République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 14/09/2023
****
N° de MINUTE :23/693
N° RG 22/02803 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UKLW
Jugement (N° 11-21-0768) rendu le 28 Avril 2022 par le Juge des contentieux de la protection de [Localité 6]
APPELANTE
Madame [X] [Y]
née le [Date naissance 2] 1969 à
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédéric MASSIN, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
INTIMÉE
SCI Valencienvest prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Loïc Ruol, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 06 juin 2023 tenue par Véronique Dellelis magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Catherine Menegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 mai 2023
****
Par acte sous-seing privé du 4 avril 2019 à effet du du 15 avril 2019, la société civile immobilière Valencienvest a donné à bail, par l’intermédiaire de la société à responsabilité limité Soyez Gestion, à Mme [X] [Y] un appartement situé [Adresse 4], moyennant un loyer mensuel de 610 euros, outre une provision sur charges de 40 euros.
Par acte séparé du 12 avril 2019, M. [R] [Y] s’est porté caution solidaire de la locataire.
Se plaignant de désordres dans le logement, Mme [Y] a, par acte d’huissier en date du 25 août 2020, fait assigner son bailleur devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Valenciennes pour obtenir sa condamnation à réaliser les travaux de remise en état prescrits par l’Agence Régionale de Santé et à lui payer des dommages et intérêts.
Par jugement du 11 mars 2021, le tribunal a débouté la requérante de l’ensemble de ses demandes.
Mme [Y] a interjeté appel dudit jugement.
Par arrêt en date du 8 septembre 2022, cette cour autrement composée a, avant-dire droit sur l’appel, ordonné notamment une mesure d’expertise judiciaire avec mission pour l’expert de décrire les désordres dénoncés par Mme [X] [Y] et affectant éventuellement le logement et notamment les désordres d’humidité généralisée invoqués par la locataire , dire si les désordres sont dus à des vices de structure de l’immeuble, à la vétusté ou à une défaillance de la VMC ou s’ils sont dus au contraire au comportement de la locataire et dire si le logement satisfait aux exigences du réglement sanitaire départemental et ordonné la consignation par Mme [Y] de la somme de 2000 euros à titre d’avance sur les frais d’expertise.
Les opérations d’expertise sont en cours.
Par ailleurs, faisant valoir que Mme [Y] ne s’était pas acquittée régulièrement du montant des loyers, le bailleur lui a fait délivrer le 28 janvier 2021 un commandement de payer, rappelant la clause résolutoire..
Ce commandement a été dénoncé à la caution par acte d’huissier du 4 février 2021.
Se prévalant du caractère infructueux de l’acte, la SCI Valencienvest a, par actes d’huissier de justice délivrés le 15 et 17 juin 2021, fait assigner respectivement M. [R] [Y] et Mme [X] [Y] devant le juge des contentieux et la protection du tribunal judiciaire de Valenciennes aux fins d’entendre constater la résiliation du bail intervenue de plein droit le 28 mars 2011 par application de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 et de la clause résolutoire, dire en conséquence que la locataire sera tenue de vider les lieux loués de corps et de biens tant par elle-même que par toute personne qu’elle aurait pu y introduire, faute par elle de ce faire dans les délais légaux, ordonner son expulsion des lieux avec l’aide de la force publique si besoin et, condamner solidairement les défendeurs à lui payer les sommes suivantes : 1338,73 euros à titre provisionnel représentant la dette locative actuelle, ladite somme portant intérêts judiciaires à compter de l’assignation et à compter du commandement pour les sommes y figurant, une indemnité d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges qui auraient dû être réglés en cas de poursuite du contrat de location, et ce, du jour de la résiliation du bail jusqu’au jour de la libération effective et définitive des lieux, 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, dire qu’elle sera fondée à demander que l’huissier mandaté pourra, sur constat d’abandon des lieux loués, pénétrer dans ceux-ci afin de dresser constat verbal de reprise et vendre les quelque, mobiliers éventuellement abandonnés sur place.
Suivant jugement réputé contradictoire en date du 28 avril 2022, jugement auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure à ce jugement et du dernier état des demandes et prétentions des parties, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Valenciennes a :
– rejeté la demande de sursis à statuer,
– débouté la SCI Valencienvest de ses demandes de constat de l’acquisition de la clause résolutoire, d’expulsion, d’autorisation de pénétrer dans le logement loué et d’indemnité d’occupation,
– condamné solidairement [X] [Y] et [R] [Y], en sa qualité de caution, à payer à la SCI Valencienvest la somme de 1 338,73 euros au titre des loyers et charges arrêtés à la date du 1er janvier 2022, terme de janvier inclus, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
– condamné in solidum [X] [Y] et [R] [Y] à payer à la SCI Valencienvest la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté [X] [Y] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum [X] [Y] et [R] [Y] aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer et de l’assignation,
– rappelé que la présente décision est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.
Mme [Y] a relevé appel de cette décision en intimant la SCI Valencienvest par déclaration en date du 10 juin 2022, déclaration d’appel critiquant chacune des dispositions de la décision entreprise sauf en ce qu’elle a débouté la SCI Valencienvest de ses demandes de constat de l’acquisition de la clause résolutoire, d’expulsion, d’autorisation de pénétrer dans le logement loué et d’indemnité d’occupation.
La SCI Valencienvest a constitué avocat en date du 5 juillet 2022.
Par ses dernières conclusions en date du 2 mai 2023, Mme [Y] demande la cour de :
– infirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Valenciennes le 28 avril 2022,
Statuant dans la limite de l’appel,
– débouter la SCI Valencienvest l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– la condamner au règlement d’une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens.
La SCI Valencienvest n’a pas conclu.
Il est renvoyé aux conclusions de Mme [Y] pour un exposé détaillé des demandes et des moyens en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS :
Il sera rappelé à titre liminaire qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la partie qui n’a pas conclu en cause d’appel est réputée s’approprier les motifs du jugement entrepris.
Il sera précisé également que les dispositions du jugement entrepris qui ont rejeté les demandes de la SCI Valencienvest tendant à la constatation du jeu de la clause résolutoire, à l’expulsion de la locataire, à l’autorisation de pénétrer dans les lieux et à la condamnation de Mme [Y] au paiement d’une indemnité d’occupation ne sont pas remises en cause dan le cadre de l’appel principal et ne sont pas davantage remises en cause dans le cadre d’un appel incident, faute pour la partie intimée d’avoir conclu.
Lesdites dispositions ont donc acquis un caractère définitif.
Mme [Y] remet en cause dans le cadre de l’appel sa condamnation au paiement de la somme de 1 138,73 euros au titre des loyers et charges arrêtés à la date du 1er janvier 2022, terme de janvier inclus, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
Elle fait valoir plusieurs moyens de contestation à l’encontre de la somme ainsi réclamée soutenant qu’il existe diverses anomalies :
-au titre de la somme portée au débit du compte locatif en février 2021 pour reddition des charges locatives ;
-au titre du règlement de l’allocation logement pour les mois de juillet 2021 et août 2021.
-au titre du règlement de l’allocation logement pour les mois d’avril et mai 2019 ;
-au titre des règlements opérés pendant le mois de janvier 2022.
Sur la contestation de la somme portée au débit du compte de la locataire au titre de la reddition des charges :
Mme [Y] fait observer sur ce point que le décompte locatif établi par son bailleur reprend au débit du compte à la date du 22 février 2021 une somme de 829,83 euros au titre d’une reddition de charges, contestant la somme ainsi débitée et faisant valoir que la bailleresse ne produit aucun justificatif de ce chef et n’a pas répondu à sa propre lettre qui contestait le montant des charges ainsi réclamées.
L’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version applicable au présent litige dispose notamment que :
Les charges récupérables, sommes accessoires au loyer principal, sont exigibles sur justification en contrepartie :
1° Des services rendus liés à l’usage des différents éléments de la chose louée ;
2° Des dépenses d’entretien courant et des menues réparations sur les éléments d’usage commun de la chose louée. Sont notamment récupérables à ce titre les dépenses engagées par le bailleur dans le cadre d’un contrat d’entretien relatif aux ascenseurs et répondant aux conditions de l’article L. 125-2-2 du code de la construction et de l’habitation, qui concernent les opérations et les vérifications périodiques minimales et la réparation et le remplacement de petites pièces présentant des signes d’usure excessive ainsi que les interventions pour dégager les personnes bloquées en cabine et le dépannage et la remise en fonctionnement normal des appareils ;
3° Des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement.
La liste de ces charges est fixée par décret en Conseil d’Etat. Il peut y être dérogé par accords collectifs locaux portant sur l’amélioration de la sécurité ou la prise en compte du développement durable, conclus conformément à l’article 42 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 précitée.
Les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l’objet d’une régularisation annuelle. Les demandes de provisions sont justifiées par la communication de résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et, lorsque l’immeuble est soumis au statut de la copropriété ou lorsque le bailleur est une personne morale, par le budget prévisionnel.
Un mois avant cette régularisation, le bailleur en communique au locataire le décompte par nature de charges ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires et, le cas échéant, une note d’information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire collectifs et sur la consommation individuelle de chaleur et d’eau chaude sanitaire du logement, dont le contenu est défini par décret en Conseil d’Etat. Durant six mois à compter de l’envoi de ce décompte, les pièces justificatives sont tenues, dans des conditions normales, à la disposition des locataires.
A compter du 1er septembre 2015, le bailleur transmet également, à la demande du locataire, le récapitulatif des charges du logement par voie dématérialisée ou par voie postale.
Lorsque la régularisation des charges n’a pas été effectuée avant le terme de l’année civile suivant l’année de leur exigibilité, le paiement par le locataire est effectué par douzième, s’il en fait la demande.
Force est de constater en l’espèce que la société Valencienvest qui n’a pas conclu n’a donc pas répondu au grief formulé par Mme [Y] d’un défaut de justification des charges.
Par ailleurs, Mme [Y] a justifié de ce qu’elle avait fait parvenir une lettre datée du 1er mars 2021 à M. [F] comptable de la SCI Valencienvest dans laquelle elle contestait les sommes réclamées et réclamant les justificatifs des charges.
En l’absence de justificatif des charges imputées à Mme [Y], la cour rejettera du montant des sommes réclamées à la débitrice à la date du 1er janvier 2022 la somme de 829,83 euros.
Sur la contestation au titre du défaut de prise en compte des allocations logement pour les mois d’avril et mai 2009 :
Mme [Y] fait valoir sur ce point que le compte locatif ne prend pas en compte les allocations logement pour les mois d’avril 2019 et mai 2019 alors pourtant que ses droits à l’allocation logement étaient ouverts pour les deux mois considérés, à hauteur d’un montant total de 538 euros.
Force est de constater cependant que l’attestation CAF datée du 31 août 2022 produite par l’appelante ne fait nullement apparaître que l’allocataire a été bénéficiaire de l’allocation logement pour le mois d’avril 2019. Par ailleurs, pour ce qui concerne l’allocation logement pour le mois de mai 2019, l’attestation de la CAF ne fait pas apparaître, à la différence des mois suivants, que la somme allouée au titre de cette prestation aurait été versée entre les mains du bailleur. Dès lors, alors qu’il apparaît que le bailleur a par ailleurs dûment porté au crédit du compte de la locataire le montant de l’allocation logement à compter du mois de juin 2019, la cour conclut qu’il n’est aucunement justifié que le bailleur aurait perçu des allocations logement au titre des mois d’avril 2019 et mai 2019 et qu’il aurait omis de porter au crédit du compte. Le grief sur ce point n’est donc pas fondé.
Sur la contestation au titre du défaut de prise en compte des allocations logement pour les mois de juillet et août 2021 :
Mme [Y] fait valoir sur ce point que le décompte produit présente des anomalies pour les mois de juillet et août 2021 dans la mesure où il a été retenu dans le décompte pour les deux mois considérés la somme de 124 euros au titre de l’allocation logement alors que ladite allocation logement était d’un montant en réalité supérieur.
Il y a lieu de relever sur ce point cependant que les éléments du dossier font apparaître que le montant de l’allocation logement a effectivement été d’un montant de 124 euros pour les mois de juin et juillet 2021, le versement de 124 euros effectué par la CAF au titre de l’allocation de juin ayant été imputé au crédit du compte le 5 juillet 2021 et la somme de 124 euros au titre de l’allocation du mois de juillet 2021 ayant été imputée au crédit locatif du compte le 5 août 2021.
Il s’ensuit que la contestation sur ce point n’est pas fondée, le bailleur ayant exactement tenu compte de ce qu’il avait effectivement reçu de la Caisse d’allocations familiales.
Sur la quatrième contestation :
Mme [Y] fait valoir qu’il n’a pas été tenu compte dans le décompte établi à la date du 1er janvier 2022 des versements effectués au titre de l’échéance de loyer du mois de janvier 2022 à savoir :
-le 5 janvier 2022 : 272 euros pour l’allocation logement ;
-le 24 janvier 2022 : 385,84 pour le loyer résiduel ;
-le 24 janvier 2022 la somme de 80 euros
Ces sommes postérieures à l’arrêté de compte au 1er janvier 2022 ne pouvaient être prises en compte dans ce dernier.
Néanmoins la cour est en mesure de constater qu’à la date du 31 janvier 2022 (échéance de janvier 2022 incluse), après déduction de la somme débitée à tort au titre de la reddition des charges et des sommes versées par la débitrice la créance du bailleur réclamée pour un montant de 1338,73 – (883,73 + 272 + 385,84 + 80 ) est en réalité nulle .
Il convient dès lors par infirmation du jugement entrepris et sans qu’il soit besoin pour la cour de déterminer si Mme [Y] aurait été fondée ou non à soulever une exception d’inexécution pour s’opposer au paiement du loyer, moyen qu’elle soutient également en faisant valoir les désordres qui ont été au centre des débats dans le cadre de l’autre procédure d’appel pendant devant cette cour, de débouter le bailleur de sa demande en paiement au titre d’une dette locative arrêtée à la date du 31 janvier 2022.
Sur les dépens et sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
Au regard de ce qui a été jugé, il convient de condamner la SCI Valencienvest aux dépens de première instance et d’appel.
Il est fait par ailleurs application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile comme indiqué au présent dispositif.
PAR CES MOTIFS
Constate qu’elle n’est pas saisie d’un appel des dispositions du jugement entrepris qui ont débouté la SCI Valencienvest de ses demandes de constat de l’acquisition de la clause résolutoire, d’expulsion, d’autorisation de pénétrer dans le logement loué et d’indemnité d’occupation, et constate le caractère définitif de ces dispositions ;
Statuant dans les limites de l’appel,
Constate l’absence de dette locative à la date du 31 janvier 2022 et déboute la SCI Valencienvest de sa demande formée contre Mme [Y] tendant au paiement de tout arriéré locatif à cette même date ;
Condamne la SCI Valencienvest aux dépens de première instance et d’appel ;
Condamne la SCI Valencienvest à payer à Mme [Y] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier
Fabienne Dufossé
Le Président
[K] [B]