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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4IC
13e chambre
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 04 OCTOBRE 2022
N° RG 22/01149
N° Portalis
DBV3-V-B7G-VA2L
AFFAIRE :
[M] [D]
C/
[N] [H]
….
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Février 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° chambre :
N° Section :
N° RG : 2020L02387
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Stéphanie
[Adresse 9]
Me Oriane DONTOT
MP
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [M] [D]
né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 8] (YOUGOSLAVIE)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619
Représentant : Me Wilfried SCHAEFFER de la SELEURL SCHAEFFER AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0615
APPELANT
****************
Monsieur [N] [H]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Défaillant
Monsieur [X] [C]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Défaillant
LE PROCUREUR GENERAL
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
[Adresse 7]
[Adresse 7]
S.A.S. ALLIANCE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentant : Me Oriane DONTOT de l’AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20220215
Représentant : Me Stéphane CATHELY de l’AARPI CATHELY & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0986
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Juin 2022, Madame Sophie VALAY-BRIERE, présidente, ayant été entenduen son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN
En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l’avis du 23/03/2022 a été transmis le 24/03/2022 au greffe par la voie électronique.
La SARL Ideal clim chauffage exploitait une activité de chaudronnerie, chauffage et rénovation. Elle a été gérée par M. [M] [D], associé à 50%, de l’origine jusqu’au 2 mai 2016, puis par M. [N] [H] jusqu’au 31 décembre 2016 et enfin, par M. [X] [C].
Par assemblée générale extraordinaire du 2 mai 2016, M. [M] [D] a cédé la totalité de ses parts sociales à Mme [V] [D] née [G], l’autre associé étant M. [R] [D].
Sur assignation de l’Urssaf, le tribunal de commerce de Nanterre, par jugement en date du 15 juin 2017, a ouvert à l’égard de la société Ideal clim chauffage une procédure de liquidation judiciaire, désigné la SAS Alliance en qualité de liquidateur judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 16 décembre 2015.
Considérant que les opérations de la liquidation judiciaire avaient mis en évidence des fautes de gestion, par actes d’huissier des 4, 10 et 13 août 2020, la société Alliance, ès qualités, a attrait en responsabilité pour insuffisance d’actif et sanctions personnelles MM. [D], [H] et [C] devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement réputé contradictoire, assorti de l’exécution provisoire, du 2 février 2022 a :
– condamné MM. [D], [H] et [C] à payer respectivement les sommes de 125 000, 30 000 et 20 000 euros entre les mains de la société Alliance, ès qualités ;
– prononcé la faillite personnelle de MM. [D], [H] et [C] pour une durée respective de 10, 5 et 4 ans ;
– condamné solidairement MM. [D], [H] et [C] à payer à la société Alliance, ès qualités, la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné MM. [D], [H] et [C] aux dépens.
Le tribunal pour prononcer ces sanctions a retenu une insuffisance d’actif de 1 062 522,41 euros et, à l’encontre de M. [D], le fait d’avoir omis de déclarer la cessation des paiements, le défaut de règlement des obligations fiscales et sociales et le détournement des actifs de la société Ideal clim chauffage. Il a en revanche écarté le défaut de comptabilité régulière considérant que le lien de causalité avec l’insuffisance d’actif n’était pas établi.
S’agissant de la sanction personnelle, il a retenu le détournement d’actifs, l’absence volontaire de collaboration avec les organes de la procédure et le défaut de comptabilité.
Par déclaration du 25 février 2022, M. [D] a interjeté appel des dispositions du jugement le concernant. La déclaration d’appel a été signifiée à M. [H] le 9 mars 2022 par acte d’huissier remis à l’étude et à M. [C] le même jour par acte d’huissier remis selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, lesquels n’ont pas constitué avocat.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 1er avril 2022 et signifiées à M. [H] le 5 avril 2022 par acte d’huissier remis à l’étude et à M. [C] le 21 avril 2022 par acte d’huissier remis selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, M. [D] demande à la cour de :
à titre principal,
– juger prescrites les demandes exposées par la société Alliance, ès qualités, par actes extrajudiciaires des 3, 10 et 13 août 2020 au titre des actions en comblement de passif et faillite personnelle, soit plus de trois ans après la date d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire du 15 juin 2017 ;
en conséquence,
– infirmer en tous points le concernant la décision ;
statuant à nouveau,
– débouter la société Alliance, ès qualités, de toutes ses demandes exposées à son encontre ;
– condamner la société Alliance, ès qualités, à lui régler la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Alliance, ès qualités, aux entiers dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de la Selarl Minault Territehau qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
à titre subsidiaire,
Si par extraordinaire la cour ne devait pas considérer que l’action du liquidateur était prescrite, réformer la décision sur le fond ;
– débouter la société Alliance, ès qualités, de ses demandes au titre de l’action en comblement de passif et de la faillite personnelle ;
à titre infiniment subsidiaire,
Si par extraordinaire la cour ne devait pas considérer que les demandes exposées contre lui sont infondées,
– minorer le montant de l’insuffisance d’actif mise à sa charge ;
– répartir le montant de l’éventuelle insuffisance d’actif à parts égales entre les trois gérants successifs;
– minorer la période pour laquelle le tribunal a prononcé l’interdiction de gérer ;
– minorer les sommes allouées à la société Alliance, ès qualités, au titre de l’article 700 et des dépens;
– statuer ce que de droit sur les dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de la Selarl Minault Teriitehau agissant par maître Stéphanie Teriitehau avocat et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Alliance, ès qualités, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 mai 2022 et signifiées à M. [H] le 6 mai 2022 par acte d’huissier remis à l’étude, demande à la cour de :
Sur la fin de non-recevoir de M. [D],
– rejeter la fin de non-recevoir, celle-ci étant dépourvue de fondement ;
Sur le fond,
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* retenu le principe de la responsabilité de M. [D] dans la naissance et l’aggravation de l’insuffisance d’actif de la société Ideal clim chauffage ;
* dit que les condamnations prononcées produiront des intérêts capitalisés pour ceux échus depuis une année entière au moins en application de l’article 1343-2 du code civil dans la motivation de sa décision ;
* condamné M. [D] à lui payer une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
* prononcé une mesure de faillite personnelle d’une durée de dix années à l’égard de M. [D];
* condamné M. [D] au paiement des entiers dépens ;
– infirmer le jugement rendu en ce qu’il a limité le montant de la responsabilité de M. [D] pour insuffisance d’actif de la société Ideal clim chauffage à la somme de 125 000 euros ;
Statuant à nouveau,
– condamner M. [D] à lui payer la somme de 300 000 euros au titre de l’insuffisance d’actif de la société Ideal clim chauffage, augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance, en application de l’article L.651-2 du code de commerce ;
– dire que les intérêts se capitaliseront pour ceux échus depuis une année entière au moins en application de l’article 1343-2 du code civil ;
– condamner M. [D] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [D] aux entiers dépens de l’instance et autoriser maître Oriane Dontot, avocat inscrit au barreau de Versailles, à en recouvrer le montant pour ceux la concernant, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans son avis notifié par RPVA le 24 mars 2022, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement, considérant d’une part que pour la sanction personnelle, les juges n’ont pas été sévères alors que les nombreux griefs reprochés sont graves, de sorte qu’une condamnation inférieure à 10 ans de faillite personnelle apparaît inopportune cela d’autant plus que par jugement du 21 novembre 2014, l’appelant a été condamné à une interdiction de gérer pendant 10 ans et d’autre part que pour la sanction patrimoniale, celle-ci est proportionnée et juste au regard des fautes de gestion et au regard du montant de l’insuffisance d’actif.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
1- Sur la prescription
M. [D] soutient que les actions en responsabilité pour insuffisance d’actif et sanction personnelle, introduites par assignations des 4, 10 et 13 août 2020, sont prescrites, le jugement ayant ouvert la liquidation judiciaire datant du 15 juin 2017.
Invoquant les articles 1 et 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus durant la crise sanitaire, le liquidateur judiciaire réplique que l’action a été introduite avant le 23 août 2020, en sorte qu’elle est recevable.
En application des articles 1 et 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, complétée par l’ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020, tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit.
La période juridiquement protégée a pris fin le 23 juin 2020. Les assignations ont été délivrées les 4, 10 et 13 août 2020 soit avant l’expiration du délai de deux mois suivant cette date, en sorte que l’action engagée par le liquidateur judiciaire est recevable.
2- Sur la responsabilité pour insuffisance d’actif
L’article L. 651-2 du code de commerce dispose notamment que ‘lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut pas être engagée’.
* Sur la direction
M. [D] reconnaît avoir été gérant de droit de la société liquidée jusqu’au 2 mai 2016 mais conteste toute gestion de fait postérieure.
Le liquidateur judiciaire ne reproche plus à hauteur d’appel à M. [D] d’avoir été le dirigeant de fait de la société Ideal clim chauffage pour la période postérieure au 2 mai 2016.
La responsabilité de M. [D], en sa qualité de dirigeant de droit de la société, est donc susceptible d’être engagée en cas de faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif commise entre la constitution de la société et le 2 mai 2016.
* Sur l’insuffisance d’actif
M. [D] ne conteste pas le montant de l’insuffisance d’actif qui s’élève à la somme de 1 062 622,41 euros correspondant au montant du passif admis, en l’absence d’actif recouvré.
* Sur les fautes de gestion
– L’absence de déclaration de cessation des paiements
M. [D] reconnaît avoir omis de déclarer l’état de cessation des paiements de la société dans le délai légal mais conteste que ce retard ait contribué à augmenter le passif à hauteur de 172 446,36 euros. Il soutient que le liquidateur judiciaire ne démontre pas qu’un passif supplémentaire aurait été créé entre le 31 janvier 2016, date d’expiration du délai de 45 jours, et le 1er mai 2016, date de cessation de ses fonctions et critique le tribunal qui ne pouvait pas retenir que l’aggravation du passif social découlant d’un retard de trois mois était égale au montant de l’intégralité des créances sociales déclarées. Il indique par ailleurs que ce qui relève d’une simple négligence ne saurait fonder une responsabilité pour insuffisance d’actif.
La société Alliance, ès qualités, considère que le défaut de déclaration de cessation des paiements a augmenté le passif et contribué à aggraver l’insuffisance d’actif et que le tribunal n’était pas tenu de déterminer précisément la part de l’insuffisance d’actif imputable à cette faute. Elle détaille ensuite les déclarations de créance faites par BTP-Retraite et BTP-Prévoyance, pour la période courant du 1er janvier au 31 décembre 2016 et donc durant la période du 31 janvier au 2 mai 2016 pour en déduire que la faute et son lien de causalité avec l’insuffisance d’actif sont établis.
Selon l’article L.640-4 du code de commerce, l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s’il n’a pas dans ce délai demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.
Le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours s’apprécie au regard de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report.
En l’espèce, le jugement d’ouverture, devenu définitif, l’a fixée au 16 décembre 2015 alors que M. [D], qui était alors le dirigeant de droit, n’a pas déposé de déclaration de cessation des paiements, la procédure collective ayant été ouverte sur assignation de l’Urssaf en date du 3 mars 2017. L’absence de declaration de cessation des paiements dans le délai legal est donc établie.
Entre le 31 janvier 2016, date d’expiration du délai légal, et le 2 mai 2016, date de cessation des fonctions de M. [D], les déclarations de créance montrent que le passif a augmenté. Ainsi, la DGFP a déclaré une créance de l’ordre de 206 000 euros au titre de la TVA due pour cette période.
En revanche, en l’absence de distinction, il ne peut pas être tenu compte de l’augmentation du passif résultant des déclarations de créance de Pro-BTP qui a déclaré des créances globales par organisme mais pour l’ensemble de l’année 2016.
Dans le même temps, l’actif n’a pas été renforcé.
L’absence de déclaration dans le délai légal de l’état de cessation des paiements, lequel ne pouvait au regard notamment du nombre et de l’ancienneté des inscriptions de privilèges depuis 2015 être ignoré du dirigeant de la société, constitue un manquement de ce dernier à ses obligations. Pour les mêmes raisons, elle ne peut pas s’analyser en une simple négligence.
Tant la faute de gestion que ses conséquences sur l’insuffisance d’actif sont donc démontrées.
– Le non-respect des obligations fiscales et sociales
M. [D] ne conteste pas le montant des créances sociales et fiscales restées impayées avant sa cessation de fonction mais insiste sur le fait qu’une bonne partie de celles-ci est constituée de pénalités de retard.
Après avoir rappelé que le passif de la société est constitué à hauteur de 78,46% de créances de nature fiscale et sociale, le liquidateur judiciaire fait valoir qu’il ressort de la déclaration de créance de la DGFIP que la gestion fautive de M. [D] a contribué à l’insuffisance d’actif à hauteur de 577 203,30 euros, dont 209 921 euros au titre de pénalités. Il ajoute que le montant des redressements fiscaux mis à la charge de la société et les motifs y conduisant permettent de se convaincre du caractère systématique et répété de la faute de gestion qui a doté la société d’une solvabilité artificielle. Il ajoute que l’importance des pénalités est un élément aggravant de la faute.
La société Idéal clim chauffage a fait l’objet d’une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 qui a montré que M. [D] avait déduit de la TVA non déductible en recourant à l’utilisation de factures de complaisance. Outre le rappel des droits dus, il en est résulté une majoration pour manoeuvres frauduleuses de 65 163 euros et une amende de 248 519 euros qui ont nécessairement contribué à augmenter l’insuffisance d’actif de la société.
Par ailleurs, les inscriptions de privilèges et les déclarations de créance de Pro-BTP montrent que M. [D] ne s’est pas acquitté du paiement des cotisations sociales de 2015 jusqu’à la cessation de ses fonctions pour une somme globale minimum de 5 752 euros.
La faute de gestion, qui ne peut pas être considérée comme une simple négligence, et ses conséquences sur l’insuffisance d’actif sont donc caractérisées.
– Les détournements d’actif
M. [D] rappelle que ces ‘prétendus manquements’ ne peuvent pas lui être reprochés pour la période postérieure à la cessation de ses fonctions de gérant soit le 1er mai 2016.
La société Alliance, ès qualités, explique en premier lieu que la proposition de rectification fiscale du 11 décembre 2015 a mis en évidence des détournements d’actif de la société au profit de M. [D] pour un montant total minimum de 148 304 euros au titre de l’exercice 2012, au moyen de factures de complaisance de sous-traitants, soulignant en outre que l’administration fiscale n’ayant pas été en mesure d’identifier les bénéficiaires de paiements intervenus au profit de tiers pour un montant complémentaire de 304 204 euros durant le même exercice, il ne peut pas être exclu que les paiements dont il a bénéficié aient été supérieurs. En deuxième lieu, elle relève que la société ACCE, qui exploite la même activité que la société Ideal clim chauffage a été constituée par la famille [D] quatre jours après l’assignation de l’Urssaf, qu’elle a profité d’une sous-location des locaux donnés à bail à la société Ideal clim chauffage sans paiement de loyers en contrepartie, entraînant la condamnation de la liquidation judiciaire au paiement de loyers et indemnités d’occupation pour une période postérieure au prononcé de celle-ci. Elle invoque en troisième lieu des témoignages faisant état de détournements d’actifs mobiliers au profit de M. [D] et en quatrième lieu la cession du fonds de commerce au profit d’un tiers sans contrepartie ni communication de l’identité de celui-ci. Enfin, elle fait état d’une sous-location et de travaux d’aménagement sans contrepartie au profit de l’association
Drini. Rappelant qu’aucun actif n’a pu être appréhendé et réalisé, elle en déduit que ces détournements ont contribué à aggraver l’insuffisance d’actif.
Seules les fautes de gestion antérieures à l’ouverture de la liquidation judiciaire peuvent être prises en compte, en sorte qu’il n’y pas lieu de rechercher si des détournements d’actifs sont intervenus postérieurement à celle-ci, Le témoignage produit sous la pièce 26 du liquidateur judiciaire, qui ne remplit pas les conditions de l’article 202 du code de procédure civile, le constat de carence établi le 24 juillet 2017 par le commissaire-priseur et le contrat de prêt par lequel la Société générale a consenti le 17 octobre 2014 un prêt pour l’acquisition de biens ne suffisent pas à établir l’existence de détournements d’actifs antérieurs à l’ouverture de la procédure collective.
Le liquidateur judiciaire allègue mais ne démontre pas la cession du fonds de commerce par M. [D], sans contrepartie.
En outre, les documents montrant que les locaux de la société liquidée auraient été mis à la disposition de ‘l’association Drini’, sont tous postérieurs à la cessation des fonctions de M. [D].
Enfin, le non-paiement de loyers par la SARL ACCE, dont le dirigeant est M. [L] [D], qui a fixé son siège social au [Adresse 6], dans les locaux loués par la SAS Consorcys à la société liquidée ne peut pas être reproché à M. [M] [D] dont la gestion a pris fin avant l’immatriculation de cette société au registre du commerce et des sociétés de Nanterre le 7 mars 2017 pour un début d’activité au 23 février 2017.
Aucune faute ne peut donc lui être reprochée à ces titres.
En revanche, il est constant que la vérification de comptabilité effectuée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 a mis en évidence l’existence de distributions réalisées à l’aide de fraudes au profit de M. [D] pour un montant de 148 304 euros.
Dans ces conditions, la faute et ses conséquences sur l’insuffisance d’actif sont établies sans pouvoir être analysée en une simple négligence au regard notamment du caractère frauduleux des manoeuvres relevées par l’administration fiscale.
– L’absence de comptabilité régulière
Dans le paragraphe de ses conclusions relatif au prononcé d’une faillite personnelle, M. [D] conteste avoir fait disparaître des documents comptables, soulignant que la responsabilité de la tenue de la comptabilité incombait au nouveau dirigeant.
La société Alliance, ès qualités, indique d’une part qu’aucune comptabilité n’a été établie pour les exercices 2014 à 2016, aucune comptabilité ne lui ayant été remise, et d’autre part que la vérification effectuée par l’administration fiscale a montré que la comptabilité tenue pour l’exercice 2012 était irrégulière. Elle précise que le défaut de comptabilité prive le dirigeant de l’outil lui permettant de suivre l’évolution de la situation, notamment financière de l’entreprise, indispensable pour respecter le délai de déclaration de cessation des paiements, contribuant ainsi à l’insuffisance d’actif. Elle considère donc que c’est à tort que le tribunal n’a pas retenu cette faute de gestion ‘sans toutefois que cela justifie qu’il soit conclu à l’infirmation du jugement sur ce point’.
Les articles L. 123-12 à L. 123-28 et R.123-172 à R.123-209 du code de commerce imposent aux commerçants personnes physiques et personnes morales la tenue d’une comptabilité donnant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise, au moyen de la tenue d’un livre journal, d’un grand livre et d’un livre d’inventaire. Les mouvements doivent être enregistrés chronologiquement au jour le jour et non en fin d’exercice, seuls les comptes annuels étant établis à la clôture de l’exercice.
La comptabilité sociale dont les dirigeants sont responsables de la bonne tenue et de l’établissement sincère et régulier, ne se limite pas ainsi à l’élaboration des comptes annuels au travers des bilans ; il est exigé la tenue d’une comptabilité quotidienne.
Il résulte de la vérification de comptabilité effectuée par l’administration fiscale que la comptabilité a été tenue pour l’exercice 2012 mais de manière irrégulière en ce qu’elle a pris en compte des factures de complaisance, ce que le dirigeant, qui a bénéficié de ces agissements, ne pouvait ignorer.
Par ailleurs, M. [D], qui ne communique aucun document comptable en cause d’appel, ne démontre pas que la comptabilité, qui n’a pas été remise au liquidateur judiciaire, aurait été tenue pour les exercices 2013, 2014, 2015 et juqu’au 2 mai 2016.
Le défaut de tenue d’une comptabilité complète et régulière est dès lors caractérisé, sans pouvoir être analysé en une simple négligence. L’absence d’une telle comptabilité a privé le dirigeant de toute possibilité d’évaluation de la situation de l’entreprise, a contribué à une mauvaise appréciation de celle-ci et à une absence de déclaration de cessation des paiements. Il a ainsi participé à l’accroissement du passif et donc de l’insuffisance d’actif. Il convient d’imputer à faute à M. [D] le fait de s’être abstenu de tenir une comptabilité conforme aux exigences légales.
* Sur la condamnation
M. [D] soutient que le principe de proportionnalité impliquait au moins un partage par tiers de la condamnation prononcée et rappelle que l’application de l’article 1343-2 du code civil ne constitue qu’une faculté pour la juridiction.
Le liquidateur judiciaire, qui sollicite la condamnation de M. [D] au paiement d’une somme de 300 000 euros, soutient qu’il est parfaitement légitime que celui-ci soit condamné à un montant d’insuffisance d’actif supérieur à celui mis à la charge de ses successeurs puisqu’il est établi qu’il y a contribué pour un montant représentant près de 75 %. Il ajoute que c’est également à bon droit que le tribunal a assorti sa condamnation de l’anatocisme prévu par l’article 1343-2 du code civil dans la motivation de sa décision non reprise par suite d’une omission dans son dispositif.
M. [D] ne produit aucun élément sur sa situation personnelle, professionnelle et patrimoniale.
La sanction doit être proportionnée au nombre et à la gravité des fautes et n’implique pas un partage par tiers, étant relevé au demeurant que M. [D] a exercé les fonctions de gérant de la société liquidée pendant une période bien plus longue que ses deux successeurs.
M. [D] a été condamné par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 21 novembre 2014 au paiement d’une somme de 100 000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif dans le cadre de la liquidation judiciaire d’une autre société, une interdiction de gérer de dix ans étant également prononcée à son encontre.
Au regard du nombre et de la gravité des fautes de gestion retenues, il convient, infirmant le jugement, de condamner M. [M] [D] à payer au liquidateur judiciaire la somme de 250 000 euros avec intérêts de droit à compter de la présente décision, les intérêts échus pour une année entière produisant eux-mêmes intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil.
3- Sur la faillite personnelle
M. [D] conteste le grief tiré de sa non-coopération avec les organes de la procédure collective, alors qu’il n’était plus le gérant de la société à la date de l’ouverture de la procédure collective. Il conteste également le fait d’avoir fait disparaître des documents comptables, considérant que la responsabilité de la tenue de la comptabilité incombait aux nouveaux gérants. Il estime que la sanction est non-fondée et exagérée dans sa durée. Il prétend que l’équité ne justifie pas qu’il soit sanctionné plus sévèrement que les gérants désignés après lui.
Le liquidateur judiciaire, qui rappelle que M. [D] a déjà fait l’objet d’une mesure d’interdiction de gérer qu’il n’a pas respectée, soutient que la nature et la durée de la mesure prononcée sont justifiées par la gravité des fautes commises, seules celles visées aux articles L.653-4 3° et L.653-5 6° du code de commerce, constituées par les détournements d’actifs et l’absence de tenue d’une comptabilité régulière ayant été retenues par le tribunal qui a écarté l’absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal.
Selon l’article L.653-1 2° du code de commerce, lorsqu’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du chapitre III du cinquième titre du livre VI sont applicables aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales.
A hauteur d’appel, le défaut de coopération volontaire de M. [D] avec les organes de la procédure n’est pas poursuivi.
Aux termes de l’article L.653-4 3° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale contre lequel a été relevé le fait d’avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement
L’article L.653-5-6° sanctionne de la faillite personnelle le fait d’avoir fait disparaître des documents comptables, de ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou d’avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.
Il résulte des développements ci-dessus que ces deux griefs sont caractérisés à l’encontre de M. [D], ce dernier ayant notamment détourné une somme de 148 304 euros a minima à son profit.
Ce dernier, qui ne justifie pas de sa situation, n’a manifestement tenu aucun compte de la mesure d’interdiction de gérer prononcée à son encontre le 21 novembre 2014, en sorte qu’il convient de confirmer la mesure de faillite personnelle prononcée par le jugement déféré.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par arrêt rendu par défaut, dans les limites de la saisine,
Déclare recevable l’action de la SAS Alliance, ès qualités ;
Confirme le jugement sauf sur le quantum de la condamnation mise à la charge de M. [M] [D] au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne M. [M] [D] à payer à la SAS Alliance, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Idéal clim chauffage, la somme de 250 000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif ;
Y ajoutant,
Dit que les intérêts échus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil ;
Condamne M. [M] [D] à payer à la SAS Alliance, ès qualités, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [M] [D] aux dépens d’appel avec droit de recouvrement au profit de maître Oriane Dontot, avocat, pour les frais dont elle aurait fait l’avance, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,