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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/21467 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZPZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Avril 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 17/05293
APPELANTE
S.A. MILLEIS BANQUE
[Adresse 2]
[Localité 4]
N° SIRET : 334.748.041
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant
Ayant pour avocat plaidant Me Philippe BAYLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0728
INTIME
M. [S] [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Philippe GALLAND de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 31 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Marc BAILLY, Président de chambre
M. Vincent BRAUD, Président
MME Laurence CHAINTRON, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mélanie THOMAS
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Marc BAILLY, Président de chambre et par Mme Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
M. [S] [I] détient dans les livres de la société Milleis Banque, anciennement société Barclays France S.A., venant aux droits de Barclays Bank Plc, un compte professionnel n°[XXXXXXXXXX06] auquel est rattachée une carte Visa Premier et un compte personnel n°[XXXXXXXXXX05] auquel est rattachée une carte Mastercard Platinium.
Le 10 février 2014, les services centraux de la société Milleis Banque ont interrogé l’agence [Localité 4] BP [Adresse 9] au sujet d’un nombre important de transactions réalisées entre le 7 et le 9 février 2014, au moyen de la carte Visa Premier de M. [I] afin qu’elle s’assure auprès de ce dernier qu’il en était à l’origine. Par courriels en date des 10 et 12 février 2014, M. [I] a fait opposition sur ses deux cartes de crédit.
M. [I] a constitué un dossier de fraude qui a été adressé à la banque en juillet 2014. Le 3 mars 2016, la société Milleis Banque a invité M. [I] à reconstituer ce dossier avant de le retrouver le 10 mars 2016. Par courrier du 6 juin 2016, la banque a indiqué à M. [I] qu’elle refusait de l’indemniser du montant des sommes correspondant aux opérations frauduleuses.
A la suite d’une nouvelle étude, la société Milleis Banque a confirmé sa position et notifié par courrier du 7 mars 2017 à M. [I] son refus de prendre en charge la demande d’indemnisation.
Par exploit d’huissier du 29 mars 2017, M. [S] [I] a fait assigner la société Milleis Banque devant le tribunal judiciaire de Paris afin de la voir condamner à lui payer la somme de 17 247,63 euros qui lui aurait été soustraite par l’utilisation frauduleuse d’un moyen de paiement.
Par jugement contradictoire du 6 avril 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
– condamné la société Milleis Banque à payer à M. [I] les sommes suivantes :
– 17 247,63 euros en remboursement des opérations frauduleuses réalisées sur ses comptes, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2016, lesquels se capitaliseront dans les conditions prévues à l’article 1154 ancien du code civil,
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– condamné la société Milleis Banque aux dépens,
– condamné la société Milleis Banque à payer à M. [I] la somme de 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire,
– rejeté les demandes pour le surplus.
Par déclaration du 7 décembre 2021, la société Milleis Banque a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 juillet 2022 la société Milleis Banque demande au visa des articles L. 133-19 IV, L. 133-23 et L. 133-24 du code monétaire et financier, à la cour de :
– la recevoir en son appel et l’y déclarant bien fondée,
– infirmer le jugement rendu le 6 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il l’a condamné à payer à M. [I] les sommes suivantes :
– 17 247,63 euros en remboursement des opérations frauduleuses réalisées sur ses comptes, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2016, lesquels se capitaliseront dans les conditions prévues à l’article 1154 ancien du code civil,
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– les dépens, ainsi qu’une somme de 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
– déclarer M. [I] forclos en sa demande de condamnation au paiement de la somme de 14 581,05 euros au titre des opérations réalisées au moyen de sa carte bancaire Mastercard, ainsi qu’au paiement de la somme de 447,77 euros au titre des agios prélevés sur son compte n° 808358 6 0101,
Subsidiairement,
– juger qu’elle n’a commis aucune faute à l’égard de M. [S] [I],
En conséquence,
– débouter M. [S] [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions à son encontre,
– débouter M. [I] de ses demandes de condamnation au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive et pour procédure abusive,
– condamner M. [S] [I] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner en tous les dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions notifiés par voie électronique le 5 octobre 2022, M. [S] [I] demande au visa des articles L.133-18, L. 133-19, L.133-20, L.133-23, L.133-24 et L.133-45 du code monétaire et financier dans leur version en vigueur au mois de février 2014, des articles 1240, 1231-6 et 1343-2 nouveaux du code civil et des articles 696 et 700 du code de procédure civile, à la cour de :
– débouter la société Milleis Banque de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– confirmer le jugement du 6 avril 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a condamné la société Milleis Banque à lui payer les sommes suivantes :
– 17 247,63 euros en remboursement des opérations frauduleuses réalisées sur ses comptes, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2016, lesquels se capitaliseront dans les conditions prévues à l’article 1154 ancien du code civil,
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– les dépens,
– 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Milleis Banque à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– condamner la société Milleis Banque à lui verser la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Milleis Banque au paiement des entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2023 et l’audience fixée au 31 octobre 2023.
MOTIFS
Sur la forclusion des demandes de M. [I]
La société Milleis Banque fait valoir que le dossier constitué en février 2014 par M. [I] ne vise que les opérations réalisées au moyen de sa carte Visa Premier et ne comporte aucun relevé de compte de sa carte Platinium Mastercard, tout comme le dossier reconstitué de mars 2016. Le courrier du 2 juillet 2014 ne vise également que les relevés de compte de la carte Visa Premier. Par ailleurs, M. [I] ne justifie du dépôt d’aucune plainte pénale pour l’une ou l’autre de ses deux cartes bancaires en dépit de la demande qui lui avait été faite. Le document émanant de la préfecture de police de [Localité 4] ne constitue en aucun cas la preuve du dépôt des deux plaintes pénales qu’il devait déposer. Le 11 février 2014, elle a relancé M. [I] afin qu’il lui transmette la plainte pénale pour ouvrir son dossier de fraude, comme le lui permet l’article 11.6 de la convention de comptes. Dès lors, M. [I] qui n’a pas constitué en bonne et due forme un dossier de fraude pour chacune de ses deux cartes bancaires, pas plus qu’il n’a déposé de plainte, ne pourra qu’être déclaré forclos en sa demande de condamnation de la société Milleis Banque au paiement de la somme de 19 649 euros, au titre des opérations réalisées, conformément à l’article L. 133-24 du code monétaire et financier.
M. [S] [I] fait valoir que sa demande n’est pas forclose car il a fait opposition sur ses deux cartes bancaires Visa Premier et Mastercard Platinium les 10 et 12 février 2014, il a fait parvenir à la société Milleis Banque le 2 juillet 2014 un dossier de fraude qui concerne, comme indiqué dans le courrier d’accompagnement, les deux cartes bancaires qui ont été piratées. Ce dossier, qui a été perdu par la société Milleis Banque, contenait les relevés de comptes bancaire, tant pour la carte Visa Premier, que pour la carte Mastercard pour les périodes allant de janvier 2013 à février 2014. La pièce n° 9 produite par la société Milleis Banque, qui correspond au courrier envoyé par M. [I] le 2 juillet 2014, contient les relevés des deux comptes bancaires Visa Premier et Mastercard avec la mention ‘Je conteste’ accolée à chaque opération contestée. Cette pièce est toutefois incomplète puisqu’elle ne comprend pas l’ensemble des relevés adressés par M. [I] à la société Milleis Banque. Ces éléments attestent qu’il a bien notifié à sa banque l’existence d’opérations frauduleuses sur ses deux cartes bancaires dans le délai de forclusion de 13 mois à compter de la date de débit, prévu par l’article L. 133-24 du code monétaire et financier. De plus, le dossier n’est pas incomplet en raison de l’absence de dépôt de plainte en bonne et due forme car le dépôt de plainte ne constitue pas une condition posée par la loi pour bénéficier du remboursement du montant résultant d’une utilisation frauduleuse de la carte bancaire. Il a immédiatement fait opposition de ses deux cartes bancaires et s’est rendu au commissariat de police pour déclarer l’utilisation frauduleuse de ses cartes.
Aux termes de l’article L. 133-24 du code monétaire et financier dans sa version en vigueur applicable au litige, l’utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n’ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement conformément au chapitre IV du titre 1er du livre III.
En l’espèce, contrairement à ce que soutient la banque et comme l’a retenu à juste titre le tribunal, M. [I] a bien fait opposition à ses deux cartes bancaires :
– par mail du 10 février 2014 à sa carte visa premier (pièce n° 3 de l’intimé),
– par mail du 12 février 2014 à sa carte Mastercard Platinium (pièce n° 6 de la banque).
Par courrier du 2 juillet 2014, il a adressé à la banque ‘le dossier qui concerne les fraudes à la carte bancaire. En fait aux cartes bancaires puisque les deux ont été piratées’ auquel étaient joints les relevés bancaires afférents aux deux comptes bancaires professionnel n°[XXXXXXXXXX06] et personnel n°[XXXXXXXXXX05] et un récépissé de déclaration d’utilisation frauduleuse de carte bancaire établi par la préfecture de police de [Localité 4] (pièce n° 9 de la banque).
S’il est constant que le dossier de M. [I] a été perdu par la banque, puis retrouvé au mois de mars 2016 par cette dernière, la banque n’a jamais contesté dans ses courriers adressés à M. [I] en 2016 et 2017, avoir reçu son dossier de contestation portant sur les deux cartes bancaires.
Du reste, dans son courrier adressé à M. [I] le 3 mars 2016, la banque lui a fait parvenir ‘les relevés de compte relatifs à la période du 1er mars 2013 au 31 juillet 2014 durant laquelle s’est produite la fraude que vous avez subie tant sur votre compte personnel que sur votre compte professionnel, ainsi que les relevés de carte afférents, afin que vous puissiez reconstituer les opérations dont vous n’êtes pas à l’origine et nous aider à chiffrer votre préjudice’ (pièce n° 8 de la banque).
Le moyen tiré du défaut de plainte est inopérant, dès lors qu’en application de l’article L. 133-17 du code monétaire et financier et de l’article L.133-24 précité de ce code, la seule obligation légale qui pesait sur M. [I] était, lorsqu’il a eu connaissance du détournement ou d’une utilisation non autorisée de sa carte bancaire ou des données qui lui sont liées, d’informer ‘sans tarder’ la banque aux fins de blocage de son instrument de paiement.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a considéré que M. [I] a bien signalé les opérations contestées dans le délai de forclusion de 13 mois prévu à l’article L.133-24 du code monétaire et financier et rejeté en conséquence le moyen tiré de la forclusion de son action.
Sur la demande en paiement de M. [I]
La société Milleis Banque indique que les conditions générales de fonctionnement des comptes de la société Milleis Banque prévoient que le titulaire de la carte CB doit prendre toute mesure pour conserver sa carte CB et préserver le dispositif de sécurité personnalisé qui lui a été attaché. Or, en l’espèce, une partie des opérations litigieuses concerne des achats effectués à distance par internet sur des sites marchands sécurisés, pour assurer la sécurité de ces achats, le paiement n’intervient qu’après saisine sur le site internet du vendeur du code d’authentification que reçoit le titulaire de la carte bancaire par SMS sur le téléphone portable, dont il a communiqué préalablement à la banque le numéro que lui a attribué son opérateur de téléphonie. Dans la mesure où il était impératif, pour pouvoir valider les achats réalisés à distance par internet sur des sites marchands sécurisés, de saisir à chaque opération d’achat le code secret réceptionné par SMS sur son téléphone portable, seul M. [I] a pu authentifier les opérations litigieuses, à moins qu’il n’ait pas pris les mesures propres à assurer la sécurité de ses cartes bancaires pour garder secret son code confidentiel, ni veiller à ne pas laisser à la disposition de tiers son téléphone portable. Il a donc a fait preuve à tout le moins d’une
négligence fautive en contrevenant à ses obligations. Par ailleurs M. [I] bénéficiait d’un système de sécurisation n’impliquant aucune intervention des commerçants disposant de sites internet d’e-commerce. De plus M. [I] conteste certaines opérations réalisées à proximité de son domicile validées au moyen de sa carte avec saisine du code secret, ce qui démontre qu’au moins une tierce personne utilisait également sa carte avec son code secret. Enfin M. [I] a modifié à quatre reprises le montant du préjudice invoqué sans fournir la moindre explication.
M. [I] fait valoir que la société Milleis Banque ne rapporte pas la preuve de la fraude ou de sa négligence grave à prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisé. Selon la loi, la banque doit rapporter la preuve de l’authentification de chaque opération, ce que ne fait pas la société Milleis Banque qui procède par affirmation. De plus, les fraudeurs à la carte bancaire utilisent de nombreuses techniques qui leur permettent de déjouer tous les systèmes de sécurité mis en place par les banques tel le skimming ou le carding, sans que le titulaire de la carte en soit dépossédé. Dès lors, le fait que les paiements et retraits contestés nécessitent l’utilisation du code confidentiel ou que les transactions en ligne soient protégées par le système 3D Secure ne permet en rien de démontrer que ces opérations ont été effectuées par lui ou qu’il aurait fait preuve d’une négligence fautive en laissant à la disposition d’un tiers sa carte bancaire et son téléphone portable. Ainsi, en application du code monétaire et financier, la société Milleis Banque, qui ne rapporte pas la preuve qui lui incombe pour se dégager de son obligation de remboursement, est tenue de rembourser le montant des opérations frauduleuses qui ont été effectuées dans le délai de 13 mois précédant la notification faite par le payeur à la banque ainsi que toutes les opérations frauduleuses effectuées postérieurement à la date de blocage de l’instrument de paiement.
Selon l’article L. 133-18 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur applicable au litige, ‘En cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse immédiatement au payeur le montant de l’opération non autorisée et, le cas échéant, rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu.’
En application de l’article L. 133-19 de ce code applicable au litige :
‘I. ‘ En cas d’opération de paiement non autorisée consécutive à la perte ou au vol de l’instrument de paiement, le payeur supporte, avant l’information prévue à l’article L. 133-17, les pertes liées à l’utilisation de cet instrument, dans la limite d’un plafond de 150 euros.
Toutefois, la responsabilité du payeur n’est pas engagée en cas d’opération de paiement non autorisée effectuée sans utilisation du dispositif de sécurité personnalisé.
II. ‘ La responsabilité du payeur n’est pas engagée si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l’insu du payeur, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées.
Elle n’est pas engagée non plus en cas de contrefaçon de l’instrument de paiement si, au moment de l’opération de paiement non autorisée, le payeur était en possession de son instrument.
III. ‘ Sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si le prestataire de services de paiement ne fournit pas de moyens appropriés permettant l’information aux fins de blocage de l’instrument de paiement prévue à l’article L. 133-17.
IV. ‘ Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17.’
Aux termes de l’article L. 133-23 applicable au litige ‘Lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.’
Les articles L. 133-16 et L. 133-17 de ce code dont se prévaut la banque imposent à l’utilisateur de services de paiement de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés et d’informer sans tarder son prestataire de services de toute utilisation non autorisée de l’instrument de paiement ou des données qui lui sont liées.
Toutefois, il est de jurisprudence que s’il entend faire supporter à l’utilisateur d’un instrument de paiement doté d’un dispositif de sécurité personnalisé les pertes occasionnées par une opération de paiement non autorisée rendue possible par un manquement de cet utilisateur, intentionnel ou par négligence grave, aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17 de ce code, le prestataire de services de paiement doit aussi prouver que l’opération en cause a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre (Com. 12 nov. 2020, n° 19-12.112).
En l’espèce, comme l’a relevé le tribunal, la banque ne rapporte pas la preuve, ni que les opérations litigieuses aient été authentifiées, dûment enregistrées et comptabilisées, aucun document d’authentification n’étant versé aux débats, ni que M. [I] ait commis des négligences graves.
En effet, comme le relève M. [I], la réalisation d’achats à distance au moyen d’une carte bancaire n’implique pas systématiquement leur authentification par le titulaire de la carte au moyen d’un système sécurisé. Il y a d’ailleurs lieu de relever que certaines opérations ont été réalisées le même jour dans des lieux géographiques très éloignés, ce qui rend impossible leur utilisation simultanée par M. [I]. Ainsi, à titre d’exemples, le 8 février 2014, la carte bancaire afférente au compte professionnel a été utilisée à [Localité 11] (59), [Localité 4] ([Localité 3]) [Localité 8] (69) et [Localité 7] (59) et le 9 février 2014 à [Localité 8] (69), [Localité 10] (13), [Localité 13] (03) et à [Localité 12] (59).
Le fait que certaines opérations aient été effectuées à proximité du domicile de l’appelant (à [Localité 4] 7ème arrondissement) ne permet de démontrer, ni l’existence d’une fraude ou d’une négligence grave, ni d’une authentification, et ce d’autant, que les cartes ont été également utilisées en dehors de [Localité 4].
Contrairement à ce que soutient la banque, il ne résulte pas des relevés bancaires communiqués que M. [I] ait contesté des prélèvements de crédits à la consommation.
Enfin, la seule existence de retraits DAB en l’absence de justification par la banque d’une authentification par l’appelant est insuffisante à rapporter la preuve qui lui incombe de la négligence grave de l’appelant exonérant la banque de son obligation de remboursement.
C’est donc à juste titre que le tribunal a condamné la société Milleis Banque à payer à M. [I] la somme de 17 247,63 euros en remboursement des opérations frauduleuses réalisées sur ses comptes, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2016, date de présentation de la mise en demeure.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé de ce chef.
Sur la capitalisation des intérêts
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1154 ancien du code civil applicable au litige.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance et procédure abusives
La société Milleis Banque fait valoir que les allégations selon lesquelles elle se prévaudrait de faits inexacts et de moyens de mauvaise foi, sont fallacieuses et n’ont aucun fondement.
M. [I] réplique que la société Milleis Banque a fait preuve d’un manque de professionnalisme et d’une négligence extrême dans le traitement de son dossier, alors qu’il était pourtant client depuis plus de 30 ans, en refusant de répondre à ses demandes de remboursement pendant plus de deux ans, alors que la loi l’oblige à répondre à tous les points soulevés dans la réclamation au plus tard dans les 15 jours ouvrables suivant la réception de la réclamation et de donner une réponse définitive au plus tard 35 jours après la réception de sa réclamation. De même, elle a rejeté sa réclamation, sans prendre le soin, comme elle y était obligée, d’examiner avec lui chacune des transactions contestées et a invoqué de faux prétextes pour justifier son inertie pendant deux ans, alors qu’en réalité, elle avait perdu son dossier, ce qu’elle a elle-même reconnu dans son courrier du 3 mars 2016. Enfin, elle a refusé sans aucune justification sérieuse, de l’indemniser pour l’utilisation frauduleuse dont il a été victime, alors même qu’elle n’apporte pas la preuve que la loi lui impose, de la fraude ou de la négligence grave de sa part ou de l’authentification des opérations. De par cette résistance abusive sans juste motif particulier, la société Milleis Banque l’a contraint à saisir les juridictions, comme l’a constaté le tribunal judiciaire de Paris. En faisant appel, la banque a choisi de poursuivre cette résistance avec les mêmes moyens inexacts.
En l’espèce, c’est à juste titre que le tribunal après avoir relevé que la banque avait perdu le dossier envoyé par son client, puis l’avait fait patienter de nombreux mois en lui adressant des courriels d’attente, pour finalement refuser d’exécuter ses obligations légales, a considéré qu’elle avait manifestement fait preuve d’une mauvaise foi constitutive d’une résistance abusive et condamné la banque à lui payer la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. La société appelante sera donc condamnée aux dépens.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, la société Milleis Banque sera condamnée à payer à M. [I] la somme de 2 000 euros.
LA COUR,
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement déféré du tribunal judiciaire de Paris du 6 avril 2021 ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Milleis Banque à payer à M. [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Milleis Banque aux entiers dépens ;
REJETTE toute autre demande.
* * * * *
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT