Responsabilité du Notaire : 11 mai 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/05578

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Responsabilité du Notaire : 11 mai 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/05578
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N° RG 22/05578 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OOTJ

Décision du Tribunal de proximité de MONTBRISON

du 27 juin 2022

RG : 11-21-000164

[G]

[X]

C/

[Y]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 11 Mai 2023

APPELANTS :

M. [B] [G]

né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 11]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Mme [M] [X], épouse [G]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 11]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentés par Me Benoît MEILHAC de la SELARL MEILHAC FARAUT-LAMOTTE, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

INTIME :

Me [N] [Y]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Joël TACHET de la SCP TACHET, AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 609

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 28 Mars 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 Avril 2023

Date de mise à disposition : 11 Mai 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Dominique BOISSELET, président

– Evelyne ALLAIS, conseiller

– Stéphanie ROBIN, conseiller

assistés pendant les débats de Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

[W] [I] était propriétaire des parcelles cadastrées section [Cadastre 5] sises sur la commune de [Localité 6], lieu-dit [Localité 7], d’une superficie totale de 5ha 23a 23ca, exploitées par son neveu [R] [I].

Elle est décédée sans descendance directe le 8 mai 2009, laissant à sa survivance un frère et une trentaine de neveux et nièces.

Par un testament olographe du 14 juin 2007, [W] [I] avait expressément légué lesdits terrains agricoles à ses deux filleuls, [K] et [P] [I].

Le 1er janvier 2013, [R] [I], cessant son activité professionnelle, a conclu un bail à ferme avec [B] [G] pour la reprise de l’exploitation de terrains agricoles situés à [Localité 9] et [Localité 10].

Le 4 juillet 2013, la mère de [B] [G], nièce de [W] [I], a déposé plainte déposée à l’encontre de [K] [I] pour abus de faiblesse et de confiance, visant notamment les legs dont il a bénéficié. Une ordonnance de non-lieu a été rendue le 3 octobre 2014 par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Saint Etienne, confirmée par arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon du 9 octobre 2015.

L’exploitation de [R] [I] comprenait aussi les parcelles précitées sur la commune de [Localité 6] louées à la succession de [W] [I]. Aucun acte n’a été régularisé pour transférer le bail à [B] [G], lequel a néanmoins exploité les terres.

M. [G] a obtenu la mutation des cotisations sociales auprès de la MSA. Le bulletin de mutation a reçu le cachet et la signature de Me [N] [Y], notaire à [Localité 10], en charge de la succession de feue [W] [I].

En janvier 2014, M. [G], par l’intermédiaire du GAEC des 3 Générations, a adressé au notaire un chèque de 670,10 euros en règlement du fermage de l’année 2013. Ce chèque a été encaissé par l’étude notariale.

En janvier 2015, M. [G] a adressé au notaire un chèque de 680,28 euros en règlement du fermage 2014, que l’étude notariale a refusé d’encaisser en indiquant n’avoir pas mandat à cet effet des membres de l’indivision successorale de [W] [I].

Le 5 février 2015, Me [Y] a adressé à M. [G] un chèque en remboursement de la somme encaissée en janvier 2014.

Le 11 mars 2015, [B] [G] a demandé à la Selarl Huissiers Loire Sud de séquestrer les fonds relatifs au fermage.

Le 26 septembre 2019, Me [Y], en suite du règlement de la succession de [W] [I], a établi une attestation immobilière consacrant ainsi la légitime qualité de propriétaires des deux parcelles litigieuses de [K] et [P] [I].

Par courrier du 20 octobre 2019, [K] et [P] [I] ont reproché à [B] [G] de s’être imposé comme exploitant sans droit ni titre et lui ont demandé de libérer les lieux.

En 2020, après division des parcelles entre [K] et [P] [I], la jouissance de celles-ci ont été confiées à d’autres exploitants choisis par les bailleurs, [U] [I] et [F] [C].

Le 29 septembre 2020, [B] [G] a déposé une main-courante à la gendarmerie de [Localité 10] pour signaler qu’une moitié des terrains avait été labourée par [U] [I], neveu de [P] [I]. Il estimait être seul titulaire du droit d’exploiter les parcelles.

Suivant requête reçue au greffe le 11 janvier 2021, les époux [B] [G] et [M] [X] (les époux [G]) ont attrait [K] et [P] [I] devant le Tribunal paritaire des baux ruraux de [Localité 8] aux fins, notamment, de se voir reconnaître la qualité de preneurs d’un bail à ferme sur les parcelles cadastrées [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 6] et alloué une indemnité de 5.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance.

Parallèlement, par acte d’huissier de justice du 27 avril 2021, les époux [G] ont fait assigner Me [N] [Y] devant le tribunal de proximité de Montbrison pour rechercher sa responsabilité.

En dernier lieu, les époux [G] ont demandé à la juridiction ce qui suit :

in limine litis,

– renvoyer l’affaire devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Montbrison saisi sous le numéro RG n°51-2101,

en tout état de cause,

– juger la responsabilité délictuelle de Me [Y] engagée,

– condamner Me [Y] au paiement des sommes suivantes :

– 6.000 euros au titre du préjudice de jouissance,

– 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers

dépens.

Les époux [G] ont soutenu qu’il existe un lien indéfectible entre leur requête portée devant le tribunal paritaire des baux ruraux de [Localité 8] et leur assignation en responsabilité du notaire.

Sur le fond, ils reprochent à Me [Y] d’avoir manqué à ses obligations professionnelles d’information et de conseil. Ils estiment qu’il aurait dû s’abstenir de signer en l’absence de mandat et à tout le moins vérifier auprès de ses clients l’existence d’un mandat et engage, par conséquent, sa responsabilité délictuelle à leur égard.

Me [Y] s’est opposé à la demande de renvoi devant le Tribunal paritaire des baux ruraux en faisant valoir que cette juridiction a une compétence d’exception ne lui permettant pas de statuer sur l’action en responsabilité dirigée contre un officier public.

Sur le fond, il a soutenu le débouté des demandes dirigées à son encontre en contestant avoir commis une faute occasionnant un préjudice indemnisable à défaut d’occupation régulière des parcelles en cause. Les époux [G] n’étaient pas clients de son étude, ne lui ont pas demandé de recevoir un acte pour leur compte et il n’avait pas de devoir de conseil à son égard. Il a rappelé que le notaire chargé du règlement de la succession n’est pas le mandataire de l’indivision et qu’en l’espèce, il ne détenait aucun mandat apparent ou exprès.

Il a reconnu que son étude avait encaissé le premier fermage trop vite mais il a refusé le second chèque que M. [G] avait accompagné d’une quittance, après avoir vérifié et constaté qu’il n’avait reçu aucune mission d’encaisser un fermage. M. [G] lui a présenté une demande d’autorisation d’exploiter que le notaire a refusé de réceptionner. En lui demandant de remplir les documents pour le contrôle des structures, M. [G] savait très bien qu’il n’arriverait pas, sans cette démarche, à faire reconnaître l’existence d’un contrat de bail.

Par jugement en date du 27 juin 2022, le tribunal de proximité de Montbrison a :

– rejeté la demande de renvoi de la présente instance devant le Tribunal Paritaire des Baux

Ruraux de [Localité 8],

– débouté les époux [G] de toutes leurs demandes dirigées contre Me [Y],

– débouté les époux [G] de leur demande indemnitaire au titre du préjudice de jouissance,

– condamné les époux [G] à payer à Me [Y] la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu de suspendre l’exécution provisoire de la décision,

– et condamné les époux [G] aux entiers dépens.

Par jugement du 27 juin 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de [Localité 8] a, notamment :

– dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer,

– déclaré irrecevable l’action formée par [M] [X] épouse [G] à l’encontre de [K] et [P] [I],

– dit n’y avoir lieu de relever l’existence d’un bail rural,

– et débouté [B] [G] de l’intégralité de ses demandes.

Les époux [G] ont relevé appel du jugement du tribunal de proximité de Montbrison par déclaration reçue au greffe de la Cour le 29 juillet 2022. La procédure a été enrôlée sous le n° RG 22/5578.

Par ordonnance du 25 août 2022, le président de la chambre, faisant application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile, a fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 4 avril 2022 à 13h30.

Les époux [G] ont également relevé appel du jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de [Localité 8] par lettre recommandée du 29 juillet 2022 adressée au greffe de la présente Cour. Cette procédure, enrôlée sous le n° RG 22/5606, a été appelée à la même audience du 4 avril 2022 et fait l’objet d’un arrêt rendu ce jour par la Cour de céans.

En leurs conclusions du 23 septembre 2022, les époux [B] [G] et [M] [X] demandent à la Cour ce qui suit, au visa des articles 101 du code de procédure civile et 1240 du code civil :

infirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Montbrison en date du 27 juin 2022 sous le numéro RG 11-21-000164 en ce qu’il a :

– rejeté la demande de renvoi de la présente instance devant le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de [Localité 8],

– débouté les époux [G] de toutes leurs demandes dirigées contre Me [Y],

– débouté les époux [G] de leur demande indemnitaire au titre du préjudice de jouissance,

– condamné les époux [G] à payer à Me [Y] la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu de suspendre l’exécution provisoire de la décision,

– et condamné les époux [G] aux entiers dépens ;

le réformant et y ajoutant,

in limine litis,

– juger qu’il existe un lien indéfectible entre la présente procédure et celle actuellement pendante devant la 6ème Chambre près la cour d’appel de Lyon inscrite sous le numéro RG 22/05606,

en conséquence,

– ordonner la jonction de la présente affaire avec celle actuellement pendante devant la 6ème chambre près la cour d’appel de Lyon inscrite sous le numéro RG 22/05606,

en tout état de cause,

– juger que Maître [Y] a manqué à ses obligations professionnelles, notamment les obligations d’information et de conseil,

en conséquence,

– juger la responsabilité délictuelle de Me [Y] engagée,

– condamner Me [Y] à verser la somme de 6.000 euros aux époux [G] en réparation du préjudice de jouissance,

– condamner Me [Y] à verser la somme de 5.000 euros aux époux [G] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Me [Y] aux entiers frais et dépens de l’instance.

Par dernières conclusions du 17 octobre 2022, Me [N] [Y] demande à la Cour de :

– confirmer la décision rendue en première instance par le tribunal de proximité de Montbrison en ce qu’elle a débouté les époux [G] de leurs demandes dirigées contre Me [Y], en l’absence de faute commise dans le cadre du règlement de la succession de [W] [I] et fait application de l’article 700 du code de procédure civile ;

y ajoutant,

vu l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner les époux [G] à payer à Me [Y] une indemnité de 2.000 euros à raison de la procédure d’appel,

– condamner les époux [G] aux entiers dépens et dire que, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, la Scp Tachet pourra recouvrer directement ceux dont elle a fait l’avance, sans en avoir reçu provision.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2023.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de jonction

Les époux [G] ont soulevé une exception de connexité sur le fondement de l’article 101 du code de procédure civile qui s’applique au même litige pendant devant deux juridictions également compétentes pour en connaître. Ainsi que l’a relevé le premier juge, le tribunal paritaire des baux ruraux est une juridiction d’exception qui ne peut connaître de l’action en responsabilité diligentée contre le notaire. Tout au plus, si le tribunal de proximité avait retenu une faute à l’encontre de Me [Y], il lui appartenait d’apprécier s’il devait ou non surseoir à statuer pour évaluer le préjudice allégué par les époux [G].

De surcroît, les deux juridictions n’ont pas été saisies du même litige : L’action indemnitaire engagée par les époux [G] à l’encontre du notaire est fondée sur l’éviction des terrains litigieux alors que leur action exercée devant le Tribunal paritaire des baux ruraux vise à la reconnaissance d’un bail à ferme.

Me [Y] observe que les appelants reprochent au premier juge d’avoir ordonné la jonction des procédures, ce qui diffère de l’éventuel dessaisissement consécutif à une exception de connexité. Une jonction ne peut être ordonnée que pour des procédures dont est saisie la même juridiction, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Au surplus, il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire non susceptible d’appel.

Les mêmes observations valent quant à la demande de jonction des procédures d’appel. En outre, la Cour, statuant en procédure orale en appel du Tribunal paritaire des baux ruraux, ne saurait, dans la même instance, connaître de l’appel du jugement du tribunal de proximité de Montbrison qui relève de la procédure avec représentation obligatoire. La demande de jonction des instances est rejetée.

Sur la responsabilité du notaire

Les époux [G] recherchent la responsabilité délictuelle de Me [Y] sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du code civil qui prévoit que ‘tout fait quelconque de l’Homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer’. Cet article qui n’est pas applicable en la cause, étant entré en vigueur le 1er octobre 2016, les faits reprochés remontant aux années 2013 à 2015. Il convient donc d’examiner leur action au vu de l’article 1382 ancien du code civil, rédigé dans les mêmes termes.

Il est constant que Me [Y] était en charge du règlement de la succession de [W] [I] mais n’était pas titulaire d’un mandat exprès de gestion des biens de l’indivision successorale dont, en l’occurrence, les parcelles de [Localité 6] exploitées par M. [G] en suite de [R] [I].

N’étant pas clients de Me [Y], les époux [G] ne peuvent rechercher sa responsabilité contractuelle et, partant, ne sont pas fondés à lui reprocher un manquement à un devoir de conseil ou d’information auquel il n’était pas tenu. A tout le moins, ils ne prétendent pas l’avoir sollicité pour se faire conseiller en vue de la régularisation d’un bail sur les parcelles litigieuses.

Les époux [G] font valoir que Me [Y] a apposé son cachet avec la mention ‘pris connaissance ‘ sur le bulletin de mutation MSA que lui a soumis M. [G], ce qui aurait induit celui-ci en erreur en lui faisant croire qu’il disposait d’un bail en vertu d’un mandat apparent du notaire. Ils prétendent que Me [Y] leur a ainsi donné une autorisation d’exploiter et qu’ils ont légitimement pu croire qu’il détenait un mandat à cet effet.

Toutefois, le premier juge a relevé que le bulletin de mutation est totalement dépourvu de tous les renseignements nécessaires pour le compléter : La case réservée à l’identité du cédant et celle réservée au propriétaire ne sont pas complétées et il ne figure pas la signature de Me [Y]. M. [G] s’est contenté de remplir la case destinée au preneur et la désignation cadastrale des parcelles. Ce document, non daté, est incomplet et ne comporte pas de signature du cédant. Il n’est d’ailleurs douteux et, en tout cas pas démontré, qu’il ait été pris en compte en l’état par la MSA pour le calcul des cotisations sociales.

A tout le moins, ce document ne peut corroborer l’existence d’un bail alors qu’il est dépourvu de date d’effet, de durée et de prix de fermage.

Les époux [G] soutiennent que la signature du notaire est apposée dans la case du formulaire ‘signature du propriétaire’. Cependant, l’examen du document révèle que cette signature est apposée sous la mention ‘pris connaissance’. Cette mention n’a pas plus de portée que ses termes, à savoir que le notaire a reconnu être informé de ce que M. [G] exploitait les terrains en cause. Il ne lui appartenait pas de vérifier si l’intéressé avait ou non pris soin de se faire concéder à un bail à ferme par les membres de l’indivision successorale.

Quand bien même [K] et [P] [I] ne semblent pas avoir objecté à l’exploitation des terres litigieuses par M. [G] à partir de l’année 2013, ce dernier n’ignorait que [R] [I], en simple qualité de preneur, n’avait pu lui transmettre aucun droit d’exploitation sans l’accord du bailleur. Il ne pouvait non plus ignorer que [K] et [P] [I] étaient légataires des terrains en cause, puisque sa mère contestait la validité du legs.

La démarche logique pour exploiter ces parcelles aurait donc été de prendre attache avec les héritiers ce que M. [G] s’est abstenu de faire, sans doute à raison du conflit familial manifesté par la plainte pénale déposée par sa mère à leur encontre. Après avoir évité d’entrer en contact avec les consorts [I] à raison de cette situation contentieuse, M. [G] ne peut sérieusement prétendre avoir cru que Me [Y] était mandaté par eux pour lui consentir un bail, qui plus est après que le notaire ait refusé d’encaisser les fermages.

Ainsi que l’observe Me [Y], les démarches de M. [G] sont significatives de sa pleine conscience de ne pas détenir un bail qu’il a tenté d’obtenir par son intermédiaire. M. [G] ne pouvait ignorer que le bulletin de mutation concerne les droits et cotisations de l’exploitant auprès de la MSA mais n’a aucune valeur juridique quant à la détermination d’un bail à ferme. Pour avoir signé par ailleurs avec [R] [I] un bail à ferme écrit, sur le modèle établi par la Commission consultative des baux ruraux, ne pouvait ignorer que le notaire, tenu à un formalisme rigoureux, ne pouvait concéder un bail par simple mention ‘pris connaissance’ portée sur le formulaire destiné à la MSA.

En définitive, M. [G] a délibérément profité de la situation de latence créée par le conflit familial et a persisté à le faire sans droit ni titre même après que le notaire lui ait indiqué qu’il n’avait pas mandat pour recevoir des fonds. L’étude de Me [Y] a certes commis une erreur en encaissant le chèque des fermages de 2013 mais n’a délivré aucune quittance. Cette erreur s’explique sans doute par le fait que, dans les années précédentes, l’étude notariale encaissait les fermages réglés par [R] [I], ainsi que le rappellent [P] et [R] [I] dans leur courrier du 20 octobre 2019.

Le paiement de M. [G] a été remboursé par le notaire et son refus du chèque des fermages de 2014 est explicitement motivé dans les courriers de Me [Y] des 9 janvier et 5 février 2015 par l’absence de mandat pour encaisser les fonds et en donner quittance. A ce stade, en admettant même que M. [G] ait cru précédemment pouvoir exploiter les terres dans la continuité de [R] [I], le refus du notaire l’éclairait sur l’absence du bail qu’il n’avait pas cru bon de chercher à obtenir auprès des deux légataires.

Au surplus, si M. [G] a pu exploiter les terrains plusieurs années en profitant de la passivité des héritiers en attente du règlement de la succession de [W] [I], son éviction est la conséquence de son absence de qualité de preneur d’un bail rural. Il ne subit donc aucun préjudice de ce chef imputable aux prétendues fautes du notaire qui fait valoir, avec justesse, l’absence de lien de causalité entre celles-ci et la somme de 6.000 euros calculée comme une indemnité d’éviction sur 9 années de fermage. Or, si un bail à ferme devait être caractérisé, cette indemnité serait à la charge du bailleur.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.

Les époux [G], parties perdantes, supportent les dépens de première instance et d’appel, conservent la charge des frais irrépétibles qu’ils ont exposés et doivent indemniser Me [Y] de ses propres frais à hauteur de 2.000 euros, en sus de l’indemnité allouée par le premier juge.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement prononcé le 27 juin 2022 par le tribunal de proximité de Montbrison ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum [B] [G] et [M] [X] épouse [G] aux dépens d’appel ;

Condamne in solidum [B] [G] et [M] [X] épouse [G] à payer à Me [N] [Y] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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