Logiciels : 21 novembre 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 19/01183

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Logiciels : 21 novembre 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 19/01183

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

CC/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/01183 – N° Portalis DBVP-V-B7D-EQR2

Jugement du 15 Mai 2019

Tribunal de Commerce d’ANGERS

n° d’inscription au RG de première instance 18-002533

ARRET DU 21 NOVEMBRE 2023

APPELANTE :

S.A. HYDROKARST

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Arnaud BARBE de la SCP PROXIM AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS, et Me Gil GAIGNAIRE, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE – N° du dossier 2018107

INTIMEE :

SASU BODET SOFTWARE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Inès RUBINEL de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d’ANGERS, et Me François OILLIC, avocat plaidant au barreau de NANTES – N° du dossier 193374

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 19 Septembre 2023 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 21 novembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCÉDURE

La société (SA) Hydrokarst a pour objet social la construction d’ouvrages maritimes et fluviaux. Elle est spécialisée dans les travaux sous-marins, les travaux sur cordes, les travaux en milieu confiné, la plongée industrielle.

La société (SAS) Bodet Software exerce une activité de conseil en systèmes et logiciels informatiques. Elle édite des logiciels, notamment dans le domaine de la gestion de personnel.

Constatant que toutes ses informations ‘RH’ se trouvaient éclatées dans divers logiciels et difficiles d’accès pour les managers, la DRH et la DG, et souhaitant ainsi centraliser les informations liées à ses ressources humaines et améliorer le suivi des compétences et des carrières de ses salariés, outre améliorer l’exploitation des entretiens annuels d’évaluation, la SAS Hydrokarst a élaboré un cahier des charges, finalisé le 10 décembre 2015, en vue de faire réaliser son projet ‘système d’information de gestion de ressources humaines’ (SIRH).

Ce cahier des charges a servi de base aux discussions techniques et commerciales avec la SAS Bodet Software.

Le 23 décembre 2015, la SAS Bodet Software a émis une proposition commerciale (n°76363, version 5) aux termes de laquelle elle s’engageait à fournir à la SA Hydrokarst, une solution logicielle clé en main de gestion d’information de ressources humaines dénommée ‘Kelio’ pour la gestion :

– du temps de présence et d’absence des salariés ;

– des tâches liées aux flux de personnel, les données du dossier individuel, le suivi des rémunérations, les visites médicales, les habilitations et les statistiques associées ;

– des entretiens d’évaluation ;

– des emplois et des compétences via la construction d’un référentiel avec statistiques associées ;

– de la formation, notamment en matière de besoins.

Elle proposait des options tenant à l’import des absences de l’ERP et à l’import des salaires du logiciel de paie.

Le 4 janvier 2016, à la suite de cette proposition commerciale, la SA Hydrokarst et la SAS Bodet Software ont conclu un contrat de service ‘Kelio on demand express Option performance’, prévoyant la mise à disposition de la solution logicielle durant la durée du contrat arrêtée à trente-six mois fermes et irrévocables à compter de la mise à disposition du service, reconductible par tacite reconduction, et moyennant des loyers mensuels d’un montant de 576,27 euros HT.

Des développements complémentaires ont fait l’objet d’une proposition commerciale du 8 août 2016 pour l’import des salariés, acceptée le 9 août suivant par la société Hydrokarst.

S’agissant de la résiliation, l’article 16.1 du contrat prévoyait que ‘dans le cas où l’une des parties ne respecte pas l’ensemble des obligations mises à sa charge par le présent contrat, l’autre partie devra le notifier par lettre recommandée avec AR. Sans réponse dans un délai de 15 jours, un rappel par lettre recommandée avec AR devra être notifié. Sans réponse à ce rappel dans un délai de 8 jours, la partie concernée a le choix de mettre fin à ce contrat.’

L’article 16.2 stipulait que ‘en cas de non paiement, Bodet Software SAS pourra suspendre ses services, et envisager la résiliation du présent contrat. Si cette résiliation intervient, elle sera notifiée par Bodet Software SAS à l’abonné par lettre recommandée avec AR. Dans cette hypothèse, le prix des abonnements restant à payer sera dû et l’avance restera acquise à Bodet Software SAS.’

Le logiciel a été installé et les sessions de formation du personnel ont été exécutées courant 2016.

La SA Hydrokarst ne s’est pas acquittée du paiement de plusieurs factures mensuelles émises par la SAS Bodet Software au titre du contrat.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 février 2017, la SA Hydrokarst a proposé à la SAS Bodet Software, afin d’éviter tout contentieux, de payer 50% des sommes dues (soit 13.046,17 euros TTC), que cette dernière émette un avoir pour le solde de 50%, et une résiliation du contrat de service à effet au 1er mars 2017, en invoquant divers motifs liés à :

– des ‘non-conformités de la solution à des besoins fonctionnels majeurs’ :

* absence de possibilité de saisir les demandes de formation à partir du catalogue au moment de l’entretien d’évaluation,

* concernant l’objectif qui était d’avoir un tableau de bord manager, permettre une reprise et une compilation des données pour créer des tableaux de bord de pilotage : pas de définition et de chiffrage de ces interfaces en amont de la signature du contrat,

* pour l’interconnexion de la paie : pas de définition de l’interface au niveau du cahier des charges, pas de chiffrage de Bodet en amont de la signature du contrat de services,

* pour l’interaction services métiers : absence de possibilité pour le QSE d’accéder aux visites médicales et aux habilitations sans visualisation des données salariales,

– à une ‘insuffisance de gestion et d’accompagnement de projet’ :

* absence d’identification d’un risque lié à l’inexpérience des acteurs en matière d’outil SIRH, absence de délivrance des feuilles de présence signées à l’occasion des séances de formation et des comptes-rendus de comité de pilotage),

* s’agissant de l’import de données’ : seul un import de données statiques sans interface chiffrée en amont a été mis en place alors que le cahier des charges prévoyait un interface des données de personnel et de salaires, d’où un caractère non réaliste des fonctionnalités de tableau bord présentées aux équipes,

– quant au ‘site de pilotage’ : absence de pertinence pour qu’elle constitue un site pilote, n’utilisant plus l’outil depuis juillet 2016.

Par lettre du 13 mars 2017, la SAS Bodet Software a répondu avoir satisfait à ses obligations, liées notamment à la mise en place de la solution et à la participation du personnel de sa co-contractante à différentes sessions de formation, à la validation de l’interface salarié le 10 août 2016 en rappelant qu’à l’origine, cette interface devait être réalisée par la société Hydrokarst en interne. Elle a fait valoir que les différentes étapes ont toujours fait l’objet d’une validation au vu de différents rapports signés et tamponnés et a excipé de l’efficacité de sa solution pour simplifier les différents processus au sein de la SA Hydrokarst. Elle a déploré qu’une situation de blocage soit survenue après le départ de la SA Hydrokarst des intervenants clés ayant initié le projet et émanant de personnes n’ayant pas reçu de formation sur le logiciel Kelio. Estimant avoir agi professionnellement, elle a sollicité de la SA Hydrokarst qu’elle procède au règlement total des factures en cours avant le 31 mars 2017 et qu’elle honore le contrat de service dans son ensemble pour la durée minimale convenue de trente-six mois.

Par lettre recommandée de son conseil du 3 mai 2017, la SA Hydrokarst, invoquant des défaillances graves de sa cocontractante et l’absence de mise en oeuvre des moyens nécessaires à la bonne exécution de ses obligations, en dépit de nombreuses demandes d’évolution de sa part pour rendre le logiciel utilisable, et un manquement à un devoir de conseil, l’a mise en demeure de remédier, sous quinzaine, aux dysfonctionnements qu’elle a listés, entendant ainsi mettre en oeuvre les modalités de résiliations prévues au contrat.

La SA Hydrokarst a réitéré sa demande par lettre de son conseil du 6 juin 2017.

Par lettre officielle du 9 juin 2017, le conseil de la SAS Bodet Software a fait savoir au conseil de la SA Hydrokarst qu’il réitérait sa précédente lettre du 1er juin précédant indiquée par erreur comme étant confidentielle. Le12 juillet suivant, le conseil de la SA Hydrokarst lui a répondu que la référence à une lettre confidentielle et la révélation de son contenu sont ‘irrecevables’ et lui a notifié la résiliation du contrat.

Par lettre du 20 juillet 2017, la société Bodet Software a directement répondu à la société Hydrokarst qu’elle ne pourrait intervenir qu’à partir du moment où celle-ci aurait manifesté sa volonté de poursuivre l’exécution du contrat et collaborer à la réussite du projet en lui retournant notamment les deux cahiers des spécifications qu’elle lui avait envoyées et en payant les factures échues.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er août 2017, la SA Hydrokarst a maintenu sa décision de résiliation du contrat liant les parties depuis le 12 juillet 2017 en se prévalant de la clause figurant à l’article 16.1 dudit contrat, aux torts exclusifs de la SAS Bodet Software.

Par acte d’huissier du 14 mars 2018, aucun accord amiable n’ayant été trouvé entre les parties, la SAS Bodet Software a fait assigner la SA Hydrokarst devant le tribunal de commerce d’Angers.

En l’état de ses dernières conclusions devant le tribunal, la SAS Bodet Software a demandé au tribunal de :

– dire que le contrat conclu entre elle et la SA Hydrokarst le 4 janvier 2016 n’a pas pu être légalement résilié par la SA Hydrokarst,

en conséquence,

– condamner la SA Hydrokarst à lui payer la somme de 42.979,96 euros, en règlement des factures impayées et du prix des abonnements restant à payer jusqu’au terme du contrat,

En réplique, la SA Hydrokarst a conclu au rejet des prétentions de la demanderesse en faisant valoir que la SAS Bodet Software avait été défaillante dans l’exécution de ses obligations contractuelles ; qu’elle a elle-même à bon droit retenu le règlement d’une fraction des factures de la demanderesse, sur le fondement du principe d’exception d’inexécution ; que la résiliation du contrat est parfaitement justifiée en fait et en droit en raison des carences et inexécutions de la demanderesse qui n’a jamais assuré la complète mise en oeuvre de la solution logicielle qu’elle a commercialisée sur la base du cahier des charges qu’elle lui a remis ; en conséquence, qu’il déboute la SAS Bodet Software de toutes ses demandes. A titre reconventionnel, la défenderesse a demandé la condamnation de la partie adverse à lui payer une indemnité de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les manquements contractuels de la SAS Bodet Software.

Par jugement du 15 mai 2019, le tribunal de commerce d’Angers a :

– juge recevable l’action de la SAS Bodet Software devant la présente juridiction,

– jugé que la SAS Bodet Software n’a pas été défaillante dans l’exécution de ses obligations contractuelles mises à sa charge par le contrat de service ‘Kelio on demand express’ signé le 4 janvier 2016, et ses propositions commerciales acceptées le 4 janvier 2016 et le 9 août 2016,

– jugé que la résiliation, par la société Hydrokarst SA, du contrat de service signé en date du 4 janvier 2016 n’était justifiée ni en fait ni en droit,

– condamné la SA Hydrokarst à payer à la SAS Bodet Software la somme de 30 304,74 euros TTC au titre des factures impayées jusqu’à la résiliation du contrat de service intervenue en date du 12 juillet 2017,

– condamné la SA Hydrokarst à payer à la SAS Bodet Software la somme de 12 675,24 euros TTC au titre des périodes restant à courir depuis la résiliation du contrat de service jusqu’au terme de sa durée de 36 mois ferme et irrévocable,

– débouté la SA Hydrokarst de sa demande de réparation d’un préjudice occasionné par la SAS Bodet Software,

– débouté la SAS Bodet Software de sa demande de mettre à la charge de la SA Hydrokarst les droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement mentionnés à l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution du jugement à intervenir, s’il était nécessaire de procéder à l’exécution forcée de celui-ci par voie extrajudiciaire,

– condamné la SA Hydrokarst à payer 3.000 euros à la SAS Bodet Software au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– n’a pas ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– a condamné la SA Hydrokarst aux entiers dépens.

Par déclaration du 12 juin 2019, la SA Hydrokarst a formé appel de ce jugement, en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la SAS Bodet Software de sa demande de mettre à la charge de la SA Hydrokarst les droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement mentionnés à l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution du jugement à intervenir, s’il était nécessaire de procéder à l’exécution forcée de celui-ci par voie extrajudiciaire ; intimant la SAS Bodet Software.

Par avis du 27 juin 2019, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel d’Angers a invité les parties à s’interroger sur l’opportunité de mettre en oeuvre une mesure de médiation judiciaire pour trouver une solution à leur différend.

Une partie s’est opposée à la mise en oeuvre d’une telle mesure.

La SA Hydrokarst et la SAS Bodet Software ont conclu.

Une ordonnance du 4 septembre 2023 a clôturé l’instruction de l’affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SA Hydrokarst demande à la cour de :

vu les dispositions des anciens articles 1134 et 1147 du code civil,

– la recevoir en son appel comme régulier en la forme et justifié au fond,

– dire et juger que la SAS Bodet Software a été défaillante dans l’exécution de ses obligations contractuelles,

– dire et juger que c’est à bon droit qu’elle-même a retenu le règlement d’une fraction des factures de la SAS Bodet Software, sur le fondement du principe d’exception d’inexécution,

– dire et juger que la résiliation par elle du contrat du 4 janvier 2016 est parfaitement justifiée en droit et en fait et en raison des carences et inexécutions du prestataire de services informatiques qui n’a jamais assuré la complète mise en oeuvre de la solution logicielle qu’il a commercialisée sur la base du cahier des charges qu’elle lui a remis,

en conséquence,

– infirmer dans toutes ses dispositions le jugement déféré rendu par le tribunal de commerce d’Angers le 15 mai 2019,

à titre reconventionnel,

– dire et juger que les manquements de la SAS Bodet Software lui ont causé un préjudice qui doit être réparé,

en conséquence,

– condamner la SAS Bodet Software à lui verser une indemnité de 10 000 euros à titre de dommages intérêts,

– condamner la SAS Bodet Software à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SAS Bodet Software à supporter les entiers dépens de l’instance.

La SAS Bodet Software demande à la cour de :

vu l’article 1343-2 du code civil,

– constater la reprise d’instance dans les suites de la constitution de Maître Inès Rubinel, avocate au barreau d’Angers, en qualité d’administratrice provisoire de Maître Benoît George,

– déclarer la SA Hydrokarst mal fondée en son appel et l’en débouter,

– dire que le contrat de service conclu entre elle et la SA Hydrokarst le 4 janvier 2016 a été illégalement résilié par la SA Hydrokarst,

en conséquence,

– confirmer le jugement du tribunal de commerce d’Angers n°2018 002533 du 15 mai 2019 dans toutes ses dispositions,

– condamner la SA Hydrokarst à lui payer les intérêts de retard au taux légal sur la somme de 42 979,96 euros, à compter du 7 février 2018, avec anatocisme,

rejetant toutes prétentions contraires comme non recevables, en tout cas non fondées,

– condamner la SA Hydrokarst à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel, recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

– le 11 septembre 2019 pour la SA Hydrokarst,

– le 7 avril 2022 pour la SAS Bodet Software.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’absence de prétentions tendant à la constatation ou au prononcé de la résiliation et au rejet des demandes au titre des loyers

Il résulte des articles 4 et 954, alinéas 1 et 3, du code de procédure civile que l’objet du litige est déterminé par les prétentions des parties et qu’en appel, dans les procédures avec représentation obligatoire, la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

L’appelant ne peut donc se borner à demander l’infirmation du jugement, il doit énoncer dans le dispositif de ses conclusions ses prétentions.

Dans le dispositif de ses conclusions, la SA Hydrokarst demande l’infirmation du jugement sans demander à la cour de constater ou de prononcer la résiliation du contrat ni de rejeter les demandes en paiement de la SAS Bodet Software au titre des loyers impayés et à échoir.

En effet, le dispositif des conclusions de la SA Hydrokarst ne comporte à cet égard que les mentions suivantes :

‘- dire et juger que la SAS Bodet Software a été défaillante dans l’exécution de ses obligations contractuelles,

– dire et juger que c’est à bon droit qu’elle-même a retenu le règlement d’une fraction des factures de la SAS Bodet Software, sur le fondement du principe d’exception d’inexécution,

– dire et juger que la résiliation par elle du contrat du 4 janvier 2016 est parfaitement justifiée en droit et en fait et en raison des carences et inexécutions du prestataire de services informatiques qui n’a jamais assuré la complète mise en oeuvre de la solution logicielle qu’il a commercialisée sur la base du cahier des charges qu’elle lui a remis’.

Il ne s’agit là que des moyens pouvant être invoqués à l’appui de prétentions mais pas des prétentions en elles-mêmes. S’agissant de la résiliation, il n’est pas indiqué s’il est demandé de la constater en application de la clause résolutoire ou de la prononcer en conséquence de manquement suffisamment graves. Ainsi, le ‘dire et juger’ que la résiliation est ‘justifiée en droit et en fait’ ne peut s’analyser comme étant une prétention mais seulement comme un moyen.

La cour n’est donc pas saisie de ces prétentions et ne peut que confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de la société Hydrokarst de résiliation du contrat aux torts de la SAS Bodet Software, condamné la SA Hydrokarst à payer à la SAS Bodet Software la somme de 30 304,74 euros TTC au titre des factures impayées jusqu’à la résiliation du contrat de service du 12 juillet 2017, condamné la SA Hydrokarst à payer à la SAS Bodet Software la somme de 12 675,24 euros TTC au titre des périodes restant à courir depuis la résiliation du contrat jusqu’au terme de sa durée de 36 mois ferme et irrévocable.

La cour n’est saisie par la SA Hydrokarst que de sa prétention relativement à sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la SAS Bodet Software à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice que les prétendus manquements de la société Bodet Software lui auraient causés, outre sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la demande reconventionnelle en réparation d’un préjudice

La SA Hydrokarst demande la condamnation de la SAS Bodet Software au paiement de la somme de 10 000 euros sur la base d’une évaluation qu’elle-même déclare ‘forfaitaire’ du préjudice qui résulterait de manquements contractuels de la société prestataire, tenant à ce qu’elle aurait été contrainte de mobiliser en pure perte des ressources essentielles en personnel.

La société Hydrokarst, qui fait valoir qu’elle ne disposait pas de compétence spéciale en matière de logiciel dédié aux ressources humaines, reproche, d’abord, à la société Bodet Software d’avoir manqué à son devoir de conseil en ce qu’elle lui aurait fourni une solution logicielle très coûteuse et inadaptée à ses besoins, lesquels étaient clairement identifiés dans le cahier des charges qu’elle avait préalablement établi.

Toutefois, l’affirmation selon laquelle le progiciel proposé impliquait des coûts internes importants pour l’adapter et le mettre en oeuvre efficacement n’est confortée par aucun élément de preuve. En outre, les premiers juges ont relevé, à juste titre, que la solution logicielle choisie par la SA Hydrokarst l’avait été par une équipe projet qui avait d’abord élaboré un cahier des charges et qui, à travers la définition de l’outil choisi, au bout de cinq versions, avait nécessairement appréhendé la nature et la charge de travail que représentait la mise en place de ce nouveau logiciel.

La SA Hydrokarst prétend que dès la signature du contrat, tout au long de l’année 2016 et début 2017, les résultats du logiciel fourni n’ont pas atteint les objectifs essentiels listés dans le cahier des charges ; notamment, que les paramétrages permettant de gérer les interfaces avec la paye, qui auraient dû être réalisés immédiatement, n’ont pas été effectivement mis en oeuvre, enlevant tout l’intérêt de l’utilisation de la solution.

Mais c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le cahier des charges, s’il a été établi par la société Hydrokarst pour définir ses besoins et avait pu servir de base pour le choix de certaines options, n’avait pas valeur contractuelle, n’étant d’ailleurs jamais cité dans les documents contractuels.

Devant la cour, la société Hydrokarst fait grief à la société Bodet Software de ce qu’aucun tableau de bord n’aurait été en service et utilisable, que la confidentialité des données avec accès restreint n’aurait pas été assurée, que le développement des plans de formations pour les salariés n’était pas effectif, que le poste ‘interconnexion avec la paye’ n’avait fait l’objet d’aucun développement.

En réponse, la société Bodet Software rappelle qu’elle n’est soumise qu’à une obligation de moyens comme le stipule l’article 14.1 du contrat, et conteste tout manquement de sa part. Elle invoque un défaut de collaboration de la cliente qui n’aurait pas validé les cahiers des spécifications relatifs aux importations de certaines données en soulignant que des développements spécifiques lui ont été demandés en cours d’exécution du contrat et notamment l’import des salariés qui ne lui a été confié que le 9 août 2016. Elle explique les difficultés rencontrées par le départ de la société Hydrokarst des personnes ressources.

Pour établir l’existence de manquements de la part de la société Bodet Software, la société Hydrokarst ne produit que des échanges de courriels et le rapport d’analyse établi le 9 novembre 2016 par la société Bodet Software, en dehors du contrat et du cahier des charges qu’elle avait préalablement établi. Il en résulte qu’en juillet 2016, la société Hydrokarst acceptait d’être site pilote pour la mise en oeuvre d’une nouvelle version Kelio Sirh, attendait des ‘modifications vues ensemble pour le gestion et le suivi des VM’, constatait qu’elle ne pouvait pas exporter de Kelio certaines colonnes du plan de formation qui sont nécessaires à son ‘OPCA’ en demandant comment résoudre ce problème ; que le 14 septembre 2016, un agent du service informatique de la société Hydrokarst indiquait à la société Bodet Software que les interfaces restaient à mettre en oeuvre (absentéisme et données salariés pro + perso) et de lui confirmer les dates du 30 septembre 2016 pour terminer les spécifications des interfaces et du 28 octobre 2011 pour la mise en production ; que le 9 novembre 2016, la société Bodet Software a établi un rapport des analyses de la version pilote 2.2 A10 établissant la liste des anomalies constatées, des demandes d’évolutions intégrées dans la version, des demandes d’évolutions en cours d’analyse dont la possibilité de consulter ‘les habilitations, visites médicales et vaccins’ et des demandes d’évolutions intégrées dans une prochaine version, étant relevé que les anomalies identifiées comme encore non corrigées étaient les suivantes : ‘l’échéance et la priorité de la demande de formation ne sont pas visibles’ ; ‘beug affichage dans le module des droits/utilisateurs’.

De son côté, la société Bodet Software produit un courriel du 7 mars 2016 de l’agent du service informatique de la société Hydrokarst l’informant qu’il validait les spécifications des interfaces à la suite d’un test après correction des impressions des entretiens individuels ; sa proposition commerciale du développement spécifique tenant à l’import des salariés, acceptée le 9 août 2016 ; un courriel qu’elle a adressé, le 27 septembre 2016, à la société Hydrokarst lui transmettant le cahier des spécifications du développement spécifique ‘import des salariés dans Kelio’ en lui indiquant que la réalisation de ce développement est subordonnée à la validation de ce cahier ainsi qu’un mail du 27 septembre lui adressant un cahier des spécifications du développement spécifique ‘import des absences dans Kelio’, soumis également à sa validation préalable par la société Hydrokarst ; un courriel du 26 octobre 2016 de l’agent du service informatique de la société Hydrokarst lui proposant de réactualiser le planning à la suite du décalage de la définition des spécifications des interfaces salariés et absences, entraînant le report de la validation du bon fonctionnement au 16 décembre 2016.

Ainsi, l’affirmation de la société Hydrokarst selon laquelle, tout au long de l’année 2016 et encore en début d’année 2017, elle n’a cessé de faire part à son cocontractant de son mécontentement concernant les résultats du logiciel fourni qui n’a atteint aucun des objectifs essentiels, ne ressort pas des pièces du dossier.

En outre, la cour observe que la société Hydrokarst ne conteste pas ne pas avoir validé les cahiers des spécifications du développement spécifique ‘import des absences dans Kelio’ et ‘import des absences dans Kelio’. Les premiers juges ont pu en déduire que l’absence de reprise des données et l’indisponibilité des tableaux de bord de pilotage RH n’étaient pas imputables à la société Bodet Software.

Il n’est pas davantage démontré, ni même d’ailleurs prétendu, que les seules anomalies relevées dans le rapport d’analyse précité du 12 décembre 2016 comme encore non corrigées auraient empêché le fonctionnement du logiciel ni les éléments figurant dans la liste établie au titre des demandes d’évolution.

La société Hydrokarst tient la liste des demandes d’évolution parmi lesquelles ‘- mettre en copie le responsable dans la convocation à la visite médicale – alertes visites médicales – bloquer l’envoi des emails dans le module formation – accès au catalogue des formation à partir de l’entretien’ pour preuve de ce que la solution logicielle qui lui a été fournie n’aurait pas été aboutie, ce qui s’expliquerait par le fait que la société Bodet Software aurait expérimenté une solution pilote encore expérimentale. Il est relevé qu’il s’agit de fonctionnalités que la société Bodet Software avait prévu d’apporter et qu’en ce qui concerne la liaison entre les entretiens d’évaluation et la proposition de formations, la société Bodet Software indique, sans être contredite sur ce point, que l’évaluateur peut ouvrir le module formation et accéder aux données nécessaires, de même qu’elle affirme qu’il était possible de créer et d’affecter des profils permettant des accès restreints à certaines données, telles que les rémunérations. Il est, en outre, relevé qu’en transmettant à la société Hydrokarst ce rapport d’audit le 12 décembre 2016, la société Hydrokarst l’invitait à contacter ses services en cas de question sur l’analyse des résultats ou pour lui faire part de problèmes référencés dans ce document, ce qu’elle apparaît ne pas avoir fait avant deux entretiens qui ont eu lieu les 2 et 14 février 2017, sans que la teneur n’en soit précisée, et sa lettre de mise en demeure du 22 février 2017.

La société Bodet Software justifie de ce que l’intervention d’un formateur était programmée pour le paramétrage et la formation au mois de février 2017, de même que la venue de deux membres de son équipe conception le 9 novembre 2016 dans les locaux de la société Hydrokarst pour la former aux nouvelles formalités de la version V2.2 qui devait lui être installée.

Elle établit avoir répondu le 20 septembre 2016 à une demande du même jour de la société Hydrokarst pour enregistrer une date d’ancienneté.

Il n’est donc pas démontré que la société Bodet Software n’aurait pas respecté les obligations contractées tenant à étudier et résoudre les problèmes d’utilisation du logiciel en fournissant des méthodes de travail et des conseils et à respecter un temps annuel moyen de résolution des demandes inférieur à cinq heures ouvrées, ni qu’elle aurait manqué à son obligation d’accompagnement.

Par ailleurs, pour imputer à la société Bodet Software le retard dans le déploiement du logiciel dont elle se plaint, la société Hydrokarst ne peut valablement soutenir qu’il appartenait à celle-ci de mettre en adéquation ses services avec l’organisation interne de la société Hydrokarst et de s’adapter ainsi au changement de son propre personnel, notamment du directeur administratif et financier qui pilotait le programme et qui a quitté la société, alors qu’elle seule est responsable de ces modifications internes qui ralentissaient la mise en oeuvre du logiciel.

Les seuls échanges de lettres ou courriels produits aux débats ne font pas ressortir la preuve de défaillance de la société prestataire à exécuter ses obligations contractuelles ou à remédier à des dysfonctionnements. Ils ne démontrent pas davantage que la solution aurait été inadaptée aux besoins de la société Hydrokarst. En conséquence, il ne résulte pas des éléments produits que la solution logicielle mise en place ne répondait pas aux besoins de la société Hydrokarst ni, par là-même, que cette société aurait manqué à son devoir de conseil.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société Hydrokarst en paiement de dommages et intérêts.

Sur la demande additionnelle tendant à l’anatocisme

Il y a lieu d’accueillir, conformément aux dispositions de l’article 1154, ancien, du code civil, la demande de la société Bodet Software de capitalisation des intérêts assortissant la condamnation au paiement prononcée par le premier juge, et ce à compter du 28 novembre 2019, date de la demande.

Sur les demandes accessoires

La société Hydrokarst, partie perdante, est condamnée aux dépens d’appel et à payer à la société Bodet Software la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris.

Y ajoutant,

Dit que les intérêts dus au moins pour une année entière au titre de la condamnation de la SA Hydrokarst à payer à la SAS Bodet Software à la somme de 42 979,96 euros produiront eux-mêmes des intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2019.

Condamne la société Hydrokarst aux dépens d’appel qui seront recouvrés selon les modalités prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

Condamne la société Hydrokarst à payer à la société Bodet Software la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL

 


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