République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 21/09/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 23/00364 – N° Portalis DBVT-V-B7H-UWUG
Ordonnance de référé (N° 22/00039) rendue le 03 Janvier 2023 par le tribunal judiciaire à compétence commerciale de Lille
APPELANTE
SASU RMB Stock, prise en la personne de son représentant légal en exercice
ayant son siège social, [Adresse 2]
représentée par Me Sylviane Mazard, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉE
SCI E.M.L.V., agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social, [Adresse 1]
représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Justine Cordonnier, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 16 mai 2023, tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 mai 2023
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Suivant acte sous seing privé du 1er décembre 2020, la SCI EMLV a consenti à la SAS RMB stock, un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 2] pour une durée de neuf années, moyennant le paiement d’un loyer annuel de 5 400 euros, payable par quart et d’avance, outre provisions pour charges et versement d’un dépôt de garantie de 450 euros.
La SAS RMB stock indique que la mairie de [Localité 3] l’a informée de l’impossibilité d’exercer une activité commerciale dans le local loué.
La SAS RMB stock a fait assigner par acte du 6 décembre 2021 la SCI EMLV devant le président du tribunal judiciaire statuant en référé aux fins de voir :
– constater l’absence de contestation sérieuse ;
– ordonner la consignation des loyers de la société RMB stock entre les mains de Madame le bâtonnier de l’ordre des avocats de Lille ès qualités de séquestre ;
– condamner la SCI ELMV au paiement d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner en tous les dépens.
Par ordonnance contradictoire et en premier ressort en date du 3 janvier 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a statué en ces termes :
«Déboutons la société RMB STOCK de sa demande tendant à suspendre le règlement de ses loyers à la SCI EMLV jusqu’à ce que le local commercial soit remis en état d’être exploité par le preneur ;
Déboutons la société RMB STOCK de sa demande de consignation des loyers litigieux entre les mains de tel organisme qu’il plaira au Tribunal ;
Déboutons la société RMB STOCK de sa demande de condamnation sous astreinte de 150 euros par jours de retard la remise en état des lieux aux frais du bailleur ;
Déboutons la société RMB STOCK de sa demande de suspension de l’exécution de la clause résolutoire ;
Constatons l’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail en date du 1 décembre 2020, portant sur les locaux situés [Adresse 2]) depuis le 1 mai 2022 ;
Ordonnons, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l’expulsion de société RMB STOCK et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 2], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier,
Disons, en cas de besoin, que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution ;
Fixons à titre provisionnel, l’indemnité mensuelle d’occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, à compter du 3 mai 2022 ;
Condamnons à titre provisionnel la société RMB STOCK au paiement de cette indemnité et ce, jusqu’à libération effective des lieux ;
Condamnons la société RMB STOCK à payer à la SCI EMVL, la somme provisionnelle de 4 354 euros (quatre mille trois cent cinquante-quatre euros) au titre de l’arriéré de loyers, charges et taxes, et indemnités d’occupation, selon décompte arrêté au 29 mars 2022, terme du mois avril 2022 inclus ;
Disons que les sommes dues porteront intérêts au taux légal, à compter du commandement de payer ;
Rejetons la demande de suspension des effets de la clause résolutoire ;
Disons n’y voir lieu à référé s’agissant des demandes tendant à la condamnation de la société RMB STOCK au paiement d’une clause pénale, de la majoration de 10 % des sommes dues et à la conservation du dépôt de garantie;
Condamnons la société RMB STOCK à permettre l’accès des locaux, notamment en dégageant les parties communes à la société BAUFFE pour la réalisation des travaux portant sur la toiture du bien donne état à bail sous astreinte provisoire de 150 euros (cent cinquante euros) par jour de retard, passé le délai de 10 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, et pendant une durée de trois mois;
Disons que le juge des référés se réserve la liquidation de l’astreinte ;
Condamnons la société RMB STOCK à payer à la SCI EMVL la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamnons la société RMB STOCK aux dépens, y incluant les frais de commandement de payer du 1 avril 2022 ;
Rappelons que l’exécution provisoire est de droit».
Par déclaration en date du 20 janvier 2023, la société ‘EMB’ stock a interjeté appel de la décision, reprenant l’ensemble des chefs de la décision précitée dans son acte d’appel.
MOYENS ET PRÉTENTIONS :
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 17 avril 2023, la société RMB stock demande à la cour de :
«Vu l’ordonnance de référé du 3 janvier 2023
Vu les pièces versées aux débats
Vu l’article 834 du code civil ; 1219 et 1719 du code civil
Infirmer l’ordonnance de référé rendue par le Tribunal judiciaire de Lille le 3 janvier 2023 en ce qu’elle a débouté la société RMB STOCK de ses demandes et fait droit à la demande de résiliation du bail formulée par la SCI EMLV avec condamnation financière du preneur.
Statuant à nouveau :
– Autoriser la société RMB STOCK à suspendre le règlement de ses loyers à la SCI EMLV jusqu’à ce que le local commercial soit remis en état d’être exploité par le preneur .
– Ordonner la consignation des loyers litigieux entre les mains de tel organisme qu’il plaira à la cour.
– Ordonner à la SCI EMLV de mettre le local loué à la société RMB STOCK en conformité avec sa destination en réalisant auprès de la mairie toutes les démarches utiles pour obtenir les autorisations d’urbanismes nécessaires et au besoin réalisant les travaux d’aménagement intérieurs indispensables à la réception du public dans le cadre d’une activité commerciale, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
– Déclarer l’existence d’une contestation sérieuse portant sur la résiliation du bail commercial .
– Débouter la SCI EMLV de toutes ses demandes, fins et conclusions faute d’en justifier
– A titre subsidiaire : suspendre l’exécution de la clause résolutoire ;
– La condamner à payer à la société RMB STOCK la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens pour la procédure de première instance et la même chose pour la procédure d’appel. »
La société RMB stock fait valoir que :
– si, lors de la conclusion du bail, la toiture était indiquée comme à réviser, la prise de possession à révélé une toiture, non à réviser, mais à réparer intégralement en raison de fuites d’eau coulant dans le local en cas de fortes pluies ;
– le bailleur n’a pas donné suite au devis transmis pour la réfection de la toiture, jugé trop cher, alors même que l’entreprise avait alerté sur le risque manifeste d’effondrement de la toiture ;
– mis en demeure par la mairie d’avoir à justifier de la possibilité de recevoir le public, le preneur devait communiquer différents documents, dont seul le propriétaire, lequel n’a manifestement pas effectué le changement de destination du garage en local commercial auprès des services administratifs, était en possession et notamment un engagement de solidité de l’ouvrage ;
– dans l’impossibilité d’y répondre, le preneur a été contraint d’arrêter brutalement son activité laissant le stock de marchandises entreposé dans son local alors qu’il avait réalisé plus de 15 000 euros de travaux pour aménager les lieux ;
– à la demande de la mairie de [Localité 3], un expert fut mandaté, lequel a préconisé le déclenchement d’une procédure de péril ordinaire ;
– le 23 mars 2022, une entreprise a été mandatée par le bailleur, toutefois à peine arrivée, celle-ci ne poursuivait pas sa mission jusqu’au bout, non en raison de l’opposition du preneur, celui-ci se contentant juste de prévenir les services municipaux du début des travaux, mais du fait de l’injonction d’arrêter les travaux de la part de ces derniers venus constater ce même jour sur place des anomalies importantes sur le chantier (problème d’échafaudage, danger pour les riverains, absence de précisions sur les travaux devant être réalisés) ;
– le 7 avril 2022, après de fortes pluies, la toiture s’est effondrée dans le local commercial endommageant la marchandise s’y trouvant, le sinistre ayant été déclaré par le preneur à sa compagnie d’assurances, la société Groupama dont l’expert mandaté a conclu à la responsabilité totale du bailleur et a relevé que le préjudice s’élevait à plus de 40 000 € ;
– le 24 mai 2022, la commission communale d’accessibilité a émis un avis défavorable à la poursuite de l’activité et le 16 juin 2022, la ville de [Localité 3] a pris un arrêté d’ordre public prescrivant différentes mesures comme l’interdiction d’accès à l’étage, l’interruption de l’alimentation électrique au niveau du disjoncteur principal, et l’obligation pour le preneur de quitter immédiatement les lieux ;
– le bailleur n’était pas présent à l’expertise dans le cadre de la procédure de péril et n’a pas fait diligence pour respecter les préconisations de l’expert dans le cadre de la procédure de péril imminent lequel avait demandé de remédier au plus vite aux désordres, et en tout état de cause au plus tard le 20 juillet 2022, l’entreprise n’ayant été mandatée pour intervenir qu’en octobre 2022.
La société RMB stock souligne que si elle avait entreposé provisoirement quelques palettes dans l’entrée en raison du sinistre dans son local, et ce pour les mettre en sécurité, jamais ceci n’a empêché les entreprises de se rendre sur la toiture pour y faire des travaux ainsi qu’il ressort de l’attestation de la société Locufier couverture, intervenue courant septembre 2022. Elle ne s’est jamais opposée à la réalisation de travaux et n’a pas refusé de recevoir le bailleur et son architecte. La toiture est elle-même évidemment accessible à partir de la façade mais également des étages. Elle estime la mauvaise foi du bailleur patente.
Elle ajoute que le bailleur, malgré les préconisations des experts mandatés par la mairie n’a fait réaliser en septembre 2022 que des travaux à moindre coût, l’expert constatant qu’ils n’étaient pas exécutés dans les règles de l’art et qu’il convenait dans un délai de 3 mois de remédier durablement aux désordres, nécessitant des travaux complémentaires.
Elle indique que si, compte tenu de la réalisation de ces derniers travaux, la mairie a opéré la main-levée de l’arrêté d’ordre public pris le 29 juin 2022, il reste une difficulté sérieuse concernant le local puisque le service urbanisme continue à interdire l’exploitation du local commercial.
La société RMB stock argue du fait qu’elle n’a jamais pu et ne peut toujours pas exercer une activité commerciale dans le local loué, la société EMLV n’étant pas en règle avec les autorisations d’urbanisme, ce qui rend bien fondée sa demande initiale de consignation de loyer et sa demande de condamnation du bailleur à exécuter des travaux de mise en conformité sous astreinte.
Elle subit un préjudice commercial manifeste dont elle est en droit de demander indemnisation et auquel la résiliation du bail porte atteinte. Compte tenu de la défaillance du bailleur qui n’a jamais mis son locataire en situation de jouir paisiblement du local loué, la société RMB stock s’estime bien fondée à solliciter la suspension du paiement des loyers au bailleur et la consignation de ceux’ci sur un compte séquestre qu’il plaira à la cour.
La société RMB stock élève une contestation sérieuse à la demande d’acquisition de la clause résolutoire du bail, soulignant qu’elle est parfaitement fondée à demander son débouté compte tenu de ce que l’absence de paiement des loyers est la conséquence directe des défaillances du bailleur.
À titre subsidiaire, elle demande la suspension de la clause résolutoire, la résiliation du bail ayant pour le preneur des conséquences particulièrement graves, notamment la perte du fonds de commerce et la perte de la clientèle, voire la perte des investissements dans l’aménagement du local commercial, ce qui serait préjudiciable à sa pérennité économique. Elle invoque également la perte définitive du stock de marchandises encore présent dans le local, la contrainte de déménager en pleine période d’interdiction d’exercice et l’impossibilité pour la société d’être indemnisée intégralement de ses préjudices en cas de résiliation du bail.
Elle fait valoir que résilier le bail alors qu’il est avéré que l’impossibilité d’exercice est imputable au seul bailleur qui n’a pas aménagé les locaux comme il se devait avant de les louer, revient à priver la société de son droit le plus légitime à obtenir de celui-ci la mise en conformité des lieux.
Elle mentionne un risque de litige avec son propre assureur, lequel a retardé le paiement des indemnités et attend que le preneur lui apporte des éléments contredisant les affirmations du bailleur (quant à la défaillance dans les travaux réalisés et l’obstacle aux travaux exigés).
Concernant l’astreinte demandée par le bailleur pour permettre l’accès, elle souligne le mensonge de ce dernier, les travaux ayant été réalisés et l’accès ayant été parfaitement possible.
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 25 avril 2023, la SCI EMLV demande à la cour de :
« Vu l’ordonnance des référés du 03 janvier 2023
Vu les dernières conclusions prises par l’appelant en première instance
Vu la déclaration d’appel
Vu les articles 1103 et 1104 du Code civil,
Vu l’article L143-2 du Code de commerce,
Vu l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile
Vu le bail commercial,
Vu la clause résolutoire,
– Confirmer l’ordonnance des référés du 3 janvier 2023 en ce qu’elle a :
« – Débouté la société RMB STOCK de sa demande tendant à suspendre le règlement de ses loyers à la SCI EMLV jusqu’à ce que le local commercial soit remis en état d’être exploité par le preneur ;
– Débouté la société RMB STOCK de sa demande de consignation des loyers litigieux entre les mains de tel organisme qu’il plaira au Tribunal
– Débouté la société RMB STOCK de sa demande de condamnation sous astreinte de 150 euros par jour de retard la remise en état des lieux aux frais de bailleurs ;
– Débouté la société RMB STOCK de sa demande de suspension de l’exécution de la clause résolutoire ;
– Constaté l’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail en date du 1er décembre 2020, portant sur les locaux situés [Adresse 2]) depuis le 1er mai 2022 ;
– Ordonné à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l’expulsion de la société RMB STOCK et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 2], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;
– Dit en cas de besoin, que le sort des meubles sera réglé conformément aux article L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution ;
– Fixé à titre provisionnel, l’indemnité mensuelle d’occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, à compter du 2 mai 2022 ;
– Condamné à titre provisionnel la société RMB STOCK au paiement de cette indemnité et ce jusqu’à la libération effective des lieux ;
– Condamné la société RMB STOCK à payer à la SCI EMLV, la somme provisionnelle de 4.354 € (quatre mille trois cent cinquante-quatre euros) au titre de l’arriéré de loyers, charges et taxes, et indemnités d’occupation, selon décompte arrêté au 29 mars 2022, terme du mois d’avril 2022 inclus ;
– Dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal, à compter du commandement de payer ;
– Rejeté la demande de suspension des effets de la clause résolutoire ;;
– Dit que le juge des référés se réserve la liquidation de l’astreinte ;
– Condamné la société RMB STOCK à payer à la SCI EMLV la somme de 1500 (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamné la société RMB STOCK aux dépens, y incluant les frais de commandement de payer du 1er avril 2022 ;
– Infirmer l’ordonnance du 3 janvier 2023 en ce qu’elle a :
« Dit n’y avoir lieu à référé s’agissant des demandes tendant à la condamnation de la société RMB STOCK au paiement d’une clause pénale, de la majoration de 10 % des sommes dues et à la conservation du dépôt de garantie »
Condamné la société RMB STOCK à permettre l’accès des locaux, notamment en dégageant les parties communes à la société BAUFFE pour la réalisation des travaux portant sur la toiture du bien donné état à bail sous astreinte provisoire de 150 euros (cent cinquante euros) par jour de retard, passé le délai de 10 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, et pendant une durée de trois mois ;
Statuer à nouveau et
– Constater l’acquisition de la somme de 450 € correspondant au dépôt de garantie au profit de la société RMB STOCK
– Condamner la société RMB STOCK par provision au paiement de la clause pénale et de la majoration de 10% des sommes dues.
– Condamner sous astreinte la société RMB STOCK à permettre l’accès des locaux, notamment en dégageant les parties communes à la société BAUFFE pour la réalisation des travaux portant sur la toiture du bien donne état à bail moyennant une astreinte de 5000 € par jour de refus d’accès des lieux
En tout état de cause,
– Débouter la société RMB STOCK de sa demande visant à Ordonner à la SCI EMLV de mettre le local loué à la société RMBSTOCK en conformité avec sa destination en réalisant auprès de la mairie toutes les démarches utiles pour obtenir les autorisations d’urbanismes nécessaires et au besoin en réalisant les travaux d’aménagement intérieurs indispensables à la réception du public dans le cadre de l’activité commerciale, le tout, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
– Condamner la société RMB STOCK à payer la somme de 5 000 € à la société EMLV en application de l’article 700 et aux entiers dépens ».
La société EMLV pointe que le preneur a pris l’initiative de contacter la mairie pour évoquer les fuites mais s’est abstenu de prévenir le bailleur de l’existence d’infiltrations, manquant par là même à ses obligations contractuelles. Elle souligne avoir fait réaliser des devis et avoir été empêchée dans sa visite avec son architecte pour avoir un avis sur la pérennité de la structure, le preneur ayant refusé l’accès au local.
Elle indique qu’alors qu’une réunion avait été menée pour envisager les modalités d’intervention de la société qu’elle avait mandatée, et notamment l’accès aux locaux, l’encombrement des parties communes n’a pas permis l’exécution des travaux, avec cette précision que la toiture, contrairement à ce qu’affirme le preneur, n’était nullement accessible depuis la rue.
Elle estime que la résistance du locataire a bien évidemment retardé la réalisation des travaux. Il en a été de même de sa déclaration à l’assurance. L’état de la toiture relevé par l’expert d’assurance ne coïncidait pas avec l’état constaté par l’expert judiciaire. Les tuiles manquantes n’étaient pas consécutives à un sinistre mais étaient le résultat de l’intervention de la société Bauffe laquelle avait déposé le 23 mars 2022 une partie de la toiture. Cette société a pu bâcher l’édifice le 29 juin 2022 et prévoyait d’intervenir en octobre 2022.
La société ELMV expose que :
– depuis le 1er octobre 2021, le locataire ne paye pas les loyers et empêche la réalisation des travaux portant sur la toiture ;
– depuis le 1er mai 2022, la clause résolutoire est acquise ;
– postérieurement à l’acquisition de la clause résolutoire, et en utilisant les travaux de dépose d’une partie des tuiles réalisés par la société Bauffe, le locataire a tenté frauduleusement d’obtenir une interdiction d’exercice de son commerce ;
– contrairement à ce qu’affirmait le locataire, un constat établit que l’occupation des parties communes empêche la société Bauffe d’intervenir et que le preneur poursuit son activité.
La société ELMV s’oppose à la demande de consignation des loyers faute de caractérisation de l’urgence et d’un trouble illicite ou d’un dommage imminent, dans la mesure où en outre le locataire empêche la réalisation même des travaux.
La demande semble se fonder sur l’obligation pour le bailleur d’effectuer les travaux d’accessibilité du local commercial, lesquels pourtant ne lui incombent pas suivant les stipulations du bail, le refus de la commission d’accessibilité étant manifestement motivé par l’absence de remise d’un dossier en bonne et due forme par le preneur.
Le locataire ne peut pas plus justifier le non-paiement des loyers par la production du rapport de Monsieur [E], dans le cadre de la procédure de péril ordinaire, alors que le bailleur a multiplié les démarches pour réaliser les travaux, que le locataire est d’une particulière mauvaise foi, dans la mesure où il ne l’a pas prévenu de l’état de la toiture, et que le gérant de la société RMB a empêché la réalisation des travaux de toiture.
La société ELMV souligne que les travaux sont achevés et facturés depuis le 15 novembre 2022.
Par contre, elle s’estime bien fondée à se prévaloir de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial.
Elle souligne que le dépôt de garantie lui est acquis, résultant d’une stipulation claire et non contestable du bail. Il n’existe pas plus de contestation sérieuse de l’obligation de payer les loyers et les charges, et les indemnités au titre de la clause pénale.
La société ELMV réitère sa demande d’accès sous astreinte aux locaux, le locataire ayant refusé l’accès, et ce afin de permettre l’intervention de la société Bauffe.
Elle pointe que les bilans produits par le locataire confirment qu’il exerce une activité dans les lieux indépendamment de la réalisation des travaux d’accessibilité.
Elle conteste la demande présentée pour la première fois en cause d’appel pour obtenir la condamnation du bailleur sous astreinte à réaliser les travaux visant à mettre le local loué à la société RMB stock en conformité avec sa destination. Les travaux d’accessibilité ne relèvent pas des obligations du bailleur.
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L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2023.
À l’audience du 16 mai 2023, le dossier a été mis en délibéré au 21 septembre 2023.
MOTIVATION
Aux termes des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Il en ressort que, pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l’évidence qui s’impose à la juridiction des référés, l’imminence d’un dommage, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, voire une trouble manifestement illicite, lequel s’entend de ‘toute perturbation résultant d’un fait qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit’.
L’alinéa 2 du texte précité n’exige pas la constatation de l’urgence mais seulement celle de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable comme condition à l’octroi d’une provision par le juge des référés.
Il appartient au demandeur à la provision d’établir l’existence de la créance qu’il invoque et au défendeur de prouver que cette créance est sérieusement contestable.
Aux termes des dispositions de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’une stipulation particulière :
1° de délivrer au preneur la chose louée,
2° d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée,
3° d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
L’article 1720 du même code dispose que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparation de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.
Il s’en évince que le bailleur a une obligation de délivrance de la chose louée qui lui impose de livrer des biens conformes à l’usage auquel ils sont destinés, aucune clause contractuelle ne pouvant décharger le bailleur de son obligation de délivrance de la chose elle-même, c’est-à-dire de la chose définie au bail et de ses accessoires indispensables à une utilisation normale et sans danger des lieux.
Mais le bailleur peut être dispensé par une stipulation contractuelle de délivrer la chose en bon état de réparation puisque les dispositions de l’article 1720 du code civil ne sont pas d’ordre public.
Toutefois, en l’absence de stipulation particulière du bail, les travaux ordonnés par l’autorité administrative sont à la charge du bailleur.
Le transfert au preneur de tels travaux n’est possible qu’à la condition qu’une clause expresse du bail le stipule, ces clauses qui limitent l’obligation de délivrance du bailleur s’interprétant en outre strictement.
En revanche le bailleur n’a pas à supporter la charge des travaux imposés par l’administration qui n’ont pas pour objet de rendre les lieux conformes à leur destination contractuelle mais sont devenus nécessaires en raison de l’utilisation faite par le locataire de ces locaux ou de la modification des lieux par suite de l’activité du locataire.
En l’espèce, chacune des parties formule des demandes qui sont intimement liées, sur le fondement des dispositions précitées octroyant pouvoir au juge des référés d’ordonner les mesures conservatoires ou provisoires qui s’imposent, puisque sur la demande initiale du preneur, sollicitant, par assignation du 6 décembre 2021, une consignation des loyers faute de respect de l’obligation de délivrance, s’est greffée une demande du bailleur de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, sur le fondement du commandement de payer délivré le 1er avril 2021 et le paiement d’une provision, le preneur opposant à ces dernières demandes une exception d’inexécution fondée sur l’absence de délivrance du bien, étant observé que chacune des parties a adjoint une demande de condamnation sous astreinte, soit à réaliser des travaux, soit à laisser libre l’accès pour la réalisation de travaux.
Concernant la demande d’accès sous astreinte pour réaliser les travaux de toiture formulée par le bailleur, il peut d’ores et déjà être constaté qu’aucun élément ne vient attester de l’actualité de cette demande, tant à la date où la cour statue qu’à la date où le premier juge a statué, puisqu’au contraire, il résulte des propres écritures du bailleur que les travaux, commandés auprès de la société Bauffe de réfection de toiture « sont achevés et facturés depuis le 15 novembre 2022 » (page 12 des écritures ; pièce 32).
Sans qu’il soit nécessaire d’examiner le droit d’accès prévu au bail et la question de l’encombrement des accès, l’infirmation de l’ordonnance de référé entreprise s’impose en ce qu’elle a fait droit à cette demande sous astreinte et s’est réservée la liquidation de ladite astreinte.
Concernant les demandes d’acquisition de la clause résolutoire et de provision du bailleur et la demande de consignation des loyers formulée par le preneur, elles supposent l’examen préalable de la question de la délivrance du local au regard des stipulations contractuelles du bail unissant les parties, une exception d’inexécution à raison de l’état de la toiture et d’une absence d’autorisation administrative étant opposée par le preneur.
Le bail commercial conclu entre les parties, portant sur « un local de stockage et petit bureau et sanitaires possibles, au total 100 m² », contenant une clause de destination de « vente de produits déstockés alimentaires, textiles, entretien hygiène, électroménager », avec une clause particulière prévoyant « après ouverture du magasin, six premiers mois loyers offerts », comporte les stipulations principales suivantes :
– 1-1 Etats des lieux : le locataire prendra les locaux loués dans l’état où ils se trouveront lors de l’entrée en jouissance constaté par un état des lieux établi contradictoirement ou par huissier sans pouvoir exiger du bailleur aucuns travaux d’aménagement, de remise en état ou de réparation, ni à son entrée dans les lieux, ni en cours de bail ;
– 2-3 Entretien des lieux et réparations : le preneur doit entretenir constamment les lieux loués pendant toute la durée du bail et les rendre en fin de bail en bon état d’entretien et de réparation qui pourraient être nécessaires dans les lieux loués, à l’exception des grosses réparations telles que définies à l’article 606 du code civil. Le preneur s’oblige à prévenir le bailleur sans aucun retard de tous sinistres et de toutes réparations dont ce dernier a la charge et qui deviendraient nécessaires pendant le cours du bail. Il sera également tenu de l’entretien ou du remplacement le cas échéant de tous les appareils et installations compris dans les lieux loués ;
– 3-1 Travaux-améliorations : le preneur ne pourra faire dans les locaux aucun changement de distribution, d’installation, aucune démolition aux constructions, aucun percement de murs, de cloisons ou de voûtes, aucune construction, sans l’autorisation expresse et par écrit du bailleur’ ;
– 3-3 Travaux de conformité : tous travaux de mises aux normes des lieux loués avec les règles de sécurité, d’hygiène, de salubrité, de réglementation du travail ou toutes autres causes, notamment prescrits par l’administration, seront, à l’exception des grosses réparations telles que définies à l’article 606 du code civil, entièrement à la charge du preneur qui en fera son affaire personnelle sans recours contre le bailleur. Ces travaux de conformité devront être effectués sous la surveillance de l’architecte du bailleur. Au cas où un conduit de fumée serait exigé ou nécessaire, il en sera fait à l’emplacement désigné par le bailleur et aux frais du preneur et sous sa responsabilité exclusive ;
– 6 clause résolutoire : il est expressément convenu qu’à défaut de paiement à son échéance de tout ou partie d’un seul terme de loyer, des charges ou accessoires y compris les frais de commandement, comme en cas d’inexécution de l’une des quelconques conditions du présent bail et un mois après un commandement de payer ou une sommation d’exécuter demeurée sans effet, le présent bail sera résilié de plein droit, si le propriétaire le souhaite, qu’il y ait préjudice ou non pour ce dernier et sans qu’il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire. Si le locataire se refusait à quitter les lieux, il suffirait pour l’y contraindre d’une simple ordonnance de référé de M. le juge des référés laquelle sera exécutoire par provision, nonobstant appel et sans constitution de garantie. Dans ce cas, les loyers d’avance et dépôt de garantie resteront acquis au bailleur à titre de première indemnité de résiliation, sans préjudice de tous autres dus».
Or, il s’extrait des pièces du dossier que :
– la toiture était notée sur l’état des lieux en « état moyen », « à réviser », et plusieurs devis la concernant sont versés aux débats, dont un devis établi à la demande du bailleur le 4 novembre 2020 pour un remplacement intégral de la couverture d’une valeur de 32 169,92 euros, un devis de la société Patrimoine et projet effectué par l’intermédiaire du preneur pour le compte du bailleur, d’un montant de 12 100,12 euros en date du 11 décembre 2020, et un bon pour accord sur travaux de couverture en date du 25 octobre 2021 suivant un devis qui n’est pas joint de la société Bauffe, ne permettant pas de déterminer l’étendue et la réalité des travaux commandés, dont le montant serait de 13 013 euros, comportant la signature du bailleur et la mention de sa main d’un versement de 10 % effectué le 26 octobre 2021 ;
– des visites des lieux et des interventions sur toiture ont eu lieu, avec notamment une visite du bailleur en présence de son architecte le 25 novembre 2021, puis en mars 2022 une intervention de l’entreprise Bauffe, qui n’ont pu être menées à terme, les parties s’opposant sur la partie à l’origine de cet échec, une visite de la société Locufier en date du 29 septembre 2022, faisant état de travaux de nettoyage et reprise de fuite dans les chéneaux, de remise en place de plusieurs tuiles sur l’ensemble de la toiture, de reprise de ciment sur les arrêtiers, de réparations aux endroits nécessaires « ces travaux [aya]nt été suffisants nous n’avons pas du réintervenir », et une intervention de l’entreprise Bauffe facturée le 15 novembre 2022, relative à la reprise intégrale de la couverture, portant la référence du devis précité accepté le 25 octobre 2021, comprenant une prestation complémentaire, le renforcement de la charpente ;
– le 14 octobre 2021, les services communaux ont notifié au locataire une « demande de régularisation administrative pour un établissement recevant du public », l’invitant à produire différents documents, dont un « engagement de solidité du maître d’ouvrage », des plans et une notice d’accessibilité, la commission d’accessibilité rendant quant à elle un avis défavorable le 19 mai 2022, constatant l’absence de transmission des plans avant et après travaux, d’information sur le revêtement de sol, sur la largeur des circulations, d’une vue de coupe du comptoir caisse, d’information sur la notice d’accessibilité, de l’implantation du mobilier ;
– à la suite du rapport de visite de M. [E] réalisé à la demande de la mairie de [Localité 3] le 23 novembre 2021, constatant l’existence de déformations et dégradations, signes de mouvements et d’efforts parasites, ayant un impact sur la solidité de la toiture, une procédure de péril ordinaire a été entamée le 9 décembre 2021 et un arrêté d’ordre public a été pris par la mairie de [Localité 3] le 29 juin 2022, suite à la contre-visite effectuée par M. [E] et ses conclusions, interdisant l’accès à l’étage, l’exploitation du commerce jusqu’à reconstitution de la couverture et interrompant l’alimentation électrique ;
– saisi par la commune, le tribunal administratif a nommé un expert, lequel constatait dans son rapport le 29 juin 2022, une charpente ayant subi de nombreuses déformations, des sections de bois utilisées insuffisantes pour supporter le poids de la couverture, des effondrements par endroits de charpentes et un pourrissement de certains bois, des chutes de tuiles et une absence de couverture par endroits, à laquelle il a été remédié par la pose d’une bâche par le locataire, l’expert concluant à un état de péril grave et imminent pour la santé, justifiant des préconisations de travaux, mais qui une fois respectées n’entraîneraient pas nécessairement la levée de l’état de péril ordinaire (question de solidité) ;
– M. [E], expert intervenu à la demande de la mairie, a réalisé une visite le 13 septembre 2022, constatant l’enlèvement des tuiles, un bâchage efficacement mis en place, mais une mise en sécurité qui « ne peut être considérée comme pérenne », avec la nécessité de prévoir le remplacement des bâches par des éléments d’équipement plus consistants, et a rendu un rapport le 2 décembre 2022, constatant la réalisation de travaux permettant le rétablissement du clos et du couvert, garantissant la sécurité à moyen terme, ce qui justifiait sa préconisation de levée de l’interdiction d’accès et d’exploiter, et de l’interruption de l’alimentation électrique, l’expert pointant, à la suite de sa visite le 29 novembre 2022, « un doute important sur la pérennité de l’ouvrage », puisque « les renforts réalisés sur la charpente sont surprenants car des bois ont été coupés et remplacés par des bois de section inférieure ce qui, en toute logique, ne renforce pas la charpente mais est plutôt susceptible de l’affaiblir. Cela est d’autant plus surprenant et préoccupant que la couverture a été reconstituée en tuiles, donc d’un poids conséquent. Au demeurant aucune attestation de professionnel n’a été délivrée stipulant, comme demandé dans mon rapport précédent, que « l’ensemble de la toiture (charpente et couverture) a été vérifié et ne présente plus de risque » » ;
– par arrêté du 20 décembre 2022, la ville de [Localité 3] a levé les mesures d’interdiction d’accès et d’exploiter le local commercial et a permis le rétablissement de l’alimentation électrique.
La SARL ELMV ne peut raisonnablement reprocher à son preneur de ne pas l’avoir informée des infiltrations et des désordres touchant la toiture, alors même que juste avant la conclusion du bail sur le local litigieux, elle avait fait procéder à l’élaboration d’un devis, auquel elle n’a pas donné suite, envisageant un remplacement intégral de la toiture tuile, pour un montant très conséquent, et qu’était apportée la mention sur l’état des lieux d’entrée « état moyen », s’agissant de la couverture.
Au vu des différentes procédures administratives, et de l’état constaté par M. [E], dès le 23 novembre 2021, alors même qu’il n’était nullement question à cette époque d’une quelconque intervention empêchée par le locataire, le juge des référés ne peut, avec l’évidence qui s’impose à lui, examiner l’exception d’inexécution opposée par le preneur à la demande du bailleur et apprécier le bien-fondé de la demande d’acquisition de la clause résolutoire, suite à la délivrance d’un commandement de payer, concomitant à des procédures administratives constatant que le clos et le couvert n’étaient plus assurés et en réponse à une demande de consignation de loyers préalablement présentée par le preneur.
L’état de la toiture litigieuse, ses conséquences sur la délivrance du local et la possibilité d’exploiter sont au c’ur du litige et des différentes mesures sollicitées, nécessitant tant une interprétation des stipulations contractuelles qu’une appréciation des comportements respectifs des parties dans le cadre du respect des obligations que le bail leur imposait ainsi que dans le cadre de l’exécution des travaux mis en ‘uvre, le bailleur invoquant des interventions entravées par le preneur, et notamment une attestation de la société Bauffe, dont il résulte pourtant que l’intervention de cette dernière a été arrêtée, non par M. [N], mais par des personnes du service de l’urbanisme et qui fait état d’une mise hors d’eau acceptée et effectuée avant repli du chantier. Ces questions dépassent manifestement les pouvoirs du juge des référés.
Ainsi, la décision entreprise ne peut qu’être infirmée en ce qu’elle a constaté l’acquisition de la clause résolutoire, ordonné l’expulsion du preneur et fixé une indemnité d’occupation provisionnelle.
Alors que l’exigibilité des loyers est conditionnée à la délivrance du bien, dans ce contexte, où l’accès au bien et l’exploitation commercial de ce dernier ont fini par être interdit par l’autorité administrative, à raison de désordres affectant la toiture, la demande de provision au titre des loyers impayés sur la période antérieure à la réfection de la couverture se heurte à une contestation sérieuse, qui justifie l’infirmation de la décision ayant condamné le preneur au paiement de la somme de 4 354 euros à titre de provision.
Au vu des éléments versés aux débats, une rénovation de la couverture, intervenue en novembre 2022, a été menée permettant la levée de l’arrêté de péril d’ordre public, interdisant l’accès au local et l’exploitation de ce dernier et autorisant le rétablissement de l’alimentation électrique, et ce avant même que le premier juge statue.
Aucun renseignement n’est apporté quant à la mesure de péril ordinaire, évoquée par M. [E], en lien avec les doutes portant sur la solidité de l’ouvrage.
Or, il appartient au preneur, qui sollicite la suspension des loyers et la consignation de ces derniers, jusqu’à ce que le local soit remis en état d’être exploité, de justifier que l’état actuel, juridique et/ou matériel, dudit bien, ne permet pas son exploitation, et qu’ainsi se trouve caractérisé un trouble manifestement illicite, en lien avec un comportement du bailleur.
Si l’état de la couverture a justifié des mesures administratives empêchant l’exploitation du local, les parties s’opposent sur les raisons qui n’ont pas permis une intervention plus diligente du bailleur, permettant éventuellement d’éviter que de telles mesures soient prises.
Il n’est ainsi pas établi avec l’évidence nécessaire au juge des référés que le trouble dont se prévaut le preneur trouve sa source dans le comportement du bailleur, le preneur mentionnant par ailleurs un refus de transmission des documents nécessaires pour obtenir l’autorisation administrative indispensable à l’exploitation, sans nullement établir qu’ils aient été demandés au bailleur et qu’ils lui aient été refusés.
Il n’est de plus pas démontré qu’une fois les travaux effectués, les démarches en vue d’obtenir l’autorisation administrative d’exploiter aient été empêchées à raison de manquements du bailleur à ses obligations.
L’ensemble de ces éléments justifie le rejet de la demande de consignation des loyers et la confirmation de l’ordonnance entreprise sur ce point.
Enfin, la demande de condamnation sous astreinte à « mettre le local en conformité avec sa destination en réalisant auprès de la mairie toutes les démarches utiles pour obtenir les autorisations administratives d’urbanismes nécessaires et au besoin réalisant les travaux d’aménagements intérieurs indispensables à la réception du public dans le cadre d’une activité commerciale », doit s’apprécier au regard des stipulations du bail ci-dessus rappelées, mais également en lien avec l’obligation de délivrance plus large pesant sur le bailleur d’un bien devant permettre l’exploitation et l’exercice d’une activité conforme à la destination contractuellement convenue entre les parties.
Par sa généralité et son imprécision, la demande du preneur ne permet pas de déterminer la nature des travaux sollicités et les démarches envisagées, étant rappelé que les démarches pour ouvrir un établissement recevant du public relèvent normalement de l’exploitant et qu’aucune pièce ne vient démontrer que depuis la rénovation de la couverture, de nouvelles démarches aient été effectuées et se soient heurtées à un refus en lien avec un comportement du bailleur.
En conséquence, cette demande ne peut qu’être rejetée, la confirmation de l’ordonnance querellée s’imposant de ce chef.
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, chacune des parties succombant en ses prétentions, il convient de faire masse des dépens et de les condamner chacune par moitié à en supporter le coût.
Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont infirmés.
L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ce qui justifie le rejet des demandes respectives.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lille en date du 3 janvier 2023 en ce qu’elle a débouté la SARL RMB stock de sa demande de suspension des loyers, de consignation et de réalisation des travaux sous astreinte ;
INFIRME l’ordonnance pour le surplus ;
DIT n’y avoir lieu à référé en ce qui concerne la demande d’acquisition de la clause résolutoire et d’expulsion, de la demande de condamnation à une provision au titre des arriérés de loyers et à une indemnité provisionnelle et en conséquence les rejette ;
REJETTE la demande d’autorisation d’accès sous astreinte pour réaliser les travaux ;
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
FAIT MASSE des dépens de première instance et d’appel et CONDAMNE chacune des sociétés EMLV et RMB stock à en supporter la moitié.
Le greffier
Marlène Tocco
Le président
[T] [Y]