N° RG 22/04453 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LTXY
C3
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SARL ANAÉ AVOCATS
la SCP MBC AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 27 JUIN 2023
Appel d’une décision (N° RG 22/01384)
rendue par le Président du Tribunal judiciaire de Grenoble
en date du 30 novembre 2022
suivant déclaration d’appel du 13 Décembre 2022
APPELANTE :
Mme [Z] [V]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7] (Sicile)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Thibault LORIN de la SARL ANAÉ AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
Mme [H] [U]
née le [Date naissance 6] 1976 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Isabelle KESTENES-PSILA de la SCP MBC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE et par Me Raphael SMADJA, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller
DÉBATS :
A l’audience publique du 23 mai 2023, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport, assistée de Mme Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Entre le 9 septembre et le 27 décembre 2021 le docteur [H] [U], chirurgienne-dentiste, a prodigué ses soins à Mme [Z] [V], à savoir la pose de deux implants (dents 14 et 25) pose d’une prothèse stellite (dents 34, 35, 36, 37,44, 45, 46 et 47) et la pose d’implants (dents 36 et 46), ce qui impliquait des extractions dentaires.
Après relance du docteur [U] adressée en mai 2022 pour obtenir paiement de sa facture, Mme [V] a saisi le Conseil départemental de l’Isère de l’ordre national des chirurgiens-dentistes qui a organisé une réunion de conciliation le 11 juillet 2022 à l’issue de laquelle un procès-verbal de conciliation et de transaction a été signé le même jour’; il était prévu que le docteur [U] s’engageait à ouvrir un dossier auprès de sa responsabilité civile professionnelle et à transmettre à Mme [V] les coordonnées de son assurance, Mme [V] s’engageant pour sa part à payer les prothèses au docteur [U] et à se rapprocher de sa responsabilité civile personnelle.
Le docteur [U] a exécuté les termes de cet accord en contactant son assurance, La Médicale qui a pris contact avec Mme [V] le 29 juillet 2022.
Mme [V] a dénoncé par lettre du 27 juillet 2022, les termes de cet accord en soutenant l’absence de concessions réciproques, la saisine de l’assureur responsabilité professionnelle du docteur [U] étant subordonnée au règlement préalable de sa facture.
Se plaignant de la mauvaise réalisation des soins dont elle a fait l’objet, Mme [V] a, selon acte extrajudiciaire des 13,15 et 20 septembre 2022, assigné devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble le docteur [U], son assureur La Médicale de France, AG2R La mondiale , l’ONIAM et la CPAM de l’Isère aux fins de voir ordonner une expertise médicale.
Le docteur [U] a réclamé reconventionnellement le paiement de sa facture d’honoraires de 5.837,30€.
Par ordonnance de référé du 30 novembre 2022, la juridiction précitée a’:
ordonné une mesure d’expertise médicale de Mme [V], à ses frais avancés, confiée au docteur [X],
condamné Mme [V] à payer la somme de 5.837,30€ au docteur [U] à titre de provision à valoir sur ses honoraires avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2022,
condamné Mme [V] aux dépens.
Par déclaration du 13 décembre 2022, Mme [V] a relevé appel de cette ordonnance du seul chef de la condamnation à payer une provision, en intimant uniquement le docteur [U].
Dans ses dernières conclusions n°3 déposées le 26 avril 2023 sur le fondement de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, Mme [V] demande à la cour de’:
juger que des contestations sérieuses s’opposent à la créance invoquée du docteur [U],
infirmer l’ordonnance litigieuse en ce qu’elle l’a condamnée à payer la somme de 5.837,30€ au docteur [U] à titre de provision sur honoraires assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2022,
condamner le docteur [U] à verser la somme de 800€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner le même aux dépens d’appel.
Elle fait valoir que’:
le procès-verbal de conciliation signé le 11 juillet 2022 ne peut pas fonder le caractère incontestable de la créance d’honoraires du docteur [U] car elle n’a pas compris la portée de son engagement, n’ayant pas la maîtrise de la langue française,
ce procès-verbal de conciliation encourt la nullité dès lors que les concessions réciproques qu’il acte sont déséquilibrées, en ce qu’elle doit s’acquitter du paiement des honoraires pour que soit ouvert un dossier de réclamation auprès de l’assureur du dentiste,
le juge des référés en la condamnant au paiement des honoraires, a donné force exécutoire à ce procès-verbal de conciliation alors que seul le juge du fond pouvait le faire,
la mauvaise exécution des prestations dentaires par le docteur [U] rend sérieusement contestable la créance d’honoraires de celle-ci’ et ce d’autant qu’en saisissant son assureur responsabilité civile professionnelle, celle-ci a reconnu sa responsabilité dans la réalisation de soins non conformes.
Dans ses dernières conclusions déposées le 26 avril 2023 au visa de l’article 835 du code de procédure civile, le docteur [U] sollicite que la cour’:
juge non sérieusement contestable l’obligation de règlement des prestations qui lui sont dues,
confirme en conséquence l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné Mme [V] à lui payer à titre de provision à valoir sur ses honoraires la somme de 5.837,30€ outre intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2022,
condamne Mme [V] à lui payer la somme de 800€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamne la même à tous les dépens d’appel avec distraction au profit de la SCP MBC Avocats sur son affirmation de droit.
Elle réplique que’:
elle n’a pas reconnu une quelconque responsabilité en saisissant son assureur.
sa patiente n’a pas discuté le montant de ses honoraires qu’elle s’est engagée à payer dans le procès-verbal de conciliation.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 mai 2023.
MOTIFS
Selon l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, «’dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils [le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence] peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.’»
Au cas présent, il est acquis que le docteur [U] a effectivement réalisé les prestations facturées le 29 septembre 2022 à la somme de 5.837,30€.
Est en litige la qualité de réalisation des soins et des prestations dispensés à Mme [V], ce point faisant l’objet de l’expertise médicale ordonnée et non discutée dans le cadre du présent appel.
Il y a lieu de retenir qu’il existe une contestation sérieuse faisant obstacle à l’allocation d’une provision sur honoraires dès lors d’une part, qu’il est démontré, par les attestations de France Victimes 38, association auprès de laquelle s’est rapprochée Mme [V] dans le cadre du litige l’opposant au docteur [U], que l’appelante maîtrise mal la langue française et n’a pas été à même de comprendre la portée du procès-verbal de conciliation qu’elle a signé et par lequel il était indiqué qu’elle s’engageait à payer les honoraires litigieux, n’en ayant compris le sens qu’une fois sa traduction orale en italien par cette association, et d’autre part, que la responsabilité du docteur [U] dans la réalisation du dommage de Mme [V] va faire l’objet d’un débat au fond au vu des résultats de l’expertise ordonnée et que selon l’issue de celui-ci, Mme [V] n’exclut pas d’opposer une exception d’inexécution à la demande en paiement.
En conséquence de l’existence de cette contestation sérieuse, il n’y a pas lieu à référé de sorte que l’ordonnance déférée est infirmée et la demande de provision rejetée.
Sur les mesures accessoires
Partie succombante, le docteur [U] est condamnée aux dépens d’appel, conserve ses frais irrépétibles exposés devant la cour et doit verser à Mme [V] une indemnité de procédure pour l’instance d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, dans les limites de l’appel, par arrêt contradictoire,
Infirme l’ordonnance déférée,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à référé,
Déboute en conséquence le docteur [H] [U] de sa demande en paiement de provision sur honoraires,
Condamne le docteur [H] [U] à payer à Mme [Z] [V] une indemnité de procédure d’appel d’un montant de 800€,
Déboute le docteur [H] [U] de sa demande présentée en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne le docteur [H] [U] aux dépens d’appel.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT