Logiciels : 3 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/09351

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Logiciels : 3 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/09351

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 03 juin 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/09351 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCBG5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Avril 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS 04 RG n° J2020000131

APPELANTE

S.A.S.U. OUEST GESTION INFORMATIQUE ayant pour sigle O.G.I.

prise en la personne de ses reprisentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 2]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Rennes sous le numéro 433195047

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

ayant pour avocat plaidant Me Nicolas HERZOG de la SELEURL H2O Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : J094

INTIMEES

S.A.S. ACTA

Prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 6]

[Localité 5]/FRANCE

inscrite au R.C.S. de Lyon sous le n° 385 107 180

Représentée par Me Djazia TIOURTITE de l’AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : R255

ayant pour avocat plaidant Me Caroline BRUMM-GODET, avocate au barreau de Lyon-toque 768

S.A.S.U. CEGID

Prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 4]

inscrite au R.C.S. de Lyon sous le n°410 218 010

Représentée par Me Maryline LUGOSI de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073

ayant pour avocat plaidant Me Caroline BRUMM-GODET, avocate au barreau de Lyon-toque 768

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Avril 2022 , en audience publique, les avocats ne s’yétant pas opposés, devant Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère, chargée du rapport.Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

L’affaire a été débattue le, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de chambre

Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Mathilde BOUDRENGHIEN

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien Govindaretty, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

La société Acta, spécialisée dans l’assistance et le dépannage automobiles, a décidé de lancer le 3 juin 2016 un appel d’offres pour trouver une solution de gestion de la paie et des ressources humaines qui soit un Système d’Information RH, plus performant que les outils existants.

La société Ouest Gestion Informatique (OGI), prestataire et intégrateur de solutions informatiques, a répondu à cet appel d’offre en proposant notamment la solution standard Yourcegid RH Paie, éditée par la société Cegid, spécialisée dans l’édition de logiciels de gestion.

La société OGI a ensuite régularisé le 22 décembre 2016 avec la société Acta un contrat d’abonnement Saas et un contrat d’abonnement DSN Link relatifs à l’intégration de la solution Yourcegid RH Paie au sein de la société Acta et à l’assistance requise au titre de cette solution.

Des difficultés sont apparues en cours de déploiement et ce alors que la Solution devait être mise en exploitation au mois d’avril 2017, la société Acta reprochant à la société OGI des temps de traitement des bulletins de paie anormalement longs.

Après le compte-rendu du Comité de pilotage du 25 septembre 2017 n’apportant pas, selon la société Acta, de solutions pérennes aux dysfonctionnements constatés, celle-ci a fait part à la société OGI de son incertitude sur le devenir du projet par lettre recommandée du 28 septembre 2017. Le 6 octobre 2017, la société OGI a assuré la société Acta du raccourcissement des temps de réponse puis, dans les échanges ultérieurs, confirmé à son cocontractant l’exploitation de la Solution à compter du 1er janvier 2018 ‘ date de report acceptée par la société Acta au regard des difficultés rencontrées -. Suivant lettre du 8 mars 2018, la société Acta, compte-tenu de la persistance des délais de réponse de la Solution, a mis en demeure la société OGI de remédier aux lenteurs constatées et de rembourser l’intégralité des surcoûts, ce que la société OGI a contesté. La société Acta a renoncé à exploiter le progiciel de paie Yourcegid RH Paie et a notifié la résolution du contrat à la société OGI par lettre du 12 avril 2018, tout en réclamant le remboursement des sommes versées en application du contrat soit la somme de 137.789,14 euros outre les surcoûts supportés évalués à la somme de 80.000 euros. La société OGI n’a pas déféré à cette mise en demeure et réclamé le règlement de l’abonnement à la Solution du 1er avril au 15 mai 2018. les parties n’ont pas trouvé d’accord et maintenu leurs positions respectives.

Suivant exploit du 26 décembre 2018, la société Acta a fait assigner la société OGI devant le tribunal de commerce de Paris afin d’obtenir la résolution du contrat et l’allocation de dommages-intérêts.

L’affaire a été enregistrée sous le n° de RG 2019001346.

Suivant exploit du 8 avril 2019, la société OGI a fait assigner la société Cegid devant le tribunal de commerce de Paris.

L’affaire a été enregistrée sous le n° de RG 2019023298.

Par jugement du 17 avril 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

prononcé la jonction des affaires sous les n° RG 2019001346 (Acta contre OGI) et 2019023298 (OGI contre Cegid),

dit que c’est à bon droit que la société Acta a prononcé la résolution aux torts exclusifs de OGI des contrats entre la société Acta et OGI pour l’utilisation de la solution logicielle Yourcegid RH,

condamné la société OGI à payer à la société Acta la somme de 109.995,94 euros TTC au titre du remboursement de l’intégralité des sommes versées au cours des contrats, avec intérêt au taux légal à compter du 12 avril 2018, date de notification de la résolution des contrats, et capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

ordonné à la société Acta de restituer à la société OGI l’ensemble des logiciels exécutables, s’il y a lieu, ainsi que la documentation du projet,

débouté la société Acta de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société OGI,

débouté la société OGI de ses demandes de paiement de 29.520 euros TTC et de 17.889,78 euros à l’encontre de la société Acta,

débouté la société OGI de sa demande que la société Cegid la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre,

débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

condamné la société OGI aux dépens,

condamné la société OGI à verser la somme de 5.000 euros à la société Acta et 1.500 euros à la société Cegid au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonné l’exécution provisoire du jugement, nonobstant appel et sans caution.

La société Ouest Gestion Informatique a formé appel du jugement par déclaration du 13 juillet 2020 enregistrée le 17 juillet 2020.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 24 février 2022, la société Ouest Gestion Informatique demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 1231-1 et suivants du code civil :

A titre principal,

– de dire et juger qu’Acta ne rapporte pas la preuve que :

‘ Les temps de réponse anormalement longs de la solution logicielle seraient imputables à OGI ;

‘ OGI aurait manqué à son obligation de délivrance conforme.

– de dire et juger qu’Acta ne rapporte pas la preuve que les temps de réponse de la solution étaient d’une telle gravité qu’ils justifiaient la résolution des contrats.

– de dire et juger qu’Acta a manqué à son obligation de collaboration en prononçant la rupture brutale des relations contractuelles pendant la période de rodage de la solution.

En conséquence,

– d’infirmer le jugement de 1ère instance en ce qu’il a jugé qu’Acta avait prononcé à bon droit la résolution des contrats portant sur l’utilisation de la solution logicielle Yourcegid RH aux torts exclusifs d’OGI.

– de condamner Acta à rembourser à OGI l’ensemble des sommes qu’elle lui a versées en exécution de la décision de 1 ère instance.

A titre subsidiaire,

– d’infirmer le jugement de 1 ère instance en ce qu’il contrevient aux stipulations de l’article 11.2.2 du contrat conclu entre OGI et Acta et à l’article 1229 du code civil dans la mesure où les prestations ont trouvé leur utilité.

– d’infirmer la décision de 1 ère instance en ce qu’elle contrevient aux stipulations de la clause limitative de responsabilité l’article 10.1 du contrat.

– de plafonner à la somme de 10.344 euros le montant des condamnations susceptibles d’être ordonnées à l’encontre d’OGI par application de l’article 10.1 du contrat.

A titre infiniment subsidiaire,

– d’infirmer la décision de 1ère instance en ce qu’elle a déboutée OGI de sa demande de garantie à l’encontre de Cegid.

Et statuant à nouveau,

– de condamner Cegid à garantir et relever indemne OGI de toute condamnation prononcée à son encontre.

En tout état de cause,

– de confirmer la décision de 1 ère instance en ce qu’elle a débouté Acta de sa demande – de dommages et intérêts qui n’est fondée ni dans son principe, ni dans son montant.

– de condamner Acta et/ou Cegid à payer à OGI une somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

de condamner Acta et/ou Cegid aux entiers dépens d’instance.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 22 février 2022, la société Acta demande à la cour, au visa des articles 1103, 1604, 1615, 1641, 1217, 1224, 1225, 1226, 1227, 1644, 1229, 1611, 1231-1, 1232, 1645 du code civil, de l’article 123 du code de procédure civile :

de confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 17 avril 2020 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la société Acta de sa demande de dommages-intérêts à l’encontre de la société OGI,

En conséquence et statuant de nouveau :

– de juger que c’est à bon droit que la société Acta a prononcé la résolution aux torts exclusifs de OGI des contrats conclus entre Acta et OGI ;

– de condamner la société OGI à payer à la société Acta la somme de 109.995,94 euros TTC au titre du remboursement de l’intégralité des sommes versées au cours des contrats, avec intérêt au taux légal à compter du 12 avril 2018, date de notification de la résolution des contrats, et capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

– de condamner la société OGI à verser à la société Acta la somme de 53.104 euros à titre de dommages – intérêts, en sus des condamnations de première instance, en réparation du préjudice subi en raison des manquements commis par la société OGI ;

– de débouter la société OGI de ses demandes de paiement à l’encontre de la société Acta,

– de débouter la société OGI de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

– de condamner la société OGI à verser à la société Acta la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens de l’instance.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 24 décembre 2020, la société Cegid demande à la cour :

– de débouter les sociétés OGI et Acta de l’intégralité de leurs demandes dirigées à l’encontre de la société Cegid,

– de donner acte à la société Cegid qu’elle s’en rapporte à justice s’agissant de toute demande formulée au titre des relations contractuelles entre les sociétés OGI et Acta auxquelles elle est étrangère,

– de confirmer en tout état de cause le jugement rendu le 17 avril 2020 en ce qu’il a débouté la société OGI de sa demande de garantie formulée à l’encontre de la société Cegid en cas de condamnation au profit de la société Acta, et en ce qu’il a rejeté toute demande de condamnation de la société Cegid au profit de la société Acta à titre de dommages et intérêts.

Y ajoutant,

– de condamner la société OGI, ou qui mieux le devra, au paiement de la somme de 4.000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– de condamner la société OGI, ou qui mieux le devra, aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 24 mars 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur la résolution du contrat entre Acta et OGI

La société OGI soutient que la société Acta ne rapporte pas la preuve que les temps de réponse anormalement longs de la solution logicielle lui seraient imputables et qu’elle aurait manqué à son obligation de délivrance conforme.

La société Acta fait valoir que la forte saisonnalité de son activité en raison de l’augmentation très importante de la demande de services d’assistance entre avril et septembre la conduit à devoir gérer une forte variation du volume de son personnel et embaucher environ 250 personnes au cours de cette période en plus des 450 salariés employés de manière permanente. Elle a donc présenté dans son dossier de consultation les insuffisances du système existant au regard de son activité et la nécessité de trouver une solution SI RH plus performante répondant à ses besoins. Cependant, malgré sa coopération et le report de la mise en exploitation au 1er janvier 2018 qu’elle a acceptée pour permettre à OGI de corriger les dysfonctionnements, la Solution n’a jamais été pleinement opérationnelle de sorte que la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société prestataire était justifiée.

Aux termes de l’article 1225 du code civil :

« La clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat.

La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. ».

En vertu de l’article 1229 du code civil :

« La résolution met fin au contrat.

La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice.

Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. »

Le dossier de consultation du 3 juin 2016 produit par la société Acta détaille ses attentes concernant la production des bulletins de salaires en ces termes « amélioration des processus RH notamment de l’outil Paie », « l’automatisation et l’efficacité des processus » et « un gain de temps et une réalisation d’activités à plus forte valeur ajoutée ». Il précise que la société Acta demande à ce que le nouvel outil « soit capable de s’exécuter dans le contexte informatique d’Acta ». L’offre de valeur de la société OGI du 1er juillet 2016 prend en compte ces demandes et prévoit notamment en page 27 dans la méthodologie de déploiement une phase d’analyse des besoins. Un document a ensuite été établi par OGI pour Acta, intitulé « Cahier d’analyse YouCegid Business Paie RH Réglementaire de paie », signé le 5 décembre 2016, ainsi qu’un document « OGI Cloud Prérequis techniques » signé le 22 décembre 2016. Ce même jour ont été conclus un contrat de service Saas OGI n° 01862 et un contrat d’abonnement DSN Link.

L’article 25 du contrat « Durée du service » prévoit notamment que « Le contrat est conclu pour une durée de trente-six (36)mois de facturation de l’abonnement. Le contrat débutera en date du : 01/01/2017. Il sera ensuite renouvelé par période d’une année par tacite reconduction. Dès lors, la partie qui déciderait de ne pas renouveler le service devra notifier cette décision à l’autre par lettre recommandée avec accusé de réception trois (3) mois de facturation avant la fin de la période en cours, sans qu’il soit fait application des stipulations des articles 11.1.1, 11.1.2 et 11.1.3 du contrat.(…) ».

Dans son dossier de consultation, Acta avait indiqué vouloir « mettre en place le nouvel outil de paie soit au 1er janvier 2017 soit au 1er avril 2017 ». L’offre de valeur d’OGI prévoyait en page 30, dans son planning prévisionnel, une mise en exploitation au mois d’avril 2017.

En application de l’article 16 « Périmètre du service », la Solution devait permettre à la société Acta d’émettre 600 bulletins mensuels soit 7.800 bulletins annuels (600 x 13 mois). Dès la première tentative de mise en exploitation en avril 2017 des dysfonctionnements tenant à la lenteur excessive dans l’édition des bulletins de paie sont apparus. Le document intitulé « comité projet du 29 mai 2017 » identifie en page 4 quatre origines possibles aux lenteurs constatées, tenant à l’infrastructure interne de la société Acta, l’infrastructure OGI, la composition du paramétrage mis en place et des problèmes internes du logiciel. Dans un courriel du 6 juin 2017, la société OGI reconnaît les temps de réponse anormalement longs de la Solution et dans deux nouveaux compte-rendus (comité projet du 21 juillet 2017 et comité projet du 25 septembre 2017) met à l’ordre du jour la « Résolution de la problématique des temps de réponse » tout en relatant les diligences effectuées pour y remédier.

Au vu des échanges de courriels, compte-rendus des comités de pilotage et lettres produits par les parties il ne peut être sérieusement soutenu que la société OGI n’aurait pas été diligente dans sa tentative de résolution des lenteurs des temps de réponse de la Solution, multipliant les recherches, les contacts avec la société Cegid éditrice du logiciel, essayant d’identifier la source des difficultés. Malgré ces actions, force est de constater que la Solution mise en place n’a pas rempli les objectifs contractuels qui lui étaient assignés et auxquels s’était engagée la société OGI. En effet, le constat d’huissier réalisé le 2 février 2018 fait état de de temps de réponse allant de 11 secondes (visualisation) à 1 minute et 22 secondes (ajout d’un paramètre), ou encore 26 secondes pour la création d’un bulletin simple contre 1,58 seconde avec le logiciel SAGE. Les nombreux plans d’action de la société OGI pour remédier aux temps de réponse excessivement longs constatés n’ont pas permis à la société Acta de bénéficier d’une Solution de gestion de paie efficace et performante. Les critiques formulées par la société OGI sur le constat d’huissier du 2 février 2018 quant à la qualité du réseau internet ou de l’infrastructure technique utilisée par la société Acta sont inopérantes dans la mesure où le prestataire a reconnu tout au long de l’exécution du contrat le retard déraisonnable de la mise en exploitation de la Solution et les défaillances de celle-ci dans les temps de réponse effectifs. Elle ne démontre pas que les correctifs appliqués auraient résolu durablement les lenteurs constatées.

Il est établi que les temps de réponse normalement attendus d’un tel logiciel de gestion sont compris entre 1 et 10 secondes, ce qui correspond au logiciel SAGE.

La société OGI n’a donc pas satisfait à son obligation de résultat de délivrance d’un logiciel conforme et ce alors même qu’elle avait en mains tous les éléments sur l’environnement informatique de sa cliente et les attentes de celle-ci. Elle n’a en outre, comme le soutient à juste titre la société Acta, pas pleinement rempli son obligation de conseil en sa qualité de professionnel de l’informatique, obligation d’ailleurs rappelée à l’article 11.2.1 du contrat du 22 décembre 2016 en ces termes « informer et conseiller le client en ce qui concerne les services et les décisions relatives à l’exécution des services que le client serait amené à prendre et qui seraient portées à la connaissance du client, étant entendu que le client reste responsable de son choix et seul maître de la décision finale ».

Si l’intégralité des bulletins de paie a pu être saisie en janvier 2018, comme le soutient la société OGI, c’est au prix d’un doublement du temps de traitement (15 jours au lieu de 8 jours selon la société Acta). La Solution n’a donc pu être exploitée dans des conditions normales et a généré la mobilisation d’employés qui auraient pu être affectés à d’autres tâches.

La clause résolutoire prévue à l’article 11.2 du contrat prévoit la résolution du contrat de plein droit au gré de la partie lésée en cas de non-respect des obligations dont l’obligation d’information incombant au prestataire et la fourniture des services prévus au contrat.

Au regard du très important retard pris dans la mise en exploitation du logiciel de gestion objet du contrat et de l’absence de délivrance d’un logiciel opérationnel conforme aux engagements contractuels, c’est à bon droit que la société Acta a mis en ‘uvre la clause résolutoire figurant au contrat. La nouvelle Solution étant censée réduire, par rapport au logiciel en place, le temps de traitement des bulletins de paie au regard des contraintes liées à la variabilité de l’activité saisonnière de la société, le progiciel ainsi installé n’a pas rempli sa vocation, peu important que le contrat ait été partiellement exécuté puisque des bulletins de salaires ont été édités. En effet, l’implantation d’un nouvel outil n’a en l’état aucune utilité pour la société Acta qui aurait gagné à conserver son ancien logiciel dès lors qu’aucune amélioration n’était constatée. Il ne peut davantage être considéré que la rupture aurait été brutale et fautive de la part de la société Acta qui a accepté un report important du délai pourtant fixé contractuellement. Dans ce contexte, il ne peut non plus être reproché à la société Acta d’avoir refusé la proposition d’une énième solution corrective par la société OGI. Enfin si la société OGI n’a pas formellement réussi à identifier la cause des dysfonctionnements, leur seule existence, non imputable à la société Acta, et dans la mesure où ils sont suffisamment graves, justifie la résolution du contrat.

Ainsi si l’article 11.2.2 prévoit que « les prestations échangées entre les parties depuis la conclusion du contrat jusqu’à sa date de résolution, ayant trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque de celui-ci, elles ne donneront pas lieu à restitution pour la période antérieure à la date de résolution. » et que cette clause se justifie par la nature de contrat à exécution successive du contrat du 22 décembre 2016, force est de constater qu’en l’espèce, l’objectif premier et la condition déterminante du choix du logiciel Yourcegid étaient la performance et le gain de temps par rapport à l’ancien logiciel en place, soit la substance même du contrat. Seule une résiliation pour l’avenir pourrait justifier une absence de restitution, dans le cas d’une mauvaise exécution partielle du contrat. Tel n’est pas le cas ici, une résolution dès l’origine étant sollicitée, compte-tenu de l’inutilité complète de la Solution installée avec une perte de temps pour la société cliente.

De la même manière, l’application de la clause 10.1 du contrat prévoyant un plafonnement indemnitaire en cas de responsabilité du prestataire sera écartée dans la mesure où elle viderait de sa substance l’obligation essentielle du contrat consistant en la délivrance d’un progiciel performant permettant de réduire les temps de traitement quant à la gestion des bulletins de salaire. Non seulement ce résultat n’a pas été atteint mais l’efficacité de la Solution a été moindre que la solution RH Sage Paie fournie par la société Sage et installée au sein de la société Acta lors de l’appel d’offre. La société Acta justifie avoir acquitté la somme totale de 109.995,94 euros TTC du 31 octobre 2016 au 18 janvier 2018.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a dit la société Acta fondée à prononcer la résolution aux torts exclusifs de la société OGI des contrats entre Acta et OGI pour l’utilisation de la solution logicielle Yourcegid RH et a condamné la société OGI à payer à la société Acta la somme de 109.995,94 euros TTC, outre les intérêts à compter du 12 avril 2018 et la capitalisation de ceux-ci et en ce qu’il a ordonné, conséquence de la résolution, à la société Acta de restituer à la société OGI l’ensemble des logiciels exécutables, s’il y a lieu, ainsi que la documentation du projet. Il sera également confirmé, compte-tenu de la résolution prononcée, en ce qu’il a débouté la société OGI de ses demandes de paiement à l’encontre de la société Acta.

S’agissant de la demande de dommages-intérêts formée par la société Acta à l’égard de la société OGI à hauteur de 53.104 euros, l’intimée fait valoir qu’elle a dû supporter des surcoûts considérables en raison de l’incapacité de la société OGI à livrer une solution exploitable dans des conditions normales d’utilisation et ce pendant plus d’un an. La société Acta a dressé un tableau des surcoûts qu’elle allègue notamment quant à la maintenance de l’outil Sage, le temps passé avec les différents services (DRH, DG, DAF, DSI) en réunions visant à remédier aux lenteurs du logiciel et le déploiement de ressources humaines supplémentaires. Elle produit d’une part une facture de la société Sigma-RH France d’un montant de 43.248 euros TTC datée du 26 octobre 2016, intitulée « facture de démarrage du projet suite aux ententes contractuelles » portant notamment sur la location annuelle de licence, des journées de formation sur le logiciel Sigma-RH.net et d’autre part des bulletins de paie d’assistantes paie ou RH. Le lien de causalité entre l’engagement de ces dépenses et la résolution des contrats conclus avec la société OGI n’est pas caractérisé et le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Acta de sa demande à cette fin.

Sur les demandes de la société OGI à l’encontre de la société Cegid

La société OGI sollicite la garantie de la société Cegid de toute condamnation prononcée à son encontre.

La société Cegid est intervenue en qualité d’éditeur du progiciel Yourcegid RH Paie et n’a pas participé au choix de son logiciel pour la société Acta ni à la phase d’analyse ayant précédé la conclusion du contrat OGI/Acta. Elle fait valoir que la solution Yourcegid RH Paie est utilisée quotidiennement par près de 2.000 clients sans aucune difficulté et que les lenteurs constatées au sein de la société Acta ne sont pas liées ua produit mais à l’infrastructure en place.

La société Cegid, saisie par la société OGI de la difficulté liée aux temps de réponse anormalement longs, a effectué des tests sur sa propre plate-forme lesquels n’ont démontré aucun dysfonctionnement, avec des temps de réponse adéquats. Il en résulte que la preuve d’un vice affectant le progiciel édité par Cegid n’est pas rapportée, la seule production du courriel d’un ancien salarié de la société Cegid daté du 8 décembre 2017 reconnaissant l’implication de celle-ci et sa volonté d’indemniser le préjudice subi étant à l’évidence insuffisante.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté la société OGI de toutes ses demandes à l’encontre de la société Cegid.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société OGI succombant à l’action, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d’appel, elle sera aussi condamnée aux dépens. Il apparaît en outre équitable de la condamner à verser à la société Acta la somme de 4.000 euros et à la société Cegid celle de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant,

CONDAMNE la société Ouest Gestion Informatique (OGI) aux dépens ;

CONDAMNE la société Ouest Gestion Informatique (OGI) à payer à la société Acta la somme de 4.000 euros et à la société Cegid celle de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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