Logiciels : 23 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/04643

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Logiciels : 23 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/04643

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 23/03/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/04643 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TJBR

Jugement (N° 19/01289)

rendu le 06 octobre 2020 par le tribunal judiciaire d’Avesnes-sur-Helpe

APPELANT

Monsieur [L] [H]

né le 16 mars 1982 à [Localité 2]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 2]

bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 59178/002/20/09307 du 24/11/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai

représenté par Me Romain Soual, avocat au barreau d’Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué

INTIMÉE

La S.A. Linkeo.com

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Stéphane Galland, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Alain Pimont, avocat au barreau de Rouen, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 15 décembre 2022 tenue par Céline Miller magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 avril 2022

****

Le 22 février 2018, M. [L] [H], auto-entrepreneur exerçant une activité de travaux de maçonnerie générale et de gros oeuvre en bâtiment sous l’enseigne Batifred, a conclu avec la SA Linkeo.com un bon de commande valant contrat de prestation et de location d’une solution logicielle correspondant à la fourniture d’un site internet pour le financement duquel il a conclu un contrat de licence d’exploitation, stipulant le paiement de 48 loyers mensuels de 360 euros TTC s’échelonnant du 26 mars 2018 au 26 février 2022, outre des frais de mise en service de 1 152 euros TTC.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 avril 2018, il a sollicité l’annulation du contrat en indiquant ne plus être en capacité de poursuivre son activité.

Par lettres recommandées avec accusé de réception des 6 avril et 23 mai 2018, la SA Linkeo lui a rappelé que le contrat avait été conclu pour une durée ferme et irrévocable de 48 mois et a précisé que sa résiliation anticipée entraînerait l’arrêt des prestations, ainsi que le règlement intégral des échéances échues impayées et à échoir, majorées de la clause pénale et des intérêts de retard.

Par actes d’huissier de justice des 14 et 21 août 2019, M. [L] [H] a fait assigner la S.A. Linkeo aux fins d’obtenir la nullité ou, subsidiairement, la résolution du contrat de prestation de service, la caducité du contrat de licence d’exploitation, la restitution des sommes versées en exécution du contrat et l’octroi de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 6 octobre 2020, le tribunal judiciaire d’Avesnes-sur-Helpe a :

– débouté M. [H] de sa demande de nullité du contrat de prestation de service,

– constaté la résiliation de celui-ci prononcée par la SA Linkeo aux torts exclusifs de M. [H],

– condamné celui-ci à payer à la société Linkeo

* la somme de 16 920 euros au titre des mensualités courant jusqu’au terme du contrat, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation des intérêts,

* la somme de 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement,

* la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [H] aux entiers dépens de la présente procédure,

– dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire de la décision.

M. [H] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions et, aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 février 2021, demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

– A titre principal, prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 22 février 2018 entre lui-même et la société Linkeo.com ;

– Constater la caducité du contrat de licence d’exploitation conclu le même jour en raison de son interdépendance avec le contrat de vente ;

– Subsidiairement, prononcer la résolution du contrat de vente conclu le 22 février 2018 entre lui-même et la société Linkeo.com aux torts de celle-ci ;

– Constater la caducité du contrat de licence d’exploitation conclu le même jour en raison de son interdépendance avec le contrat de vente ;

– Dire que les parties devront être remises dans l’état antérieur à la conclusion du contrat, par suite, ordonner à la société linkeo.com de lui restituer la somme de 1 512 euros au titre des sommes par lui indûment versées en conséquence de l’anéantissement du contrat ;

– Condamner la société Linkeo.com à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et ce avec capitalisation desdits intérêts ;

– En tout état de cause, condamner la société Linkeo.com aux entiers dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de sa demande en nullité du contrat principal, il fait valoir principalement que les dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile lui sont applicables dans ses rapports avec la société Linkeo.com ; que la société Linkeo.com a manqué à son obligation d’information précontractuelle prévue par les dispositions du code de la consommation ; qu’elle a méconnu l’interdiction de recevoir un paiement ou une contrepartie avant l’expiration du délai de sept jours à compter de la date de conclusion du contrat ; qu’à titre surabondant, l’objet du contrat du 22 février 2018 n’est pas certain en ce que les engagements de la société Linkeo.com ne sont pas suffisamment identifiables ;

Subsidiairement, il sollicite la résolution judiciaire du contrat principal au motif que la société Linkeo.com a manqué à ses obligations contractuelles de loyauté, de délivrance conforme et d’information et de conseil.

Il ajoute que le contrat de licence d’exploitation encourt la caducité sur le fondement de l’article 1186, alinéa 2 du code civil, en raison de l’anéantissement du contrat principal.

Il soutient qu’il a subi un préjudice moral incontestable, ayant le sentiment d’avoir été abusé par les pratiques douteuses et trompeuses du démarcheur de la société Linkeo.com et ayant subi le stress et les tracas inhérents à la procédure.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 4 mai 2021, la société Linkeo.com demande à la cour de débouter M. [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, confirmer en intégralité le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Douai le 6 octobre 2020 et y ajoutant, condamner M. [H] à lui payer à Linkeo.com la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens d’appel.

Elle fait essentiellement valoir que si elle ne conteste pas que certaines dispositions du code de la consommation soient applicables au contrat signé entre les parties, seules les dispositions de l’article L221-9 du code de la consommation sont prévues à peine de nullité ; qu’elle n’a pas manqué à son obligation d’information pré-contractuelle, l’exemplaire du bon de commande produit par M. [H] montrant qu’il a reçu toutes les informations prescrites par cet article ; que les dispositions de l’article L221-10 du code de la consommation prescrivant une interdiction de recevoir un paiement du consommateur avant un délai de sept jours ne sont pas prescrites à peine de nullité ; qu’en outre, aucun règlement n’a été perçu par ses soins avant le délai de sept jours ; que l’objet du contrat était parfaitement déterminé, le bon de commande précisant qu’il portait sur la création, la configuration et la mise en ligne sur les réseaux internet d’un site internet créé au nom et pour le compte du client et administré par lui avec hébergement du site par Linkeo, outre la location d’une licence d’utilisation des logiciels propriétés de Linkeo ; que les conditions tarifaires sont également parfaitement exposées.

Elle ajoute que M. [H], qui n’a pas répondu à ses sollicitations lors de la phase de création du site web, n’a jamais procédé à des observations, remarques ou réserves quand au projet qui lui a été soumis, ni n’a formulé la moindre réclamation sur la qualité de la prestation une fois le site mis en ligne, sa demande de résiliation anticipée du contrat formulée par courrier du 4 avril 2008 ne mentionnant que le fait qu’il ne pouvait plus poursuivre son activité. Elle précise qu’il ne l’a jamais mise en demeure d’avoir à procéder à une quelconque modification du site ou à exécuter une obligation qu’elle aurait omise.

Elle conclut à la confirmation du jugement en ce que celui-ci a constaté la résiliation du contrat par elle-même aux torts exclusifs de M. [H] et condamné celui-ci en paiement des sommes dues du fait de cette résiliation.

Elle souligne que la demande de dommages et intérêts complémentaires de M. [H] n’est fondée sur aucune faute de sa part, aucun préjudice établi et aucun lien de causalité entre la prétendue faute et le prétendu préjudice.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en nullité du contrat principal

* Sur l’application de la législation consumériste

Aux termes de l’article L221-1 du code de la consommation, ‘I. – Pour l’application du présent titre, sont considérés comme :
1° Contrat à distance : tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat ;
2° Contrat hors établissement : tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :
a) Dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur ;
b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d’une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ;
c) Ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur ;
3° Support durable : pour l’application du chapitre Ier du présent titre, tout instrument permettant au consommateur ou au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement afin de pouvoir s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l’identique des informations stockées ;
4° Contenu numérique : des données produites et fournies sous forme numérique.
II – Les dispositions du présent titre s’appliquent aux contrats portant sur la vente d’un ou plusieurs biens, au sens de l’article 528 du code civil, et au contrat en vertu duquel le professionnel fournit ou s’engage à fournir un service au consommateur en contrepartie duquel le consommateur en paie ou s’engage à en payer le prix. Le contrat ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens est assimilé à un contrat de vente.’

L’article L22-3 dudit code précise que ‘Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre (relatif aux contrats conclus à distance et hors établissement) applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.’

En l’espèce, il n’est pas contesté que M. [L] [H] exerce sous le statut d’auto-entrepreneur une activité de maçonnerie et de gros oeuvre et qu’il a été démarché à son domicile pour conclure un contrat portant sur la création d’un site internet, lequel n’entre pas dans le champ de son activité professionnelle principale.

C’est donc à bon droit que le premier juge a retenu que le contrat hors établissement conclu entre les parties était soumis à la législation consumériste.

* Sur le respect de l’obligation d’information

Aux termes de l’article L221-5 du code de la consommation dans sa version applicable aux relations entre les parties, ‘préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L.111-1 et L.111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat. (…)’

L’article L111-1 du même code, auquel renvoie le texte précédent, prévoit qu’ ‘avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L112-1 à L112-4 ;

3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;
5° S’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en ‘uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
Les dispositions du présent article s’appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité, lorsqu’ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d’une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l’environnement.’

L’article L221-8 prévoit que dans le cas d’un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l’accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues à l’article L.221-5. Ces informations doivent être rédigées de manière lisible et compréhensible.

L’article L221-9 dudit code ajoute que ‘Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L221-5.
Le contrat mentionne, le cas échéant, l’accord exprès du consommateur pour la fourniture d’un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l’expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l’exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L. 221-5.’

Enfin, l’article L242-1 du même code précise que les dispositions de l’article L221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

*

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le 22 février 2018, M. [L] [H] a signé avec la société Linkeo.com, dans le cadre d’un démarchage à domicile, un bon de commande portant contrat de prestation et de location d’une solution logicielle.

Tout d’abord, il n’est pas justifié des informations précontractuelles qui lui auraient été communiquées de manière lisible et compréhensible préalablement à la signature du bon de commande.

Cependant, la cour relève que l’article L221-8 précité n’est pas prescrit à peine de nullité.

En ce qui concerne les informations portées sur le contrat, la cour précise tout d’abord que l’exemplaire du contrat laissé à M. [H] consiste en une copie carbone de celui-ci, dont les mentions ne sont pas toutes lisibles, notamment en ce qui concerne les options souscrites.

Par ailleurs, s’il est mentionné dans les conditions particulières que le contrat porte sur la création d’un site internet de cinq pages sous le nom de domaine intitulé ‘www.batifred.com ou .fr’, comportant en ‘options site/communication/support’ un module ‘review’, un module ‘social’ et une option ‘expert SEO’, la mise en service étant facturée 1 152 euros TTC après remise et les ‘maintenance et services’ étant facturés 360 euros TTC par mois après remise, avec une durée d’engagement sur 48 mois, la cour observe d’une part que la désignation des prestations mentionnées dans les conditions particulières au titre des options est non seulement tout à fait obscure, mais encore n’est pas précisée dans les conditions générales, d’autre part qu’il n’est pas précisé, ni dans les conditions particulières ni dans les conditions générales, les prestations auxquelles la société Linkeo.fr s’engage au titre des ‘maintenance et services’.

En outre, il n’est nulle part indiqué le prix global de l’opération, d’un montant non négligeable de 17 280 euros, alors qu’aux termes de l’article L.112-4 du code de la consommation, auxquels renvoient successivement les articles L221-9 et L221-5 précités, ‘dans le cas d’un contrat à durée indéterminée ou d’un contrat assorti d’un abonnement, le prix total inclut le total des frais exposés pour chaque période de facturation. Lorsque de tels contrats sont facturés à un tarif fixe, le prix total inclut également le total des coûts mensuels. (…)’

Le grief soulevé par M. [H] relatif à l’absence de mention du délai d’exécution de la prestation, en ce qui concerne les étapes de conception du site internet et sa mise en ligne, n’est en revanche pas fondé des lors que ces indications sont apportées – quoique de manière peu claire – dans les articles 15.4 et 8 des conditions générales.

Enfin, il convient de relever que les conditions générales et particulières de vente reproduites sur le bon de commande ne font aucune référence à la faculté pour le client de saisir le médiateur de la consommation en cas de litige.

Au vu de ces éléments, le contrat conclu entre les parties ne comportant pas plusieurs des mentions prévues par l’article L221-9 précité à peine de nullité, la décision entreprise sera infirmée et il sera prononcé la nullité du contrat de prestation de service principal.

Sur les conséquences de la nullité du contrat principal

Aux termes de l’article 1178 du code civil, ‘un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord. Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. Indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.’

En conséquence de la nullité du contrat principal, M. [H] devra restituer le site internet et le nom de domaine qui lui ont été fournis par la société Linkeo.com, tandis que celle-ci devra lui restituer le montant des sommes par lui payées en exécution du contrat, soit la somme de 1 512 euros correspondant aux frais de mise en service du site internet.

De ce fait, la société Linkeo.com sera également déboutée de ses demandes en résiliation du contrat aux torts de M. [H] et en paiement.

Sur la caducité du contrat accessoire

Aux termes de l’article 1186 du code civil, un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît. Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.

L’article 1187 dudit code ajoute que la caducité met fin au contrat. Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

En l’espèce, bien qu’un seul instrumentum ait été formalisé entre les parties, leurs relations contractuelles s’analysent en un contrat principal de fourniture de site internet et un contrat accessoire de location de licence d’exploitation dont l’exécution est rendue impossible par la disparition du premier contrat.

La nullité du premier entraîne donc la caducité du second.

Il n’y a pas lieu à restitution de ce chef, M. [H] n’alléguant pas avoir réglé les mensualités contractuellement prévues.

Sur la demande de dommages et intérêts

Aux termes de l’article 1178 précité, ‘indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.’

A cet égard, l’article 1240 du code civil prévoit que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, le contrat souscrit entre les parties a été annulé en raison d’un manquement de la société Linkeo.com à son obligation d’information contractuelle.

En omettant d’informer M. [H] sur toute la portée de son engagement, la société Linkeo.com a commis une faute, laquelle est à l’origine pour celui-ci, d’un préjudice qui s’analyse en une perte de chance de ne pas contracter.

Or M. [H] réclame la réparation de son préjudice moral lié d’une part à l’insatisfaction qu’il a ressentie, ayant le sentiment de s’être fait abuser par les promesses du démarcheur de la société Linkeo.fr au vu du caractère insatisfaisant des prestations fournies et d’autre part au stress et tracas inhérents à la procédure.

Compte tenu de la perte de chance ci-dessus évoquée, qui ne saurait être égale à l’entier préjudice subi, il convient de condamner la société Linkeo.com à payer à M. [H] la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice.

Sur les autres demandes

Succombant en appel, la société Linkeo.com sera tenue aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Il convient par ailleurs de la condamner à payer à M. [L] [H] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, la société Linkeo.com sera déboutée de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du contrat de prestation de service conclu le 22 février 2018 entre M. [L] [H] et la S.A. Linkeo.com,

Ordonne la restitution par M. [L] [H], du site internet et du nom de domaine (www.batifred.com ou www.batifred.fr) livrés par la société Linkeo.com ;

Condamne la S.A. Linkeo.com à payer à M. [L] [H] la somme de 1 512 euros en restitution des sommes versées par celui-ci au titre du contrat annulé ;

Constate la caducité du contrat accessoire de location de solution logicielle conclu entre les mêmes parties ;

Condamne la S.A. Linkeo.com à payer à M. [L] [H] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Déboute la S.A. Linkeo.com de ses demandes en résiliation de contrat et en paiement ;

La condamne aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer à M. [L] [H] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.

Le greffier, Le président,

Delphine Verhaeghe. Bruno Poupet.

 


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