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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 04 MAI 2023
N° RG 22/04306 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M4OZ
Monsieur [O] [J]
c/
Monsieur [T] [L]
S.A.R.L. IN EXTENSO PERIGORD
MMA IARD
S.E.L.A.R.L. DIOT-DUDREUILH
Nature de la décision : RENVOI APRÈS CASSATION
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 avril 2017 (R.G : 16/00349) par le Tribunal de Grande Instance de Bergerac, infirmé par un arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux en date du 30 novembre 2020, cassé le 29 juin 2022 (n°548F-B) par le Cour de Cassation suivant déclaration d’appel du 19 septembre 2022
DEMANDEUR :
Monsieur [O] [J], né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 8], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représenté par Maître Henri ARAN de la SELARL FLORENCE DASSONNEVILLE – HENRI ARAN, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDEURS :
Monsieur [T] [L], né le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 9], de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]
représenté par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER – SAMMARCELLI – MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
S.A.R.L. IN EXTENSO PERIGORD, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 6]
MMA IARD, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]
représentées par Maître Stéphan DARRACQ de la SCP MAATEIS, avocat au barreau de BORDEAUX et assistées par Maître Adeline LAVAULT de la SELARL ARGUO, avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.R.L. DIOT-DUDREUILH, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 5]
représentée par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER – SAMMARCELLI – MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 06 mars 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
M. [J] exploite en nom propre un fonds de commerce de vente de produits alimentaires.
En 2001, sur les conseils de son expert comptable, M. [S] exerçant au sein de la société In Extenso, et dans le but de réduire son imposition sur les plus-values en cas de cession de son fonds de commerce, M. [J] a donné en location gérance son fonds de commerce à la société Xantis, créée à cet effet, et dont il est devenu le gérant et l’associé majoritaire . Puis, par acte notarié dressé par Maître [L] le16 mai 2007, M. [J] a cédé son fonds de commerce à la société Xantis pour la somme de 250 000 euros, l’acte précisant que la cession réalisée bénéficiait de l’exonération sur les plus-values prévue à l’article 238 quindecies VII du code général des impôts.
Par courrier du 29 août 2007, l’administration fiscale a notifié à M. [J] un redressement fiscal d’un montant de 66 960 euros au titre de l’imposition des plus-values au motif qu’il ne remplissait pas les conditions d’exonération prévues par l’article 238 quindecies VII du code général des impôts.
M. [J] a contesté ce redressement.
Par arrêt confirmatif du 7 janvier 2014, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté la demande de M. [J] tendant à faire reconnaître son droit à l’exonération au motif que celui-ci détenait 900 des 1000 parts composant la société Xantis, cessionnaire du fonds, et qu’il était également gérant de cette société, et ne remplissait ainsi pas les conditions posées par le 3° du II de l’article 238 quindecies précité.
Les 14 et 23 mars 2016, M. [J] a assigné Maître [L], la SCP Diot-Dubreuil et associés au sein duquel exerce ce dernier, la société ln Extenso Périgord et l’assureur de celle-ci aux fins de voir engager leur responsabilité et de les voir condamner à lui régler la somme de 75 081,83 euros en indemnisation de son préjudice économique.
Par décision du 7 avril 2017, le tribunal de commerce de Bergerac a constaté la prescription de l’action du demandeur et a débouté celui-ci de ses demandes. Le 30 novembre 2020, cette cour a infirmé cette décision et, statuant à nouveau, a déclaré irrecevable la demande de M. [J] comme prescrite, considérant que le point de départ de la prescription devait être fixé au 29 août 2007, date à laquelle M. [J] avait été informé du redressement fiscal dont il faisait l’objet.
La cour de cassation, statuant sur pourvoi de M. [J], a, par décision du 29 juin 2022, cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt susvisé et a renvoyé l’affaire devant cette cour autrement composée.
La cour de cassation, a jugé, au visa de l’article 2224 du code civil que :
‘Pour déclarer l’action de M. [J] prescrite, l’arrêt retient que le délai de prescription a couru a compter de la lettre de redressement reçue le 29 août 2007 par laquelle l’administration fiscale l’a informé que la cession devait faire l’objet d’une imposition au titre des plus-values.
En statuant ainsi, alors que le dommage de M. [J] ne s’était réalisé que le 7 janvier 2014, date de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux ayant rejeté son recours et constituant le point de départ du délai de prescription quinquennal, la cour d’appel a violé le texte susvisé.’
M. [J] a saisi cette cour par déclaration de saisine du 16 septembre 2022.
L’affaire a été clôturée par ordonnance du 20 février 2023 et fixée pour être plaidée à l’audience du 6 mars 2023.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 février 2023, M. [J] demande à la cour de :
Vu les dispositions des anciens articles 1147 (aujourd’hui article 1231-1 du code civil) et suivants et 1134 et suivants du Code civil dans leurs versions antérieures à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,
Vu les dispositions des articles 15 et 16 du Code de déontologie des professionnels de
l’expertise comptable,
– infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bergerac en date du 7 avril 2017 en ce qu’il a :
– constaté la prescription de l’action engagée par M. [J],
– débouté M. [J] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné M. [J] à verser à la sarl in extenso, à la société MMA iard et à maître [L] la somme de 1.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,
– rejeté toutes demandes plus amples ou contraire,
– condamné M. [J] aux entiers dépens dont distraction au profit de la scp Laydeker Sammarcelli, avocats, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
et, statuant à nouveau,
– condamner in solidum la société In Extenso Perigord, la société MMA Iard, l’office notarial diot-dudreuil et associés et maître [T] [L] à payer à monsieur [O] [J] la somme de 75.081,83 euros au titre du préjudice économique ;
– condamner in solidum la société In Extenso Perigord, la société MMA Iard, l’office notarial Diot-Dudreuil et associés et Maître [T] [L] à payer à monsieur [O] [J] la somme de 6.650,00 euros en remboursement des frais d’avocat engagés dans le cadre des procédures administratives ;
– condamner in solidum la société In Extenso Perigord, la société MMA Iard, l’office notarial Diot-Dudreuil et associés et maître [T] [L] à payer à monsieur [O] [J] la somme de 20.000 euros au titre du préjudice moral,
– assortir ces condamnations des intérêts légaux de retard à compter du 12 août 2012 date à laquelle monsieur [J] a réglé l’administration fiscale,
– débouter la société in Extenso Perigord, la Scp Diot-Dubreuilh et [B] et la société MMA IARD de l’intégralité de leurs demandes formées à l’encontre de M. [J];
– condamner in solidum la société in Extenso Perigord, la Société Mma Iard, l’office notarial Diot-Dudreuil et Associés et Maître [T] [L] à verser à monsieur [O] [J] la somme de 6.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum la société In extenso perigord, la société MMA iard, l’office notarial Diot-Dudreuil et associes et Maître [T] [L] aux entiers dépens de la présente instance et de ceux de première instance.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 15 décembre 2022, la société In Extenso Périgord et son assureur les MMA demandent à la cour de :
– confirmer, au besoin par substitution de motif, le jugement rendu par le tribunal de grande instance Bergerac en ce qu’il a débouté intégralement Monsieur [J] de ses demandes formées à l’encontre du cabinet in extenso
En conséquence,
– débouter monsieur [J] de l’ensemble de ses réclamations ;
– condamner monsieur [J] ou toute partie succombante à payer au cabinet In Extenso et à la société MMA Iard une somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner monsieur [J] ou toute partie succombante aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 3 janvier 2023, Maître [L] et l’office notarial Diot-Dutrueil et associés demandent à la cour de :
– confirmer , au besoin par substitution de motif, le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bergerac le 7 avril 2017 en toutes ses dispositions,
En conséquence,
– débouter M. [J] de l’ensemble de ses réclamations ;
– condamner M. [J] à verser à Maître [L] une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [J] aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SCP Laydeker Sammarcelli, avocats, sur ses affirmations de droit.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action :
1-Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
2- M. [J] n’a eu connaissance des faits lui permettant d’exercer son recours qu’à compter de la date à laquelle le dommage s’est réalisé, c’est-à-dire à compter du prononcé de l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Bordeaux le 7 janvier 2014, cette date constituant dès lors le point de départ de la prescription.
3- L’action en indemnisation de son préjudice introduite par M. [J] le 23 mars 2016, soit dans les cinq ans, n’est donc pas prescrite.
4- La décision de première instance sera infirmée de ce chef.
Sur le fond :
Sur la faute
5- En substance, l’appelant soutient que l’expert comptable, qui aurait dû se renseigner lui-même pour pouvoir informer utilement son client , a manqué à son devoir de conseil en lui conseillant une opération juridique qui lui a été préjudiciable.
Il affirme que :
– la réponse ministérielle était publiée lors de l’opération litigieuse,
– l’expert comptable lui a conseillé de contester l’interprétation des textes par les services fiscaux ce qui a eu pour origine de le contraindre à payer des pénalités,
– l’expert comptable ne peut s’exonérer de sa responsabilité du fait de l’intervention du notaire.
M. [J] fait encore valoir que le notaire avait l’obligation de l’informer et de l’éclairer sur les conséquences juridiques et fiscales de l’acte. Il précise que l’acte stipulait que le notaire lui avait donné toutes explications en matière de déclarations et de calcul de plus-values et qu’il a ainsi engagé sa responsabilité, ne pouvant se retrancher derrière l’intervention de l’expert comptable.
6- L’expert comptable et son assureur soutiennent que l’expert comptable n’a commis aucune faute, son client ayant subi un redressement fiscal en raison d’une évolution jurisprudentielle postérieure à l’opération qui ne pouvait être anticipée. Il ajoute qu’il n’a pas été chargé de rédiger l’acte de vente et que dès lors seule la responsabilité du notaire peut être recherchée.
7- Le notaire et la SCP Diot-Dutrueil et associés affirment qu’ils n’ont commis aucune faute, l’opération ayant été décidée en amont par l’expert comptable. En tout état de cause, le droit applicable à la date de l’acte ne permettait pas d’anticiper l’évolution de la jurisprudence, une prise de position ministérielle étant dépourvue de portée normative.
8- Aux termes de l’article 238 quindecies du code général des impôts dans sa version applicable à ce litige ,
I. – Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole à l’occasion de la transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité autres que celles mentionnées au V sont exonérées pour : [C’est nous qui soulignons]
1° La totalité de leur montant lorsque la valeur des éléments transmis servant d’assiette aux droits d’enregistrement mentionnés aux articles 719, 720 ou 724 ou des éléments similaires utilisés dans le cadre d’une exploitation agricole est inférieure ou égale à 300 000 € ;
2° Une partie de leur montant lorsque la valeur des éléments transmis servant d’assiette aux droits d’enregistrement mentionnés aux articles 719, 720 ou 724 ou des éléments similaires utilisés dans le cadre d’une exploitation agricole est supérieure à 300 000 € et inférieure à 500 000 €.
Pour l’application du 2°, le montant exonéré des plus-values est déterminé en leur appliquant un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre le montant de 500 000 € et la valeur des éléments transmis et, au dénominateur, le montant de 200 000 €.
II. – L’exonération prévue au I est subordonnée aux conditions suivantes : [C’est nous qui soulignons]
1 L’activité doit avoir été exercée pendant au moins cinq ans ;
2 La personne à l’origine de la transmission est :
a) Une entreprise dont les résultats sont soumis à l’impôt sur le revenu ou un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans le cadre d’une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l’impôt sur le revenu ;
b) Un organisme sans but lucratif ;
c) Une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale ou l’un de leurs établissements publics ;
d) Une société soumise à l’impôt sur les sociétés qui répond cumulativement aux conditions suivantes :
1° elle emploie moins de deux cent cinquante salariés et soit a réalisé un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros au cours de l’exercice, soit a un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros ;
2° son capital ou ses droits de vote ne sont pas détenus à hauteur de 25 % ou plus par une entreprise ou par plusieurs entreprises ne répondant pas aux conditions du précédent alinéa de manière continue au cours de l’exercice. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations de sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional, des sociétés financières d’innovation et des sociétés unipersonnelles d’investissement à risque ne sont pas prises en compte à la condition qu’il n’existe pas de lien de dépendance au sens du 12 de l’article 39 entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. Cette condition s’apprécie de manière continue au cours de l’exercice ;
3 En cas de transmission à titre onéreux, le cédant ou, s’il s’agit d’une société, l’un de ses associés qui détient directement ou indirectement au moins 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux ou y exerce la direction effective n’exerce pas, en droit ou en fait, la direction effective de l’entreprise cessionnaire ou ne détient pas, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette entreprise. [C’est nous qui soulignons]
III. – Est assimilée à une branche complète d’activité l’intégralité des droits ou parts détenus par un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans le cadre d’une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l’impôt sur le revenu et qui sont considérés comme des éléments d’actif affectés à l’exercice de la profession au sens du I de l’article 151 nonies.
Lorsqu’il est satisfait aux conditions prévues aux 1 à 3 du II, les plus-values réalisées à l’occasion de la transmission de droits ou parts mentionnés au premier alinéa du présent III sont exonérées pour :
1° La totalité de leur montant lorsque la valeur vénale des droits ou parts transmis est inférieure ou égale à 300 000 € ;
2° Une partie de leur montant lorsque la valeur vénale des droits ou parts transmis est supérieure à 300 000 € et inférieure à 500 000 €.
Pour l’application du 2°, le montant exonéré des plus-values est déterminé en leur appliquant un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre le montant de 500 000 € et la valeur des titres transmis et, au dénominateur, le montant de 200 000 €.
Pour la détermination des seuils mentionnés aux 1° et 2°, il est tenu compte de la transmission de l’intégralité des droits ou parts définis au premier alinéa ainsi que des transmissions réalisées au cours des cinq années précédentes.
Par dérogation au V, les dispositions du présent III s’appliquent aux plus-values réalisées sur les droits ou parts de sociétés dont l’actif est principalement constitué de biens immobiliers bâtis ou non bâtis affectés par la société à sa propre exploitation ou de droits ou parts de sociétés dont l’actif est principalement constitué des mêmes biens, droits ou parts.
En cas de transmission à titre onéreux de droits ou de parts ouvrant droit à l’exonération prévue au deuxième alinéa, le cédant ne doit pas détenir directement ou indirectement de droits de vote ou de droits dans les bénéfices sociaux de l’entreprise cessionnaire.
IV. – L’exonération prévue aux I et III est remise en cause si le cédant relève de l’une des situations mentionnées au 3 du II et au dernier alinéa du III à un moment quelconque au cours des trois années qui suivent la réalisation de l’opération ayant bénéficié du régime prévu au présent article.
V. – Sont imposées dans les conditions de droit commun les plus-values réalisées à l’occasion de la transmission de l’entreprise individuelle ou de la branche complète d’activité portant sur :
1° Des biens immobiliers bâtis ou non bâtis ;
2° Des droits ou parts de sociétés dont l’actif est principalement constitué de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits ou parts de sociétés dont l’actif est principalement constitué des mêmes biens, droits ou parts.
VI. – Pour l’application des dispositions prévues aux III et V, les droits afférents à un contrat de crédit-bail conclu dans les conditions prévues au 2 de l’article L. 313-7 du code monétaire et financier sont assimilés à des éléments de l’actif.
Pour l’application des dispositions prévues au III, les biens mentionnés au I du A de l’article 1594-0 G ne sont pas considérés comme affectés à l’exploitation de l’activité.
VII. – La transmission d’une activité qui fait l’objet d’un contrat de location-gérance ou d’un contrat comparable peut bénéficier du régime défini au I si les conditions suivantes sont simultanément satisfaites :
1° L’activité est exercée depuis au moins cinq ans au moment de la mise en location ;
2° La transmission est réalisée au profit du locataire.
Pour l’appréciation des seuils mentionnés aux 1° et 2° du I, il est tenu compte de la valeur des éléments de l’activité donnée en location servant d’assiette aux droits d’enregistrement mentionnés aux articles 719, 720 ou 724 ou de la valeur des éléments similaires utilisés dans le cadre d’une exploitation agricole mise en location.
VIII. – L’option pour le bénéfice du régime défini au présent article est exclusive de celui des régimes prévus au I de l’article 41, au I ter de l’article 93 quater, aux articles 151 septies, 151 octies et 151 octies A, au II de l’article 151 nonies et aux articles 210 A à 210 C et 210 E.
IX. – Les dispositions du présent article s’appliquent aux transmissions réalisées à compter du 1er janvier 2006.
9- Tant l’expert comptable que le notaire ont commis une erreur d’interprétation de ce texte en considérant que les conditions d’exonération de la plus-value résultant de la vente d’un fonds de commerce étaient édictées au seul VII de l’article susvisé alors que celles-ci étaient cumulatives avec les conditions visées au II du même texte, et notamment au II 2 d 3°.
Les intimés font état d’un revirement de jurisprudence mais de produisent pas aux débats de décisions statuant dans un sens contraire à celui retenu par la cour administrative d’appel le 7 janvier 2014.
Si la réponse ministérielle publiée au JO du 24 octobre 2016 produite aux débats par l’appelant portant sur cette question n’a aucune valeur normative comme le soutiennent justement les intimés, elle aurait dû cependant alerter ceux-ci sur la fragilité de leur interprétation du texte, ce qui aurait dû les conduire à informer leur client des risques de cette opération sur le plan fiscal.
10- Le notaire et l’expert comptable qui sont tous deux tenus à un devoir de conseil ont donc manqué à leur obligation contractuelle.
Sur le préjudice et le lien de causalité
11- L’appelant affirme que son préjudice est équivalent au montant de l’intégralité du rappel d’imposition qu’il a dû acquitter, outre ses frais d’avocats et son préjudice moral.
Il fait valoir qu’il n’aurait pas cédé son fonds de commerce mais qu’il aurait poursuivi la location gérance de celui-ci s’il avait été averti de la plus-value à régler au titre de cette vente. Il aurait ainsi échappé au paiement de tout impôt.
12- L’expert comptable soutient qu’il n’est pas démontré l’existence d’un préjudice indemnisable car :
– le contribuable ne peut arguer d’un préjudice indemnisable que s’il a manqué une économie d’impôts ou que son imposition a été aggravée par un conseil non propice, ce qui n’est pas le cas en l’espèce,
– le règlement d’un impôt dû n’est pas un préjudice indemnisable,
– il n’est pas établi la preuve d’une perte de chance réelle et sérieuse d’éviter l’opération litigieuse.
13- Le notaire affirme également que le paiement de l’impôt ne constitue pas un préjudice réparable et qu’en tout état de cause, la faute alléguée est sans lien avec le préjudice. Tout au plus, l’appelant pourrait-il arguer d’une perte de chance de ne pas avoir réalisé l’opération alléguée à condition d’établir que celle-ci était réelle et sérieuse, ce qu’il ne fait pas.
14- Même s’il est constant que le paiement d’un impôt qui est légalement dû ne peut constituer un préjudice indemnisable, ‘un préjudice peut découler du paiement d’un impôt auquel le contribuable est légalement tenu lorsqu’il est établi que le manquement du notaire à son obligation de conseil l’a privé de la possibilité de renoncer à l’opération et de rechercher une solution au régime fiscal plus avantageux’ ( Cour de cass, 1ère civile, 15 janvier 2015, pourvoi 14-10.256).
15- En l’espèce, M.[J] n’allègue pas qu’il aurait pu trouver une solution au régime fiscal plus avantageux pour céder son fonds de commerce.
Il soutient en effet simplement qu’il a perdu une chance de ne pas vendre son fonds de commerce. La cour relève qu’il n’est pas établi qu’il aurait renoncé à son projet de vente de son fonds de commerce averti de la nécessité de payer une plus-value. Par ailleurs, la vente de son commerce lui a permis de percevoir des fonds, ce que ne lui aurait pas permis dans des proportions identiques la poursuite du contrat de location gérance même en tenant compte de l’imputation des plus-values. Il n’est ainsi pas établi un lien de causalité certain et direct entre le préjudice allégué ( le paiement de l’imposition liée à la plus-value) et la faute retenue.
M. [J] sera ainsi débouté de sa demande visant à voir condamner les intimés à l’indemniser à hauteur du redressement mis à sa charge.
16- En revanche, M. [J] a dû faire face au règlement de diverses pénalités et frais du fait du redressement fiscal. Le paiement de ses pénalités est en lien certain et direct avec la faute commise par les deux professionnels.
Il est justifié de leur montant à hauteur de 10 580,83 euros , soit :
– 4531 euros au titre de la majoration de l’impôt sur le revenu,
– 2761 euros au titre de la majoration des sommes dues au titre des contributions sociales,
– 1495 et 911 euros au titre des deux commandements de payer,
– 134 euros au titre des frais de poursuite ( mise en demeure)
– 748,83 euros au titre des frais bancaires ( notamment avis à tiers détenteur).
17- M. [J] sollicite par ailleurs le paiement de la somme de 6500 euros en remboursement des honoraires qu’il a versés à son avocat dans le cadre de la procédure devant le tribunal administratif et la cour administrative d’appel, et du coût du timbre de 150 euros. Il convient de faire droit à sa demande qui est justifiée.
18- La société In extenso Périgord, la société MMA Iard , Maître [L] et l’office notarial Diot-Dubreuil et associés seront en conséquence condamnés in solidum à verser la somme de 17 230,83 euros à M. [J] en indemnisation de son préjudice matériel ( pénalités et frais divers en lien avec le redressement fiscal, y compris frais d’avocat devant les juridictions administratives).
19- Ce dernier produit enfin aux débats un certificat médical justifiant de son état anxieux en lien avec cette procédure et un arrêt de travail. Il justifie en outre avoir dû solliciter la mise en place d’une caution bancaire en faveur du centre des impôts de [Localité 7] garantie par un nantissement de son contrat d’assurance vie.
La cour jugera que ces pièces établissent la réalité du préjudice moral allégué et son lien avec la faute retenue. Il sera ainsi alloué à M. [J] à ce titre la somme de 2000 euros en indemnisation de son préjudice moral.
20- Dans leurs rapports entre eux, la société In extenso Périgord et la société MMA Iard d’une part et, Maître [L] et l’office notarial Diot-Dubreuil et associés d’autre part, seront tenus à hauteur de 50% des condamnations prononcées dans le cadre de cette instance, y compris au titre des dépens et des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Sur les demandes accessoires :
21- La société In extenso Périgord , la société MMA Iard, Maître [L] et l’office notarial Diot-Dubreuil et associés seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel.
22- La société In extenso Périgord , la société MMA Iard, Maître [L] et l’office notarial Diot-Dubreuil et associés seront condamnés in solidum à verser à [O] [J] la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort
Infirme la décision rendue par le tribunal de grande instance de Bergerac le7 avril 2017,
et statuant à nouveau,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de [O] [J],
Condamne in solidum la société In extenso Périgord, la société MMA Iard , Maître [L] et l’office notarial Diot-Dubreuil et associés à verser la somme de 17 230,83 euros à verser à [O] [J] en indemnisation de son préjudice matériel,
Condamne in solidum la société In extenso Périgord, la société MMA Iard , Maître [L] et l’office notarial Diot-Dubreuil et associés à verser la somme de 2000 euros à [O] [J] en indemnisation en indemnisation de son préjudice moral,
Dit que dans leurs rapports entre eux, la société In extenso Périgord et la société MMA Iard, d’une part et, Maître [L] et l’office notarial Diot-Dubreuil et associés, d’autre part, seront tenus à hauteur de 50% des condamnations prononcées dans le cadre de cette instance, y compris au titre des dépens et des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne in solidum la société In extenso Périgord , la société MMA Iard, Maître [L] et l’office notarial Diot-Dubreuil et associés aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne in solidum la société In extenso Périgord , la société MMA Iard, Maître [L] et l’office notarial Diot-Dubreuil et associés à verser à [O] [J] la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance et en appel,
Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.