Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.
Nom
(*) Vos données sont traitées conformément à notre Déclaration de Protection des Données Vous disposez d’un droit de rectification, de limitation du traitement, d’opposition et de portabilité.

Interdiction de gérer : 11 janvier 2024 Cour d’appel d’Amiens RG n° 23/00503

·

·

Interdiction de gérer : 11 janvier 2024 Cour d’appel d’Amiens RG n° 23/00503

11 janvier 2024
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
23/00503

ARRET

[K]

C/

S.E.L.A.R.L. [H] -PECOU

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL D’AMIENS

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL D’AMIENS

VD

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 11 JANVIER 2024

N° RG 23/00503 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IVGC

N° RG 23/00529 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IVHX

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUVAIS EN DATE DU 13 DÉCEMBRE 2022

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D’AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [I] [K]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Samuel COTTINET, avocat au barreau D’AMIENS.

Plaidant par Me Jean baptiste ABADIE, avocat au barreau de PARIS substituant Me Houda MARFOQ, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEES

S.E.L.A.R.L. HERBAUT -PECOU agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Maître [R] [H], mandataire judiciaire associé de la SELARL [H]-PECOU, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société DGBJ FOOD, SAS inscrite au RCS de BEAUVAIS sous le n°828 782 078, ayant siège [Adresse 3], nommé à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de BEAUVAIS du 6 juillet 2021

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau D’AMIENS et ayant pour avocat plaidant Me Valentine COUDERT de la SELARL OCTAAV, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l’audience publique du 19 Octobre 2023 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2023.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Diénéba KONÉ

MINISTERE PUBLIC : M. Alain LEROUX, Avocat Général

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 11 janvier 2024 et du prononcé de l’arrêt par sa mise à disposition au greffe ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.

DECISION

M. [I] [K] et M. [V] [K] ont été dirigeants de la société DGBJ FOOD exerçant une activité de restauration traditionnelle, le cas échéant de plats à emporter et restauration sans vente de boissons alcoolisées, ayant débuté son activité le 3 avril 2017, immatriculée la première fois le 7 avril 2017 au RCS de Bobigny puis au RCS de Beauvais le 27 janvier 2020 à la suite du transfert du siège social et de l’établissement principal de [Localité 8] (93) à [Localité 6] (60).

Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal de commerce de Beauvais, saisi par la société Corhofi, créancier de la société DGBJ FOOD, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée sans administrateur à l’égard de cette société, désigné la SELARL [H]-Pecou en la personne de Me [R] [H] comme mandataire liquidateur et fixé la date de cessation des paiements au 6 janvier 2020.

Par jugement du 13 décembre 2022, le tribunal de commerce de Beauvais, saisi par le liquidateur, a,

Au visa de l’article L.651-2 du code de commerce, dit que M. [I] [K] et M. [V] [K], dirigeants de la société DGBJ FOOD, devront supporter l’insuffisance d’actif de cette société à hauteur de 200.000 euros chacun, les sommes recouvrées à ce titre devant être affectées au désintéressement des créanciers au marc le franc et condamné les mêmes à payer ces sommes entre les mains de la SELARL [H] Pecou ès qualités de liquidateur judiciaire,

Au visa des articles L.653-1 et suivants du code de commerce, prononcé une mesure d’interdiction de gérer (‘) durant 10 ans à l’encontre des mêmes, et condamné les mêmes à verser chacun 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la SELARL De bois [H],

Ordonné l’exécution provisoire,

Ordonné les mesures de publicité prescrites par la loi,

Condamné les mêmes aux entiers dépens répartis entre eux par moitié,

En considérant que [I] [K] avait commis des fautes de gestion, au même titre que son frère [V] auquel d’autres fautes de gestion sont également reprochées, en :

Ne tenant pas une comptabilité régulière, l’administration fiscale ayant rejeté les comptes clos au 30 juin 2018, tardivement validés, qui laissent apparaître des irrégularités manifestes notamment en ce que le chiffre d’affaires déclaré à l’occasion des déclarations de TVA sur la période considérée ressortait à 419.500 euros alors qu’il apparaît comme étant de 805.002 euros sur la liasse fiscale et que cette même administration a pu constater, au titre (des comptes) de l’exercice clos au 30 juin 2019 qui n’ont, au demeurant, pas été communiqués au liquidateur, un nouvel écart de plus de 130.000 euros entre les deux déclarations ; qu’il ne peut s’en exonérer en imputant les manquement à l’expert-comptable qui n’est qu’un mandataire,

Faisant des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles, comme en témoignent l’acquisition de 2 véhicules de luxe de marque Audi, manifestement non nécessaires à l’activité sociale, pour un montant total de 117.000 euros ;

Détournant ou dissimulant tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale, comme en témoignent la revente des matériels financés et revendiqués par les sociétés Corhofi et Grenke et la dette de l’organisme d’affacturage Franfinance résultant de chèques manifestement dépourvus de cause et revenus impayés,

et que ces fautes avaient contribué à l’insuffisance d’actif évaluée à 1.542.879,21 euros et méritaient une sanction d’interdiction de gérer durant 10 ans.

Par déclaration au greffe du 18 janvier 2023 dirigée uniquement contre le liquidateur, M. [I] [K] a interjeté appel de cette décision, pour toutes les dispositions le concernant, sauf en ce qui concerne l’exécution provisoire.

Par déclaration au greffe du 19 janvier 2023, dirigée contre le liquidateur et contre le procureur général près la cour d’appel d’Amiens comme intimé et comme partie intervenante, M. [I] [K] a interjeté de nouveau appel de cette décision.

Par ordonnance du 22 juin 2023, la première présidente a rejeté la demande de suspension de l’exécution provisoire.

Par conclusions infirmatives transmises par voie électronique le 13 février 2023, M. [I] [K] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné à combler une partie du passif à hauteur de 200000 euros et à une interdiction de gérer, subsidiairement ramener ces sanctions à de plus justes proportions, et infirmer également le jugement du chef de l’article 700 du code de procédure civile, et juger qu’il n’a commis aucune faute de gestion.

Par conclusions transmises par voie électronique le 24 février 2023, Maître [R] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société DGBJ Food, demande à la cour de débouter M. [I] [K] de l’ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant de le condamner aux entiers dépens d’appel et à verser une indemnité de 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par avis du 10 octobre 2023 transmis aux parties le 12 octobre 2023, le ministère public a requis la confirmation de la décision entreprise, estimant que les fautes de gestion de l’appelant étaient bien caractérisées et avait entraîné l’insuffisance d’actif constatée par le liquidateur.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2023.

SUR CE,

Sur la jonction d’office des dossiers :

Les deux appels portants sur un seul et unique jugement, il y a lieu de les joindre pour une bonne administration de la justice, par application de l’article 367 du code de procédure civile.

Sur l’action en responsabilité de [I] [K] pour insuffisance d’actif et l’interdiction de gérer le concernant :

Pour soutenir son appel, M. [I] [K] fait valoir pour l’essentiel que :

il n’a été président de la société que du 28 août 2017 au 1er septembre 2019, soit durant 24 mois, parallèlement avec une activité salariée de commercial,

il a accepté cette présidence car son frère [V], qui exerçait la présidence de cette société, ainsi que de plusieurs autres, avait fait l’objet d’un fichage au FICP de la banque de France,

tout en déléguant certaines tâches, il s’est acquitté de sa fonction de représentant légal de la société et de l’exploitation de l’enseigne O’Basilic,

aucun des griefs qui lui est fait ne constitue une faute de gestion et il n’a pas pu s’en défendre auprès du liquidateur qui ne l’a pas convoqué,

ainsi les erreurs de comptabilité relevées par l’administration fiscale ne constituent pas une faute de gestion puisqu’il n’a pas produit volontairement une comptabilité erronée ; il a transmis avec rigueur la totalité des pièces comptables au comptable de la société, ce qui a permis à ce dernier de lui transmettre les liasses fiscales de 2018 et 2019 et d’authentifier les comptes de la période allant du 1 er avril 2017 au 30 juin 2018 ; il n’explique pas les différences de montant de TVA pointées du doigt par l’administration fiscale, mais il est vrai qu’il a eu des problèmes de communication avec le comptable dont il a fait part à l’administration fiscale;

la société avait besoin de souscrire des leasing pour deux véhicules Volkswagen aux fins de mener une campagne de publicité pour la faire connaître; les échéances en ont été réglées durant sa présidence et en tout état de cause les véhicules qu’il ne s’est pas appropriés ont dû être repris par le propriétaire, et lorsqu’il a démissionné, le matériel de cuisine loué aux sociétés Corhofi et Grenke était toujours dans le restaurant et il ne peut lui être reproché sa revente dont il n’est d’ailleurs pas justifié,

en tout état de cause, il n’est pas démontré que ses maladresses éventuelles dans la conduite des affaires de la société ont entraîné l’insuffisance d’actif qui n’existait pas à la cessation de ses fonctions de dirigeant,

l’interdiction de gérer durant 10 ans est manifestement disproportionnée car il n’avait eu, contrairement à son frère, aucune expérience en qualité de gérant, et l’empêche d’exercer ses fonctions de président de la société PJJ (import-export) qu’il a immatriculée le 7 décembre 2022,

à titre subsidiaire, il demande que la condamnation au comblement d’une partie du passif soit ramenée à de plus justes proportions compte tenu de sa situation de chômage non indemnisée.

Le mandataire liquidateur soutient la confirmation du jugement entrepris en faisant valoir pour l’essentiel que :

[I] [K] a assumé les fonctions de président de la société de sa création jusqu’au 1er septembre 2019, avant que M. [V] [K], qui était en parallèle mandataire social de plusieurs autres entreprises, prenne sa succession,

Au 30 juin 2018, la société employait 30 salariés sur le site de [Localité 8] (93), établissement fermé le 27 janvier 2020 en même temps que le transfert du siège social et principal établissement à [Localité 6], la société comportant en 2020 un effectif moyen de 12,92 salariés,

Aucune comptabilité n’a été présentée au greffe du chef des exercices clos les 30 juin 2019, 30 juin 2020 et 30 juin 2021, seuls les comptes de l’exercice clos le 30 juin 2018 ayant été déclarés,

[V] [K] n’a pas répondu à ses convocations,

L’actif est inexistant, aucun des biens pris en crédit-bail n’ayant été représenté ;

Le passif s’élève à 1.542.879,21 euros dont 714.733,75 euros à titre définitif ;

Le 10 septembre 2021, la direction générale des finances publiques de l’Oise a notifié au liquidateur une proposition de rectification faisant suite à une vérification de comptabilité, proposant des redressements pour un total de 454.634 euros dont 227.317 euros au titre de droits rappelés du chef de la TVA éludée, et 227.317 euros d’amendes pour opposition à contrôle fiscal ;

Il cite un arrêt de la cour de cassation de 1994 pour soutenir que le lien de causalité existe nécessairement entre le défaut de comptabilité régulière et l’insuffisance d’actif en l’absence de document fiable et récent donnant une image précise de la société ;

Caractère insincère ou absent de la comptabilité : Aucune comptabilité n’a été présentée au greffe du tribunal de commerce du chef des exercices clos les 30 juin 2019, 30 juin 2020 et 30 juin 2021, seuls les comptes de l’exercice clos le 30 juin 2018 ayant été présentés tardivement; il est de la responsabilité de tout dirigeant de s’assurer de la fiabilité de sa comptabilité et il ne saurait se défausser de sa responsabilité en matière de gestion comptable et fiscale ; or en l’espèce les comptes 2017 et 2018 sont inexacts ; l’inspecteur des impôts a rejeté la comptabilité au titre des comptes de l’exercice clos le 3 juin 2018, du fait de plusieurs anomalies : la tardiveté de leur validation, des recettes comptabilisées par ristourne de compte à compte, des comptes clients soldés par débit de compte de salaires et appointement n°64110 pour un montant total de 300.101,10 euros ; au surplus le non-respect de la législation fiscale et notamment la minoration des déclarations de TVA est constitutive d’une faute de gestion, or l’administration a constaté que le chiffre d’affaires déclaré sur les formulaires de déclaration de TVA CA3 du 3 avril 2017 au 30 juin 2018 ressortait à 419.500 euros HT contre un chiffre d’affaires déclaré sur la liasse fiscale de 805.002 euros, et a constaté également une différence concernant l’exercice clos au 30 juin 2019 ; la TVA a donc été éludée par minoration du chiffre d’affaires de près de 400.000 euros en 2018 et 150.000 euros en 2019 ; cette présentation erronée a contribué à l’insuffisance d’actif en ne permettant pas au dirigeant d’avoir une vision fiable et d’appréhender la situation financière et économique exacte de l’entreprise et d’autre part en augmentant le passif du montant des majorations et autres pénalités liées au redressement fiscal ;

Détournement d’actifs : les matériels et véhicules financés par les sociétés Grenke et Volkswagen n’ont pas été représentés dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire, ce qui constitue des détournements d’actifs imputables à [I] [K] qui a souscrit le contrat avec la société Grenke et ce contrat ayant été résolu pendant sa période de gestion. Les contrats de financement ont été souscrits par [I] [K] et dès sa période de gestion des échéances restaient impayées ; par ailleurs, la prise en crédit-bail de véhicules d’un prix de 92000 euros pour l’un, 55000 euros pour l’autre, n’était pas nécessitée par l’activité de l’entreprise de restauration et ne relève pas du comportement habituel du commerçant de bonne foi malheureux ; et de tels engagements pour une simple opération publicitaire sont disproportionnés ; l’absence de représentation des matériels a contribué à l’insuffisance d’actif dans la mesure leur prix de revente l’a pu être déduit de la dette de la société ;

L’insuffisance d’actif peut être imputée aux fautes de gestion de M. [I] [K] à hauteur de 612.421,52 euros : indemnités de résiliation des contrats de leasing Grenke et Volskwagen banque, créances fiscales, ainsi que créance de Total Energies électricité et gaz France pour 8853,15 euros (relative à des consommations d’électricité à [Localité 7] où aucun établissement n’est exploité) ;

Ce dernier doit assumer les détournements d’actifs et l’élision de TVA.

Sur l’interdiction de gérer de [I] [K] :

Il ressort de l’article L.653-8 du code de commerce que « dans les cas prévus aux articles L.653-3 à L.653-6 du code de commerce » -qui sont les cas d’ouverture de la faillite personnelle- « le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

L’interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l’encontre de toute personne mentionnée à l’article L.653-1 qui, de mauvaise foi, n’aura pas remis au mandataire judiciaire, à l’administrateur ou au liquidateur les renseignements qu’il est tenu de lui communiquer en application de l’article L.622-6 dans le mois suivant le jugement d’ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l’obligation d’information prévue par le second alinéa de l’article L.622-22.

Elle peut également être prononcée à l’encontre de toute personne mentionnée à l’article L.653-1 qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation. »

Seuls les faits antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective peuvent justifier le prononcé de l’interdiction de gérer.
En l’espèce la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer ne peuvent être prononcées contre [I] [K] pour des faits antérieurs à sa nomination le 28 août 2017 comme président de la société aux termes de l’assemblée générale ordinaire du 28 août 2017, ni pour les faits postérieurs à la date d’effet de sa démission, soit le 1er septembre 2019 selon le procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire du 25 août 2019.

La cour constate que le premier juge n’a pas retenu le grief tiré du fait « d’avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel caractérisé par leurs agissements, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale. », pourtant visé dans l’assignation délivrée par le liquidateur. Me [H] ne visant plus ce grief en appel, et la cour ne pouvant aggraver le sort de l’appelant sur son seul appel, la cour estime qu’elle n’a pas à examiner ce fait.

En revanche, le premier juge a retenu contre [I] [K] des faits suivants, tombant sous le coup des articles L.653-4, 3° et 5° et L.653-5,6° du code du commerce :

1 -Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale, faits prévus à L.653-4, 5° du code de commerce, en revendant les matériels financés et revendiqués par les sociétés Corhofi et Grenke et en émettant des chèques manifestement dépourvus de cause et revenus impayés.

Si les deux frères successivement dirigeants de droit n’ont pas justifié de la restitution des matériels et véhicules aux crédit-bailleurs, cependant il ne peut être reproché à M. [I] [K], qui n’était alors plus président, de ne pas avoir représenté les véhicules automobiles et les matériels de cuisine à l’ouverture des opérations de liquidation.

Par ailleurs, la vente des matériels de cuisine et véhicules loués durant la période de présidence de M. [I] [K] n’est pas démontrée, ni même la notification de la résiliation des contrats de leasing durant cette période.

Enfin, l’émission frauduleuse de chèques revenus impayés au préjudice de Franfinance, cessionnaire de la créance, ne peut lui être reprochée en ce qu’elle a eu lieu entre janvier et décembre 2020, période durant laquelle M. [I] [K] n’était plus président de la société.

Ces griefs ne seront donc pas retenus contre lui.

2- Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles, faits prévus à L.653-4, 3° du code de commerce, par l’acquisition (plus exactement par la location avec option d’achat) de véhicules de luxe de marque Audi, manifestement non nécessaires à l’activité de la société, pour un montant de 117.000 euros.

Ce grief peut être retenu contre [I] [K]. En effet, il a souscrit les 7 et 15 mars 2019 des contrats de crédit-bail pour une durée de 5 ans destinés à louer deux véhicules Audi Q8 d’un prix de 91.000 euros et Q5 d’un prix de 55.900 euros.

Ces locations longue durée de véhicules de luxe n’étaient manifestement pas nécessaires à l’objet sociale de la société de restauration. M. [I] [K] prétend, sans jamais en justifier, que ces véhicules ont servi à une campagne publicitaire menée en collaboration avec la société Clear Channel, afin de diffuser la franchise O’Basilic dans l’intérêt du restaurant ouvert sous cette enseigne. Or, outre qu’il ne démontre aucunement que la société a mené une campagne de publicité, cette dernière n’entrait pas dans l’objet social de la société qu’il dirigeait, et ce fait serait donc tombé sous le coup de l’article L.653-4 2° du code du commerce (avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel sous le couvert de la personne morale cachant ses agissements). Par ailleurs, ces locations somptuaires ne peuvent s’expliquer que par l’intérêt personnel de M. [I] [K], direct ou indirect.

C’est par conséquent à juste titre que le premier juge a retenu ce grief contre lui.

3- Avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables, faits prévus à L.653-5, 6° du code de commerce, concernant les comptes clos au 30 juin 2018 et au 30 juin 2919 faisant ressortir des irrégularités manifestes, notamment des écarts considérables relatif aux déclarations des chiffres d’affaires à l’administration fiscale qui a conduit cette dernière à opérer un redressement de TVA.

Sont établis et au demeurant non contestés par M. [I] [K], qui se borne à marquer son incompréhension, les manquements manifestes tels qu’ils sont relevés par l’administration fiscale dans son courrier du 10 septembre 2021 proposant au liquidateur une rectification fiscale à la suite du contrôle portant sur l’ensemble des déclarations et opérations de la période du 3 avril 2017 au 30 juin 2019, prorogé en matière de TVA jusqu’au 30 juin 2020, et notamment :

Dans le fichier informatique des écritures comptables relatif à l’exercice clos le 30 juin 2018, il apparaît que leur validation est intervenue le 26 mars 2021 ce qui ne permet pas de retenir leur caractère probant et le fichier des écritures comptables relatif à l’exercice clos le 30 juin 2019, inexploitable, a été considéré comme non conforme,

Les déclarations de TVA d’avril 2017 à juillet 2018 ont été déposées le 19 novembre 2018 au lieu d’être faites mensuellement du 25 mai 2017 au 24 août 2018 ; La liasse fiscale établie au titre de l’exercice clos le 30 juin 2018 n’a été déposée que le 25 février 2019  et il en ressort une déclaration de chiffre d’affaires de 805.002 euros, soit un écart de 419.500 euros avec les chiffres d’affaires portés sur les déclarations de TVA pour la période concernée ; Pour l’exercice suivant, une discordance de plus de 130.000 euros a été relevée ;

A ces retards de déclarations et élisions de chiffre d’affaires dans les déclarations de TVA s’ajoute une déclaration de TVA déductible pour un montant supérieur au montant des factures d’achat, entraînant des discordances de 33.994 euros au titre de l’exercice clos le 30 juin 2018 et de 56.044 euros pour l’exercice clos le 30 juin 2019.

M. [I] [K] se défend en plaidant l’impéritie de l’expert-comptable, affirmant qu’il n’a pour sa part rien à se reprocher, ayant transmis avec rigueur la totalité des pièces comptables et permettant ainsi au comptable de lui transmettre les liasses fiscales de 2018 et 2019 et d’authentifier les comptes de la période allant du 1 er avril 2017 au 30 juin 2018.

Cependant il produit seulement une attestation, au demeurant non datée, de M. [P] [W] expert-comptable, qui indique présenter les comptes annuels de la société DGBJ Food pour l’exercice du 1er avril 2017 au 30 juin 2018 conformément aux termes de sa lettre de mission et à leurs accords, certifiant avoir effectué les diligences prévues par les normes définies par l’ordre des experts-comptables.

Ce document est non daté, ne concerne que l’exercice allant du 1er avril 2017 au 30 juin 2018 et n’est accompagné d’aucune lettre de mission, si bien qu’il ne suffit pas à justifier du fait que M. [I] [K] a confié la comptabilité à cet expert-comptable durant tout l’exercice de sa direction de la société, ni que cette mission portait sur les déclarations mensuelles relatives à la TVA.

Dès lors la tenue manifestement irrégulière de la comptabilité au regard des dispositions applicables peut être reprochée à M. [I] [K] et notamment le défaut de déclarations de TVA à bonne date et conformes, du 28 août 2017 au 30 août 2019, peut être retenue contre lui.

Eu égard aux fautes de gestion commises par M. [I] [K], il est justifié de le sanctionner par une interdiction de gérer.

La durée de 10 ans apparaît cependant disproportionnée à la gravité des fautes reprochées et sera ramenée à une durée de 6 ans. 

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur la responsabilité de [I] [K] dans l’insuffisance d’actif :

L’article L.651-2 du code de commerce dispose :

« Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée. (‘)»

Il est constant que l’insuffisance d’actif s’élève à 1.542.879,21 euros qui est constitué du passif déclaré dont 714.733,75 euros à titre définitif, la société ne comptant aucun actif.

Ainsi, s’agissant des créances fiscales, les rappels de droits de TVA éludés ont été ramenés par la direction générale des finances publiques à 73.162 euros pour la période du 3 avril 2017 au 30 juin 2018 et à 50.841 euros du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 dans sa proposition de rectification.

Ils sont imputables à la tenue manifestement irrégulière de la comptabilité par M. [I] [K] durant les deux exercices, concernant les déclarations de TVA du 28 août 2017 au 30 juin 2019, ce dernier ne pouvant se décharger de sa responsabilité en invoquant la faute de l’expert-comptable dont il ne justifie pas qu’il lui a confié les déclarations de TVA.

En revanche ce dernier ne peut être tenu pour responsable de l’opposition à contrôle (article 1732 du livre des procédures fiscales) reprochée par l’administration fiscale à son frère [V] et qui a engendré des majorations égales à 100% des droits éludés redressés. En outre, le liquidateur ne démontre pas que les irrégularités de la comptabilité sous la direction de [I] [K] a contribué à l’insuffisance d’actif résultant des autres sommes, et notamment des pénalités de retard, déclarées par la direction générale des finances publiques entre les mains du liquidateur.

Concernant les indemnités de résiliation des contrats de leasing Grenke, elles ne peuvent être imputées à M. [I] [K] auquel ne peut être reproché le détournement des matériels de cuisine.

De même, l’insuffisance d’actif résultant de la créance de Total Energies électricité et gaz France pour 8853,15 euros relative à des consommations d’électricité à [Localité 7] où aucun établissement n’est exploité, ne peut être pas lui être imputée dans la mesure où le contrat de fourniture date du 6 janvier 2020 date à laquelle il ne dirigeait plus la société.

En revanche la cour considère que sa faute de gestion consistant à souscrire deux crédit-bail pour la location-vente de deux véhicules de luxe en abusant ainsi du crédit de la société à des fins personnelles a contribué pleinement à l’insuffisance d’actif liée à la créance de Volskwagen déclarée pour un total de 92.635,82 euros représentatifs des loyers impayés de mai, juillet et août 2019 et indemnités de rupture du 2 juin 2020.

Compte tenu des seules fautes imputables à M. [I] [K], la cour estime qu’il y a lieu de le condamner à supporter l’insuffisance d’actif dans la proportion de 120.000 euros.

Il y a donc lieu d’infirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

M. [I] [K] succombant en grande partie à l’instance d’appel sera condamné à en supporter les dépens et à verser à l’intimé 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens et frais irrépétibles seront payés par priorité sur les sommes versées pour combler le passif, en application de l’article L.651-3 alinéa 4 du code de commerce.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites des appels, publiquement et contradictoirement,

Ordonne la jonction des affaires numéro de RG 23/503 et sous le n° de RG 23/529 sous le numéro de RG 23/503

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne la durée de l’interdiction de gérer infligée à M. [I] [K] et au montant de sa condamnation à supporter l’insuffisance d’actif et,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Fixe à 6 ans la durée de l’interdiction de gérer de M. [I] [K],

Dit qu’il devra supporter l’insuffisance d’actif de la société DGBJ Food à hauteur de 120.000 euros et le condamne à payer cette somme entre les mains de Me [R] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire,

Y ajoutant,

Condamne M. [I] [K] aux entiers dépens d’appel et à verser à Me [H] ès qualités de liquidateur de la société DGBJ FOOD la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que les dépens et frais irrépétibles seront payés par priorité sur les sommes versées pour combler le passif, en application de l’article L.651-3 alinéa 4 du code de commerce.

Le Greffier, La Présidente,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x