Dirigeant de fait : 8 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/09102

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Dirigeant de fait : 8 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/09102
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/403

Rôle N° RG 21/09102 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHU7E

[X] [L] épouse [S]

[T] [S]

C/

S.C.P. BR ASSOCIES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Romain CHERFILS

Me Joris RAFFY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de SALON-DE-PROVENCE en date du 10 Juin 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2019/01708.

APPELANTS

Madame [X] [L] épouse [S],

demeurant [Adresse 2] – [Localité 4]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Raphaël ARBIB, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE substitué par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [T] [S],

demeurant [Adresse 2] – [Localité 4]

représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Raphaël ARBIB, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE substitué par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.C.P. BR ASSOCIES

représentée par Maître Dominique RAFONI ou Maître Laura BES, ès qualités de liquidateur judiciaire de LCDK, suivant jugement du 29 mars 2018, dont le siège social est sis [Adresse 3] – [Localité 1]

représentée par Me Joris RAFFY, avocat associé de la SELARL JOUSSET AVOCATS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 18 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Agnès VADROT, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022,

Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Monsieur Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement en date du 29 mars 2018, le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la SARL LCDK, laquelle exerçait l’activité de vente en gros et au détail d’animaux familiers et de compagnie, salon de toilettage et tous services s’y rapportant.

Par exploit d’huissier en date du 11 février 2019, la SCP BR ASSOCIES, désignée en qualité de liquidateur judiciaire, a assigné Madame [X] [S], gérante de droit de la société, ainsi que son époux, Monsieur [T] [S], qui en était l’associé fondateur, devant le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE afin qu’ils soient condamnés à payer l’insuffisance d’actif de la SARL LCDK sur le fondement de l’article L651-2 du code de commerce ainsi qu’à une mesure de faillite personnelle.

Le 10 juin 2021, la juridiction a condamné in solidum Madame [X] [S] ainsi que Monsieur [T] [S], pour lequel elle a retenu le statut de dirigeant de fait de la société LCDK, à payer à la SCP BR ASSOCIES, es qualité, la somme de 94 796,52€ au titre de l’insuffisance d’actif de la société LCDK, outre intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation.

Le tribunal de commerce a relevé à l’encontre des époux [S] plusieurs fautes ayant contribué à l’insuffisance d’actif, à savoir:

-des détournements ou dissimulations de matériels, stock et clientèle de LCDK soit à leur profit soit au profit de la société AGRI SHOP qu’ils avaient également créée

-l’incompétence, l’incurie et le désintérêt de Madame [X] [S]

Le tribunal de commerce les a également condamnés à une mesure de faillite personnelle pour une durée de 7 ans relevant:

-qu’ils avaient disposé des biens de la personne morale comme de biens propres

-qu’ils avaient fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci

-qu’ils avaient détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la société

-qu’ils s’étaient volontairement abstenu de coopérer avec les organes de la procédure

Par déclaration en date du 18 juin 2021, Monsieur et Madame [S] ont fait appel de cette décision.

Parallèlement, ils ont saisi en référé Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE aux fins de faire suspendre l’exécution provisoire. Leur demande a été rejetée par ordonnance en date du 10 septembre 2021.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 12 Mai 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Monsieur et Madame [S] demandent à la cour de:

REVOQUER l’ordonnance de clôture et recevoir leurs écritures et pièces déposées et notifiées le 12 mai 2022

Vu les articles L641-4, L651-2, L653-1 et L653-2 et suivants du code de commerce,

LES RECEVOIR en leurs écritures

A titre principal,

INFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE le 10 juin 2021 en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

DIRE qu’il n’existe aucun grief à leur encontre

En conséquence ,

LES EXONERER de toute responsabilité et dire n’y avoir lieu à sanction à leur encontre

A titre reconventionnel

CONDAMNER la SCP BR ASSOCIES, es qualités, à leur verser ensemble, la somme de 3000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNER la SCP BR ASSOCIES, es qualités, aux entiers dépens d’instance dont recouvrement au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, société d’avocats aux offres de droit

A titre subsidiaire

INFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE le 10 juin 2021 en toutes ses dispositions

CANTONNER l’éventuelle condamnation pécuniaire qui serait prononcée à l’encontre des époux [S] à la somme de 3 138,67€

Les appelants contestent les griefs qui leur sont reprochés:

sur le détournement supposé de la clientèle et des stocks de la société LCDK

Ils soutiennent qu’il n’existe aucun lien de causalité entre la création de la société AGRI SHOP et les difficultés rencontrées par la SARL LCDK une année auparavant.

Ils relèvent que le tribunal de commerce s’est fondé sur un rapport d’huissier établi le 4 avril 2018, soit 10 jours après le jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société LCDK, lequel indique qu’un affichage dirige l’ancienne clientèle de la société LCDK vers le fond de commerce exploité par la société AGRI SHOP alors que dans le même temps ce constat stipule que la société LCDK est toujours ouverte à la clientèle et que les difficultés financières de celles-ci sont bien antérieures.

Ils soulignent par ailleurs le fait que les locaux voisins ont été pris à bail par la société AGRI SHOP au mois de janvier 2018 et que son immatriculation est du 28 janvier 2018. Ils soutiennent que cette proximité de dates interdit d’en déduire qu’une clientèle a pu se volatiliser en quelques semaines.

Ils rappellent qu’une année sépare les difficultés financières de la société LCDK et la création de la société AGRI SHOP et en déduisent qu’il ne peut dès lors exister aucun lien de causalité entre les deux.

Ils contestent par ailleurs tout détournement de stocks en faveur de la société AGRI SHOP en faisant observer que les déclarations de Monsieur [Y] et Madame [K] sur lesquelles le tribunal de commerce s’est fondé sont sans valeur au regard des contentieux prudhommal et pénal les opposant.

Ils indiquent que l’idée de créer un second fonds de commerce émane de leur salarié, Monsieur [Y], et qu’il s’agissait de créer une exploitation complémentaire à celle de la société LCDK et non une activité concurrente ou encore de substitution.

Sur le véhicule RENAULT Clio

Ils rappellent que le véhicule RENAULT Clio appartenant à la société LCDK, figurait sur la déclaration de cessation des paiements ce qui dissout toute volonté de détournement.

Ils exposent que le prétendu retard dans la restitution de ce véhicule, financé par un prêt dont ils sont caution solidaire, est un grief inopérant et ne peut constituer une faute de gestion.

Sur le véhicule PIAGGIO

Ils soutiennent que la preuve n’est pas rapportée de l’utilisation de ce véhicule dans un cadre étranger à celui de l’activité de la société LCDK et qu’aucun détournement ne peut être retenu.

Sur les sommes prétendument payées par LCDK pour le compte d’AGRI SHOP

Ils contestent l’existence de paiements par LCDK pour le compte d’AGRI SHOP.

S’agissant de la somme de 1833€ payés au profit d’une SCI MANON, bailleresse de la société AGRI SHOP, ils indiquent que l’extrait du bilan produit montre que la société AGRI SHOP a comptabilisé cette somme au crédit du compte courant de la société LCDK en ses livres.

S’agissant de la somme de 3511,15€ payés au profit de Monsieur [Z] et Madame [R], ils expliquent que Madame [R] était salariée de la SARL LCDK et qu’il était donc logique que cette société lui verse 342,37€ pour le salaire du mois de janvier 2018 et celle de 963,30€ pour celui du mois de février 2018. Ils précisent pour le reste correspondant aux salaire de Monsieur [Z], que s’il est exact que cette somme a été avancée par la société LCDK en qualité d’associé de la société AGRI SHOP , ce montant a été porté au crédit du compte courant de la société LCDK dans les livres de la société AGRI SHOP.

S’agissant de la somme de 2860,28€, ils réfutent l’affirmation du tribunal selon laquelle la société LCDK aurait payé des livraisons de marchandises aux lieu et place de la société AGRI SHOP . Ils font observer que les virements effectués par la société LCDK relatifs à ces commandes portent l’intitulé « Animal Shop » alors que l’enseigne de la société AGRI SHOP est intitulée « Aux Z’animos ».

Sur le désintérêt des époux [S] quant à l’exploitation

Ils rejettent ce grief dont ils affirment qu’il repose sur les calomnies d’une salariée qui était en conflit ouvert avec eux et qui ne sont corroborées par aucun autre élément du dossier.

Ils font valoir que le tribunal de commerce a relevé dans sa décision que la tenue de la comptabilité avait été parfaite et que la déclaration de l’état de cessation des paiements n’était pas critiquable.

Ils affirment que leur direction a été constante tant au plan de l’exploitation que de la gestion ce dont attestent de nombreux mails.

Ils soulignent enfin que la liste des griefs retenus par le tribunal ne distingue aucunement les fautes personnelles de chaque époux ayant généré un préjudice distinct l’un de l’autre et encore moins un lien de causalité qui existerait pour chaque griefs; que ces carences contreviennent à la jurisprudence de la chambre commerciale de la cour de cassation.

A titre subsidiaire, ils demandent, si la cour devait considérés qu’ils sont fautifs, de limiter leur condamnation pécuniaire à la somme de 3 138,67€ (1833+1305,67€) la faiblesse de leurs revenus et le montant de leurs charges ne leur permettant pas de régler des sommes importantes. Ils font enfin valoir qu’une interdiction de gérer une entreprise commerciale attachée à la faillite personnelle les empêcherait de conserver leurs postes de dirigeants alors qu’ils sont parfaitement capables de gérer convenablement une entreprise commerciale.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 15 mars 2022 , auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la SCP BR ASSOCIES demande à la cour de:

A titre principal,

CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE le 10 juin 2021 sous le numéro RG 2019 001708 en toutes ses dispositions

Et ce, sauf en ce qu’il a fixé le montant de l’insuffisance d’actif à la somme de 94 796,52€ alors que l’insuffisance d’actif s’élevait à 94 796,42€

STATUER à nouveau de ce chef

JUGER que le montant de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE par jugement du 10 juin 2021 sous le numéro RG 2019 001708, à l’encontre de Mme [X] [S] née [L] et M [T] [S] sera fixé en principal à la somme de 94 796,42€

A titre subsidiaire, à défaut de confirmation du jugement attaqué

STATUER A NOUVEAU sur l’entier litige au fond dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel

Sur la gestion de fait,

JUGER que M. [T] [S] avait la qualité de gérant de fait de LCDK depuis la constitution de la société jusqu’à sa mise en liquidation judiciaire

Sur la responsabilité pour insuffisance d’actif et la condamnation in solidum des époux [S]

JUGER que Mme [X] [S] née [L], gérante de droit de LCDK et M.[T] [S], gérant de fait de LCDK, ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de LCDK au sens de l’article L651-2 du code de commerce,

CONDAMNER in solidum Mme [X] [S] née [L] et M.[T] [S] à payer à la SCP BR ASSOCIES, es qualités de liquidateur judiciaire de LCDK, la somme de 94 796,42€ avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation

Sur la mesure de faillite personnelle ou à défaut d’interdiction de gérer

JUGER que Mme [X] [S] née [L] et M.[T] [S] se sont rendus coupables d’au moins un des faits limitativement énumérés aux articles L653-4 1°, L653-4 3°, L653-4 5°, L653-5 4° et L653-5 6° du code de commerce

PRONONCER à l’encontre de Mme [X] [S] née [L] et M.[T] [S] une mesure de faillite personnelle pour une durée de 7 ans chacun ou à défaut, en substitut, une mesure d’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci pour une durée de 7 ans chacun sur le fondement de l’article L653-8 du code de commerce

En tout état de cause,

RAPPELER que la cause a été communiquée au ministère public par application de l’article 425 al2 du code de procédure civile

DEBOUTER Mme [X] [S] née [L] et M.[T] [S] de toutes leurs demandes fins et conclusions contraires

CONDAMNER in solidum Mme [X] [S] née [L] et M.[T] [S] à payer à la SCP BR ASSOCIES es qualité de liquidateur judiciaire de LDDK la somme de 5000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

ORDONNER l’emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Sur la qualité de gérant de fait de M.[S]

La SCP BR ASSOCIES, es qualité, indique que l’examen des pièces révèle que M. [T] [S] a toujours eu la qualité de gérant de fait de LCDK:

-qu’il est l’associé fondateur de LCDK

-qu’il s’est porté caution de LCDK

-qu’il n’a jamais été lié par un contrat de travail avec LCDK

-qu’il représentait LCDK à l’égard des fournisseurs

-qu’il signait les e-mails adressés pour le compte de LCDK et en provenance de la boite e-mail de LCDK sous l’intitulé « directeur général »

-qu’il était habilité à faire fonctionner le compte bancaire de LCDK

-qu’il s’est comporté envers les salariés comme leur véritable employeur et était perçu par ces derniers comme tel

Sur les fautes de gestion

La SCP BR ASSOCIES soutient que les époux [S] ont commis des fautes de gestion qui dépassent la simple négligence et qui ont contribué à l’insuffisance d’actif

Sur l’absence de comptabilité sincère, régulière et complète

L’intimée indique que cette faute est caractérisée au regard des éléments suivants:

-absence de situation comptable au titre de l’exercice 2018 arrêtée au 29 mars 2018

-absence d’inventaire au titre des exercices 2016,2017 et 2018

-absence de remise de livre de caisse ou brouillard de caisse pour les exercices 2016, 2017 et 2018

-absence de tenue et de remise de comptabilité complète dûment certifiée par l’expert comptable au titre des exercices 2016, 2017 et 2018

-absence de réunion de l’assemblée des associés aux fins d’approbation des comptes annuels établis pour les exercices clos au 31 décembre 2016 et 31 décembre 2017

-absence de dépôt au greffe des comptes annuels de l’exercice clos au 31 décembre 2017

Sur le détournement des matériels, des stocks et de la clientèle de LCDK

La SCP BR ASSOCIES, es qualité, reproche aux époux [S] d’avoir détourné les matériels, les stocks et la clientèle de LCDK au profit d’AGRI SHOP, une nouvelle société qu’ils ont constituée et dirigée.

Elle expose que la société LCDK a rencontré, à partir de janvier 2017, d’importantes difficultés financières lesquelles se sont considérablement aggravées à la fin de cette même année; qu’ainsi, le 23 mars 2017, les époux [S] ont déclaré l’état de cessation des paiements de la société LCDK laquelle a été placée en liquidation judiciaire le 29 mars 2018; qu’entre temps, le 28 décembre 2017, ils ont créé une nouvelle société dénommée AGRI SHOP exerçant sous l’enseigne « AUX Z’ANIMOS » et vouée à succéder à LCDK; qu’en effet les deux sociétés qui ont les mêmes associés fondateurs et les mêmes dirigeants, exercent une activité identique, ont un objet statutaire identique, ont un code NAF identique et enfin ont un siège social distants de 50 mètres.

Elle affirme que les époux [S] ont détourné les actifs de LCDK au profit d’AGRI SHOP de façon préméditée, savante et organisée; qu’ils ont notamment:

-transféré les matériels et stocks de LCDK dans le local d’AGRI SHOP;

-utilisé les salariés de LCDK dans l’intérêt d’AGRI SHOP pour favoriser le transfert;

-utilisé la fiche google My Business de LCDK pour accroître la publicité d’AGRI SHOP au détriment de LCDK et profiter du référencement de LCDK sur internet;

-installé des affichages destinés à rediriger la clientèle LCDK vers AGRI SHOP

La SCP BR ASSOCIES, es qualité, fait ainsi valoir que non seulement LCDK a été vidée de ses actifs au profit d’AGRI SHOP sans aucune contrepartie mais encore que le détournement des actifs et notamment de la clientèle, élément essentiel du fonds de commerce, a fait perdre toute chance de réalisation du fonds de commerce en dépit de ses efforts

Sur l’utilisation frauduleuse, le détournement et la dissimulation du véhicule RENAULT clio

L’intimée soutient que le véhicule RENAULT Clio [Immatriculation 5], propriété de la société LCDK, a été utilisé par les époux [S] pour transférer les actifs de LCDK dans le local d’AGRI SHOP et ce dans l’intérêt exclusif de cette dernière société, ce qui constitue un abus de bien social.

Elle relève par ailleurs que ce véhicule ne s’est pas retrouvé dans le procès verbal d’inventaire dressé le 9 avril 2017; qu’il a ainsi été dissimulé afin de le soustraire au gage commun des créanciers; que le fait qu’il ait été restitué et réalisé pour un prix de 3900€ est indifférent en ce que la faute de gestion a été commise antérieurement au jugement d’ouverture et que les opérations de réalisation des actifs ont été perturbées et retardées en raison des agissements malhonnêtes des époux [S].

Sur le détournement du véhicule PIAGGIO

Elle explique que LCDK était crédit-preneur d’un véhicule PIAGGO immatriculé [Immatriculation 6] lequel était utilisé par les époux [S] dans le Val de Marne où se situe leur adresse personnelle, soit à plus de 750 kilomètres du siège social et lieu d’exploitation de LCDK situé à [Localité 7]

Sur le compte courant débiteur de M.[S]

Elle indique qu’il ressort du détail de l’actif du bilan de LCDK, arrêté au 31 décembre 2017, un compte courant d’associé au nom de M. [T] [S] numéroté 46720000 intitulé NDF KOSIE et présentant un solde débiteur de 117,18€, ce qui est formellement interdit par la loi.

Sur le prélèvement d’espèces dans la caisse de LCDK et l’approbation gratuite des stocks à des fins personnelles

Elle expose que dans le courant du mois de juillet 2017 , les époux [S] ont prélevé en espèces dans la caisse de LCDK et se sont servis sans contrepartie dans les stocks

Sur le paiement par LCDK des dettes d’AGRI SHOP

Elle soutient que les époux [S] ont fait prendre en charge par LCDK le paiement de dettes dues par AGRI SHOP, privant ainsi de trésorerie LCDK et contribuant ainsi à sa cessation des paiements survenue un mois plus tard.

Sur les virements bancaires au profit de M.[S]

Elle relève que M. [S] a reçu de LCDK des paiements par virements bancaires sans justification ni contrepartie, et ce alors que le compte bancaire de LCDK présentait un solde débiteur de 4326,19€ au 31 janvier 2018 et de 1028,46€ au 28 février 2018

Sur l’incompétence, l’incurie et le désintérêt des dirigeants

Elle reproche aux époux [S] d’avoir fait preuve d’incompétence, d’incurie et de désintérêt notamment en se tenant éloignés du siège social, en rompant des contrats d’approvisionnement vitaux avec des fournisseurs historiques, en menant une politique commerciale douteuse ou encore en se livrant à du travail dissimulé.

Sur l’insuffisance d’actif

La SCP BR ASSOCIES, es qualité, indique que le passif définitif s’élève à la somme de 101 876,42€ tandis que l’actif est de 7080€ d’où une insuffisance d’actif de 94 796,42€.

Elle affirme que les fautes relevées ont clairement entraîné tantôt la constitution d’un passif supplémentaire en lien avec l’insuffisance d’actif constatée, tantôt l’aggravation de cette insuffisance d’actif.

Sur les sanctions

Elle sollicite au regard des fautes retenues à l’encontre des époux [S] une mesure de faillite personnelle pour une durée de 7 ans chacun

A titre subsidiaire, elle réclame que soit prononcée une mesure d’interdiction de gérer pour une durée de 7 ans.

Par avis en date du 07 avril 2022, le ministère public sollicite la confirmation du jugement querellé pour les motifs invoqués par le mandataire.

L’ordonnance de clôture initialement rendue le 7 avril 2022 a été révoquée à l’audience collégiale du 18 mai 2022 avec nouvelle clôture à cette date.

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte des dispositions de l’article L651-2 du code de commerce que le tribunal peut condamner à supporter l’insuffisance d’actif d’une société placée en liquidation judiciaire tout dirigeant de droit ou de fait responsable d’une faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif.

En application du texte susvisé, pour que l’action initiée par la SCP BR ASSOCIES représentée par Maître RAFONI ou Maître BES, es qualités de liquidateur judiciaire de la société LCDK puisse prospérer il faut que soit établi:

une insuffisance d’actif

une ou plusieurs fautes de gestion imputables aux dirigeants de droit ou de fait

un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l’insuffisance d’actif

Sur l’insuffisance d’actif:

L’insuffisance d’actif s’établit à la différence entre le montant du passif admis et correspondant à des créances antérieures au jugement d’ouverture et le montant de l’actif de la personne morale débitrice.

Il résulte des pièces produites, et n’est pas contesté, que le passif définitivement admis s’élève à la somme de 101 876,42€ et que le montant de l’actif est de 7 080€.

Il s’en déduit l’existence d’une insuffisante d’actif d’un montant de 94 796,42 € et non de 94 796,52 € comme retenu par le tribunal de commerce.

Sur la gérance

Il est établi que Madame [X] [S] étant gérante de droit de la société LCDK.

Il n’est pas contesté que Monsieur [T] [S] exerçait la gérance de fait de ladite société.

Sur les fautes de gestion reprochées aux époux [S] et leur lien de causalité avec l’insuffisance d’actif:

Sur la comptabilité

Le tribunal de commerce de Salon de Provence a jugé qu’au regard de la tenue de la comptabilité de la société LCDK, aucune faute de gestion ne pouvait être retenue à ce titre à l’encontre des époux [S].

Aucun appel incident ayant été formé sur ce point, il y a lieu de constater que la cour n’en est pas saisie.

Sur les détournements d’actifs

Il résulte des éléments du dossier qu’antérieurement à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société LCDK , soit le 28 décembre 2017, les époux [S] ont créé la société AGRI SHOP exerçant sous l’enseigne « AUX Z’ANIMOS » et ayant, outre la même dirigeante de droit, en l’occurrence Madame [S], une activité, un objet statutaire et un code NAF identiques à la première ainsi qu’une proximité géographique avec celle-ci.

Les déclarations de salariés corroborées par les échanges de mails produits attestent de l’existence d’un transfert des matériels et stocks de la société LCDK au bénéfice de la société AGRI SHOP avec utilisation du personnel de la première.

Un constat d’huissier en date du 11 avril 2018 versé aux débats établit par ailleurs l’existence d’un affichage destiné à rediriger la clientèle de la société LCDK vers la société AGRI SHOP. L’huissier de justice a également relevé la poursuite de l’activité de LCDK postérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire, Monsieur [S] lui ayant indiqué que le compte bancaire crédit des cartes bleues était celui d’une autre société lui appartenant, laquelle était également propriétaire des biens se trouvant actuellement dans les locaux de la société en liquidation qu’il s’apprêtait à déménager.

Il est également démontré que la société LCDK a supporté des dépenses incombant à la société AGRI SHOP (paiements de loyers, salaires ou encore de fournisseurs).

Il résulte de ces éléments que les époux [S] ont volontairement disposé des actifs et ressources de la société LCDK pour favoriser le démarrage de la nouvelle société qu’ils avaient créée et ayant une activité similaire, et ce sans aucune contrepartie financière.

Il a de surcroît été mis en évidence que le véhicule RENAULT Clio immatriculé [Immatriculation 5] qui ne figurait pas dans le procès-verbal d’inventaire dressé le 9 avril 2017 avait été dissimulé et que le véhicule PIAGGIO immatriculé [Immatriculation 6] qui se trouvait au domicile des époux [S] situé dans le Val de Marne n’avait pas été utilisé dans l’intérêt de la société LCDK.

Le bilan de la société LCDK arrêté au 31 décembre 2017 a révélé l’existence d’un compte courant d’associé au nom de Monsieur [T] [S] présentant un solde débiteur proscrit par l’article L223-21 du code de commerce.

Il a enfin été relevé que Monsieur [S] avait reçu de la société LCDK des paiements par virements bancaires sans justification ni contrepartie, et ce alors que le compte bancaire de la société présentait un solde débiteur.

L’ensemble de ces éléments caractérise un détournement des actifs appartenant à la société LCDK ayant favorisé directement les intérêts de ses dirigeants et les intérêts de la société AGRI SHOP dans laquelle ils étaient directement intéressés.

C’est donc à juste titre que le tribunal a retenu une faute de gestion sur ce fondement.

Sur l’incompétence, l’incurie et le désintérêt de Madame [S]

C’est également à bon droit que le tribunal a retenu l’incompétence, l’incurie et le désintérêt de la dirigeante de droit de la société LCDK qui était domiciliée à distance de sa société et dont les employés disent qu’elle n’était pas impliquée dans la vie du magasin.

Sur le lien de causalité entre les fautes retenues et l’insuffisance d’actif:

Il convient de rappeler que le dirigeant peut être déclaré responsable même si la faute de gestion n’est qu’une des causes de l’insuffisance d’actif et qu’il en est de même si la faute n’est à l’origine que de l’une des parties des dettes de la société.

Le fait que la société liquidée ait été sans contrepartie privée d’une partie de ses actifs détournés au profit de ses dirigeants ou au profit de la société AGRI SHOP qu’ils avaient créée, a nécessairement et directement contribué à l’insuffisance d’actif.

Le jugement du tribunal de commerce sera confirmé en ce qu’il a déclaré Monsieur et Madame [S] responsables de l’insuffisance d’actif de la procédure de liquidation judiciaire de la société

Au regard de la gravité des fautes retenues, Monsieur et Madame [S] seront condamnés in solidum à payer à la SCP BR ASSOCIES, es qualité, la somme de 94 796,42€ au titre de l’insuffisance d’actif, le jugement ayant retenu dans son dispositif la somme de 94 796,52€ devant être infirmé sur ce point.

Sur la sanction de faillite personnelle

Il résulte des dispositions de l’article L653-4 du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, contre lequel a été relevé l’un des faits ci-après:

– Avoir disposé des biens de la personne morale comme ses biens propres

– Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement

-Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale

Il a été démontré que Monsieur et Madame [S] avaient commis des fautes de gestion correspondant à ces faits.

Le tribunal peut également conformément aux dispositions de l’article L653-5 du code de commerce prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l’article L653-1 qui a, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement.

Le tribunal de commerce a justement retenu cette faute à l’encontre des époux [S] qui n’avaient pas adressé la liste des créanciers conformément à l’article L622-6 du code de commerce et n’avaient pas répondu à la convocation du liquidateur du 10 avril 2018 alors même qu’ils étaient aguerris au monde des affaires pour avoir dirigé 8 sociétés et dont 2 avaient fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire.

Le jugement du tribunal de commerce de Salon de Provence sera confirmé en ce qu’il a condamné Madame [X] [S] et Monsieur [T] [S] à une mesure de faillite personnelle d’une durée, au regard de l’importance du passif généré par les fautes commises, de 7 années.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Monsieur et Madame [S] qui succombent seront condamnés aux dépens lesquels seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Ils se trouvent ainsi infondés en leurs prétentions au titre des frais irrépétibles

Au vu des circonstances de l’espèce, il serait inéquitable de laisser supporter à la SCP BR ASSOCIES, es qualité, l’intégralité des frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Monsieur et Madame [S] seront condamnés in solidum à lui verser la somme de 3000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après débats publics et par arrêt contradictoire mis à disposition du greffe

CONFIRME le jugement rendu le 10 juin 2021 par le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné in solidum Madame [X] [S] et Monsieur [T] [S] à payer la somme de 94 796,52€ au titre de l’insuffisance d’actif

Statuant à nouveau de ce chef

CONDAMNE in solidum Madame [X] [S] et Monsieur [T] [S] à payer à la SCP BR § ASSOCIES es qualité la somme de 94 796,42€ au titre de l’insuffisance d’actif de la SARL LCDK

DECLARE Madame [X] [S] et Monsieur [T] [S] infondés en leurs prétentions au titre des frais irrépétibles

CONDAMNE in solidum Madame [X] [S] et Monsieur [T] [S] à payer à la SCP BR ASSOCIES es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL LCDK la somme de 3000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

ORDONNE l’emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

LE GREFFIER,LA PRESIDENTE,

 


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