Exception d’inexécution : 22 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/05564

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Exception d’inexécution : 22 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/05564

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT A FOND

DU 22 JUIN 2023

N° 2023/ 445

Rôle N° RG 22/05564 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJHLA

[T] [F] épouse [V]

C/

S.C.I. ARTECRIS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Caroline BREMOND

Me Anne LASBATS-MAZILLE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juridiction de proximité de MARTIGUES en date du 08 mars 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 12-21-000513.

APPELANTE

Madame [T] [F] épouse [V]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Caroline BREMOND, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.C.I. ARTECRIS

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 1]

représentée par Me Anne LASBATS-MAZILLE de l’AARPI CABINET DENIS REBUFAT & ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Gilles PACAUD, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Gilles PACAUD, Président rapporteur

Mme Angélique NETO, Conseillère

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Mélissa NAIR.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière présent lors du prononcé.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 28 janvier 2018, la société civile immobilière (SCI) Artecris a donné à bail à madame [T] [F] épouse [V] une villa à usage d’habitation située [Adresse 4], à [Localité 5] moyennant un loyer mensuel de 1 250 euros.

Le 13 juillet 2021, elle a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire figurant au bail pour règlement de la somme de 5 073,96 euros, au titre de la dette locative, ainsi que 173,06 euros de frais d’acte inclus.

Elle a ensuite saisi un conciliateur de justice mais s’est heurtée au refus de toute tentative de règlement amiable par Mme [T] [F] épouse [V].

Dès lors, invoquant le caractère infructueux du commandement de payer, elle a fait assigner cette dernière devant le juge des référés du tribunal de proximité du tribunal judiciaire de Martigues qui, par ordonnance contradictoire en date du 8 mars 2022 a :

– condamné Mme [V] à payer à la SCI Artecris la somme de 6 237 euros au titre de sa créance actualisée au 1er février 2022, à titre provisionnel, en deniers ou quittance, à valoir sur les loyers et charges demeurés impayés ;

– autorisé Mme [V], en plus du versement des loyers, à se libérer de cette somme en 36 versements mensuels d’égale valeur et ce, à compter du 10 avril 2022, jusqu’à résorption de la dette locative ;

– a constaté toutefois que les conditions d’application de la clause résolutoire étaient réunies ;

– a dit que les effets de la clause résolutoires seraient suspendus et que cette clause serait réputée n’avoir jamais joué si ledit paiement était respecté ;

– a dit qu’en cas de non-paiement d’une mensualité de l’arriéré, d’un loyer ou d’une avance sur charges à son échéance :

‘ la totalité de la somme deviendrait immédiatement exigible, la clause résolutoire reprendrait ses effets et il pourrait être procédé à l’expulsion de Mme [V] et de tous occupants de son chef hors les lieux avec assistance de la force publique si besoin était ;

‘ la locataire serait tenue et, au besoin condamnée, à titre provisionnel au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et charges qui auraient été payés en cas de non résiliation du bail ;

– s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes reconventionnelles formées par Mme [V] à l’encontre de la SCI Artecris en raison de contestations sérieuses ;

– a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– a rejeté le surplus des demandes ;

– a condamné Mme [V] aux entiers dépens comprenant le coût du commandement de payer ainsi que les frais de dénonce au représentant de l’état dans le département, de citation et de signification de son ordonnance.

Selon déclaration reçue au greffe le 13 avril 2022, Mme [T] [F] épouse [V] a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 16 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu’elle infirme l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau :

– à titre principal, qu’elle :

‘ déboute la SCI Artecris de l’ensemble de ses demandes ;

‘ juge nulle et de nul effet la clause d’indexation des loyers ;

‘ juge que la SCI Artecris n’a jamais sollicité la mise en ‘uvre de la révision du loyer, de surcroit ;

‘ déboute la SCI Artecris de sa demande visant à obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 3 734, 78 euros au titre de l’indexation de loyer.

‘ déboute, en conséquence, la SCI Artecris de sa demande visant à obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 3 734, 78 euros à titre de loyers prétendument impayés ;

‘ constate que les sommes réclamées se heurtent à la prescription triennale ;

‘ déboute la SCI Artecris de sa demande visant à obtenir le paiement de sommes prescrites ;

‘ déboute, en conséquence, la SCI Artecris de sa demande visant à obtenir

son expulsion ;

– à titre reconventionnel, qu’elle :

‘ juge que la SCI Artrecris, bien qu’informée des désordres allégués et constatés, n’a pas entendu remédier à ceux-ci ;

‘ juge la SCI Artrecris, de particulière mauvaise foi ;

‘ juge que la SCI ARTECRIS a manqué à ses obligations contractuelles

‘ en conséquence, avant dire droit :

‘condamne la SCI Artrecris dans le délai d’un mois à compter de la signification des présentes conclusions et, sous astreinte de 100 euros par jour, à remédier aux désordres suivants :

‘ remise en état du gros ‘uvre du logement et de ses accès afin de protéger celui-ci des eaux de ruissellement et des remontées d’eau,

‘ remise en état des menuiseries extérieures et de la couverture du logement avec ses raccords et accessoires et ce, afin de protéger le logement des infiltrations d’eau,

‘ remise en état des dispositifs de retenue des personnes dans le logement et ses accès (garde-corps, escaliers, loggias, balcons, rampe d’accès ‘)

‘ remise en état et entretien des matériaux de construction,

canalisations et revêtement du logement,

‘ remise en état et mise aux normes des réseaux et branchement d’électricité et de gaz ainsi que des équipements de chauffage et des production d’eau chaude,

‘ mise en place d’un système d’ouverture et de ventilation du logement permettant un renouvellement de l’air adapté aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ainsi qu’à l’évacuation de l’humidité,

‘ établissement d’un diagnostic de performance énergétique conforme aux normes d’un logement énergétiquement décent,

‘ remise en état du chemin d’accès et parvis,

‘ remise en état de la cuisine,

‘ remise en état de la salle de bains

‘ ordonne la consignation des loyers dans l’attente de la réalisation des travaux nécessaires ;

‘ condamne la SCI Artrecris au paiement de la somme de 3 000 euros à titre provisionnel en réparation du préjudice subi, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification de l’ordonnance,

‘ juge que la cour se réservera le droit de liquider l’astreinte sur simple demande ;

‘ juge que le loyer sera réduit de 25 % et ce, depuis son entrée dans les lieux et, par conséquent, condamne la SCI Artrecris à lui reverser le trop-perçu depuis le 28 février 2018, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir ;

‘ lui alloue les plus larges délais de paiement par application de la loi ALUR soit 36 mois ;

‘ lui accorde le maintien dans les lieux loués ;

‘ déboute la SCI Artecris de sa demande visant à obtenir au titre de l’indemnité d’occupation, le double du montant du loyer actuel ;

– en tout état de cause, qu’elle :

‘ condamne la SCI Artecris au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du CPC,

‘ condamne la SCI Artecris aux entiers dépens d’instance et d’appel en ceux-ci compris le coût du commandement de payer.

Par dernières conclusions transmises le 7 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Artecris sollicite de la cour qu’elle confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et en conséquence :

– constate l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail en date du 28 janvier 2018 ;

– constate que Mme [V] est occupante sans droit ni titre à raison de l’acquisition de la résolution ;

– condamne, par provision, Mme [V] à lui payer la somme de 6 237 euros ;

– condamne, par provision, Mme [V] à lui payer les intérêts de droit sur la somme de 5 247,06 euros à compter du commandement en date du 13 juillet 2021 et pour le surplus à compter de la date d’assignation ;

– condamne, par provision, Mme [V] à lui payer la somme de 309 euros au titre de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ;

– fixe l’indemnité d’occupation au montant du loyer et des charges à titre comminatoire ;

– déboute Mme [V] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

– condamne, par provision, Mme [V] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamne Mme [V] aux entiers dépens y compris les frais du commandement et les frais d’exécution,

– dise que dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations

prononcées dans le jugement à intervenir, l’exécution forcée devrait être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier par application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 N° 6-1080 (tarif des huissiers) devra être supportées par le débiteur en sus.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 3 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la cour n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constater’, ‘donner acte’, ‘dire et juger’ ou ‘déclarer’ qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d’appel.

Il sera également rappelé qu’un juge des référés vide toujours sa saisine, le cas échéant en prononçant des mesures d’instruction in futurum ou des mesures provisoires, mais qu’il ne statue pas ‘avant dire’ droit comme peut le faire un juge du fond.

Enfin si la cour confirme une décision de première instance, elle n’a pas à en reprendre le dispositif et donc, notamment, à ‘condamner’ à nouveau.

Sur l’acquisition de la clause résolutoire et la dette locative

Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

L’article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Par application de l’article 7 a de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus. L’article 24 alinéa 1 du même texte dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour le non versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En application des dispositions de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail par le jeu d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

Il n’est pas contesté que le contrat de bail signé par les parties le 28 janvier 2018 contient, en son article IX, une clause résolutoire. Si celle-ci précise, de manière erronée, que le contrat sera résilié immédiatement et de plein droit, un mois après un commandement demeuré infructueux, force est de constater que le commandement, signifié le 13 juillet 2021, d’avoir à payer la somme 5 247,06 euros, dont 5 074 euros au titre de la dette locative, impartit à Mme [V] un délai de deux mois pour s’acquitter de celle-ci, conformément aux dispositions précitées de l’article 24 précité de la loi du 6 juillet 1989. Au demeurant Mme [V] n’a formulé aucune critique de ce chef.

L’article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dispose :

Lorsque le contrat prévoit la révision du loyer, celle-ci intervient chaque année à la date convenue entre les parties ou, à défaut, au terme de chaque année du contrat.

La variation qui en résulte ne peut excéder, à la hausse, la variation d’un indice de référence des loyers publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques chaque trimestre et qui correspond à la moyenne, sur les douze derniers mois, de l’évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers. A défaut de clause contractuelle fixant la date de référence, cette date est celle du dernier indice publié à la date de signature du contrat de location.

A défaut de manifester sa volonté d’appliquer la révision du loyer dans un délai d’un an suivant sa date de prise d’effet, le bailleur est réputé avoir renoncé au bénéfice de cette clause pour l’année écoulée.

Si le bailleur manifeste sa volonté de réviser le loyer dans le délai d’un an, cette révision de loyer prend effet à compter de sa demande.

En l’espèce, le contrat de bail signé par les parties stipule que le loyer sera révisé chaque année, automatiquement et de plein droit sans que le bailleur ait à effectuer quelque notification ou formalité particulière, en fonction de la variation de l’indice trimestriel de référence des loyers publiés par l’INSEE ou de tout autre indice qui viendrait à lui être substitué chaque année à la date de signature du présent bail.

Même si la mention d’une révision sans notification contrevient aux dispositions précitées de la loi du 6 juillet 1989, il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés, juge de l’évidence et du provisoire, de prononcer la nullité d’une clause contractuelle comme sollicité par l’appelante.

Il lui revient, en revanche, de vérifier que dette locative fondant le commandement de payer et la demande de provision ne se heurte à aucune contestation sérieuse et, le cas échéant, d’en retrancher les sommes contestées.

En l’espèce, il résulte de l’analyse du décompte versé aux débats par la SCI Artecris que, conformément au courrier d’information qu’elle a envoyé à Mme [V], le 10 janvier 2020, elle n’a appliqué la clause d’indexation qu’à compter du mois de février 2020, en majorant le loyer de 22 euros par application de l’indice Insee du coût de la location. La majoration de 122 retenue dans le décompte correspondant donc à la somme de cette indexation et de l’impayé (de loyer) de 100 euros, Mme [V] ayant continué à payer un loyer de 1 150 euros, après janvier 2019, alors qu’il était contractuellement fixé à 1 250 euros passé les douze premiers mois du bail. La dette locative, arrêtée au mois de janvier 2022, n’est donc pas sérieusement contestable à hauteur de la somme de 2 928 euros (24 x 122).

Par ailleurs, si elle peut inclure l’impayé partiel de loyer du mois de juin 2019, à hauteur de 1 000 euros, elle ne peut en faire autant pour ceux des mois d’août et septembre 2018, qui s’avèrent sérieusement contestables puisque susceptibles d’être prescrits par le jeu de la prescription triennale interrompue le 1er octobre 2021, seulement, par la délivrance de l’acte introductif d’instance.

Le paiement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour l’année 2021 d’un montant de 309 euros n’est, quant à lui, pas e sérieusement contestable.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les causes du commandement de payer délivré le 13 juillet 2021 était à tout le moins partiellement fondées à hauteur de 3 074 euros. Mme [V] ne les ayant pas réglées dans les deux mois de sa délivrance, l’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 13 septembre 2021.

Par ailleurs, la dette locative, arrêtée au mois de janvier 2022, taxe d’enlèvement des ordures ménagères inclus, doit être considérée comme non sérieusement contestable à hauteur de 4 237 euros et non 6 927 euros comme sollicité par la SCI Artecris.

L’ordonnance entreprise sera donc infirmée de ce chef et Mme [V] condamnée à verser à cette dernière la somme provisionnelle de 4 237 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2021, sur la somme de 3 074 euros, et de ce jour pour le surplus.

Sur la demande de délais de paiement

Aux termes de l’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989, le juge peut, même d’office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1345-5 du code civil, au locataire en situation de règler sa dette locative … ; pendant le cours des délais ainsi accordés, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus ; ces délais et modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement des loyers et charges. Ce texte ajoute : si le locataire se libère dans le délai et selon le modalités fixées par la juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué ; dans le cas contraire, elle reprend son plein effet ;

Il convient de souligner que la SCI Artecris sollicite la confirmation de l’ordonnance entreprise ‘en toutes ses dispositions’. Elle n’a donc pas entendu interjeté appel incident de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle accordé des délais de paiement à Mme [V] et suspendu, durant ceux-ci, les effets de la clause résolutoire.

Ce chef déféré à la cour par la déclaration d’appel sera donc purement et simplement confirmé étant simplement précisé que c’est de la somme de 4 237 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2021, sur la somme de 3 074 euros, et de ce jour pour le surplus, que l’appelante devra s’acquitter en 36 versements égaux à compter à compter du 10 avril 2022.

Sur le trouble de jouissance

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable … le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence … peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution d’une obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’absence de constestation sérieuse implique l’évidence de la solution qu’appelle le point contesté. Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant, laquelle n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Aux termes de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 n° 89-462, modifié par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, le bailleur est tenu de mettre à disposition un logement décent ne laissant apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimal et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.

L’article 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 dispose que logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :

1. Il assure le clos et le couvert. Le gros ‘uvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d’eau dans l’habitation. Pour les logements situés dans les départements d’outre-mer, il peut être tenu compte, pour l’appréciation des conditions relatives à la protection contre les infiltrations d’eau, des conditions climatiques spécifiques à ces départements ;

2. Il est protégé contre les infiltrations d’air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l’extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l’air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres. Les cheminées doivent être munies de trappes. Ces dispositions ne sont pas applicables dans les départements situés outre-mer.

3. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ;

4. La nature et l’état de conservation et d’entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;

5. Les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement ;

6. Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d’ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité adaptés aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements (…)».

L’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 susvisé énonce que si le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des deux premiers aliénas de l’article 6, le locataire peut demander au propriétaire sa mise en conformité sans qu’il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours. A défaut d’accord entre les parties ou à défaut de réponse du propriétaire dans un délai de deux mois, la commission départementale de conciliation peut être saisie et rendre un avis dans les conditions fixées à l’article 20. La saisine de la commission ou la remise de son avis ne constitue pas un préalable à la saisine du juge. L’information du bailleur par l’organisme payeur de son obligation de mise en conformité du logement tient lieu de demande de mise ne conformité par le locataire. Le juge saisi détermine, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution. Il peut réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu’à l’exécution de ces travaux.

L’article 1719 du code civil dispose que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière (…) de délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant.

Il est constant que, même si le bailleur n’exécute pas ses obligations, le locataire ne peut se prévaloir d’une exception d’inexécution tirée de l’ article 1219 du code civil pour suspendre le paiement des loyers, à moins que le logement ne soit inhabitable ou totalement insalubre.

En l’espèce, Mme [V] sollicite la condamnation sous astreinte de la SCI Artecris à :

– remettre en état le gros ‘uvre du logement et de ses accès afin de protéger celui-ci des eaux de ruissellement et des remontées d’eau,

– remettre en état les menuiseries extérieures et de la couverture du logement avec ses raccords et accessoires et ce, afin de protéger le logement des infiltrations d’eau,

– remettre en état les dispositifs de retenue des personnes dans le logement et ses accès (garde-corps, escaliers, loggias, balcons, rampe d’accès ‘)

– remettre en état et entretien des matériaux de construction, canalisations et revêtement du logement,

– remettre en état et mise aux normes des réseaux et branchement d’électricité et de gaz ainsi que des équipements de chauffage et des production d’eau chaude,

– mettre en place un système d’ouverture et de ventilation du logement permettant un renouvellement de l’air adapté aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ainsi qu’à l’évacuation de l’humidité,

– établissement d’un diagnostic de performance énergétique conforme aux normes d’un logement énergétiquement décent,

– remise en état du chemin d’accès et parvis,

– remise en état de la cuisine,

– remise en état de la salle de bains.

A l’appui de ses prétentions, elle verse aux débats un constat dressé le 9 juin 2022, par Maître [C], huissier de justice, qui relève :

– devant la maison de Mme [V], une chaussée déformée avec formation de nids de poules,

– au niveau de la cuisine une porte d’élément central mal fixée avec une vis manquante au niveau de la charnière, ladite porte ne se refermant pas correctement et ne se positionnant pas correctement sur l’élément ;

– la présence d’un bloc en bois au-dessus des éléments que Mme [V] qualifie de lourd,

– un corps de haute aspirante maintenu par des taquets,

– un tiroir de meuble de salle de bain qui ne se ferme pas correctement,

– la présence d’eau dans la baignoire,

– des difficultés d’écoulement d’eau depuis la baignoire avec remontée dans le lavabo,

– des escaliers qui ne pourraient être gravis qu’au prix d’un déport à droite,

– une main courante, posée par le bailleur, à la demande de sa locataire au prix de l’arrachement d’une partie de mur sur laquelle il est fixé,

– des infiltrations d’eau au niveau de certaines plinthes du garage en provenance d’un pallier dépourvu de joint d’étanchéité au niveau de la contremarche.

Force est de constater que les désordres relatifs à la chaussée et la configuration des escaliers étaient apparents lors de l’entrée dans les lieux de la locataire et que celle-ci s’en est accomodée. De plus, Mme [V] ne produit aucun élément permettant savoir à qui incombe l’entretien de la chaussée qui peut s’analyser comme une voie publique ou relever des parties commune d’une association syndicale libre (ASL).

S’agissant ensuite des désordres affectant la cuisine équipée, la cour relève que, suite à l’accident causé, le 19 juillet 2018, par l’effondrement d’une partie des meubles hauts, la SCI Artecris n’a pas contesté sa responsabilité. Au demeurant, par ordonnance en date du 10 mai 2022, Mme [V] a d’ores et déjà obtenu l’organisation d’une expertise médicale et l’allocation d’une provision de 8 000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel. Sa bailleresse, prise en la personne de Mme [L] [G], a ensuite fait intervenir un artisan pour installer de nouveaux éléments et un SMS du 10 juin 2022, versé aux débats par l’appelante elle-même, atteste qu’elle est disposée à intervenir à nouveau sur les quelques malfaçons relevées par l’expert. Il en va, à l’évidence, de même pour le meuble de la salle de bain.

S’agissant enfin des autres désordres au premier rang desquels les refoulements d’eau dans la salle de bain, les infiltrations dans le garage, la main courantes mal posée dans l’escalier, Mme [V] ne rapporte pas la preuve qu’elle s’en soit plainte avant que la SCI Artecris n’introduise la présente action, les deux seuls courriers versés aux débats, en date des 14 septembre 2018 et 22 novembre 2019, portant sur les dommages subis dans les suite de l’accident du 19 juillet 2018.

En outre, les problèmes de refoulement d’eau entre la baignore et le lavabo de la salle de bain, qui ne suffisent pas à caractériser une quelconque indécence du logement, ont été pris en compte par l’intimée qui, selon les déclarations faites par Mme [V] à Maître [C], a fait intervenir un plombier. Ce dernier a procédé au changement des canalisations mais se serait heurté à un ‘évent’ qui n’aurait pas été réalisé lors de la construction de la bâtisse. Dès lors, Mme [V] échoue à rapporter la preuve d’un refus ou manque de diligence de son bailleur à faire réaliser ces travaux de sorte que la condamnation, sous astreinte à y procéder, se heurte, au stade du référé, à une contestation sérieuse. L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté ses prétentions formulées de ce chef et la demande de provision à valoir sur la réparation d’un préjudice de jouissance.

Il en va de même de sa demande visant à l’établissement d’un diagnostic de performance énergétique conforme aux normes d’un logement énergétiquement décent, aucune indécence n’étant établie sur ce point, par les pièces versées aux débats par l’appelante, et un diagnostic de performance énergétique, produit par l’intimée, attestant du classement de ce logement en catégorie C, équivalent à ‘moyen’.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce que, par une formulation impropre mais équivalente (‘nous déclarons incompétent..’), elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de Mme [V] parmi lesquelles les demandes de consignation des loyers, dans l’attente de la réalisation des travaux sous astreinte, de réduction de 25 % des loyers depuis le 28 février 2018 et de reversement du trop perçu.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [V] aux entiers dépens comprenant le coût du commandement de payer ainsi que les frais de dénonce au représentant de l’état dans le département, de citation et de signification de son ordonnance.

Mme [V], qui succombe sur l’essentiel de ses prétentions, sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de ce texte. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l’intimée les frais non compris dans les dépens, qu’elle a exposés pour sa défense. Il lui sera donc alloué une somme de 1 500 euros en cause d’appel.

Mme [V] supportera en outre les dépens de la procédure d’appel.

Enfin, la demande de la SCI Artecris tendant à ce que le montant des sommes retenues par le commissaire de justice, en cas d’exécution forcée, en application de l’article 10 du décret n° 16-1080 du 12 décembre 1996, modifié par le décret du 8 mars 2001 portant fixation du tarif des huissiers de Justice en matière civile et commerciale, ne saurait prospérer en ce que ce texte a été abrogé par le décret n° 2016-230 du 26 février 2016. Lesdits frais d’exécution seront donc soumis au régime qui leur est propre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a condamné Mme [V] à payer à la SCI Artecris la somme de 6 237 euros au titre de sa créance actualisée au 1er février 2022 à titre provisionnel, en deniers ou quittance, à valoir sur les loyers et charges demeurés impayés ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme [T] [F] épouse [V] à verser à la SCI Artecris la somme provisionnelle de 4 237 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2021, sur la somme de 3 074 euros, et de ce jour pour le surplus ;

Précise que les délais paiement de 36 mois accordés par le premier juge à compter du 10 avril 2022 continueront à courir, dans les conditions et sous les sanctions fixées par ce magistrat, mais pour l’apurement, sur les échéances non encore échues, de la somme précitée ou de son reliquat ;

Condamne Mme [T] [F] épouse [V] à verser à la SCI Artecris la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SCI Artecris de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 10 du décret n° 16-1080 du 12 décembre 1996, modifié par le décret du 8 mars 2001 ;

Condamne Mme [T] [F] épouse [V] aux dépens d’appel.

La greffière Le président

 


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