Your cart is currently empty!
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/01302 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MGUK
[I]
C/
[O]
Société [P] [B]
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 6]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 29 Janvier 2019
RG : F17/04677
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022
APPELANT :
[V] [I]
né le 24 Mars 1968 au MAROC
Chez Monsieur [C] [H]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET et ayant pour avocat plaidant avocat au barreau de LYON, Me Michel NIEF, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
[J] [O]
né le 09 Mai 1977 au MAROC
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Simon ULRICH, avocat au barreau de LYON
Société [P] [B], représentée par Me [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société CARRELAGE DU RHONE
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Sylvain FLICOTEAUX de la SELARL DELMAS FLICOTEAUX, avocat au barreau de LYON
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 6]
[Adresse 3]
[Adresse 8]
[Localité 6]
représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Mai 2022
Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Joëlle DOAT, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Antoine MOLINAR-MIN, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 14 Septembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte du 19 septembre 2011, la société Carrelage Vendôme, représentée par son gérant, M.[O], et Monsieur [V] [I] ont conclu un contrat de travail ‘pour une durée indéterminée à partir de la réception par M. [I] de son titre de séjour lui permettant d’exercer une activité professionnelle sur le territoire français et en cours de validité’.
Le 19 juin 2012, un ‘contrat d’embauche à durée indéterminée’ a été signé par les parties, aux termes duquel la société Carrelage Vendôme, représentée par son gérant, M.E [T], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro 511 456 980, a engagé Monsieur [V] [I] en qualité de carreleur professionnel, qualification NII coefficient 185, à compter de cette même date.
Les statuts de la société ont été modifiés le 10 décembre 2012.
Par jugement en date du 24 septembre 2013, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Carrelage Vendôme.
Puis, par jugement en date du 24 octobre 2013, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la conversion du redressement en liquidation judiciaire, mis fin à la mission de l’administrateur judiciaire et désigné Maître [A] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte du 23 février 2016, la société Carrelage du Rhône, représentée par M. [R] [U], a engagé M. [V] [I] ‘en contrat à durée indéterminée’ en qualité de carreleur, statut ouvrier, niveau II, coefficient 185 de la convention collective du bâtiment : ouvriers IDCC n° 1596, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 589,30 euros pour un horaire mensuel de 151,67 heures.
Un second contrat de travail à durée indéterminée a été conclu entre les mêmes parties le 16 mai 2016 à effet du même jour, M. [I] étant engagé au même poste de carreleur, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 800 euros pour un horaire mensuel de 151,67 heures.
Par lettre du 7 août 2017 M. [I] a annoncé à la société Carrelage du Rhône et à M. [J] [O] qu’il prenait acte de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement en date du 7 novembre 2017, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société Carrelage du Rhône et désigné Maître [G] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par requête en date du 28 décembre 2017, M. [I] a fait convoquer la société Carrelage du Rhône et M. [J] [O] devant le conseil de prud’hommes de Lyon en lui demandant de dire que sa prise d’acte notifiée le 7 août 2017 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’ordonner la délivrance de ses bulletins de paie de mai 2016 à avril 2017 sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d’ordonner la communication des justificatifs de sa déclaration préalable à l’embauche et des cotisations URSSAF réglées pour son compte et de condamner in solidum la société Carrelage du Rhône et M.[O] à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire pour la période du mois de mai 2017 au 7 août 2017, dommages et intérêts pour travail dissimulé, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis de deux mois et indemnité légale de licenciement.
Le liquidateur judiciaire de la société Carrelage du Rhône, ès qualités, et l’AGS CGEA ont été convoqués par le greffe afin de poursuivre l’instance.
Par jugement en date du 29 janvier 2019, le conseil de prud’hommes a :
– dit qu’à titre liminaire, les demandes de monsieur [V] [I] de condamnation de M.[J] [O] au paiement de créances relatives au contrat de travail avec la société Carrelage Vendôme sont irrecevables ;
– dit que l’action en contestation de la qualité de salarié de monsieur [J] [O] n’appartient qu’à Maître [G] en application de ‘l’article L641-” du code de commerce ;
– dit qu’il y a lieu de mettre hors de cause Maître [G] pour toutes les demandes de monsieur[V] [I] à l’égard de ses employeurs précédents pour les demandes de remise sous astreinte des bulletins de salaire ou de déclarations sociales au sein de ces sociétés ;
– dit que monsieur [V] [I] n’avait pas la qualité de salarié de la société Carrelage du Rhône ;
– débouté monsieur [J] [O] de ses demandes reconventionnelles.
– débouté monsieur [V] [I] de l’intégralité de ses demandes.
– condamné monsieur [V] [I] aux entiers dépens de la présente instance.
M.[I] a interjeté appel de ce jugement, le 19 février 2019, à l’égard de M. [O], Maître [G] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Carrelage du Rhône et l’association Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 6].
Il demande à la cour :
– de réformer le jugement
– ‘les présentes valant sommation au demandeur de communiquer les justificatifs de la déclaration préalable à son embauche et des règlements de cotisations URSSAF’,
– de dire que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en date du 7 août 2017 prend les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– d’ordonner la délivrance sous astreinte de 100 € par jour de retard de ses bulletins de paie de mai 2016 à avril 2017,
– de fixer sa créance salariale sur la liquidation judiciaire de la société Carrelage du Rhône selon les sommes suivantes :
rappel de salaire de mai 2017 au 7 août 2017 soit 3 mois : 8 145 euros
congés payés sur rappel de salaire : 814,50 euros
dommages et intérêts pour travail dissimulé ‘6 mois’ : 16 290 euros
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ‘7 mois’ : 19 005 euros
indemnité compensatrice de préavis ‘2 mois’ : 5 430 euros
congés payés y afférents : 543 euros
indemnité légale de licenciement : 4 072,50 euros
– de condamner M. [O] à lui payer les sommes suivantes :
rappel de salaire de mai 2017 au 7 août 2017, soit 3 mois : 8 145 euros
congés payés sur rappel de salaire : 814,50 euros
dommages et intérêts pour travail dissimulé ‘6 mois’ : 16 290 euros
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ‘7 mois’ : 19 005 euros
indemnité compensatrice de préavis ‘2 mois’ : 5 430 euros
congés payés y afférents: 543 euros
indemnité légale de licenciement : 4 072,50 euros
article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros
– d’ordonner à la société Carrelage du Rhône prise en la personne de son liquidateur Maître [G] et à M. [O] in solidum de lui délivrer :
ses bulletins de paie de mai 2016 à avril 2017,
les justificatifs de la déclaration préalable à l’embauche et du règlement des cotisations URSSAF pour son compte,
un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, et un bulletin de salaire rectifié correspondant au montant des condamnations prononcées
– de dire commune et opposable à Maître [G] et au CGEA la décision à intervenir.
– d’assortir ladite obligation d’une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, en tout cas contre M. [O]
– de se réserver la liquidation de l’astreinte ordonnée.
– ‘d’ordonner en outre l’exécution provisoire de la décision à intervenir’ en tout cas contre M.[O]
– de condamner ‘les défendeurs’ aux entiers dépens.
Il soutient en substance :
– que les parties étaient liées depuis le 19 septembre 2011 par une succession de contrats de travail ininterrompus, toujours sous le lien de subordination avec M. [O], quelle que soit la structure juridique ayant conclu le contrat de travail
– que, malgré la mise en demeure qui leur a été délivrée, les ‘défendeurs’ ne justifient pas des formalités accomplies au titre de leurs obligations d’employeurs sur cette même période, y compris depuis les mois de février ou mai 2016
– que M. [O] a cessé de lui confier toute prestation de travail à compter de la fin avril 2017, sans notifier de motifs, ni respecter la procédure de licenciement, en procédant par simple message Whatsapp
– que c’est bien M. [O] qui a été l’auteur des contrats de travail, a contrôlé leur exécution et les a rompus, de sorte qu’il doit endosser la qualité d’employeur de fait
– que lui-même n’avait pas le statut d’auto entrepreneur
– que le contrat conclu à l’origine, la régularité de la rémunération, le travail donné par l’entreprise sous le lien hiérarchique de monsieur [O] et l’absence de rupture de la convention initiale caractérisent le contrat de travail
– que la société Carrelage du Rhône et M. [T] ont cessé de rémunérer les prestations qu’il a accomplies, que ses mises en demeure sont restées sans réponse, qu’il a été spolié de ses droits à congés payés, que tous ces éléments constituent des fautes graves et justifient que la rupture du contrat de travail soit prononcée à leurs torts
– que M. [O] lui a interdit toute nouvelle mission, par message Whatsapp du 26 avril 2017 à 16h45, qu’il a donc rompu la relation ininterrompue de travail qui durait depuis 6 années, sans motif, ni respect de la procédure de licenciement et qu’il l’a obligé à restituer le matériel mis à sa disposition.
M. [O] demande à la cour :
in limine litis :
– de prononcer la caducité de la déclaration d’appel
subsidiairement, en tout état de cause avant tout examen au fond,
– de ‘déclarer irrecevable en ses demandes à l’encontre de M. [I]’
infiniment subsidiairement,
au fond,
– de confirmer le jugement
– de condamner M. [V] [I] à lui verser la somme de 15000 euros pour procédure abusive,
– de condamner M. [V] [I] à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– de condamner M. [V] [I] aux entiers dépens.
Il soutient en substance :
– que les conclusions de l’appelant ont été déposées le 20 mai 2019, soit un jour après la date limite de dépôt, ce qui rend caduque la déclaration d’appel
– qu’il était simple salarié de la société Carrelage du Rhône, qu’il n’entretenait aucune relation contractuelle avec M.[V] [I], de sorte qu’il ne peut valablement être qualifié d’employeur et porter une quelconque responsabilité dans cette affaire
– que M. [V] [I] l’a attrait à la présente procédure alors qu’il avait parfaitement connaissance du fait que ses employeurs successifs étaient les sociétés Carrelage Vendôme et Carrelage du Rhône, au vu des contrats de travail et des bulletins de salaire versés aux débats, dans le seul but de pallier la défaillance de ces sociétés, chacune en liquidation judiciaire, ce qui constitue un abus de M. [I] du droit d’agir en justice.
La société [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Carrelage du Rhône, désignée en lieu et place de Maître [G], demande à la cour :
à titre principal :
– de confirmer le jugement
à titre subsidiaire :
– de débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes
à titre infiniment subsidiaire :
– de réduire à de plus justes proportions les demandes disproportionnées de M. [I]
en tout état de cause :
– de condamner M. [I] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, ceux d’appel distraits au profit de Maître Laffly, avocat, sur son affirmation de droit.
Elle soutient en substance :
– qu’elle est seule titulaire, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Carrelage du Rhône, de l’action tendant à voir reconnaître la qualité de dirigeant de fait de M. [O]
– qu’il n’y a eu aucune modification de la situation juridique de l’employeur initial de M. [I], que la société Carrelage Vendôme a fait l’objet d’une liquidation judiciaire par jugement du 24 octobre 2013 et qu’aucun transfert de contrat n’a pu intervenir postérieurement à cette date
– que M. [I] était auto-entrepreneur depuis le 16 avril 2014, sous le numéro SIREN 801 755 653 et que le contrat de travail écrit n’est qu’un montage destiné à lui permettre d’obtenir le statut protecteur du code du travail
– qu’en tout état de cause, M. [I] ne pouvait pas prendre acte de la rupture d’un contrat qui était déjà rompu depuis le mois d’avril 2017 et que ‘les seuls manquements concerneraient des entités tierces dont la société Carrelage du Rhône ne saurait être tenue et dont l’ancienneté fait obstacle à toute prise d’acte’.
L’UNEDIC, délégation AGS- CGEA demande à la cour :
– de confirmer le jugement entrepris
subsidiairement,
– de fixer le salaire mensuel brut à 1 800 euros
– de réduire le rappel de salaire dû pour la période de mai à juillet 2017 à 5 400 euros
– de réduire l’indemnité compensatrice de préavis à 1 800 euros.
en tout état de cause,
– de constater l’absence de rupture du contrat de travail dans les 15 jours de la liquidation judiciaire et dire que l’AGS ne garantit pas les ‘indemnités de rupture’ : indemnité pour travail dissimulé, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et indemnité légale de licenciement au visa de l’article L.3253-8 du code du travail
– de dire et juger hors garantie, la demande d’indemnité formulée sur le fondement
de l’article 700 du code de procédure civile
– de dire que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21 et L. 3253-15 du code du travail et L. 3253-17 du code du travail
– de dire que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement
– de mettre les concluants hors dépens.
Elle soutient en substance :
– que la société Carrelage Vendôme ne disposait en réalité d’aucune trésorerie, que sa direction n’était pas véritablement identifiée, qu’il n’y avait aucune information des dirigeants de l’entreprise, notamment sur la situation du personnel et le nombre de salariés faisant partie de l’effectif et que, dans ces conditions, Maître [A] a été amené, comme pour l’ensemble des prétendus salariés de cette entreprise, à rejeter leur qualité de salarié
– que les contrats de travail dont se prévaut M.[I] ne sont pas valables et qu’ils sont inopposables à la procédure collective et à l’AGS CGEA de [Localité 6]
– qu’en l’absence de contrat de travail valable consenti par la société Carrelage du Rhône, la charge de la preuve d’un tel contrat incombe à M. [I], mais que ce dernier ne verse aucun élément de nature à justifier l’existence d’un lien de subordination avec la société Carrelage du Rhône.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2022.
SUR CE :
Sur la demande de M. [O] tendant à voir constater la caducité de la déclaration d’appel
En application de l’article 914 du code de procédure civile, les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d’appel la caducité ou l’irrecevabilité après la clôture de l’instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement.
La demande de M. [O] est en conséquence irrecevable.
Sur les demandes dirigées contre M. [O]
Il ressort des pièces produites que M. [O] était le gérant de la société Carrelage Vendôme dont la liquidation judiciaire a été prononcée le 24 octobre 2013.
M. [I] n’est donc pas recevable à former à l’encontre de M. [O] en sa qualité de gérant de ladite société Carrelage Vendôme des demandes relatives à l’exécution du contrat de travail qu’il revendique, puisque celui-ci n’était pas personnellement son employeur.
Il n’est pas recevable non plus à former des demandes à l’encontre de M. [O] relatives au contrat de travail qu’il revendique à l’égard de la société Carrelages du Rhône au motif que celui-ci aurait été le gérant de fait de ladite société, désormais en liquidation judiciaire, cette société étant représentée par son liquidateur judiciaire auquel il appartient d’exercer le cas échéant toute action en responsabilité.
Sur les demandes dirigées contre la société [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Carrelage du Rhône
M. [I] se prévaut de ce qu’un contrat de travail lui a été consenti par la société Carrelage Vendôme, puis transféré à la société Carrelage du Rhône qui est devenue son nouvel employeur.
Toutefois, la société Carrelage Vendôme a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire en 2013, trois ans avant la souscription des contrats litigieux entre la société Carrelage du Rhône et M. [I], de sorte que ce dernier ne peut pas soutenir que les obligations du contrat de travail initial avec la société Carrelage Vendôme qu’il revendique ont été transférées à la société carrelage du Rhône en application des articles L1224-1 et L1224-2 du code du travail.
Par ailleurs, la liquidation judiciaire de la société Carrelage Vendôme n’étant pas dans la cause, les développements relatifs à la qualité de salarié de cette société de M. [I] sont sans objet.
Deux contrats écrits ont été souscrits entre M. [I] et la société Carrelage du Rhône successivement le 23 février 2016 et le 16 mai 2016.
M. [I] produit un bulletin de paie à en-tête de Carrelage du Rhône pour la période du 23 février au 29 février 2016, mentionnant un salaire de base de 1589,30 euros, un nombre d’heures payées de 0 et un ‘net à payer’ de -7,48 euros.
Il démontre avoir reçu des virements de la société Carrelage du Rhône à compter du 12 février 2016, puis en mars, avril, mai, juillet, novembre et décembre 2016, janvier 2017, 13 et 21 février 2017, mars 2017, 4 et 25 avril 2017.
Il produit également :
– la copie d’une feuille manuscrite non datée sur laquelle figurent des fournitures (faïence, plinthe, carrelage), des sommes, des comptes et la mention ‘à payer 6564,43 euros’, ainsi que la copie de messages qui auraient été échangés entre ‘[L]’ et lui le 26 avril, le 2 mai, le 9 mai, le 17 mai, le 21 mai et le 22 mai 2017 ayant pour objet sa réclamation d’être payé de son travail, ‘[L]’ lui répondant qu’il ne paie pas un travail mal fait
– la copie d’une lettre adressée par lui à M. [O] datée du 7 août 2017 intitulée LETTRE RECOMMANDEE AR dans laquelle il écrit :
Monsieur le directeur,
Depuis que vous m’avez mis à la porte, je n’ai reçu, ni mes bulletins de paie, ni le justificatif du paiement de mes cotisations sociales, ni mon solde de tout compte, ni le règlement de la demande de rappel de salaire de 6564,43 euros nets. Vous ne m’avez pas non plus réintégré dans mon poste de travail. Pour tenter de sortir de cette situation précaire, je suis contraint de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail de par votre faute. Je vous demande à nouveau de m’adresser les éléments demandés et ceux correspondant à la fin de mon travail .
Ces éléments permettent d’établir l’existence d’un contrat de travail apparent consenti par la société Carrelage du Rhône à M. [I], de sorte qu’il incombe au liquidateur judiciaire, ès qualités, et à l’AGS de prouver que ce contrat était fictif.
Le fait que deux contrats de travail successifs aient été conclus, sans que le premier ait été rompu, portant sur le même poste de travail, qu’un unique bulletin de salaire ait été émis dont il ressort qu’aucune rémunération n’a été versée à M. [I] et qu’une fiche d’information entreprise au nom d'[V] [I] sur un site verif.com contienne les renseignements suivants : ‘artisan (civil) créée le 16 avril 2014 APE 8121 Z nettoyage courant des bâtiments’ ne suffit pas à démontrer que le contrat de travail était fictif.
Il convient en conséquence de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Carrelage du Rhône au profit de M. [I] une créance de rappel de salaire pour les mois de mai, juin et juillet 2017 d’un montant de 5400 euros bruts, sur la base d’un salaire mensuel de 1800 euros bruts, outre l’indemnité de congés payés afférents.
M. [I] établit que l’employeur a cessé de lui fournir du travail à compter d’avril 2017 et de lui verser sa rémunération à compter de mai 2017. Ces manquements de l’employeur à ses obligations revêtaient une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
La prise d’acte de M. [I] doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Compte-tenu d’une ancienneté de dix-sept mois et quinze jours (du 23 février 2016 au 7 août 2017), les créances de M. [I] sur la procédure de liquidation judiciaire de la société Carrelage du Rhône doivent être fixées ainsi qu’il suit :
– indemnité compensatrice de préavis d’un mois : 1 800 euros
– indemnité de congés payés afférents : 180 euros
– indemnité légale de licenciement : 525 euros (360 + 165)
– dommages et intérêts sur le fondement de l’article L1235-5 ancien du code du travail, au regard de l’ancienneté du salarié, de son âge à la date de la rupture (49 ans) et de l’absence de tout renseignement relatif à sa situation professionnelle postérieure à ladite rupture : 3 000 euros.
En application de l’article L8221-1 du code du travail, est interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L 8221 -3 et L 8221-5.
L’article L8221-5 de ce code énonce qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L1221-10 relatif à la déclaration préalable à l’embauche, soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L3243-2 relatif à la délivrance d’un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie, soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’employeur n’a pas justifié avoir effectué la déclaration préalable à l’embauche de M. [I], déclaré ses salaires et payé les cotisations sociales à sa charge.
Le délit de travail dissimulé est ainsi constitué.
Il y a lieu de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Carrelage du Rhône au profit de M. [I] une créance d’un montant de 10 800 euros à titre d’indemnité de travail dissimulé, sur le fondement des dispositions de l’article L8223-1 du code du travail.
Le liquidateur judiciaire, ès qualités, devra remettre à M. [I] ses bulletins de salaire mensuels tels que réclamés pour la période de mai 2016 à avril 2017 inclus ainsi qu’un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.
Les créances salariales, de rupture et d’indemnité pour travail dissimulé étant nées antérieurement à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Carrelage du Rhône, elles bénéficient de la garantie légale de l’AGS, en vertu des dispositions de l’article L3253-8 du code du travail.
Sur la demande reconventionnelle de M. [O]
Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, M. [O] ne caractérise pas la faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice qu’aurait commise M. [I] en demandant qu’il soit condamné à lui payer diverses sommes en qualité d’employeur, au regard des circonstances dans lesquelles s’est déroulée la relation de travail.
Il y a lieu de confirmer le jugement qui a rejeté la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par M. [O].
Il convient de condamner le liquidateur judiciaire, ès qualités, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.
Compte-tenu de la situation de liquidation judiciaire de la société Carrelage du Rhône, il n’y pas lieu de mettre à la charge du liquidateur judiciaire, ès qualités, les frais irrépétibles exposés par M. [I] à l’occasion de la présente procédure.
L’équité commande de rejeter la demande de M. [O] fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
DÉCLARE irrecevable la demande de M. [O] tendant à la caducité de la déclaration d’appel formée par M. [I]
INFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de M. [O] et les demandes fondées sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile
STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,
DÉCLARE irrecevables les demandes dirigées par M. [I] contre M. [O]
FIXE les créances de M. [I] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Carrelage du Rhône aux sommes suivantes :
– 5 400 euros à titre de rappel de salaires pour les mois de mai, juin et juillet 2017 et 540 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents
– 1 800 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 180 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents
– 525 euros à titre d’indemnité légale de licenciement
– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur
– 10 800 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé
DIT que l’AGS devra sa garantie dans les conditions prévues par la loi
DIT que le liquidateur judiciaire, ès qualités, devra remettre à M. [I] ses bulletins de salaire mensuels pour la période de mai 2016 à avril 2017 ainsi qu’un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi
REJETTE la demande en fixation d’une astreinte
CONDAMNE le liquidateur judiciaire, ès qualités, aux dépens de première instance et d’appel
REJETTE les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE