Logiciels : 15 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/04057

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Logiciels : 15 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/04057
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 15 MAI 2023

N° RG 21/04057 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MG2U

S.A.S. EUROBATI DECO

c/

S.A.S. LOCAM

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 mai 2021 (R.G. 2020F00545) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 13 juillet 2021

APPELANTE :

S.A.S. EUROBATI DECO, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]

représentée par Maître Julien PLOUTON de la SELAS JULIEN PLOUTON, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.S. LOCAM, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]

représentée par Maître Bertrand GABORIAU de la SELARL B.G.A., avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 20 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le 29 février 2016, la société Eurobati Déco exerçant une activité de travaux de revêtement de sols, peinture, béton décoratif, a passé commande auprès de la société Linkeo.com d’une prestation de location d’une solution logicielle, à savoir la location d’un site internet, pour une durée de 48 mois moyennant des mensualités de 180 euros.

La société Linkeo.com a cédé ce contrat à la société Locam.

La société Eurobati Déco a cessé de s’acquitter du versement des loyers à compter du mois d’août 2017. Par courrier recommandé du 17 novembre 2017, la société Locam a mis en demeure la société Eurobati Déco de lui payer la somme de 786,33 euros correspondant à trois mensualités impayées, sous peine de résiliation du contrat. A défaut de paiement, elle a ensuite saisi d’une requête en injonction de payer le président du tribunal de commerce de Bordeaux, après avoir prononcé la déchéance du terme.

Par ordonnance du 23 décembre 2019, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a enjoint à la société Eurobati Déco de régler la somme de 5 440,23 euros à la société Locam.Le 02 juin 2020, la société Eurobati Déco a formé opposition à ladite ordonnance.

Par jugement contradictoire du 27 mai 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

– dit l’opposition à l’injonction de payer de la société Eurobati Déco recevable en la forme,

– dit la société Locam recevable en ses écritures,

– débouté la société Eurobati Déco de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

– condamné la société Eurobati Déco à payer à la société Locam la somme de 5 536,26 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017,

– condamné la société Eurobati Déco à payer à la société Locam la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Eurobati Déco aux entiers dépens en ceux compris les frais d’injonction de payer.

Le tribunal de commerce, pour juger comme il l’a fait, a notamment considéré que les dispositions des articles L 221-1 et suivants du code de la consommation n’étaient pas applicables car la société Eurobati Déco avait souscrit ce contrat de location dans le cadre de ses besoins professionnels.

Par déclaration du 13 juillet 2021, la société Eurobati Déco a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Locam.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 12 octobre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Eurobati Déco, demande à la cour de :

– infirmer le jugement du 27 mai 2021 en toutes ses dispositions,

– en conséquence,

– réformer l’ordonnance portant injonction de payer en toutes ses dispositions,

– à titre liminaire et principal,

– déclarer irrecevable l’action de la société Locam et la débouter de ses demandes,

– à titre subsidiaire,

– prononcer la nullité du contrat conclu avec la société Linkeo le 29 février 2016,

– débouter la société Locam, cessionnaire du contrat, de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la société Locam à lui verser la somme de 3 060 euros au titre des restitutions,

– à titre infiniment subsidiaire,

– constater l’inexécution contractuelle de la société Linkeo,

– débouter la société Locam, cessionnaire du contrat, de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la société Locam à lui verser la somme de 3 060 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’inexécution contractuelle,

– en tout état de cause,

– condamner la société Locam à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens.

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 11 janvier 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Locam, demande à la cour de :

– vu les dispositions des articles 1134 et 1152 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme des contrats,

– vu les articles L. 121-21-8 3° du code de la consommation,

– vu les stipulations contractuelles,

– déclarer la société Eurobati Déco mal fondée en son appel,

– débouter la société Eurobati Déco de son appel du jugement du 27 mai 2021 et de ses demandes tendant à voir :

– déclarer irrecevable son action,

– prononcer la nullité du contrat conclu avec la société Linkeo le 29 février 2016,

– débouter la société Locam, cessionnaire du contrat de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la société Locam à lui verser la somme de 3 060 euros à titre de dommages et intérêts,

– subsidiairement constater l’inexécution contractuelle de la société Linkeo, – débouter la société Locam, cessionnaire du contrat de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la société Locam à lui verser la somme de 3 060 euros à titre de dommages et intérêts,

– en tout état de cause, condamner la société Locam à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– en conséquence,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 27 mai 2021,

– condamner la société Eurobati Déco à lui payer la somme en principal de 5536,26 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure du 17 novembre 2017 soit le 20 novembre 2017,

– condamner, au surplus, la société Eurobati Déco à lui payer la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les frais d’injonction de payer.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 06 mars 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du 20 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS

* Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir :

1- L’appelante soutient que l’intimée ne justifie pas de sa qualité à agir à défaut de justifier de la cession du contrat intervenue à son profit, notamment par la production d’un écrit.

2- La version de l’article 1216 du code civil dont l’appelante sollicite l’application n’est entrée en vigueur qu’au 1er octobre 2016. Elle n’est donc pas applicable à cette cession qui est concomitante à la signature du contrat en date du 29 février 2016 ( la facture unique de loyers est datée du 30 mars 2016).

3- Aux termes de l’article 1690 du code civil, le cessionnaire n’est saisi à l’égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins le cessionnaire peut être également saisi par l’acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique.

4-L’accomplissement de l’une ou l’autre de ces formalités n’était cependant pas exigé par la jurisprudence si le débiteur cédé avait eu connaissance de cette cession et l’a acceptée sans équivoque. Ainsi le débiteur cédé qui a su et a accepté la cession de créance de façon certaine et non équivoque ne peut-il se prévaloir du défaut des formalités prévues par l’art. 1690. (Civ. 1re, 19 sept. 2007, no 06-11.814 P. ). L’acceptation ne peut cependant être déduite du seul comportement passif du débiteur qui a eu connaissance de la cession et qui n’a pas émis de réserve.

5- En l’espèce, la société Eurobati Déco a donné son accord à la cession de manière anticipée dans les conditions générales de vente qu’elle a ratifiées ( article 12), la société Locam étant par ailleurs présentée comme l’une des sociétés susceptibles de se voir céder le contrat.

6- La cession est donc régulière, même en l’absence de signification. La décision de première instance sera confirmée sur ce point.

* Sur la demande visant à voir prononcer la nullité du contrat au visa de l’article L 121-16-1 III ( devenu L 221-3) du code de la consommation :

7- Aux termes de l’article L 121-18-1 du code de la consommation dans sa version applicable à ce litige, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties. Ce contrat comprend, à peine de nullité [c’est nous qui soulignons], toutes les informations mentionnées au I de l’article L. 121-17.

8- Aux termes de l’article L 121-17,

I-préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;

3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 121-21-5 ;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 121-21-8, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat.

II.-Si le professionnel n’a pas respecté ses obligations d’information concernant les frais supplémentaires mentionnés au I de l’article L. 113-3-1 et au 3° du I du présent article, le consommateur n’est pas tenu au paiement de ces frais.

III.-La charge de la preuve concernant le respect des obligations d’information mentionnées à la présente sous-section pèse sur le professionnel.

Le contrat mentionne, le cas échéant, l’accord exprès du consommateur pour la fourniture d’un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l’expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l’exercice de son droit de rétractation.

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° du I de l’article L. 121-17.

9- Aux termes de l’article L 121-16-1 III dans sa version applicable à ce litige, III, les sous-sections 2, 3, 6, 7 et 8, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité [C’est nous qui soulignons] et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

10- Il n’est pas contesté que le contrat a été conclu hors établissement. Il est justifié que l’entreprise emploie moins de cinq salariés ( sa pièce 4).

11- Contrairement à ce qui est soutenu et qui a été jugé, la souscription d’un contrat de location de site internet n’entre pas dans le champ de l’activité principale d’un professionnel en bâtiment. La notion de besoin professionnel retenue par les premiers juges n’est pas prévue par les textes.

12- L’appelante est donc bien fondée à solliciter l’application des articles susvisés, et notamment à demander à voir prononcer la nullité du contrat de location dans l’hypothèse où celui-ci ne comporte pas tous les éléments prévus à l’article L 121-17 du code de la consommation.

13-En l’espèce, il n’est pas contesté que le contrat ne comportait aucun formulaire de rétractation, ni aucune mention relative à l’exercice de cette faculté. Toutes les mentions visées à l’article L 121-17 n’y sont pas insérées. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu, la création d’un site internet ne rentre pas dans la catégorie des biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés visées à l’article L 121-21-8 du même code. En tout état de cause, dans l’hypothèse où le client démarché ne bénéficierait pas d’un droit de rétractation, cette exclusion aurait dû être mentionnée dans le contrat, ce qui n’a pas été fait.

14- Il convient dès lors de prononcer la nullité du contrat de prestations de service.

15- La société Locam devra donc restituer l’intégralité des loyers perçus. Le site a déjà été suspendu puisque le contrat a été résilié. Il n’y a donc pas lieu d’ordonner sa restitution.

16- La société Locam sera condamnée à verser la somme de 3060 euros à la société Eurobati Déco au titre de la restitution des loyers.

17- La décision de première instance sera ainsi infirmée

* Sur les demandes accessoires :

18- La société Locam qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel et de première instance.

19- La société Locam sera condamnée à verser la somme de 2000 euros à la société Eurobati Déco au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort

Infirme la décision rendue par le tribunal de commerce de Bordeaux le 27 mai 2021 sauf en ce qu’elle a déclaré recevable la demande de la société Locam,

et statuant à nouveau,

Prononce la nullité du contrat conclu entre la société Eurobati Déco et la société Linkeo.com le 29 février 2016 et cédé à la société Locam,

Condamne la société Locam à verser la somme de 3060 euros à la société Eurobati Déco au titre de la restitution des loyers,

y ajoutant

Condamne la société Locam aux dépens d’appel et de première instance.

Condamne la société Locam à verser la somme de 2000 euros à la société Eurobati Déco au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 


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