Logiciels : 21 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/01459

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Logiciels : 21 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/01459

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59E

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 SEPTEMBRE 2023

N° RG 22/01459 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VBWP

AFFAIRE :

S.A.R.L. TMSI-AV

C/

S.A.S.U. DATA DYNAMIC SYSTEMS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Janvier 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 2019F01886

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Ondine CARRO

Me Emmanuel MOREAU

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. TMSI-AV

N° SIREN : 514 609 205

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Ondine CARRO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C212 et Me Stéphane MAIGRET substituant à l’audience Me Cyril TRAGIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0524

APPELANTE

****************

S.A.S.U. DATA DYNAMIC SYSTEMS

RCS Paris n° 329 324 792

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuel MOREAU de la SCP MOREAU E. & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 147 et Me Florian MAYOR et Me Ariane OLIVE du cabinet SPARK Avocats, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R244

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Juin 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La société TMSI-AV, est une société à responsabilité limitée dont le siège social est sis [Adresse 2] et qui a notamment pour activité le transport maritime et côtier de passagers. Dans le cadre de son activité, la société TMSI-AV gère les liaisons de frets maritimes entre l’archipel de [Localité 5] et le Canada.

La société Data Dynamic Systems, ci-après dénommée la société DDS, est une société par actions simplifiée dont le siège social est sis [Adresse 1] qui a notamment pour activité l’édition de logiciels applicatifs.

A la suite d’échanges précontractuels dans le cadre desquels la société TMSI-AV a communiqué à la société DDS le 24 mai 2017 le « guide d’utilisation système informatique de transport » présentant les caractéristiques de l’outil informatique utilisé au sein de l’entreprise, la société TMSI-AV a accepté, le 3 juillet 2017, la proposition commerciale émise par la société DDS portant sur une solution informatique de gestion des flux de transport.

Invoquant l’inadaptation de la solution logicielle proposée à ses besoins, la société TMSI-AV, par courrier recommandé du 27 juin 2018, a demandé à la société DDS soit de mettre à sa disposition une solution adaptée, soit de lui rembourser l’intégralité des sommes versées, soit la somme de 87.199 €.

Par un second courrier recommandé du 16 janvier 2019, la société TMSI-AV a notifié à la société DDS la résolution du contrat et l’a mise en demeure de lui rembourser la somme de 87.199 €, ce que la société DDDS a refusé.

Par acte d’huissier du 4 novembre 2019, la société TMSI-AV, a fait assigner la société DDS devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par jugement du 26 janvier 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :

– Débouté la société TMSI-AV de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la société Data Dynamic Systems de ses obligations précontractuelles d’information et de conseil;

– Débouté la société TMSI-AV de sa demande de dommages et intérêts pour violation par la société Data Dynamic Systems de ses obligations contractuelles ;

– Débouté la société TMSI-AV de sa demande de dommage et intérêts pour préjudice moral;

– Débouté la société Data Dynamic Systems de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– Condamné la société TMSI-AV à payer à la société Data Dynamic Systems la somme de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement ;

– Condamné la société TMSI-AV aux dépens de l’instance ;

– Liquidé les dépens du greffe à la somme de 74,54 €, dont TVA 12,42 €.

Par déclaration du 11 mars 2022, la société TMSI-AV a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 31 mars 2023, la société TMSI-AV demande à la cour de :

– Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 26 janvier 2022 (RG n° 2019F01886) en ce qu’il a :

– Débouté la société TMSI-AV de sa demande de dommages et intérêts pour violation par la société anonyme Data Dynamic Systems de ses obligations précontractuelles d’information et de conseil,

– Débouté la société TMSI-AV de sa demande de dommages et intérêts pour violation par la société anonyme Data Dynamic Systems de ses obligations contractuelles,

– Débouté la société TMSI-AV de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

– Condamné la société TMSI-AV à payer à la société Data Dynamic Systems la somme de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

– Condamné la société à responsabilité limitée TMSI-AV aux dépens de l’instance.

Statuant à nouveau :

– Condamner la société Data Dynamic Systems à payer à la société TMSI-AV la somme en principal de 106.726,56 €, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier que cette dernière a subi ;

– Condamner la société Data Dynamic Systems à payer à la société TMSI-AV la somme en principal de 10.000 €, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

– Dire que les sommes de 87.199 € et de 10.000 € seront assorties des intérêts moratoires au

taux légal à compter du 16 janvier 2019 ;

– Dire que la somme de 19.527,56 € sera assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ;

– Ordonner la capitalisation des intérêts échus ;

– Condamner la société Data Dynamic Systems à payer à la société TMSI-AV la somme de 10.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société Data Dynamic Systems aux entiers dépens de l’instance et autoriser Me Carro, avocat au barreau de Versailles, à en recouvrer directement le montant, pour ceux la concernant.

Par dernières conclusions notifiées le 9 mai 2023, la société Data Dynamic Systems demande à la cour de :

– Déclarer la société TMSI-AV irrecevable et infondée en ses demandes ;

– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 26 janvier 2022 ;

– Par conséquent, rejeter les demandes de la société TMSI-AV ;

Y ajoutant

– Condamner la société TMSI-AV à payer à la société Data Dynamic Systems une somme de 15.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société TMSI-AV aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 mai 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La société TMSI-AV fait valoir que la société DDS a manqué à son obligation précontractuelle d’information, dans la mesure où elle ne s’est jamais enquise avec précision de ses besoins, la conduisant à proposer un logiciel inadapté, alors que le 24 mai 2017, elle avait remis au prestataire un ” Guide d’utilisation système informatique de transport “, document très détaillé précisant les fonctions attendues de la solution logicielle valant cahier des charges. L’appelante considère que la société DDS a, par un aveu judiciaire, reconnu le manquement à son obligation d’information précontractuelle, en indiquant dans ses conclusions en première instance qu’elle ne pouvait pas répondre à ce cahier des charges, ce qu’elle ne lui a jamais indiqué. La société TMSI-AV souligne que l’absence de prise en compte de ses besoins a conduit la société DDS à émettre un devis complémentaire de 80.000 €, sans commune mesure avec le devis initial d’un montant de 30.750 €. L’appelante relève que la proposition commerciale de la société DDS a été adressée à la suite de l’envoi du guide d’utilisation, ce qui démontre selon elle que le devis a été établi sur la base de ce document.

La société TMSI-AV reproche par ailleurs un manquement de la société DDS Logistics à ses obligations contractuelles d’information et de délivrance, dans la mesure où la solution logicielle proposée n’a jamais satisfait ses besoins, l’intimée ayant tenté de lui imposer son logiciel standard au mépris de ses besoins. Elle souligne et qu’elle n’a ainsi jamais mis en place des modèles de documents permettant, notamment, à la société TMSI-AV d’imprimer des documents tels qu’une facture, un connaissement ou un manifeste. Elle explique que l’absence de convergence entre ses besoins exprimés et la solution logicielle non fonctionnelle dont l’installation est intervenue au mois de novembre 2017 l’a contrainte à établir un nouveau document de 40 pages, intitulé ” Processus de saisie DSP attendu “, remis le 14 mai 2018 à la société DDS, afin de rappeler ses attentes non prises en compte, qui figuraient déjà dans le guide d’utilisation, remis le 24 mai 2017.

Elle réclame le remboursement de la somme de 106.726,56 € réglée à la société DDS Logistics, outre 10.000 € au titre de son préjudice moral.

La société DDS Logistics conclut à la confirmation du jugement. Elle expose que son ingénieur commercial a demandé des précisions quant au périmètre d’intervention à couvrir ainsi qu’aux fonctions attendues par la société TMSI-AV ; que cette dernière n’a pas répondu et lui a simplement remis le 24 mai 2017 un guide d’utilisation d’un système informatique de transport présentant les caractéristiques de l’outil informatique utilisé en interne ; qu’il n’a été à aucun moment précisé que ce guide d’utilisation devait être considéré comme un cahier des charges ou encore que l’ensemble des fonctionnalités utilisées jusqu’alors en interne devait se retrouver dupliqué dans la solution proposée. L’intimée ajoute qu’il a été expliqué à la société TMSI-AV, lors du rendez-vous du 1er juin 2017 et tout au long de la relation contractuelle que la solution DDS Freight était une solution standard adaptée aux services de transports transitaires et qu’elle pouvait faire l’objet de développements spécifiques afin de l’adapter au fonctionnement et à l’activité de la société TMSI-AV sous réserve d’une tarification complémentaire, satisfaisant ainsi à son obligation d’information précontractuelle. La société DDS soutient qu’à l’issue de la présentation de la solution standard, la société TMSI-AV n’a formulé aucune demande complémentaire et qu’elle a confirmé par un courriel du 29 juin 2017 que la solution standard remplissait bien tous les critères. L’intimée souligne que le bon de commande du 3 juillet 2017, signé après de nombreux échanges entre les parties sur les prestations contractuelles, fait référence à la solution standard DDS Freight sous réserve de la possibilité de répliquer la base de données Oracle dont elle n’a pas été chargée. Elle affirme que la convergence destinée à paramétrer au mieux la solution standard a été réalisée et qu’elle n’avait pas pour objet l’analyse des développements spécifiques nécessaires pour la reproduction du fonctionnement du logiciel appliqué initialement par la société TMSI-AV. L’intimée fait valoir que la société TMSI-AV n’a émis aucune critique concernant les prestations jusqu’au mois de mai 2018, à la suite de l’envoi d’un dénommé ” processus de saisie DSP attendu ” qui détaillait les besoins sur mesure de la société TMSI-AV, lesquels besoins, émis tardivement, sortaient du cadre forfaitaire initialement convenu entre les parties et ont fait l’objet d’un devis complémentaire.

La société DDS Logistics conteste également tout manquement à son obligation d’information contractuelle et à son devoir de conseil. Elle indique avoir adressé à la société TMSI-AV de nombreuses chartes projet constituant le socle de la prestation qu’elle était en mesure de fournir, sans contestation de la part du client. Elle souligne que les chartes précisaient que la solution devant être mise en place était la solution standard, accompagnée de développements spécifiques d’ores et déjà identifiés et que si d’autres développements particuliers devaient être réalisés, alors de nouvelles conditions tarifaires devaient être envisagées. L’intimée ajoute que la société MTSI-AV a réglé les factures se rapportant à la solution standard et celles concernant des développements complémentaires, ce qui démontre selon elle que l’appelante avait compris les conditions contractuelles.

Enfin, la société DDS Logistics conteste le préjudice moral invoqué par l’appelante qu’elle estime non justifié.

*****

L’article 1103 du code civil dispose que : ” Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits “.

L’article 1104 du même code énonce que : ” Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public “.

Par ailleurs, l’article 1112-1 du code susvisé prévoit que : ” Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir. Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants “.

Enfin, selon l’article 1353, alinéa 2 du code précité : ” Celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation “.

Sur le manquement à l’obligation précontractuelle d’information

Il ressort des échanges de courriels communiqués par les parties que le 22 mai 2017, dans le cadre de la préparation d’une réunion de présentation de la solution DDS Freight, la société DDS a demandé à la société TMSI-AV de fournir des précisions concernant ses besoins en ces termes : ” ‘ Par ailleurs, afin que nous puissions préparer le RV au mieux, pourriez-vous SVP m’indiquer le périmètre à couvrir ainsi que les fonctions attendues ‘ ‘”.

La société TMSI-AV a alors répondu le 24 mai suivant en transmettant ” le dossier de présentation du logiciel actuellement utilisé pour le transport maritime “, correspondant à un descriptif de l’application exploitée au sein de l’entreprise.

Si la société DDS soutient que la société TMSI-AV n’a pas précisé que le guide d’utilisation ainsi transmis devait être considéré comme un cahier des charges, ni que la solution devait reprendre l’ensemble des fonctionnalités de l’ancien outil, il apparaît qu’en répondant à la demande d’expression des besoins par la communication du guide de présentation du logiciel exploité au sein de l’entreprise, la société TMSI-AV a souhaité, à cette date, faire entrer dans le champ contractuel les fonctionnalités de l’outil informatique utilisé en interne.

Néanmoins, la cour constate que dans le cours des discussions précontractuelles qui ont suivi et jusqu’à la signature du bon de commande le 3 juillet 2018, la société TMSI-AV a fait part de sa satisfaction vis-à-vis de la solution logicielle proposée par la société DDS et n’a plus jamais fait allusion à son guide d’utilisation.

Ainsi, à la suite de la réunion de présentation par la société DDS du logiciel DDS Freight du 1er juin 2017, les parties ont longuement échangé, notamment les 19, 20 et 21 juin 2017 à propos des fonctionnalités de la solution. Or, il n’est jamais fait référence au guide d’utilisation du logiciel exploité par la société TMSI-AV. Cette dernière n’a nullement rappelé qu’il était impératif que la solution DDS Freight présente exactement les mêmes fonctionnalités que celles utilisées en interne. L’appelante affirme qu’au cours de la réunion du 1er juin 2017, son président M. [O] a insisté sur ce point ; toutefois ces dires ne sont corroborés par aucune pièce probante. La société DDS justifie avoir transmis à la société TMSI-AV, dans le cadre des échanges intervenus entre le 19 et le 21 juin 2017, le guide d’utilisation du logiciel standard DDS Freiht, sans réaction de la part du client.

Il résulte des courriels produits par la société DDS en pièces n°8 et 9 qu’une nouvelle réunion a été organisée le 23 juin 2017. A la suite de cette rencontre, M. [K], chargé de R & D au service informatique et responsable du projet relatif à la nouvelle solution logicielle au sein de la société TMSI-AV, a écrit le 29 juin 2017 à M. [R], ingénieur commercial au sein de la société DDS que : ” ‘ Je sors d’une réunion durant laquelle étaient présents [V] [O], [W] [O] et [P] [Y]. [W] nous a validé que d’un point de vue métier, votre solution remplissait bien tous les critères requis “. M. [K] a ensuite relayé le souhait du dirigeant, [V] [O] de voir le coût annuel de la solution réduit afin de tenir comptes des développements à venir: ” Cela dit, [V] [O] désire que les coûts annuels soient descendus à 10 % autant pour les modules de base que pour les développements complémentaires. Comme son objectif serait, une fois ce premier outil pleinement intégré à notre fonctionnement, de continuer notre développement en vous commandant des modules supplémentaires, le poids croissant des taux actuels de maintenance freinerait notre évolution “. Il a ensuite demandé à la société DDS de chiffrer trois fonctionnalités supplémentaires au titre des développements. Ce courriel établit que la société TMSI-AV avait connaissance de ce que la solution logicielle proposée par la société DDS était un outil standard et que les développements spécifiques devaient faire l’objet de devis complémentaires. Il apparaît ainsi que la société DDS a rempli son obligation d’information précontractuelle à cet égard.

Le bon de commande signé par la société TMSI-AV le 3 juillet 2017 porte sur la solution DDS Freight sans autre précision et comprend en pièce jointe un descriptif technique du logiciel commandé sans référence au guide d’utilisation du logiciel exploité par l’appelante. Si cette dernière se prévaut de la mention manuscrite apposée sur le bon de commande aux termes de laquelle elle s’est engagée ” sous réserve de (‘) la faisabilité technique des besoins de réplication que nous vous avons exposés “, la société DDS précise que l’exigence de réplication porte sur la base de données Oracle et non sur le guide d’utilisation. La cour constate que dans le cadre d’un email du 29 juin 2017, soit 4 jours avant la signature du bon de commande, la société TMSI-AV fait référence à un besoin de réplication de l’ensemble du paramétrage et des données entre les bases des deux sites informatiques de St Pierre et d’Halifax. En outre, la charte projet communiquée par la société DDS à la société TMSI-AV le 13 novembre 2017 fait mention à l’article 2.1.3 de la ” réplication Oracle entre 2 sites géographiques (St Pierre et Halifax) “. Dans ces conditions, il n’est pas établi que la réplication évoquée dans le bon de commande concerne le guide d’utilisation remis plus d’un mois auparavant.

La société TMSI-AV soutient que la signature du bon de commande est intervenue après la transmission de son guide d’utilisation, ce qui démontrerait que ce document contractuel a été établi sur la base de ce guide. Toutefois, il doit être rappelé qu’après la communication du guide d’utilisation dont se prévaut l’appelante, des échanges sont intervenus entre les parties au cours de deux réunions et au travers d’emails portant sur les fonctionnalités de la solution. La cour constate qu’au regard de la teneur de ces courriels, M. [K], en sa qualité d’informaticien, bénéficiait manifestement des compétences requises pour appréhender les fonctionnalités offertes par le logiciel proposé par la société DDS. En outre, cette dernière a transmis le guide d’utilisation du logiciel standard DDS Freiht fin juin 2017, qui comporte un descriptif complet des fonctionnalités offertes par l’application. Enfin, le bon de commande comporte à nouveau en pièce jointe un document détaillant le logiciel commandé. Dans ces conditions, il ne peut être sérieusement soutenu qu’à la date de signature du bon de commande, la prestation devait consister en une réplique intégrale de l’outil utilisé en interne par la société TMSI-AV sur la base du guide d’utilisation transmis le 24 mai 2017, la société TMSI-AV ayant manifestement accepté de recourir à un outil standard à adapter pour obtenir des fonctionnalités non pas identiques, mais équivalentes.

Sur le manquement à l’obligation de conseil et à l’obligation de délivrance

A la suite de la signature du bon de commande le 3 juillet 2017, l’appelante justifie avoir interpelé la société DDS à propos de la nécessité de réaliser une convergence sur site par mail du 4 juillet 2017. Toutefois, il n’est pas contesté que cette réunion sur ce sujet a eu lieu et la société TMSI-AV ne démontre à nouveau pas avoir évoqué au cours de cette réunion la nécessité de répliquer l’intégralité des fonctionnalités de son logiciel alors que pour les motifs précités, cet élément n’avait pas été intégré au champ contractuel du bon de commande.

Il ressort de la charte projet communiquée par la société DDS à la société TMSI-AV par mail du 13 novembre 2017 que le document fait expressément référence en page 7 à la solution standard du logiciel et aux développements spécifiques à l’article 2.2.2 :

” 2.2.2 Périmètre fonctionnel

2.2.2.1 Standard

– module d’exploitation DDS Freight pour le maritime

– contrôle & factures

– module de communication étendue afin d’automatiser les échanges et personnaliser les éditions,

– CMR,

(‘)

2.2.2.2 Spécifiques

Flux interfaces identifiés et inclus dans le périmètre projet :

– interface standard Sage 100 (‘)

Eléments à la charge de TMSI-AV

– Réalisation des éditions au format TMSI-AV avec générateur d’état, infomaker, fourni par DDS Logistics

– Réalisation des évènements (alertes) avec moteur d’évènements

Hors périmètre :

– Interfaces avec les autres solutions “.

Il est en outre précisé en page 20 de la charte, à l’article 5.1 que ” les développements complémentaires hors spécifiques identifiés feront l’objet d’un devis d’analyse et de réalisation, et leur réalisation soumise à un bon de commande “.

L’ensemble de ces éléments relatifs tant à la fonctionnalité du logiciel qu’aux modalités de tarification des développements complémentaires n’ont fait l’objet d’aucune contestation, ni même de remarque de la part de la société TMSI-AV alors que les parties en ont manifestement discuté puisqu’un premier projet de charte a été transmis à cette dernière le 6 novembre 2017, avant communication de la version définitive par mail du 13 novembre 2017 (” Vous trouverez en PJ la mise à jour de la charte projet suite aux 2 points discutés vendredi dernier “). Il est en outre constant que la société TMSI-AV a validé plusieurs devis liés à des développements additionnels, qui sont versés aux débats (pièces n°32, 33, 38 de l’appelante).

La société DDS justifie avoir organisé, après la signature du bon de commande, un rendez-vous téléphonique le vendredi 6 octobre 2017 et un déplacement de M. [X], consultant chargé de la gestion du projet par la société DDS, sur les deux sites d’Halifax et de St Pierre du 21 au 31 octobre 2017.

A la suite de ce déplacement, M. [X] a adressé à M. [K] un compte rendu détaillé des points techniques évoqués qui portent essentiellement sur les fonctionnalités de l’outil. La société TMSI-AV ne justifie avoir formulé aucune contestation, ni même la moindre remarque

L’intimée communique encore en pièces n°14 à 18 des comptes rendus et échanges fournis et détaillés entre M. [X] et M. [K] du 21 novembre au 1er décembre 2017 concernant le logiciel commandé. A cette occasion, M. [X] a transmis deux documents power point relatifs à certaines fonctionnalités de l’outil. Il ressort également de ces documents que des ateliers ont été organisés à distance le 21 novembre 2017 portant notamment sur le “balayage rapide des choix standards + des menus de paramétrage back office impactés “, le ” recensement en séance des actions à réaliser “, ” la présentation du processus d’utilisation applicatif envisagé, par agence ” et la ” réflexion sur les profils métiers applicatifs à créer, sur les droits d’accès aux menus, par agence, par utilisateur, par profil “. Les courriels précités établissent également que le 1er décembre 2017, M. [X] a adressé à la société TMSI-AV un document technique de 25 pages relatif au ” profil manager sur entités DDS Freight Front Office “. Or, au cours de ces nombreux échanges, M. [K] n’a émis aucune remarque quant à l’inadaptation de l’outil proposé. Alors qu’aux termes de l’article 7.1 de la charte projet remise le 13 novembre 2017, les comptes rendus devaient être validés par le client, la cour constate que la société TMSI-AV ne justifie pas de la validation des comptes rendus des 15, 21, 23 et 29 novembre 2017, ne collaborant ainsi pas à la compréhension par la société DDS de ses besoins.

Contrairement à ce que prétend la société TMSI-AV, il n’est pas démontré que M. [O] était seul décisionnaire, alors que la charte projet communiquée par la société DDS à la société TMSI-AV par mail du 13 novembre 2017 n’évoque que M. [K], ” chef de projet de la maitrise d’ouvrage “, en tant que membre du comité de pilotage seul compétent pour la ” validation de l’analyse fonctionnelle “, sans contestation de la part de la société TMSI-AV.

La société DDS produit deux mails de M. [K] des 20 et 21 février 2018 manifestant sa satisfaction et un compte rendu d’une conférence téléphonique du 13 avril 2018 à laquelle MM. [O], [K] et [X] ont participé et dont il ressort que ” l’application fonctionne, les temps de réponse sont satisfaisants (‘), l’application est ” plaisante ” aux yeux de [V] [O] “. Les points négatifs relevés se limitent aux suivants :

– l’application et les écrans existants ne permettent pas d’optimiser la façon de travailler des équipes de TMSI-AV (et des autres entités amenées à travailler avec l’application),

– les formations à l’application ne sont pas souhaitées pour le moment (‘)

– l’application doit s’adapter à leurs modes de fonctionnement “.

Si le compte rendu évoque un certain nombre de besoins émis par la société TMSI-AV au cours de la réunion téléphonique, la cour constate que cette dernière n’a nullement dénoncé le caractère inadapté du logiciel, alors que par mail du 4 avril 2018, la société DDS a évoqué le démarrage de la phase de déploiement de l’application ” agence par agence ” sans contestation de la part du client.

Or, c’est par un courriel du 14 mai 2018, puis une réunion du 25 mai 2018, soit près d’un an après la présentation du logiciel DDS Freight, onze mois après avoir validé le bon de commande et alors que le déploiement de l’application était en cours d’organisation, que la société TMSI-AV a faire part pour la première fois de son mécontentement en soutenant que l’outil est inadapté aux besoins, que le guide d’utilisation transmis le 24 mai 2017 devait servir de trame au projet et en remettant un document de 40 pages intitulé ” Processus de saisie DSP attendu ” recensant toutes les modifications à apporter au logiciel pour qu’il réplique le guide d’utilisation.

Comme l’ont à juste titre relevé les premiers juges, ces récriminations et la remise du document apparaissent bien tardives, alors qu’il s’évince des motifs précités que la société DDS, au cours de la relation contractuelle, a été parfaitement claire sur la nature de l’outil vendu et les conditions tarifaires, sans que l’appelante ne formule la moindre remarque. Il doit être souligné qu’en dehors du mail de transmission du guide d’utilisation du 24 mai 2017, aucune pièce n’en fait mention jusqu’au mail du 14 mai 2018, un an plus tard. Ainsi, comme dans la phase précontractuelle et alors que le bon de commande et la charte projet décrivent précisément le logiciel vendu, la société TMSI-AV ne justifie nullement avoir attiré l’attention de la société DDS sur la nécessité de répliquer le logiciel utilisé en interne au cours de la phase contractuelle.

S’il incombe effectivement au prestataire de s’enquérir du besoin de son client, il revient à ce dernier de se montrer coopératif en définissant clairement ce besoin et en alertant son cocontractant en cas d’incompréhension sur ce point. En l’espèce, comme indiqué précédemment, la société DDS justifie avoir amplement échangé avec la société TMSI-AV à propos de ses besoins, de l’application vendue, de ses fonctionnalités, alors que la société TMSI-AV n’établit pas avoir formulé la moindre alerte quant à l’inadaptation alléguée de l’outil à ses besoins pendant un an.

Par ailleurs, s’il est prétendu que l’application n’était pas opérationnelle au 4 avril 2018, la cour constate qu’aux termes de son courrier du 27 juin 2018, M. [O] soutient uniquement que le logiciel n’est pas utilisable en l’état car il nécessite pour les opérateurs trois fois plus de manipulations pour le même volume de saisie, sans toutefois que cette affirmation ne soit corroborée par le moindre élément probant, alors que jusqu’au 14 mai 2018, la société TMSI-AV qui avait pu tester le logiciel mis à disposition à partir du mois de novembre 2017, n’avait pas émis d’alerte concernant son caractère inutilisable et envisageait même son déploiement progressif au sein des agences. La cour relève qu’en tout état de cause, en application de l’article 5.3.1 de la charte projet, le livrable devait faire l’objet d’une validation qui aurait pu encore mener à des adaptations de l’application.

La cour ne retiendra pas l’attestation de M. [K], dès lors que ce dernier est le salarié de l’appelante et qu’il revêtait les qualités de chef de projet et de membre du comité de pilotage dans le cadre du projet litigieux.

Enfin, aucun aveu judiciaire ne résulte de l’indication par la société DDS de ce qu’elle ne pouvait répondre au cahier des charges constitué du guide d’utilisation transmis le 24 mai 2017, dès lors que pour les motifs précités, la société TMSI-AV, après une réunion de présentation de l’application DDS Freight du 1er juin 2017 et des échanges techniques précis relatifs à cet outil, avait accepté de signer un bon de commande le 3 juillet 2017 se rapportant à la solution standard à adapter sans jamais émettre la moindre réserve quant à la nécessité de dupliquer l’outil exploité au sein de ses agences. Comme indiqué précédemment, ces éléments établissent que le guide d’utilisation n’entrait pas dans le champ contractuel. M. [X] le confirme aux termes de son attestation, puisqu’il explique avoir pris connaissance de ce guide afin d’analyser ” la faisabilité de portage dans l’application standard DDS ” afin d’aboutir à des fonctionnalités non pas identiques, mais équivalentes. Enfin, la société DDS était manifestement en capacité de répondre au besoin de la société TMSI-AV, puisqu’elle lui a transmis un devis portant sur la solution sur mesure, que cette dernière a refusé au regard de son montant effectivement très élevé de 80.000 €.

Au regard de l’ensemble de ces développements, aucun manquement de la société DDS à son obligation de conseil et de délivrance n’apparaît caractérisée, de sorte que la résiliation du contrat ne peut lui être imputée. En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté la société TMSI-AV de ses demandes indemnitaires au titre tant des factures payées que du préjudice moral.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, le jugement déféré sera confirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.

La société TMSI-AV qui succombe, supportera les dépens d’appel et sera condamnée à payer à la société DDS la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la société TMSI-AV aux dépens,

Condamne la société TMSI-AV à payer à la société DDS la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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