaire, elle demande d’écarter la fin de non-recevoir opposée par le ministère public. Elle fait en effet valoir que son appel est recevable dès lors que l’obligation de mentionner l’infirmation ou la confirmation du jugement est imposée pour les conclusions et non pour la déclaration d’appel et alors que la Cour de cassation a jugé qu’il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement et qu’aux termes de ses conclusions elle sollicite la réformation du jugement querellé.
A titre principal, sur la prescription, elle soutient que conformément aux dispositions de l’article 789 du code de procédure civile, le juge du fond n’est pas compétent pour statuer sur cette fin de non-recevoir qui relève des pouvoirs du juge de la mise en état.
A titre subsidiaire, elle affirme que son action n’est pas prescrite dans la mesure où après la réception du courriel de Maître [N], elle a validé le projet d’assignation en versant par ailleurs la somme de 155 euros représentant les frais de l’huissier de justice pour la délivrance de l’acte le 20 juin 2012 et que ce n’est que le 16 décembre 2015, date à laquelle elle a saisi Me [U] qu’elle a été informée de ce que Me [N] avait commis une faute.
Elle soutient, qu’en toute hypothèse, Me [N], étant toujours son conseil dès lors qu’aucune notification de fin de mission n’était intervenue, n’avait pas dégagé sa responsabilité à son égard. Elle estime que si le courrier du Bâtonnier de Béthune du 12 mai 2015 doit être considéré comme la notification de la fin de mission de Me [N], l’action introduite par assignation du 16 juillet 2019 n’était pas prescrite.
Sur le fond, elle considère que Me [N] a commis une faute dans le cadre du mandat qu’elle lui a confiée pour assigner la banque et le notaire, mandat avéré par les diligences accomplis et les échanges au cours des rendez-vous.
Elle soutient que Maître [N] ne l’a jamais avertie sur les faibles chances de succès de son action alors qu’il a lui-même rédigé l’assignation qui comporte une demande indemnitaire à hauteur de la somme de 120 000 euros de sorte que la perte de chance doit être évaluée à ce montant.
Elle soutient que sa perte de chance est réelle et certaine aux motifs que le notaire, la SCP Cleuet [V], a manqué à son devoir de conseil en régularisant la vente de sa maison au prix de 79 000 euros alors qu’elle en valait 140 000 euros et alors qu’il connaissait l’utilité de l’opération à savoir le désintéressement de la banque. Elle considère que le crédit Agricole était également fautif en n’ayant pas fourni pas un état du passif actualisé.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 3 janvier 2023, Maître [D] [N] demande à la cour de :
Vu l’article 2224 du code civil.
Dire l’appelante prescrite en son action.
En conséquence,
confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté l’appelante de ses demandes, la condamnant aux dépens et au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Subsidiairement et sur le fond,
juger que le concluant n’a commis aucune faute.
juger, en outre, que l’appelante ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d’une perte de chance réelle et certaine.
En conséquence,
débouter l’appelante de l’intégralité de ses demandes.
En toute hypothèse et statuant sur la demande reconventionnelle du concluant,
condamner l’appelante au paiement au profit du concluant d’une somme de 3.000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
condamner l’appelante aux dépens de l’appel.
Maître [N] considère que l’action en responsabilité professionnelle diligentée par Mme [F] est prescrite en application des dispositions de l’article 2224 du code civil dès lors qu’elle a eu connaissance des faits lui permettant d’exercer une telle action le 9 décembre 2011, date à laquelle elle recevait le projet d’assignation qu’il avait rédigé et sur lequel elle était à revenir vers lui notamment aux fins de compléter les éléments d’état civil.
Il ajoute qu’en l’absence de mandat, Mme [F] ne peut valablement soutenir que le point de départ du délai de prescription se situe au 16 décembre 2015 qui correspondrait à une consultation auprès d’un nouvel avocat.
Il indique que contrairement aux affirmations de Mme [F], la somme 150 euros qu’elle a été réglée le 20 juin 2012 ne correspondait pas au coût des frais de l’assignation mais à des honoraires.
A titre subsidiaire, il fait valoir qu’aucune faute ne saurait lui être reprochée dans la mesure où à défaut d’avoir reçu l’approbation de Mme [F] sur le projet d’assignation qui lui était adressé, il ne pouvait prendre l’initiative de faire délivrer l’acte ajoutant que dans ces conditions il n’a pu réclamer le paiement de frais d’assignation comme le prétend Mme [F].
Il considère par ailleurs que le préjudice de Mme [F] n’est pas établi d’autant plus que la lecture des termes de l’assignation révèle que le procès était voué à l’échec.
L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 23 janvier 2003
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler, qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Aux termes du dispositif de ses écritures, Mme [F] demande de la recevoir en son action en invoquant, dans les motifs, d’une part, la recevabilité de son appel et d’autre part l’incompétence du juge du fond pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
En premier lieu, il convient d’observer que l’intimé ne soulève aucun moyen d’irrecevabilité de l’appel et que le ministère public, que Mme [F] désigne comme étant à l’origine de la demande, n’est pas partie à l’instance et ne formule qu’un avis en application de l’article 424 du code de procédure civile, de sorte que la cour n’est pas saisie de la question de la régularité de la déclaration d’appel.
En deuxième lieu, la cour n’est pas davantage saisie de la demande tendant à voir déclarer le juge du fond incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action qui n’est pas reprise dans le dispositif des conclusions de Mme [F].
Au surplus, celle-ci n’est pas fondée à soutenir que la question de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action relève des pouvoirs du juge de la mise en état et non de la compétence du juge du fond alors que les dispositions de l’article 789 du code de procédure civile issues du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, qui ont étendu la compétence du juge de la mise en état à l’examen des fins de non-recevoir, ont vocation à s’appliquer aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020 ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’assignation a été délivrée le 16 juillet 2019.
Sur la prescription de l’action
L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel, notamment, la prescription.
Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
L’article 2224 du code civil s’applique à la responsabilité des avocats qui ont effectué une prestation en dehors de toute procédure judiciaire.
En application de ce texte, l’action en responsabilité de l’avocat court à compter du jour où le dommage s’est révélé et non pas à compter de l’accomplissement des actes au titre desquels une faute lui est reprochée ou de la fin de mission de l’avocat.
En l’espèce, il résulte des pièces du dossier que Mme [F] a confié la défense de ses intérêts à M. [N], succédant à Maître [X] [Z] ainsi que cela ressort du courrier du 3 mai 2010 par lequel il a demandé la communication de l’intégralité du dossier à son confrère.
Par courriel du 9 décembre 2011, M. [N] a porté à la connaissance de Mme [F] le projet d’assignation en indiquant « rester dans l’attente de la recevoir pour en discuter ».
Mme [F] produit ce projet d’assignation devant le tribunal de grande instance de Béthune établi à l’encontre de la caisse régionale de crédit agricole et de la société civile professionnelle Cleuet [V] tendant notamment à voir juger que ces derniers ont engagé leur responsabilité à l’égard de Mme [F], à condamner in solidum les mêmes à payer à Mme [F] la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral, celle de 100 000 euros au titre du préjudice financier outre celle de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ce projet d’assignation, au demeurant incomplet en ce qu’il ne comporte pas l’ensemble des éléments de l’état civil de Mme [F], requérait la validation de celle-ci avant sa transmission à un huissier de justice.
Or, Mme [F] ne démontre nullement qu’elle a donné son accord pour faire délivrer cette assignation et les prétendus nombreux échanges avec M. [N] ne sont pas produits.
Le paiement, le 20 juin 2012, de la somme de 155 euros dans le dossier « Crédit agricole- Maître [V] », n’est pas de nature à établir la réalité de cet accord dans la mesure où le reçu de M. [N], correspondant à ce paiement, produit en pièce 3, ne comporte aucune mention relative à son objet.
Pour autant, M. [N] ne saurait valablement se prévaloir d’une absence de mandat de représentation en justice alors qu’il n’est nullement établi que Mme [F] l’en a déchargé ou qu’il a informé celle-ci de sa décision de ne pas poursuivre sa mission avant 2015.
Il ressort en effet des courriers des 21 octobre 2014 et 17 février 2015 adressés au bâtonnier du barreau de Béthune, dont copies à M. [N], que Mme [F] a au contraire demandé que son affaire soit portée devant un tribunal en déplorant la longueur des délais et le silence de M. [N] quant à la suite à donner à son dossier.
Il apparaît en réalité que Maître [N] avait fait part à Mme [F] en 2014 de son refus d’engager une procédure à l’encontre du notaire et qu’il était envisagé qu’il soit substitué par un confrère.
Le Bâtonnier du barreau de Béthune a en effet précisé à Mme [F] par un courrier du 12 mai 2015 que Maître [N] n’entendait pas engager une procédure en responsabilité à l’encontre de la SCP Cleuet pour des raisons extra professionnelles de sorte qu’il invitait Mme [F] à se rapprocher d’un confrère d’un autre barreau.
Ces courriers mettent en évidence que Mme [F] n’avait pas connaissance de l’absence de délivrance de l’assignation puisque celle-ci entendait voir plaider son affaire au besoin par un confrère substituant M. [N] et qu’elle en a été informée à l’occasion de la consultation de Maître [U], avocate, qui, dans un courrier daté du 16 décembre 2015 adressé à M. [N] indique :
« Je suis consultée par Mme [F] [R] laquelle me demande d’intervenir dans le cadre du dossier qu’elle vous avait confié en 2010 et pour lequel malgré vos engagements la procédure n’apparait pas avoir été diligentée. (‘) A plusieurs reprises, elle a en vain sollicité des explications bien légitime sans recevoir de réponse que ce soit auprès de votre cabinet ou auprès du bâtonnier (‘) ».
La décision de M. [N] de ne pas engager d’action à l’encontre du notaire ayant été révélée par le courrier du 12 mai 2015 et l’absence de délivrance de l’assignation ayant été connue de Mme [F] en décembre 2015, la prescription de l’article 2224 du code civil n’est pas acquise, l’action en responsabilité ayant été introduite le 16 juillet 2019.
Dès lors, l’action en responsabilité diligentée par Mme [F] à l’encontre de M. [N] sera déclarée recevable.
Le jugement querellé sera infirmé de ce chef.
Sur la responsabilité
Il est constant que la mission d’assistance en justice comporte pour l’avocat un devoir de compétence et qu’à ce titre, il est tenu d’accomplir, dans le respect des règles déontologiques, toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client.
En application de l’article 1231-1 du code civil, l’engagement de sa responsabilité suppose de démontrer l’existence d’une faute dont il est résulté un préjudice, lequel ne peut s’analyser que comme une perte de chance de voir prospérer la demande en justice.
Il convient de rechercher, pour évaluer le préjudice pouvant résulter de la faute de l’avocat, s’il existait une chance de succès de l’action en responsabilité qu’il avait été chargé d’engager, en reconstituant fictivement, au vu des conclusions des parties et des pièces produites aux débats, la discussion qui aurait pu s’instaurer devant le juge.
Afin de poursuivre la responsabilité du notaire et la banque sur le fondement des articles 1147 et 1382 du code civil, devenus 1231-1 et 1240, Mme [F] invoque un manquement de ce ces derniers à leur obligation de conseil.
Le notaire instrumentaire est tenu d’informer et d’éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques, notamment juridiques et fiscaux de l’acte par lequel elles s’engagent, dans la limite des possibilités de contrôle et de vérification qui lui sont offertes, des informations connues des parties et sans avoir à porter d’appréciation sur l’opportunité économique de l’opération.
Si, en matière de vente immobilière, le notaire est tenu de recueillir les renseignements hypothécaires, il n’a pas à envisager les conséquences de circonstances de fait, personnelles à son client, étrangères à la validité de l’acte, et dont celui-ci ne l’avait pas informé.
Mme [F] reproche en vain au notaire d’avoir manqué à son obligation de conseil et de ne pas avoir assuré l’efficacité de l’acte de vente immobilière alors qu’aucune pièce du dossier, étant précisé que l’acte de vente lui-même n’est pas produit, ne tend à établir que le notaire avait connaissance du but poursuivi par la vente à savoir le désintéressement complet de la banque.
La seule qualité de créancier hypothécaire de la banque, à la supposer établie, n’est pas de nature à caractériser une faute imputable au notaire qui résulterait de son défaut d’interrogation de la banque sur le montant de sa créance à l’égard de Mme [F] alors qu’il appartenait à celle-ci, en sa qualité d’emprunteur, de s’enquérir du montant de sa dette au titre des prêts consentis en ce compris les intérêts contractuellement prévus.
A cet égard, Mme [F] ne saurait reprocher au notaire de ne pas s’être assuré que la vente couvrirait la créance de la banque alors que ladite créance a été arrêtée, postérieurement à la vente, par la banque qui l’a majorée des intérêts contractuels et soumise au juge d’instance de Houdain le 31 mars 2003 dans le cadre d’une procédure de saisie des rémunérations.
Elle ne caractérise pas davantage une faute de la banque qui s’est bornée à actualiser sa créance conformément au contrat de prêt souscrit dont elle ne pouvait ignorer les termes.
En toute hypothèse, Mme [F] ne justifie pas que la vente de son bien immobilier a été régularisée par le notaire à un prix inférieur à celui du marché. Si l’agence immobilière Arcadim évalue le bien immobilier litigieux à 140 000 euros en 2002, soit au moment de sa vente, la cour observe que cette estimation a été réalisée au regard des biens vendus par cette agence sans précision sur les caractéristiques du bien de Mme [F] permettant de déterminer sa valeur réelle étant ajouté que la communication d’un graphique relatif à l’évolution des prix immobiliers de 2000 à 2007 est tout aussi inopérant.
Dans ces conditions, Mme [F] n’établit pas l’existence d’une perte de chance qui résulterait de la faute commise par M. [N], alors que son action à l’encontre de la banque et du notaire était manifestement vouée à l’échec.
Le jugement critiqué sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit :
d’une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile,
et d’autre part, à condamner Mme [F], outre aux entiers dépens d’appel, à payer à M. [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement rendu le 24 mars 2022 par le tribunal judiciaire d’Arras sauf en ce qu’il a constaté la prescription de l’action en responsabilité professionnelle engagée par Mme [R] [F] à l’encontre de M. [D] [N],
Statuant à nouveau de ce seul chef et y ajoutant,
Dit que l’action en responsabilité professionnelle engagée par Mme [R] [F] à l’encontre de M. [D] [N] est recevable,
Condamne Mme [R] [F] aux dépens d’appel ;
Condamne Mme [R] [F] à payer à M. [D] [N] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples.
Le Greffier
Fabienne Dufossé
Le Président
Guillaume Salomon