La Reconduction tacite du contrat d’édition

La Reconduction tacite du contrat d’édition

La reconduction tacite d’un contrat d’édition (de guides touristiques par exemple) ne le transforme pas nécessairement en contrat à durée indéterminée. Les parties peuvent prévoir les conditions du renouvellement tacite et notamment la durée du renouvellement, faisant ainsi échec à la transformation du contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.

Contrat d’édition de guides touristiques

Dans cette affaire, par un contrat signé le 30 janvier 1986, l’office de tourisme de Rambouillet a chargé la société Services d’édition et de ventes publicitaires (ci-après la société « SEVP ») d’éditer son guide officiel de 1986 à hauteur de 15 000 exemplaires.

Un second contrat a été conclu le 13 décembre 1986 aux mêmes conditions, pour une durée de trois années, renouvelable par tacite reconduction après chaque période.

La société SEVP a également été chargée de réaliser les guides touristiques de 1987 à 2007.

Par un premier courriel du 26 juillet 2007, l’office de tourisme de Rambouillet lui a fait part de son intention de la consulter, au même titre que d’autres prestataires spécialisés, pour la réalisation de son guide 2008.

Par courrier du 10 octobre 2007, l’office de tourisme de Rambouillet a notifié à la société SEVP sa volonté de dénoncer le contrat signé le 13 décembre 1986.

Un appel d’offres pour le marché de conception et d’impression du guide pratique de Rambouillet – Plaines et Forêts d’Yvelines a été lancé le 28 août 2008. Le marché a été remporté par la société Axiom Graphic, société d’imprimerie et le marché a été signé le 8 octobre 2008.

Action en rupture abusive de contrat d’édition

La société SEVP a fait assigner l’office de tourisme de Rambouillet et la société Axiom Graphic devant le tribunal de grande instance de Versailles en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat d’édition qu’elle considérait comme abusive, ainsi que d’une pratique parasitaire imputée à la société Axiom Graphic.

La société SEVP reproche à l’office du tourisme de ne pas avoir honoré ses engagements contractuels, puisqu’après lui avoir confié la production du guide de l’année 2008, et par conséquent tacitement renouvelé le contrat tacitement pour les années 2008, 2009 et 2010, elle a finalement confié la production du guide des années 2009 et 2010 à une société tierce.

Condamnation de l’Office de Tourisme commanditaire

Pour condamner l’Office de Tourisme Communautaire de Rambouillet et Pays d’Yvelines (ci-après l’office du tourisme) à indemniser la société SEVP au titre de ce manquement contractuel, le tribunal a retenu que si l’office du tourisme avait nécessairement la possibilité de résilier le contrat à l’issue de chaque période triennale, il devait respecter un délai raisonnable permettant à la SEVP de savoir qu’elle ne pouvait plus compter sur ce contrat.

Il a estimé que la décision de ne pas reconduire le contrat notifiée en octobre 2007 notifiée en octobre 2007 n’avait pu prendre effet qu’à l’expiration d’une nouvelle période de trois ans.

La reconduction tacite des contrats

Pour rappel, en application de l’article 1147 ancien, du code civil, dans sa version applicable au litige compte tenu de la date des faits, ‘Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part’.

Par ailleurs, en application de l’article 1134 ancien du même code, ‘Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.’

L’office du tourisme et la société SEVP étaient liées par un contrat renouvelable tacitement par périodes de trois ans, selon la clause suivante : (souligné par la cour) :

‘ Le présent contrat passé dans l’intérêt commun des parties pour une durée de trois années, renouvelable par tacite reconduction, après chaque période. Il pourra être dénoncé, par l’une ou l’autre partie, pour non respect d’une clause, par lettre recommandée avec accusé de réception, avec un préavis de deux mois avant l’expiration de chaque période’.

C’est en vain que l’office du tourisme soutient, au visa d’un arrêt de la Cour de cassation de 2005, que le contrat à durée déterminée serait devenu un contrat à durée indéterminée du seul fait de son renouvellement.

L’attendu principal de cet arrêt (Cour de cassation, civ. 1ère, 15 novembre 2005, 02-21366) est le suivant : ‘Attendu que, sauf disposition ou volonté contraire, la tacite reconduction d’un contrat de durée déterminée, dont le terme extinctif a produit ses effets, donne naissance à un nouveau contrat, de durée indéterminée, et dont les autres éléments ne sont pas nécessairement identiques’.

Cette jurisprudence a été reprise, lors de la réforme du droit des obligations, aux articles 1212 à 1214.

Néanmoins, ainsi qu’il résulte aujourd’hui des articles 1212 à 1214 du code civil, les parties peuvent prévoir les conditions du renouvellement tacite et notamment la durée du renouvellement, faisant ainsi échec à la transformation du contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.

En l’espèce, l’expression ‘chaque période’, à deux reprises, caractérise la volonté des parties de renouveler le contrat par périodes de trois ans, ce qu’aucune disposition légale n’interdit.

Le contrat renouvelé n’est donc pas devenu un contrat à durée indéterminée, chaque renouvellement engageant les parties pour une nouvelle période de trois ans.

La modification manuscrite sur le contrat de sa durée ( mention dactylographiée de 2 ans biffée et ajout d’une mention manuscrite ‘ nous disons pour une durée de trois années’) n’a strictement aucune incidence dès lors que n’est ni alléguée, ni démontrée une tricherie ou une modification unilatérale qui ne correspondrait pas à la volonté commune des parties.


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