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Convention collective SYNTEC : 3 juin 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/03360

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Convention collective SYNTEC : 3 juin 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/03360

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°267

N° RG 19/03360 –

N° Portalis DBVL-V-B7D-PZDW

SARL AACSEN

C/

– M. [A] [X]

– Melle [O] [X]

– Melle [Z] [X]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 Février 2022

devant Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [S] [H], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

La SARL AACSEN prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

1 Allée des Mortiers

44620 LA MONTAGNE

Représentée par Me Célia MARTIN-GRIT, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMÉS :

– Monsieur M. [A] [X] ès-qualités d’ayants droit de Mme [S] [V] décédée

né le 18 Décembre 1973 à SAINT MANDE (94)

demeurant 2 bis rue des Récollets

44200 NANTES

– Mademoiselle [O] [X] ès-qualités d’ayants droit de Mme [S] [V] décédée

née le 17 Avril 2003 à EVRY (91)

demeurant 2 bis rue des Récollets

44200 NANTES

– Mademoiselle [Z] [X], mineure représentée par M. [A] [X], ès-qualités d’ayants droit de Mme [S] [V] décédée

née le 08 Juin 2006 à EVRY (91)

demeurant 2 bis rue des Récollets

44200 NANTES

TOUS TROIS représentés par Me Maxime BRETON substituant à l’audience Me Bruno CARRIOU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Avocats au Barreau de NANTES

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

Mme [S] [V] a été embauchée par la société EARTA le 20 septembre 2013 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité de Responsable des ressources humaines, statut cadre.

Le contrat de travail a fait l’objet d’un transfert à la SARL AACSEN (société de holding) à compter du 1er août 2014 dans le cadre d’un emploi à temps plein.

A compter du 25 février 2016, Mme [V] a été placée en arrêt de travail. Cet arrêt de travail a été prolongé à plusieurs reprises sans interruption.

Pendant son absence, la salariée a été remplacée par Mme [P], embauchée en contrat à durée déterminée à compter du 28 septembre 2016 puis en contrat à durée indéterminée à compter du 6 mars 2017.

Par courrier recommandé du 17 mars 2017, la SARL AACSEN a convoqué Mme [V] à un entretien préalable fixé au 27 mars 2017 auquel la salariée ne s’est pas présentée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 mars 2017, la SARL AACSEN a notifié à Mme [V] son licenciement pour absence prolongée ayant entraîné la désorganisation du service RH/paie.

L’arrêt de travail de Mme [V] a pris fin le 31 mars 2017 et la SARL AACSEN a informé la salariée qu’elle devait effectuer son préavis, qu’elle était en situation d’absence injustifiée du 3 au 5 avril 2017 et qu’un rendez-vous avec la médecine du travail était prévu le 6 avril 2017.

Son arrêt de travail n’ayant pas été renouvelé, Mme [V] a repris son activité au sein de la SARL AACSEN pour effectuer ses deux mois de préavis.

Dans le cadre de la visite de reprise en date du 10 avril 2017, elle a été déclarée apte à la reprise de son poste, dans le cadre d’un temps partiel thérapeutique à hauteur de 80%.

La salariée a refusé de signer un avenant modifiant ses horaires de travail et les ramenant à 28 heures par semaine.

Le 31 mai 2017, Mme [V] a reçu ses documents de fin de contrat.

Le 19 septembre 2017, Mme [S] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de voir :

‘ Dire que la convention collective SYNTEC s’applique,

‘ Dire que le licenciement est nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse,

‘ Débouter la SARL AACSEN de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

‘ Condamner la SARL AACSEN au paiement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal et anatocisme :

– 1.199,63 € brut à titre de rappel de prime de vacances,

– 431,36 € brut au titre du maintien du salaire pendant l’arrêt maladie,

– 922,75 € brut au titre de rappel d’indemnité de congés payés,

– 30.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse,

subsidiairement,

– 3.600 € à titre d’indemnité pour irrespect de la procédure de licenciement,

– 3.600 € brut au titre de rappel sur préavis,

– 360 € brut au titre des congés payés afférents,

– 1.326 € brut à titre de rappel sur l’indemnité de licenciement,

– 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

‘ Remise des documents sociaux conformes à la décision à intervenir, sous astreinte provisoire de 80 € par jour de retard suivant la notification de la décision à intervenir, le conseil se réservant compétence pour liquider cette astreinte,

‘ Fixer le salaire de référence à 3.600 € brut,

‘ Ordonner l’exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution.

Mme [S] [V] est décédée le 4 novembre 2018. M. [A] [X] es-qualités d’ayant droit de Mme [S] [V] et de représentant légal de ses filles [O] [X] et de [Z] [X] es-qualités d’ayants droit de Mme [S] [V] ont poursuivi la procédure engagée par la salariée.

La cour est saisie de l’appel régulièrement formé le 21 mai 2019 par la SARL AACSEN contre le jugement en date du 18 avril 2019 notifié le 25 avril 2019 par lequel le conseil de prud’hommes de Nantes a :

‘ Dit que la convention collective SYNTEC s’applique,

‘ Condamné la SARL AACSEN à verser aux ayants droit de Mme [V], les sommes suivantes :

– 868 € brut à titre de rappel de prime de vacances,

– 431,36 € brut au titre du maintien du salaire pendant l’arrêt maladie,

– 922,75 € brut au titre de rappel d’indemnité de congés payés,

– 3.600 € brut au titre de rappel sur préavis,

– 360 € brut au titre des congés payés afférents,

– 1.326 € brut à titre de rappel sur l’indemnité de licenciement,

‘ Dit que le licenciement de Mme [V] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

‘ Condamné la SARL AACSEN à verser aux ayants droit de Mme [V], la somme de 30.000 € à titre de dommages-intérêts,

‘ Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2017, date de saisine du conseil, pour les sommes à caractère salarial et de la notification du présent jugement pour celles à caractère indemnitaire,

‘ Lesdits intérêts produisant eux-mêmes intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,

‘ Ordonné à la SARL AACSEN de remettre aux ayants droit de Mme [V] les documents sociaux conformes à la décision, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard à compter du 30ème jour jusqu’au 60ème jour suivant la notification du jugement,

‘ Dit que le conseil de prud’hommes se réserve expressément le pouvoir de liquider cette astreinte provisoire, charge à la partie intéressée d’en formuler la demande au greffe,

‘ Rappelé qu’en application de l’article R. 1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire du présent jugement est de droit, le salaire mensuel moyen de référence étant fixé à 3.600 € brut,

‘ Condamné la SARL AACSEN à verser aux ayants droit de Mme [V] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

‘ Condamné la SARL AACSEN aux dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 26 juillet 2019, suivant lesquelles la SARL AACSEN demande à la cour de :

‘ La recevoir en ses demandes et l’y déclarer bien fondée,

‘ Dire que le licenciement pour absence prolongée et nécessité de remplacement définitif de Mme [X] repose sur une cause réelle et sérieuse,

‘ Dire que la convention collective de la SYNTEC ne s’applique pas en l’espèce,

‘ Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

A défaut,

‘ Dire que les demandes de Mme [X] devront être ramenées à de plus justes proportions, notamment s’agissant du montant des dommages-intérêts dus au titre d’un licenciement sans cause réel et sérieuse,

A titre subsidiaire, si la cour devait dire que la convention collective SYNTEC s’appliquait,

‘ Réformer le jugement entrepris,

‘ Dire que les demandes des ayants droit de Mme [X] ne pourront excéder la somme de 51,92 € brut à titre de rappel d’indemnité de licenciement,

En tout état de cause,

‘ Condamner les ayants droit de Mme [X] à verser à la SARL AACSEN la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 17 octobre 2019, suivant lesquelles les ayants droit de Mme [V] (M. [X] et leurs deux filles) demandent à la cour de :

‘ Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

‘ Débouter la SARL AACSEN de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

‘ Dire que la convention collective des bureaux d’études techniques – SYNTEC s’applique à la SARL AACSEN,

‘ Dire que le licenciement est nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse,

‘ Débouter la SARL AACSEN de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

‘ Condamner la SARL AACSEN à payer aux ayants droit de Mme [V] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal et anatocisme :

– 1.199,63 € brut à titre de rappel de prime de vacances,

– 431,36 € brut au titre du maintien du salaire pendant l’arrêt maladie,

– 922,75 € brut au titre de rappel d’indemnité de congés payés,

– 30.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse,

subsidiairement,

– 3.600 € à titre d’indemnité pour irrespect de la procédure de licenciement,

– 3.600 € brut au titre de rappel sur préavis,

– 360 € brut au titre des congés payés afférents,

– 1.326 € brut à titre de rappel sur l’indemnité de licenciement,

– 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

‘ Assortir lesdites sommes de l’intérêt légal outre le bénéfice de l’anatocisme,

‘ Ordonner la remise de documents sociaux sous astreinte de 80 € par jour suivant la notification de la décision à intervenir, le conseil se réservant le pouvoir de liquider l’astreinte,

‘ Ordonner l’exécution provisoire nonobstant appel ni caution,

‘ Fixer le salaire de référence à la somme de 3.600 € brut.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance 3 février 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exécution du contrat de travail :

* Quant à l’application de convention collective dite SYNTEC :

Pour infirmation et débouté des ayants droit de la salariée, la SARL AACSEN soutient que la convention collective SYNTEC ne lui est pas applicable dans la mesure où elle n’est ni signataire d’un accord ni affiliée à des organisations ou des groupements signataires, que les bulletins de salaire ne font référence à aucune convention collective, que les dispositions invoquées ne sont ni étendues ni élargies à son activité principale sans rapport comme son code APE avec la convention SYNTEC, qu’a fortiori, aucune convention collective ne lui est applicable.

Les intimés rétorquent que la convention SYNTEC est applicable à la société, qui ne peut prétendre exercer son activité en dehors d’une quelconque convention alors que son activité de société holding comme son code APE la rattache à celle des bureaux d’études et donc à la convention dite SYNTEC, que le contrat de prévoyance est lié à cette convention, que l’argument sur l’absence de convention n’est pas sérieux.

L’article 5, alinéa 1 du décret 2007-1888 énonce que ” L’attribution par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), à des fins statistiques, d’un code caractérisant l’activité principale exercée (APE) en référence à la nomenclature d’activités ne saurait suffire à créer des droits ou des obligations en faveur ou à charge des unités concernées.

L’article L 2261-2 du code du travail dispose que : ” La convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale exercée par l’employeur.”

La sous-classe 64.20Z “Activités des sociétés holding” comprend les activités des sociétés holding, c’est-à-dire des entités qui détiennent les actifs (possèdent le contrôle des fonds propres) d’un groupe de sociétés filiales et dont la principale activité est d’être propriétaire de ce groupe. Les sociétés holding appartenant à cette sous-classe ne fournissent aucun autre service aux entreprises dans lesquelles elles détiennent des fonds propres, en d’autres termes, elles n’administrent pas ou ne gèrent pas d’autres entités.

La Convention Collective Nationale (CCN) des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite “SYNTEC” couvre les différents métiers que sont :

– les Métiers de l’Internet, particulièrement :

1. Les concepteurs, fournisseurs et exploitants de plate-forme informatique ;

2. Les prestations d’hébergement de site Internet ;

3. Les prestations de conception, de développement, mise en oeuvre et entretien de site Web considéré comme composante du système d’information de l’entité cliente ;

4. Les développeurs, producteurs et intégrateurs de logiciels nécessaires à la création et à l’exploitation des services pour répondre aux besoins de leurs clients ;

5. Les fournisseurs d’expertise, d’ingénierie, de conseil et de formation dans le domaine de l’Internet;

6. L’édition de logiciels ou de composants logiciels en technologie Internet ;

7. Les exploitants de réseaux ou infrastructures informatiques (infogérance-outsourcing) ;

8. Les fournisseurs de services applicatifs relatifs aux systèmes d’information de leurs clients, quel que soit le mode de fourniture du service (infogérance-services bureau).

– les Métiers de l’Informatique, particulièrement les Codes Naf et activités suivantes :

58. 21Zp : édition de jeux électroniques.

58. 29Ap : édition de logiciels système et de réseau.

58. 29Bp : édition de logiciels outils de développement et de langages.

58. 29Cp : édition de logiciels applicatifs.

62. 01Zp : programmation informatique.

62. 02Ap : conseil en systèmes et logiciels informatiques.

62. 02B : tierce maintenance de systèmes et d’applications informatiques.

62. 09Zp : autres activités informatiques.

62. 03Z : gestion d’installations informatiques.

63. 11Zp : traitement de données, hébergement et activités connexes.

58. 12Zp : édition de répertoires et de fichiers d’adresses.

63. 12Z : portails internet.

– les Métiers de l’Ingénierie, particulièrement les Codes Naf et activités suivantes :

71. 12Bp : ingénierie, études techniques.

74. 90Bp : activités spécialisées, scientifiques et techniques diverses.

71. 20B : analyses, essais et inspections techniques.

– les Métiers des études et du conseil, particulièrement les Codes Naf et activités suivantes:

73. 20Z : études de marché et sondages.

70. 21Z : conseil en relations publiques et communication.

70. 22Zp : conseil pour les affaires et autres conseils de gestion.

78. 10Zp : activités des agences de placement de main-d’oeuvre.

78. 30Z : autre mise à disposition de ressources humaines.

– les Métiers des foires, congrès et salons, particulièrement les Codes Naf et activités suivantes :

82. 30Z : organisation de foires, salons professionnels et congrès.

43. 32C : agencement de lieux de vente, montage de stands.

25. 11Z : fabrication de structures métalliques et éléments modulaires pour exposition.

90. 04Z : gestion de salles de spectacles.

68. 32A : administration d’immeubles et autres bien immobiliers.

68. 20B : location de terrains et autres biens immobiliers : halls d’exposition, salles de conférence, de réception, de réunion.

Il ressort de l’examen de la liste des métiers relevant de la convention Syntec que le code APE de la société AACSEN n’y figure pas. Toutefois, l’activité principale de cette société relève certes du secteur des activités des sociétés holding mais cette activité consiste en de l’administration et de la gestion de l’équipe management de ses filiales, avec pour objet de gérer sur le plan administratifs les autres sociétés du groupe ZEFI qui dépendaient d’elle, ce qui ne correspond pas au Code APE qui lui a été attribué qui exclut les activités de gestion et d’administration des filiales mais dont elle n’a pas demandé la modification.

Ceci étant et s’il ne peut être affirmé que toutes ces filiales ne relèvent d’aucune convention collective, dès lors qu’elles ont une activité spécialisée dans le secteur d’activité de l’aide par le travail, il n’en demeure pas moins que le seul fait que le contrat de prévoyance est celui applicable dans la Convention collective Nationale Syntec est soi insuffisant à soumettre de ce seul fait l’entreprise aux dispositions de ladite convention.

Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et de débouter les ayants droit de Mme [S] [V] de leurs demandes à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail :

Pour infirmation, la SARL AACSEN soutient que le licenciement de Mme [V] est bien fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse en ce qu’il est motivé par l’absence prolongée de la salariée qui perturbe et désorganise le fonctionnement de l’entreprise, imposant à l’employeur de procéder au remplacement définitif de la salariée absente.

La SARL AACSEN réfute l’assertion selon laquelle il y aurait un lien entre le licenciement et l’état de santé de Mme [V] ou sa reprise à temps partiel.

A titre principal, les ayants droit de la salariée soutiennent que le licenciement est nul car fondée sur une discrimination à raison de l’état de santé de la salariée.

A titre subsidiaire, les ayants droit de Mme [V] soutiennent que l’employeur ne démontre pas la désorganisation de l’entreprise qui serait causée par l’absence de la salariée et rendrait nécessaire son remplacement définitif : le licenciement serait donc dépourvu de motif réel et sérieux.

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :

” Vous avez été engagée au sein de notre société en tant que responsable ressources humaines en août 2014.

Vous avez été reçue par Madame [D] [F], secrétaire générale, le 16 mars 2017 pour faire le point sur la situation actuelle depuis votre arrêt de travail qui a débuté le 25 février 2016, soit il y a plus d’un an. Malgré votre absence à l’entretien du 27 mars 2017, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement en raison de la désorganisation du service RH / Paie du fait de votre longue absence et de la nécessité de vous remplacer définitivement.

Les motifs de ce licenciement sont les suivants :

Compte tenu de la désorganisation engendrée par votre absence prolongée et la nécessité de vous remplacer de façon définitive, il ne nous est malheureusement plus possible d’attendre plus longtemps votre retour à temps complet au sein de notre entreprise, et nous sommes au regret de devoir vous notifier votre licenciement.

En effet, nous sommes tenus, pour des impératifs de bon fonctionnement de l’entreprise, de pourvoir définitivement à votre remplacement. Comme cela vous a déjà été expliqué, votre absence à perturber le fonctionnement du service RH et plus globalement de l’entreprise :

Retards sur le traitement du contrôle URSSAF et problème de transmissions des informations qui ont généré un redressement.

Totale désorganisation du service RH, et surcharge de travail de Madame [K] (assistante RH) et Madame [G] (responsable paie). Madame [K] était dans l’impossibilité de prendre des congés entre septembre et décembre 2016. Madame [G] a dû faire des heures supplémentaires pour absorber le travail en plus lié à la reprise de dossiers de paie et à la mise en place d’outils fiables pour le suivi des heures et absences des salariés.

Interruption du suivi des instances représentatives du personnel sur toutes les sociétés (réunions DP non effectuées ou mal suivies du fait de votre absence) : suivi non effectué ou mal effectué du fait de votre absence (travaux sur les entretiens individuels et sur les grilles salariales non achevés, etc…).

Nécessité impérative pour la continuité de groupe et de l’ensemble de ses sociétés de vous remplacer tout d’abord à titre temporaire pour suivre l’ensemble des tâches qui vous incombaient ; puis de manière définitive, du fait de votre longue absence de plus d’un an et toujours en cours à ce jour.

Votre remplaçante, Madame [P], s’est démenée pour remettre à plat de nombreux dossiers et l’organisation des tâches au sein du service RH/paie, notamment en termes d’organisation, du suivi juridique et contentieux des ressources humaines et de la communication mensuelle impérative auprès des instances représentatives du personnel (des sociétés du 44, 53, 61, et 72). Le service RH a retrouvé un mode de fonctionnement qui correspond à la taille du groupe et de ces nombreuses filiales.

Enfin, et vous le comprendrez, nos travailleurs en situation de handicap et nos collaborateurs ont besoin d’une communication régulière et d’une stabilité dans le personnel qui les encadre.

Par conséquent, au regard de tous ces motifs nous vous confirmons que nous ne pouvons pas poursuivre notre collaboration.”

Si l’article L. 1132-1 du code du travail, qui fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II de ce même code, ne s’oppose pas à son licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées de l’intéressé, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif, un tel remplacement s’entend nécessairement comme étant contemporain à la rupture du contrat de travail du salarié absent et l’employeur doit se prévaloir de la nécessité d’un tel remplacement dans la lettre de licenciement.

Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; en cas de litige cette personne doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments la partie défenderesse doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d’instructions qu’il estime utiles ;

En l’espèce, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, Mme [S] [V] en arrêt maladie depuis le 25 février 2016 avait averti son employeur par sms le 28 février 2017 que son retour à temps partiel était envisagé, qu’en dépit de ce message, l’employeur a établi un contrat à durée indéterminée le 6 mars 2017 avec Mme [B] [P] se substituant au contrat à durée déterminée précédemment signé avec l’intéressée le 3 octobre 2016 pour le remplacement de Mme [S] [V] alors qu’à cette date aucune circonstance particulière contemporaine ne justifiait de mettre un terme à ce contrat à durée déterminée qui pouvait se poursuivre jusqu’au retour de la salariée.

En outre, il ressort des pièces produites au débat, en particulier d’un courriel de M. [C] [N] du 26 février 2016 évoquant l’absence de Mme [S] [V], qu’il avait seul pris la décision de faire face “ensemble” aux différentes activités du service (pièce 32 employeur) induisant une surcharge de travail pour les autres salariés, ce dont atteste Mme [L] [I] (pièce 35 employeur), de sorte que la surcharge alléguée de l’assistante RH de Mme [S] [V] ne peut sérieusement être imputable à cette dernière, laquelle fait également état de la surcharge de travail qu’elle subissait antérieurement à son arrêt de travail (pièce 8 employeur). Dans un tel contexte, il n’est pas plus sérieux d’invoquer l’impact de cette absence sur les récupérations ou la difficulté à poser des congés, ou même de lui imputer le report des réunions du personnel ou la non réception des médailles du travail.

Par ailleurs, l’examen des désorganisations invoquées par l’employeur ou les situations rapportées par Mme [P] (pièce 33 employeur)qui a été recrutée en contrat à durée déterminée plus de 8 mois après le début de l’arrêt de travail de Mme [S] [V], se rapportent à des périodes antérieures ou contemporaines du début de l’arrêt de travail de la salariée, dont rien n’établit qu’ils aient persisté à la date de l’engagement de la procédure de licenciement et ne peuvent donc justifier son remplacement définitif dans les circonstances rapportées.

Enfin, il ressort du courriel du 5 avril 2017 adressé par Mme [D] [F] en réponse à un courrier non produit, que l’arrêt de travail de l’intéressée avait pour terme le 31 mars 2017, induisant par conséquent une reprise au 3 avril 2017, que Mme [D] [F], secrétaire générale de la société indique n’avoir aucune nouvelle d’une éventuelle prolongation et l’informe de l’envoi de sa lettre de licenciement le 30 mars 2017 (pièce 14 employeur) alors que l’employeur était avisé depuis le 28 février 2017 que son retour à temps partiel était envisagé.

Dès lors qu’il ressort des développements qui précèdent que la désorganisation alléguée n’était ni imputable à l’absence de la salariée, ni contemporaine de son licenciement et qu’il n’était par conséquent pas fondé sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination mais en réalité prononcé à raison de son état de santé, il y a lieu de réformer partiellement le jugement entrepris de ce chef et de déclarer nul le licenciement de Mme [S] [V].

Sur les conséquences du licenciement :

L’employeur soutient que le licenciement étant justifié, les demandes financières des ayants droit de la salariée sont mal fondées, qu’en outre l’intéressée avait retrouvé un emploi duquel elle a démissionné et que du fait de la perception d’indemnisations complémentaires à raison de son placement en invalidité, elle ne subissait aucun préjudice.

Les ayants droits de Mme [S] [V] objectent que la salariée n’a pas pu retrouver une activité professionnelle durable, qu’elle a été indemnisée par Pôle emploi jusqu’à sa reconnaissance d’invalidité catégorie 2 un an après son licenciement et a subi de ce fait un préjudice financier important.

En application des articles L.1152-3 et L.1235-3 du code du travail, si le licenciement est nul et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur, en plus des indemnités de rupture, une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale aux six derniers mois de salaire, quels que soient son ancienneté et l’effectif de l’entreprise.

Compte tenu de la perte d’une ancienneté de 3 ans et 8 mois pour une salariée âgée de plus de 41 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, liées pour ces dernières aux circonstances très particulières dans lesquelles est intervenu le licenciement ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il sera alloué à ses ayants droit, en application des articles L.1152-3 et L. 1235-3 du Code du travail dans la rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 30.000 € net à titre de dommages-intérêts, le jugement entrepris étant confirmé en ce qui concerne l’évaluation du préjudice de la salariée, le montant du salaire de référence de la salariée n’étant pas discuté sera également confirmé ;

En revanche, en conséquence des développements qui précèdent concernant l’inapplicabilité de la convention Syntec, il ne peut être fait droit aux demandes complémentaires des ayants droit de la salariée portant sur l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l’indemnité de licenciement.

Sur la capitalisation des intérêts :

En application de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée ; la décision entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur la remise des documents sociaux :

La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef, il doit être fait droit à cette demande tel qu’il est dit au dispositif’;

Sur le remboursement ASSEDIC

En application de l’article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

Les conditions d’application de l’article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l’espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l’employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné tel qu’il est dit au dispositif ;

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante qui succombe partiellement en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser les ayants droit de la salariée décédée des frais irrépétibles qu’ils ont pu exposer pour assurer leur défense en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

DÉCLARE que l’activité de SARL AACSEN ne relève pas de la Convention collective Nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite “SYNTEC”,

DÉBOUTE M. [A] [X] es-qualités d’ayant droit de Mme [S] [V] et de représentant légal de sa fille mineure [Z] [X] et Mme [O] [X] es-qualités d’ayants droit de Mme [S] [V] des demandes formulées à ce titre,

DÉCLARE nul le licenciement de Mme [S] [V],

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

CONDAMNE la SARL AACSEN à remettre aux ayants droit de Mme [S] [V] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification, sous astreinte provisoire de 80 € par jour de retard à compter de cette date, pour une durée de 90 jours, sans que la cour ne se réserve la liquidation de l’astreinte,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL AACSEN à payer à M. [A] [X] es-qualités d’ayant droit de Mme [S] [V] et de représentant légal de ses fille [Z] [X] et Mme [O] [X] es-qualités d’ayants droit de Mme [S] [V] la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SARL AACSEN de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

ORDONNE le remboursement par la SARL AACSEN à l’organisme social concerné des indemnités de chômage payées à Mme [S] [V] dans les limites de six mois en application de l’article L 1235-4 du code du travail.

CONDAMNE la SARL AACSEN aux entiers dépens de première instance et d’appel,

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.

 


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