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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 5
ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2023
(n° 169 , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/01726 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFDBB
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 12 janvier 2022 – Cour de cassation – pourvoi W 20-11.139, arrêt n° 23 FS-B
Arrêt du 04 novembre 2019 – Cour d’appel de Paris, pôle 5 – chambre 10 – RG 17/03896
Jugement du 30 Janvier 2017 – Tribunal de Commerce de Paris, 15ème chambre – RG n°2014066867
DEMANDEUR A LA SAISINE
S.A.R.L. VIACAB agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 533 248 266
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
DEFENDEUR A LA SAISINE
S.A.S. TRANSOPCO FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 807 978 119
IMMEUBLE [Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Béatrice WITVOET de l’ASSOCIATION LE BERRE ENGELSEN WITVOET, avocat au barreau de PARIS, toque : R218
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 23 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Annick Prigent, présidente de la chambre 5.5
Madame Nathalie Renard, présidente de chambre
Madame Christine Soudry, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame [T] [E] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Karine Abelkalon
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie Renard, présidente de chambre, la présidente empêchée, et parMonsieur Martinez, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La société Viacab, gestionnaire d’une centrale de réservation de taxis en région parisienne, a, de juin 2011 à juin 2017, exploité une activité de voitures de transport avec chauffeur (VTC). Elle proposait la réservation de ses VTC par le biais de sites internet et, à compter du 5 mars 2012, également via une application pour téléphone de dernière génération (smartphone).
La société Transopco France (la société Transopco), venant aux droits de la société Transcovo, exploite une plateforme de mise en relation d’exploitants de VTC avec des clients au moyen d’une application pour smartphone.
Estimant que la société Transopco, en ne respectant pas diverses lois et réglementations en matière de droit des transports et de droit du travail, commettait des actes constitutifs de concurrence déloyale à son égard, la société Viacab l’a, par acte du 17 novembre 2014, assignée aux fins de cessation de ces pratiques et d’indemnisation de son préjudice.
Par jugement du 30 janvier 2017, le tribunal de commerce de Paris :
– a dit que la société Viacab est mal fondée en toutes ses demandes et l’en a déboutée ;
– a débouté la société Transopco de sa demande de dommages et intérêts ;
– a condamné la société Viacab à payer à la société Transopco la somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par arrêt du 4 novembre 2019, la cour d’appel de Paris a :
– confirmé le jugement en toutes ses dispositions ;
– condamné la société Viacab à payer à la société Transopco la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Viacab aux entiers dépens.
Par arrêt du 12 janvier 2022 (Com., n° 20-11.139), la Cour de Cassation a :
– cassé et annulé l’arrêt en toutes ses dispositions ;
– condamné la société Transopco aux dépens ;
– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Transopco et l’a condamnée à payer à la société Viacab la somme de 3 000 euros.
Par déclaration du 14 janvier 2022, la société Viacab a saisi la cour d’appel de Paris.
Par ses dernières conclusions notifiées le 15 février 2023, la société Viacab demande, au visa des anciennes dispositions du code de tourisme et des nouvelles dispositions du code des transports relatifs aux taxis, VTC et LOTI, des articles L. 3121-9, L. 8221-5 et L. 8. 221-6 et suivants du code du travail, L. 121-1, L. 111-1, L. 111-2, R. 111-1 et R. 111-2 (anciens) du code de la consommation, 1382 et 1383 (dans leur ancienne rédaction) du code civil, devenus 1240 et suivants du code civil, L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, 408 et 566 du code de procédure civile, de :
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel et en ses prétentions ;
– infirmer le jugement du 30 janvier 2017 du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, l’a condamnée à verser à la société Transopco la somme de 25 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Transopco de sa demande en dommages et intérêts ;
En conséquence et statuant à nouveau,
A titre principal :
– prononcer que la société Transopco France (venant aux droits de Transcovo) agit en qualité d’opérateur de transport ;
– prononcer que la société Transopco France (venant aux droits de Transcovo) a commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société Viacab ;
En tout état de cause :
– débouter la société Transopco France de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– ordonner à la société Transopco France, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé un délai de 10 jours après la signification de l’arrêt à intervenir, de cesser de :
* Fournir des services de transport par l’intermédiaire de chauffeurs ayant personnellement conclu un contrat de partenariat avec Transopco France, à défaut de régularisation d’un contrat de travail avec chacun de ces chauffeurs ;
* Ne pas verser une contrepartie de la période d’astreinte, sous forme financière ou sous forme de repos, quand les chauffeurs sont astreints à être dans leurs véhicules et astreints à être connectés à l’application “Free Now” en mode “disponible” en attente d’une “course réservée” (ou d’un ordre de course) ;
* Conditionner l’acceptation d’une course par le chauffeur, alors que la destination (ou plus largement les caractéristiques complètes) de la course lui est inconnue ;
* Informer les clients, préalablement à leur réservation, de la localisation et de la disponibilité des véhicules ;
* Présenter comme licite et/ou inciter les chauffeurs de circuler ou de stationner sur la voie publique en recherche de clients ;
* Présenter comme licite et/ou inciter les chauffeurs à ne pas retourner au lieu d’établissement de l’exploitant ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé, après chaque course ;
* Présenter comme licite et/ou permettre aux chauffeurs Loti ou Capacitaires de réaliser des prestations de transport avec un seul passager ;
* Ne pas fournir l’identification complète et le type de licence détenue par l’opérateur de transport avec qui le client est mis en relation via l’application “Free Now” avant toute réservation préalable ;
* Ne pas fournir aux clients le contrat de transport et/ou les CGV de l’opérateur de transport avec qui le client est mis en relation via l’application “Free Now” ;
– ordonner à la société Transopco France, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours après la signification de l’arrêt à intervenir, de justifier à la société Viacab par tout moyen :
* que chacun des travailleurs indépendants inscrits sur la plateforme mobile “Free Now” exerçant sur le territoire français soit titulaire d’un contrat de travail en bonne et due forme au regard de la réglementation française, chaque fois que Transopco France maintiendra son service de prestation de transport et que le travailleur indépendant ne fixera pas librement ses propres tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport,
* et que ces contrats soient déclarés auprès de l’URSSAF ;
– prononcer que la demande au titre de l’activité Taxi de la société Viacab n’est pas nouvelle et par conséquent est bien recevable ;
– condamner la société Transopco France à verser à la société Viacab :
* 155 038 euros au titre du préjudice de désorganisation économique de l’activité Taxi et VTC de la société Viacab à titre principal ou 68 790 euros à titre subsidiaire,
* 235 800 euros au titre du préjudice de perte de chance de l’activité Taxi de la société Viacab,
* 2 376 000 euros au titre du préjudice de perte de chance de l’activité VTC de la société Viacab ou 475 200 euros à titre subsidiaire,
* 11 250 000 euros au titre du préjudice moral d’expulsion du marché des VTC (ou de rupture d’égalité par économie de charges sociales) à titre principal ou 1 820 000 euros à titre subsidiaire,
* 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– prononcer que les sommes allouées à la société Viacab porteront intérêt au taux légal avec capitalisation à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;
– ordonner aux frais des intimées, la publication de l’arrêt à intervenir sur le site internet www.free-now.com et sur l’application “Free Now” téléchargeable sur l’ensemble des stores des opérateurs pendant une durée d’un mois, ainsi que dans les journaux La Tribune, Les Echos et Le Parisien sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, aux frais des intimées, à concurrence de 5 000 euros HT par insertion, et ce, au besoin, à titre de dommages-intérêts complémentaires ;
– condamner la société Transopco France aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions notifiées le 13 février 2023, la société Transopco demande, au visa des dispositions du code des transports, des articles 31, 1353, 1240 et suivants du code civil, des dispositions du code de la consommation, du code du travail, des articles 564 et suivants, 910-4 du code de procédure civile, des dispositions du code des impôts :
– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 janvier 2017 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
– déclarer irrecevables les demandes nouvelles de la société Viacab au titre de l’activité taxi, des préjudices postérieurs à 2017, de la faute lucrative, des demandes sous astreintes relatives aux partenaires, dont l’injonction faite à la société Trancopo de conclure des contrats de travail avec ses partenaires chauffeurs professionnels indépendants et l’en débouter ;
– déclarer les demandes de la société Viacab au titre des préjudices économiques et de perte de chance irrecevables pour défaut d’intérêt à agir et l’en débouter ;
– déclarer la société la société Viacab mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter ;
– la condamner à payer à la société Trancopo la somme de 90 440 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire, ainsi qu’aux entiers dépens ;
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 février 2023.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité des demandes :
Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Aux termes de l’article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
L’article 567 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En première instance, la société Viacab a sollicité la réparation de ses préjudices causés par les agissements de la société Transopco en demandant le paiement d’une somme de 201 740 euros, subsidiairement celle de 68’790 euros, au titre de la perte subie, celle de 2’056’858 euros, subsidiairement celle de 687’480 euros, au titre du gain manqué, et celle de 4 000 000 euros, subsidiairement celle de 687’480 euros, au titre du préjudice moral.
Ses demandes en paiement formées devant la cour au titre d’un préjudice de désorganisation économique, de pertes de chance et d’un préjudice moral, tendent aux mêmes fins d’indemnisation des préjudices, qu’elle prétend avoir subis et résulter des agissements de la société Transopco, que celles soumises au premier juge, quand bien même les montants sont différents avec une distinction entre l’activité de taxi et celle de VTC.
Les demandes de prononcé d’injonctions, fondées sur la persistance des agissements allégués, en sont le complément nécessaire.
Les demandes ne sont dès lors pas nouvelles.
L’article 122 du code de procédure civile dispose que “constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.”
L’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action.
La société Viacab, qui sollicite l’indemnisation de préjudices qu’elle estime avoir subis du fait d’actes de concurrence déloyale reprochés à la société Transopco, a un intérêt à agir.
Ses demandes seront déclarées recevables.
Sur l’activité des sociétés Transcovo et Transopco :
Aux termes de l’article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L’article L111-5-1 du code de la consommation, issu de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et abrogé par l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, disposait :
“Sans préjudice des obligations d’information prévues à l’article 19 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, toute personne dont l’activité consiste à mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service est tenue de délivrer une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des offres mises en ligne.
Lorsque seuls des consommateurs ou des non-professionnels sont mis en relation, la personne mentionnée au premier alinéa du présent article est également tenue de fournir une information loyale, claire et transparente sur la qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale.
Lorsque des professionnels, vendeurs ou prestataires de services sont mis en relation avec des consommateurs, la personne mentionnée au premier alinéa du présent article est également tenue de mettre à leur disposition un espace leur permettant de communiquer aux consommateurs les informations prévues à l’article L. 121-17.”
Les articles L. 7341-1 et suivant du code du travail, issus de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 prévoient des dispositions applicables aux travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique.
L’article L. 3141-1 du code des transports, dans sa version issue de la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016, dispose :
“Le présent titre est applicable aux professionnels qui mettent en relation des conducteurs ou des entreprises de transport et des passagers pour la réalisation de déplacements répondant aux caractéristiques suivantes :
1° Ils sont effectués au moyen de véhicules motorisés, y compris de véhicules à deux ou trois roues, comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum ;
2° Ils ne présentent pas le caractère d’un service public de transport organisé par une autorité organisatrice mentionnée à l’article L. 1221-1 ;
3° Ils ne sont pas réalisés dans le cadre du conventionnement prévu à l’article L. 322-5 du code de la sécurité sociale ;
4° Ils ne sont pas effectués dans le cadre du covoiturage, tel qu’il est défini à l’article L. 3132-1 du présent code.
Le présent titre n’est pas applicable :
a) Aux personnes qui exploitent des services de transport, lorsque la mise en relation a pour objet les services de transport qu’elles exécutent elles-mêmes ;
b) Aux personnes qui organisent des services privés de transport dans les conditions prévues à l’article L. 3131-1, lorsque la mise en relation a pour objet ces services privés de transport.”
La société Viacab prétend que la société Transopco n’exerce pas en réalité l’activité d’intermédiaire mais celle d’opérateur de transport en s’affranchissant des dispositions légales applicables.
La société Transopco soutient qu’elle met en relation des exploitants de voitures de transport avec chauffeur VTC avec des clients potentiels via une application pour smartphone “chauffeur-privé”, et un contrat de partenariat conclu avec les exploitants, et qu’elle relève des dispositions applicables aux plateformes numériques de mise en relation définies successivement par les articles L. 111-5-1, I, 2° du code de la consommation, L 111-7 du code de la consommation, L. 7341-1 et suivants du code du travail.
La société Transopco se définit comme un intermédiaire ayant strictement une activité de mise en relation ou de centrale de réservation, et non pas un opérateur de transport.
Elle fait valoir que les conditions générales d’utilisation de l’application chauffeur privée stipulent que “le prestataire (Transopco) fournit le service de mise en relation via l’application logicielle, mais il n’a pas la qualité de transporteur”.
La société Viacab demande de “prononcer que la société Transopco France (venant aux droits de Transcovo) agit en qualité d’opérateur de transport”, et invoque des pratiques illégales commises par cette dernière.
Il convient dès lors d’examiner les griefs soutenus par la société Viacab, constitués de violations aux règles du droit des transports, du droit de la consommation et du droit du travail.
L’activité de VTC a été réglementée successivement par la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 (dite loi Novelli), la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 (loi Thévenoud), et la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016 (loi Grandguillaume), et concernée par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 (loi d’orientation des mobilités LOM) non applicable au litige.
Sur les infractions aux règles du droit des transports :
* sur le défaut d’immatriculation au registre professionnel au 20 août 2012 :
La société Transopco fait valoir que sa première immatriculation au registre professionnel date du 28 août 2012.
La société Viacab, pour dénoncer le défaut d’immatriculation, produit une facture du 20 août 2012 de la société Transcovo, qui est cependant contemporaine de cette immatriculation.
En outre, il n’est pas justifié d’une obligation d’immatriculation en 2012 de l’intermédiaire, statut revendiqué par la société Transopco qui a déclaré une activité de mise en relation.
Dès lors, ce grief ne sera pas retenu.
* sur la maraude physique :
L’article L. 3121-1 du code des transports dispose que les taxis sont des véhicules automobiles comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum, munis d’équipements spéciaux et d’un terminal de paiement électronique, et dont le propriétaire ou l’exploitant est titulaire d’une autorisation de stationnement sur la voie publique, en attente de la clientèle, afin d’effectuer, à la demande de celle-ci et à titre onéreux, le transport particulier des personnes et de leurs bagages.
L’article L. 3120-2 du code des transports énonce :
“I.-Les véhicules qui effectuent les prestations mentionnées à l’article L. 3120-1 ne peuvent pas être loués à la place, sauf s’ils font l’objet d’une réservation préalable dans les conditions définies par un décret en Conseil d’Etat.
II.-A moins de justifier de l’autorisation de stationnement mentionnée à l’article L. 3121-1, le conducteur d’un véhicule mentionné au I du présent article ne peut :
1° Prendre en charge un client sur la voie ouverte à la circulation publique, sauf s’il justifie d’une réservation préalable ;
2° S’arrêter, stationner ou circuler sur la voie ouverte à la circulation publique en quête de clients ;
3° Stationner sur la voie ouverte à la circulation publique, à l’abord des gares et des aérogares ou, le cas échéant, dans l’enceinte de celles-ci, au delà d’une durée, fixée par décret, précédant la prise en charge du client qui a effectué une réservation préalable.
III.-Sont interdits aux personnes réalisant des prestations mentionnées à l’article L. 3120-1 et aux intermédiaires auxquels elles ont recours, notamment les centrales de réservation au sens de l’article L. 3142-1 :
1° Le fait d’informer un client, avant la réservation mentionnée au 1° du II du présent article, quel que soit le moyen utilisé, à la fois de la localisation et de la disponibilité d’un véhicule mentionné au I quand il est situé sur la voie ouverte à la circulation publique sans que son propriétaire ou son exploitant soit titulaire d’une autorisation de stationnement mentionnée à l’article L. 3121-1 ;
2° Le démarchage d’un client en vue de sa prise en charge dans les conditions mentionnées au 1° du II du présent article ;
3° Le fait de proposer à la vente ou de promouvoir une offre de prise en charge effectuée dans les conditions mentionnées au même 1°.”
L’article L. 3122-9 du code des transports précise que “Dès l’achèvement de la prestation commandée au moyen d’une réservation préalable, le conducteur d’une voiture de transport avec chauffeur dans l’exercice de ses missions est tenu de retourner au lieu d’établissement de l’exploitant de cette voiture ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé, sauf s’il justifie d’une réservation préalable ou d’un contrat avec le client final.”
Ainsi, l’activité dite de maraudage, qui consiste à stationner et circuler sur la voie publique en quête d’une course, relève exclusivement du monopole des taxis, les VTC étant soumis à une réservation préalable pour pouvoir effectuer un transport et une obligation “de remise” dans l’attente d’une réservation.
En l’espèce, la société Transopco fait valoir qu’un chauffeur ne peut jamais prendre en charge un client via la plateforme sans réservation préalable.
Cependant, la société Transopco préconise aux chauffeurs de se connecter “dans [Localité 5] intramuros”, qui est une zone fréquentée où la demande est importante, “à chaque début de créneau” et de se rediriger “dans cette direction après chaque dépose”, donc sans réservation préalable.
En outre, la société Transopco prévoit une majoration du prix en fonction de zones et de moments de fortes demandes “pour faire face à des pics exceptionnels de commandes”, incitant ainsi les chauffeurs à se diriger vers des zones à majoration tarifaire en dehors de toute réservation préalable afin d’accepter immédiatement une réservation.
L’application permet aux chauffeurs de visualiser sur une carte les zones de demandes élevées de réservation.
L’article 6.1 du contrat de partenariat conclu entre la société Transopco et le chauffeur partenaire rappelle que “la qualité de service proposée par Transopco France dépend de la disponibilité des chauffeurs, via un temps d’approche calculé à partir de la position du chauffeur le plus proche et présenté aux clients sur l’interface”.
Il résulte de ces éléments que la société Transopco, par le biais de sa plateforme “chauffeur- privé”, favorise l’exercice de la maraude sur la voie publique par les chauffeurs de VTC et donc le non-respect des dispositions des articles L. 3120-2 II et L. 3122-9 du code des transports.
* sur la maraude électronique :
Il résulte de l’article L. 3120-2 du code des transports susvisé que seuls les taxis peuvent informer les clients de leur localisation et de leur disponibilité.
L’article 6.1 du contrat de partenariat conclu entre la société Transopco et le chauffeur partenaire rappelle que “la qualité de service proposée par Transopco France dépend de la disponibilité des chauffeurs, via un temps d’approche calculé à partir de la position du chauffeur le plus proche et présenté aux clients sur l’interface”.
Il ressort des pièces versées aux débats, procès-verbal de constat d’huissier de justice du 29 septembre 2014 et captures d’écran, que la société Transopco indique sur son application les véhicules disponibles en circulation autour du client et le temps d’approche, et ce avant la commande.
Il résulte de ces éléments qu’antérieurement à la réservation du véhicule par le biais de l’application de la société Transopco, le client est déjà informé de la localisation du véhicule et de sa disponibilité.
Grace à ce maraudage électronique, la société Transopco est en mesure de fournir aux clients de son application une prise en charge rapide par des chauffeurs VTC, en violation des dispositions de l’article L. 3120-2 du code des transports.
* sur l’infraction à la législation LOTI :
Il résulte de l’article 32 du décret n° 85- 891 du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes que le capacitaire, qui est un professionnel ayant l’autorisation d’exercer l’activité de chauffeur privé occasionnel sous certaines conditions (le chauffeur LOTI), ne peut transporter que des groupes d’au moins deux personnes.
La société Transopco fait valoir qu’elle a permis la réservation de transports collectifs, en indiquant le nombre de passagers, permettant ainsi aux chauffeurs professionnels capacitaires de réaliser des courses moyennant l’émission de billets collectifs.
Il apparaît que sur l’application, le client renseigne si le voyage seul ou accompagné et que, par défaut, l’option “2 passagers” est cochée. Dès lors, si le client ne précise pas qu’il voyage seul, la course est proposée à tous les chauffeurs, y compris les chauffeurs LOTI.
Il ressort de ces éléments que les modalités de l’application de la société Transopco permettent aux chauffeurs LOTI de réaliser des prestations de transport avec un seul passager, en violation des dispositions de l’article 32 du décret n° 85- 891 du 16 août 1985 susvisé.
Sur les infractions aux règles du droit de la consommation :
L’article L 111-1 du code de la consommation, issu de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, dans sa version en vigueur du 1er juillet 2016 au 12 février 2020, dispose :
“Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;
5° S’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en ‘uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
Les dispositions du présent article s’appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité, lorsqu’ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d’une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l’environnement.”
L’article L 121-1 du code de la consommation, issu de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, dispose :
“Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.
Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service.
Le caractère déloyal d’une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s’apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.
Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7.”
La société Transopco fait valoir que, dès la confirmation par le chauffeur de la commande d’un client, ce dernier connaît l’identité VTC avec lequel il est mis en relation et les caractéristiques du véhicule, il peut appeler directement le chauffeur prestataire via l’application, qu’il reçoit une facture par voie électronique dès le transport accompli, et qu’il est informé des conditions légales et réglementaires de l’activité de la société Transopco.
Cependant, la société Transopco, qui revendique un rôle d’intermédiaire et non d’opérateur de transport, ne justifie pas de la communication, avant la réservation d’un véhicule, de l’identification complète du chauffeur, avec notamment son nom, et non pas une initiale, ses coordonnées, son numéro d’inscription au répertoire, ni des modalités de paiement.
Cette absence d’information avant la réservation de véhicules constitue une violation de l’article L 111-1 du code de la consommation.
Sur les infractions aux règles du travail :
Il résulte de l’article L. 8221-6 du code du travail que, si dans l’exécution de leur activité donnant lieu à immatriculation sur des registres aux répertoires professionnels, les personnes physiques sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail, celui-ci peut, toutefois, être établi lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention mais à des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
En l’espèce, l’article 6-1 du contrat de partenariat prévoit que le chauffeur est libre de se connecter ou pas sur l’application, en indiquant sa disponibilité, et d’accepter ou non la course, qu’il se voit proposer un itinéraire conseillé de transport tout en ayant la liberté de l’organiser comme il le souhaite.
Cependant, il résulte des stipulations de l’article 8 du contrat de partenariat que la société Transopco fixe unilatéralement le tarif de la prestation de transport, facture le prix de la course et applique des pénalités en cas notamment de retard.
L’application de la société Transopco prévoit un système de bonus conditionné à un nombre de courses réalisées selon des créneaux horaires.
Il ressort des pièces du dossier que la société Transopco pratique des offres promotionnelles qui s’imposent aux chauffeurs.
Il résulte des stipulations des articles 5.3 et 6.1 du contrat de partenariat que le chauffeur doit se trouver à bord de son véhicule, être connecté et se déclarer disponible, qu’il est géolocalisé, qu’il doit respecter une procédure stricte et détaillée composée de directives depuis la connexion jusqu’à la fin de la prestation, s’analysant en un ordre de course, prévoyant notamment qu’il doit “se rendre immédiatement, sans détour, et par le plus court chemin possible de son choix vers le lieu de prise en charge mentionné”, et qu’ainsi, il ne peut décider librement des conditions de réalisation de la prestation, la société Transopco contrôlant, notamment par la géolocalisation, le respect des directives données.
L’article 13 du contrat de partenariat stipule notamment que le chauffeur “s’engage à s’abstenir d’entrer en relation, démarcher, solliciter, détourner ou tenter de détourner, ou même de servir à des fins personnelles ou au profit de tiers, directement ou indirectement, et selon quelque procédé que ce soit, les clients obtenus par l’intermédiaire de l’application pour lesquels il aura accompli des prestations dans le cadre du présent contrat”.
Le contrat peut être résilié de manière anticipée par la société Transopco en cas de “tentative de démarchage active ou passive (par la remise de cartes de visite personnelles du chauffeur ou de la société pour laquelle il travaille dans le véhicule par exemple) des clients obtenus par le biais de l’application”.
Ainsi, le chauffeur a l’interdiction de développer une clientèle personnelle.
La “charte qualité” constituant l’annexe cinq du contrat de partenariat stipule que “le partenaire doit fournir un service conforme à l’image de Transopco France” et impose notamment de proposer une bouteille d’eau, “n’interagir que si le client le souhaite”, ouvrir les portes à l’accueil comme à la dépose, ce qui dépasse les simples conseils de transport.
L’article 11 du contrat de partenariat stipule que le contrat peut être résilié par la société Transopco de manière anticipée “en cas de difficultés importantes et/ou récurrentes quant à la qualité des prestations de transport fournies par le chauffeur, ayant conduit à une appréciation moyenne par le client inférieur à 4 sur 5 sur les deux derniers mois”, précisant que, “en sa qualité de professionnel de transport, le partenaire doit fournir un service conforme aux standards du marché et à l’image de marque de Transopco, incluant notamment la fourniture d’eau au client, l’ouverture des portes et le respect de la charte qualité visée en annexe 5”.
Ainsi, la société Transopco adresse au chauffeur des directives sur les modalités d’exécution du travail qu’elle a déterminé unilatéralement, en contrôle le respect et en sanctionne l’inobservation.
Il résulte des stipulations du contrat de partenariat conclu entre la société Transopco et chaque chauffeur et des conditions effectives dans lesquels le chauffeur exerce son activité via l’application, que les obligations, contraintes, interdictions et sanctions imposées au chauffeur caractérisent un lien de subordination à la société Transopco, excluant tout travail indépendant. La société Transopco ne se limite pas à une activité de mise en relation, mais organise un service de transport de personnes et agit comme un opérateur de transport en employant des chauffeurs.
Sur la responsabilité de la société Transopco à l’égard de la société Viacab :
Aux termes de l’article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Une situation de concurrence directe ou effective entre les sociétés considérées n’est pas une condition de l’action en concurrence déloyale qui exige seulement l’existence de faits fautifs générateurs d’un préjudice.
La société Transopco, en ne se limitant pas à une activité d’intermédiaire par sa plateforme numérique, mais en organisant un service de transport de personnes, était en situation de concurrence avec la société Viacab exploitant une activité de VTC et une activité de centrale de réservation de taxi.
Un préjudice s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale, générateur d’un trouble commercial, fût-il seulement moral.
Lorsque les effets préjudiciables, en termes de trouble économique, d’actes de concurrence déloyale sont particulièrement difficiles à quantifier, ce qui est le cas de ceux consistant à s’affranchir d’une réglementation, dont le respect a nécessairement un coût, tous actes qui, en ce qu’ils permettent à l’auteur des pratiques de s’épargner une dépense en principe obligatoire, induisent pour celui-ci un avantage concurrentiel, il y a lieu d’admettre que la réparation du préjudice peut être évaluée en prenant en considération l’avantage indu que s’est octroyé l’auteur des actes de concurrence déloyale au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d’affaires respectifs des parties affectés par ces actes (Com.,12 février 2020, pourvoi n°17-31.614).
Les agissements reprochés à la société Transopco et établis sont de nature à lui conférer un avantage concurrentiel.
En se comportant comme un employeur à l’égard des chauffeurs, tout en se présentant comme un intermédiaire, la société Transopco a éludé le paiement d’impôts et de cotisations sociales et réduit le coût du travail.
En adoptant des pratiques illicites, maraudes, infractions à la législation du droit du travail, du droit des transports et du droit de la consommation, elle a commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de la société Viacab, exploitante VTC employant des chauffeurs et exerçant une activité de taxi, qui lui ont conféré un avantage concurrentiel, lui ont permis de s’approprier une clientèle de chauffeur VTC et de taxi au détriment notamment de la société Viacab.
La société Viacab fait valoir qu’elle a été contrainte de cesser son activité d’exploitant VTC en 2017 et que son activité de centrale de réservation de taxi est affectée.
Les pratiques illicites de la société Transopco ont généré un trouble commercial tant au titre de l’activité VTC que de celle de réservation de taxi de la société Viacab.
La société Viacab a acquis, pour l’activité de VTC, 4 véhicules en 2011 pour un coût total d’environ 120 000 euros.
Les documents comptables produits par la société Viacab établissent que ses exercices ont été déficitaires dès 2011-2012.
Ainsi, le résultat d’exploitation de l’exercice du 9 juin 2011 au 31 décembre 2012 s’élevait à – 44 550 euros avec 89 642,99 euros de produits réalisés.
Le résultat de l’exercice 2014 s’élevait à – 20 296,98 euros avec 50 473,77 euros de produits réalisés.
Le résultat de l’exercice 2015 s’élevait à -31 784,34 euros avec un chiffre d’affaires de 20 962 euros.
Le résultat de l’exercice 2016 s’élevait à – 1 105,36 euros avec un chiffre d’affaires de 27 550 euros.
Le résultat de l’exercice 2017 s’élevait à – 31 784,34 euros avec un chiffre d’affaires de 20 962,09 euros.
L’exercice comptable 2017 révèle une perte comptable de 8 847 euros et mentionne un report à nouveau de 151 897 euros.
Les documents comptables produits ne permettent pas de distinguer les deux activités, VTC et réservation de taxi.
Le business plan établi le 23 juin 2011 par la société Viacab fixait comme objectifs une flotte de 10 véhicules au 31 décembre 2011 et 50 au 31 décembre 2012, un chiffre d’affaires estimé pour 2011 à 320 000 euros et un RCAI estimé pour 2011 à 50 000 euros.
S’il ne constitue cependant pas un élément suffisamment pertinent pour quantifier le trouble commercial de la société Viacab, il convient de relever que celle-ci a supporté des charges (résultant du salariat, de l’acquisition de véhicules, notamment) et contraintes (obligations et interdictions légalement applicables) dont la société Transopco a fait l’économie en ne respectant pas les règlementations applicables aux taxis et aux VTC.
La société Viacab affirme qu’elle aurait pu réaliser un chiffre d’affaires de 117,9 millions d’euros comme celui de la société Transopco en adoptant les mêmes pratiques illicites, soit 23,58 millions de gains calculés à partir d’une marge de secteur de 20 %, et évalue sa perte de chance, au titre l’activité de taxi, à 1%, soit 235 800 euros.
S’agissant de l’activité VTC, la société Viacab considère que les agissements de la société Transopco l’ont privée de la possibilité d’exploiter une flotte de 20 véhicules, et évalue le gain manqué à 2 376 000 euros, calculé sur la base d’une marge mensuelle de 1 650 euros par véhicule durant 6 ans (de 2012 à 2017).
Les éléments produits ne permettent cependant pas de vérifier les évaluations de la société Vicaab et de quantifier la baisse de chiffre d’affaires imputable aux agissements illicites de la société Transopco.
Pour autant, cette dernière, en retirant un avantage indu au détriment de la société Viacab, a pu développer une activité avec un chiffre d’affaires important et un bénéfice considérable (1 193 046 euros au 31 décembre 2016, 1 497 544 euros au 31 décembre 2017).
La société Transopco a ainsi capté illégalement une part du marché tant des VTC que des taxis, faisant perdre à la société Viacab une chance de développer ses activités, alors qu’il n’est pas contesté que le marché de transport de personnes était en croissance sur la période considérée de 2012 à 2017.
Au regard de l’ensemble des éléments du dossier et des pièces versées, notamment l’achat de quatre véhicules, les frais et charges exposés pour les activités d’exploitant VTC et de centrale de réservation de taxi, et le montant de commission prélevée par la société Transopco, le préjudice économique au titre de l’activité d’exploitant VTC de 2012 à 2017 sera évalué à la somme de 75’000 euros, et celui au titre de l’activité de taxi sera évalué à la somme de 75 000 euros.
La société Transopco France sera condamnée à payer à la société Viacab la somme de 75’000 euros en réparation de son préjudice économique au titre de l’activité d’exploitant VTC et celle de 75 000 euros en réparation de son préjudice économique au titre de l’activité de taxi, et le jugement sera infirmé.
La société Viacab ne justifie pas de l’existence supplémentaire d’un préjudice de désorganisation économique, ni d’un préjudice moral, distincts des préjudices retenus. Ses demandes à ce titre seront rejetées.
Sur les injonctions et la publicité :
Il n’apparaît pas nécessaire, au regard notamment des indemnités allouées, de prononcer à l’encontre de la société Transopco des injonctions tendant au respect de la législation du droit du transport, de la consommation, et du droit au travail.
Les demandes de la société Viacab à ce titre seront rejetées.
En revanche, il convient d’ordonner la publication du dispositif de la présente décision, aux frais de la société Transopco, sur le site internet www.free-now.com et sur l’application “Free Now” téléchargeable sur l’ensemble des stores des opérateurs pendant une durée d’un mois, ainsi que dans les journaux La Tribune, Les Echos et Le Parisien à raison d’une publication par journal, et ce sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard passé le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La société Transopco, qui succombe, sera tenue aux dépens.
Il apparaît équitable de la condamner à payer à la société Viacab la somme de 25 000 euros au titre des frais irrépétibles, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La demande de la société Transopco à ce titre sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevables les demandes de la société Viacab ;
INFIRME le jugement du 30 janvier 2017 du tribunal de commerce de Paris ;
Dit que la société Transopco France a agi en qualité d’opérateur de transport et a commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société Viacab ;
Condamne la société Transopco France à payer à la société Viacab la somme de 75’000 euros en réparation de son préjudice économique au titre de l’activité d’exploitant VTC, et celle de 75 000 euros en réparation de son préjudice économique au titre de l’activité de taxi ;
Rejette les demandes de la société Viacab en réparation d’un préjudice de désorganisation économique et d’un préjudice moral ;
Rejette les demandes de la société Viacab d’injonctions à l’encontre de la société Transopco France ;
Ordonne la publication du dispositif de la présente décision, aux frais de la société Transopco France, sur le site internet www.free-now.com et sur l’application “Free Now” téléchargeable sur l’ensemble des stores des opérateurs pendant une durée d’un mois, ainsi que dans les journaux La Tribune, Les Echos et Le Parisien à raison d’une publication par journal, et ce sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard passé le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision ;
Condamne la société Transopco France à payer à la société Viacab la somme de 25 000 euros au titre des frais irrépétibles, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de la société Transopco France au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Transopco France aux dépens.
LE GREFFIER P/LA PRESIDENT EMPÊCHÉ