REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRET DU 29 MARS 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07834 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5GU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2020 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CRETEIL – RG n° 15/01950
APPELANTE
S.A.S. ETANCHISOL immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro 313 566 549, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social:
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, avocat postulant
Représentée par Me Philippe CHATELLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0441, avocat plaidant
INTIMEE
S.C.I. CAPSTONE [Adresse 5] immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 751 584 582, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social:
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP d’avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285, avocat postulant
Représentée par Me Philippe PLANES, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant
Madame Nathalie RECOULES, présidente
Monsieur Douglas BERTHE, conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie RECOULES, Présidente
Monsieur Douglas BERTHE, Conseiller
Madame Marie GIROUSSE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Madame FOULON
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie RECOULES, Présidente de chambreet par Madame Laurène BLANCO, greffier, présente lors de la mise à disposition.
*****
Exposé du litige
Par acte sous seing privé du 4 décembre 2007, modifié par avenants des 5 décembre 2007 et 22 janvier 2014, la société Etablissements à Mure ‘ aux droits de laquelle est venue la SCPI Capstone Mure, puis la SCPI Capstone [Adresse 5] – a donné à bail à la SAS Etanchisol des locaux commerciaux situés au sein du [Adresse 5] (94). Le 18 juillet 2012, la SCPI Capstone Mure est devenue propriétaire de la totalité des 129 lots composant l’ensemble immobilier sis à cette adresse.
Ce bail a pris effet au 1er janvier 2008, fixé un loyer annuel hors taxes et hors charges de 64.000 euros la première année, 67.000 euros la deuxième année et 70.000 euros à compter de la troisième année, intégré une clause d’indexation du loyer basée sur l’index BT01, uniquement en cas de variation à la hausse, et prévu une provision trimestrielle sur charges dont le montant annuelle est de 29.385,72 euros TTC.
Par courrier LRAR du 5 novembre 2014, la SCPI Capstone Mure a mis en demeure le preneur de régler la somme de 35.069,88 euros au titre d’impayés de loyers et charges. Dans un courrier du 14 novembre 2014, le président de la SAS Etanchisol a contesté le montant des charges facturées par le bailleur.
Par exploit d’huissier du 26 novembre 2014, la SCPI Capstone Mure a fait délivrer à la SAS Etanchisol un commandement de payer cette somme sous un mois, visant par ailleurs la clause résolutoire du bail. La SAS Etanchisol a procédé au règlement du seul loyer le 30 novembre 2014, maintenant ses contestations quant au montant des charges facturées par le bailleur.
Dans un courrier du 15 janvier 2015, la SCPI Capstone Mure a estimé acquise la résiliation de plein droit du bail et a fait assigner la SAS Etanchisol devant le tribunal de grande instance de Créteil par exploit d’huissier délivré le 3 février 2015.
Par exploit d’huissier du 10 juillet 2015, la SCPI Capstone Mure a fait délivrer à la SAS Etanchisol un nouveau commandement de payer la somme de 66.102,10 euros au titre d’impayés de loyers et charges. Par assignation du 30 juillet 2015, la SAS Etanchisol a contesté ce commandement de payer. L’affaire a été jointe à l’instance principale par ordonnance du juge de la mise en état du 3 novembre 2015.
Par exploit d’huissier du 24 mai 2016, la SCPI Capstone Mure a fait signifier un troisième commandement de payer à son locataire.
Dans une ordonnance du 27 juin 2016, le juge de la mise en état a ordonné à la SCPI Capstone Mure de produire aux débats les budgets votés et adoptés par l’assemblée générale des copropriétaires, ainsi que les budgets prévisionnels.
Par exploit d’huissier du 29 juin 2016, la SCPI Capstone Mure a fait délivrer un congé sans offre de renouvellement à son locataire, que celui-ci a contesté par assignation délivrée le 5 août 2016, formulant en outre une demande en paiement d’indemnité d’éviction. L’affaire a également été jointe à l’instance principale.
La SAS Etanchisol a quitté les locaux donnés à bail le 5 décembre 2016. Un état des lieux de sortie a été réalisé par huissier de justice, à la demande de la SCPI Capstone Mure, le 6 décembre 2016.
Par jugement en date du 21 janvier 2020, le Tribunal judiciaire de Créteil a :
– prononcé la résiliation du bail avec effet au 26 décembre 2014 ;
– condamné la SAS Etanchisol au paiement de la somme de 91.498,27 euros à la SCPI Capstone Mure, soit 16.221,67 euros au titre des loyers impayés et 75.276,60 euros au titre des charges locatives ;
– condamné la SAS Etanchisol à payer à la SCPI Capstone Mure l’indemnité contractuelle de retard de 10 %, sur la base du montant du loyer non indexé et excluant le mois de décembre 2016 ;
– condamné la SCPI Capstone Mure à payer à la SAS Etanchisol la somme de 63.999,48 euros ;
– ordonné la compensation entre la dette de la SCPI Capstone Mure et la dette de la SAS Etanchisol ;
– débouté la SCPI Capstone Mure de sa demande au titre des frais de remise en état des locaux loués ;
– débouté la SAS Etanchisol de ses demandes en paiement d’une indemnité d’éviction, de production de documents sous astreinte et de restitution du dépôt de garantie ;
– condamné la SAS Etanchisol au paiement de la somme de 2.500 euros à la SCPI Capstone Mure au titre des frais irrépétibles, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté en conséquence la SAS Etanchisol de sa demande au titre des frais irrépétibles;
– condamné la SAS Etanchisol au paiement des entiers dépens de l’instance et autorisé Maître Charles à recouvrer directement ceux dont il a fait l’avance sans recevoir provision, en ce compris le coût du commandement de payer, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration d’appel en date du 23 juin 2020, la SAS Etanchisol a interjeté appel partiel du jugement du 21 janvier 2020.
Moyens et prétentions
Dans ses conclusions déposées le 6 décembre 2022, la SAS Etanchisol, appelante, demandent à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la clause d’indexation était réputée non écrite et qu’elle devait écartée en son entier, au regard de son caractère essentiel ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SCPI Capstone Mure à restituer à la société Etanchisol la somme de 63.999,48 euros au titre de l’indexation ;
– confirmer le jugement en ce qu’il débouté la société Capstone [Adresse 5] de sa demande au titre des frais de remise en état des locaux ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a refusé de condamner la SCPI Capstone Mure à produire les budgets adoptés pour l’ensemble immobilier ;
– condamner la SCPI Capstone Mure à produire, sur la période non prescrite de recouvrement des charges, les budgets adoptés pour l’ensemble immobilier, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard rétroactivement à compter du prononcé du jugement dont appel ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a considéré que le changement de désignation peut entraîner un changement des règles de répartition des charges ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le bail ne faisait pas obligation à la SCPI Capstone Mure de conserver le mode de ventilation des charges prévu contractuellement ;
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la SAS Etanchisol à payer à la SCPI Capstone Mure la somme de 91.498,27 euros, dont 75.276,60 euros au titre des charges locatives ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Etanchisol au paiement de l’indemnité contractuelle de retard de 10 % ;
– infirmer le jugement pour violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a refusé la restitution du dépôt de garantie à la SAS Etanchisol;
– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le dépôt de garantie peut être conservé par le bailleur à titre de dommages et intérêts ;
– condamner la SCPI Capstone Mure à restituer à la SAS Etanchisol le montant du dépôt de garantie de 20.277,03 euros ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a refusé à la SAS Etanchisol sa demande de paiement d’indemnité d’éviction ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail de la société Etanchisol ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Etanchisol au paiement de l’indemnité contractuelle de retard de 10 % ;
– infirmer le jugement pour violation des article 4 et 5 du code de procédure civile ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a refusé la restitution du dépôt de garantie à la SAS Etanchisol ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le dépôt de garantie peut être conservé par le bailleur à titre de dommages et intérêts ;
– condamner la SCPI Capstone Mure à restituer à la SAS Etanchisol le montant du dépôt de garantie, de 20.277,03 euros ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a refusé à la société Etanchisol sa demande de paiement d’indemnité d’éviction ;
– condamner la société Capstone [Adresse 5] à payer à la société Etanchisol la somme de 820.000 euros au titre de l’indemnité d’éviction ;
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Etanchisol aux dépens et aux frais irrépétibles à hauteur de 2.500 euros ;
– condamner la SCPI Capstone Mure au paiement des dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés par maître Frédérique Etevenard, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et à payer à la SAS Etanchisol la somme de 15.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans les conclusions signifiées le 29 juin 2020, la SCPI Capstone Mure, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demandent à la cour de :
– infirmer la décision du tribunal judiciaire de Creteil du 21 janvier 2020 en ce qu’elle a condamné la SCPI Capstone Mure à payer à la SAS Etanchisol la somme de 63.999,48 euros et a limité le paiement des loyers et des charges à la somme totale de 91.498.27 euros,
Statuant a nouveau :
– reformer le jugement entrepris en ce qu’il a limité le loyer et les charges du mois de décembre 2016 à un prorata non contractuel ;
– condamner en conséquence la société Etanchisol à payer à la SCPI Capstone Mure les sommes de :
– 79.028.68 euros au titre des charges impayés ;
– 24.332.51 euros au titre des loyers impayés ;
– 18.339.26 euros au titre des intérêts de retard contractuels arrêtés provisoirement au 31/12/2020,
Soit au total la somme de 121.700.45 euros.
– donner acte de ce que la SCPI Capstone Mure reconnaît le caractère non écrit de la clause d’indexation contenue dans le bail ;
– ordonner la compensation des sommes dues par la SAS Etanchisol avec la dette de la Capstone [Adresse 5] pour un montant de 128,84 euros HT ;
– condamner la société Etanchisol à verser la somme de 5.000 euros à la SCPI Capstone Mure au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Etanchisol aux entiers dépens de l’instance ;
Pour le surplus :
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 21 janvier 2020 dans ses autres dispositions,
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera synthétisée.
Décision
Conformément aux dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir ‘constater’ ou de ‘juger’, lorsqu’elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert mais ne sont en réalité que de simples allégations ou un rappel des moyens invoqués.
Sur la clause d’indexation,
La société Etanchisol sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la clause d’indexation doit être réputée non écrite à raison du principe de réciprocité et en ce qu’il a considéré que le caractère non écrit de la clause pouvait être invoqué à tout moment, sans que l’on puisse opposer la prescription à celui qui l’invoque.
Elle sollicite de même la confirmation du jugement en ce qu’il a considéré que la clause devait être écartée en son entier au regard de son caractère essentiel dans le bail, en ce qu’elle formait une unité avec le mécanisme d’indexation et en déduit que le tribunal, qui n’a pas raisonné en termes de demande de restitution, a justement recalculé le loyer à compter de la conclusion du bail, se refusant à ce que le bailleur conserve les montants versés par le jeu de cette clause, sauf à valider a posteriori l’application d’une clause censée n’avoir jamais existé.
Ce faisant, il n’a aucunement statué ultra petita, la restitution des sommes perçues en vertu d’une clause réputée non écrite s’impose comme conséquence de sa non-existence dès la conclusion du bail et n’est pas liée ou déclenchée par la demande d’une partie.
En toute hypothèse, même à considérer qu’il y aurait prescription de l’action en répétition, la bailleresse ayant admis que la clause était réputée non écrite, les dispositions de l’article 2240 du code civil trouverait à s’appliquer, par application des dispositions de l’article 1134 alinéa 3 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, selon lesquelles les conventions doivent être exécutées de bonne foi.
En tant que de besoin, elle considère que la cour jugera que c’est l’assignation de la bailleresse du 3 février 2015 qui sert de point de départ au délai rétroactif de répétition des sommes indûment payées par la société Etanchisol.
La SCPI Capstone [Adresse 5] sollicite l’infirmation de la décision du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu’elle a condamné la société Capstone à verser la somme de 63.999,48 € à la société Etanchisol.
Elle ne conteste pas le caractère réputé non écrit de la clause litigieuse, ni la possibilité d’invoquer ce moyen qui n’est pas soumis à prescription.
Elle reconnaît que la conséquence du caractère réputé non écrit de la clause entraîne la possibilité de solliciter le remboursement des sommes indûment versées mais sur le fondement de l’action en répétition de l’indu, laquelle est soumise à la prescription quinquennale et qu’en recalculant le loyer, hors indexation, depuis la souscription du contrat de bail, le tribunal a statué ultra petita, au regard des dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile.
Elle considère que le délai de prescription ne peut courir qu’à compter du 14 février 2019, date de la première demande de la société Etanchisol et non à compter de sa propre assignation, laquelle ne visait pas à rendre non écrite cette clause.
Elle considère que ce point n’ayant jamais été mis dans les débats par les parties avant la demande en répétition de l’indu de la société Etanchisol du 14 février 2019, le délai de prescription n’a pas été interrompu par la demande en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du bail et paiement qu’elle a introduite le 3 février 2015, peu important qu’elle ait reconnu, en toute bonne foi le caractère non écrit de clause.
En conséquence, les demandes non prescrites portent sur les modifications et les effets des indexations intervenus les 1er janvier 2015 et 2016, ce qui conduit à diminuer les prétentions à la somme de 128,84 euros.
La cour retient qu’il est non contesté par les parties que sont réputées non écrites les clauses d’échelle mobile prévoyant une indexation du loyer uniquement à la hausse, ces clauses ayant pour effet de faire échec au réajustement du loyer en ne respectant pas la réciprocité qui est le propre d’une clause d’indexation dont l’objet est de faire varier le loyer à la hausse ou à la baisse.
Il est constant que la demande tendant à voir réputée non écrite une clause litigieuse n’est pas soumise au délai de prescription quinquennale.
En revanche, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, s’il est incontestable que les sommes indûment versées en vertu d’une clause sensée n’avoir jamais existé doivent être restituées, la demande à ce titre est une action en répétition de l’indu, soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil, de sorte que la créance de restitution ne peut être calculée sur la base du loyer initial mais doit l’être sur celle du loyer acquitté à la date du point de départ de la prescription.
Aucun élément ne permet de considérer que le bailleur ait eu conscience du caractère réputé non écrit de la clause avant que ce moyen ait été soulevé par la société Etanchisol devant le juge du fond aux termes de ses conclusions en date du 14 février 2019, auquel la société Capstone répliquait par ses conclusions en date du 10 mai 2019 en acquiesçant au moyen.
De ce fait, la créance de restitution de la société Etanchisol sera calculée sur la base du loyer acquitté à la date du point de départ de la prescription et l’indu est constitué de la différence entre les sommes versées depuis cinq ans et la somme qu’elle aurait du verser correspondant au loyer contractuel.
Au cas d’espèce, comme le soutient la SCPI Capstone [Adresse 5], les demandes non prescrites portent sur les modifications et les effets des indexations intervenus les 1er janvier 2015 et 2016. Le 1er janvier 2014 est prescrit et le bail ne s’est pas poursuivi après 2016.
Ainsi, la SCPI Capstone [Adresse 5] est redevable des sommes trop perçus au titre des loyers indexés entre le 14 février 2014 et le 14 février 2019, point de départ de la prescription, à savoir la somme de 128,84 euros, selon décompte établi par le bailleur non contesté par l’appelante.
Le jugement du tribunal judiciaire de Créteil en date du 21 janvier 2020 sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la SCPI Capstone [Adresse 5] à payer à la société Etanchisol la somme de 63.999,48 euros et la la SCPI Capstone [Adresse 5] sera condamnée à payer à la société Etanchisol la somme de 128,84 euros.
Sur la production des documents sous astreinte et la modification de la clé de répartition des charges
La société Etanchisol fait grief au Tribunal d’avoir rejeté sa demande et expose que les documents sollicités étaient ceux émanant de l’assemblée délibérante de l’ensemble immobilier et non d’une assemblée générale de copropriété ; que la décision du Tribunal s’oppose à l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 27 septembre 2016, lequel a condamné la bailleresse à communiquer divers documents dans la mesure où elle a modifié la base de calcul de la répartition des charges de façon unilatérale ; qu’une communication incomplète a été effectuée, l’empêchant de s’assurer de l’imputation des charges tant au niveau du quantum au regard de la modification de la base de calcul que de leur exigibilité ; qu’un budget annuel est bien préparé par la bailleresse.
La SCPI Capstone [Adresse 5] considère que l’ordonnance du juge de la mise en état est sans effet sur la décision du juge du fond et expose que les seuls documents qu’elle pouvait fournir étaient les budgets prévisionnels qu’elle a déjà par ailleurs versés aux débats, invoquant ainsi la mauvaise foi de l’appelante.
La cour rappelle que les premiers juges ont, d’une part, justement souligné que les dispositions introduites dans le code de commerce, par le décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 relatif au bail commercial, ne sont pas applicables au présent bail et, notamment, l’article L145-40-2 imposant au bailleur d’informer le locataire de tout éléments susceptible de modifier la répartition des charges entre les locataires.
Ils ont, d’autre part, justement relevé qu’à défaut de stipulation des règles de ventilation des charges dans le bail et faute de disposition légale ou réglementaire imposant aux parties de préciser expressément quelle clé de répartition sera utilisée, le bailleur est libre d’opter unilatéralement pour une autre clé, ce qu’il fera en 2014 en asseyant le calcul des tantièmes sur le nombre de m².
La société Etanchisol est mal fondée à tirer argument d’une modification de la répartition des charges au prorata des surfaces loués, qui résulterait de façon inexpliquée de la signature de l’avenant du 22 janvier 2014.
Cet avenant est un document contractuel, librement négocié et signé par elle, tant sur l’avenant que sur les plans annexés, sensiblement identiques aux plans initiaux excluant toute inclusion de locaux vacants, qui fait clairement ressortir la modification des surfaces effectivement mises à disposition de la preneuse, au-delà de la seule modification d’une désignation des biens, à savoir le passage dans « le bâtiment 2 bis, les modules mixtes 0.9 et 0.10 d’une surface totale de 910 m² » aux « lots dénommés N1 et N2 ‘ d’une superficie globale d’environ MILLE QUINZE METRES CARRES (1015 m²) ». De ce fait, cette modification lui est opposable.
En revanche, les premiers juges n’ont pas tiré les conséquences de leur appréciation selon laquelle, même si en vertu des dispositions de l’article VII (« Charges ») du contrat de bail litigieux le montant de la provision trimestrielle pouvait être « révisé par le bailleur en fonction de ses études prévisionnelles et de charges de manière à ce qu’il n’ait jamais à faire l’avance des fonds », « le bailleur ne saurait en vertu de cette stipulation faire supporter unilatéralement toute charge au preneur in fine ». Ainsi, en rejetant la demande de production de justificatifs financiers, les premiers juges ne permettait pas au preneur de procéder aux vérifications légitimes de l’exigibilité des charges qui lui étaient facturées.
Cependant, la demande de production des « budgets adoptés par l’assemblée délibérante de l’ensemble immobilier » réitérée devant la cour est trop générale pour déterminer quels sont les documents pertinents dans le cadre du présent litige dont la production est sollicitée et mal fondée pour qu’il y soit donné suite alors que les décisions de gestion d’une SCPI relève de la seule société gestionnaire, laquelle a justifié des dépenses engagées.
Le jugement sera donc confirmé par motif substitués.
Sur l’acquisition de la clause résolutoire
La société Etanchisol soutient que les commandements de payer visant la clause résolutoire des 26 novembre 2014, 10 juillet 2015 et 24 mai 2016 ont été délivrés de mauvaise foi ; que la clause litigieuse est rédigée en des termes généraux et qu’elle ne vise ni le défaut de paiement de provision pour charges, ni une quelconque obligation de paiement du loyer par virement.
L’article XI du bail relatif à la clause résolutoire dispose qu’à « défaut de paiement d’un seul trimestre de loyer à son échéance exacte ou inexécution de l’une ou l’autre des conditions du présent bail…et un mois après un simple commandement de payer..resté sans effet et contenant déclaration du bailleur de son intention d’user du bénéfice de la présente clause, le présent bail sera résilié de plein droit… ».
Le commandement de payer délivré le 26 novembre 2014 mentionne les sommes dues et justifiées par un décompte joint distinguant entre loyer et charges, rappelle le délai d’un mois pour s’en acquitter à défaut de quoi la clause résolutoire sera acquise, rappelle notamment les dispositions de l’article L145-41 et comporte un extrait du bail relatif à l’article XI.
Contrairement à ce que soutient la société Etanchisol, non seulement la clause résolutoire et le commandement de payer sont clairs, précis et conformes aux exigence de l’article L145-41 du code de commerce, mais encore le défaut de paiement des charges dans le délai d’un mois est établi et non contesté et, en toute hypothèse, si le preneur se pensait légitime à contester le montant des charges, cela ne l’autorisait pas à en suspendre purement et simplement le paiement sans autorisation judiciaire.
Sur ce dernier point c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la société Etanchisol ne pouvait exciper d’une exception d’inexécution pour justifier le manquement à ses propres obligations, une telle exception n’étant par ailleurs admise qu’à partir du moment où le locataire a été privé de la jouissance complète des lieux, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a constaté l’acquisition de la clause résolutoire.
Sur le quantum des créances
La SCPI Capstone [Adresse 5] fait grief au Tribunal d’avoir réduit prorata temporis le montant du loyer et des charges dus sur le mois de décembre 2016 en raison du départ anticipé du preneur alors que celui-ci ne peut s’imposer au bailleur et que le préavis contractuel déterminé par les parties les engage.
Il ressort du point XII ‘ 21 du bail litigieux que le preneur « devra…prévenir de son déménagement au moins un mois à l’avance… ».
Il est constant et non contesté que la société Etanchisol a quitté les lieux le 5 décembre 2016 sans préavis. Si elle a manqué à ses obligations de ce chef, le bail ne prévoit pas que le loyer du mois commencé soit du en entier à titre indemnitaire ; c’est donc à bon droit que la tribunal a recalculé la dette locative prorata temporis.
Sur le montant des charges, contrairement à ce que soutient la société Etanchisol, la SCPI Capstone [Adresse 5] a versé aux débats les budgets prévisionnels Capstone Mure 2014, 2015 et 2016 dont il ne ressort aucune dépense prévisionnelle pouvant ressortir des « grosses réparations », la liste des charges récupérables/non récupérables sur 2014, le relevé général des dépenses 2014, les relevés individuels de dépenses de l’appelante sur 2014, 2015 et 2016, les avis de taxe foncière 2014, 2015, 2016 dont il ne saurait être fait grief au bailleur de l’augmentation régulière de celle-ci résultant d’une modification du cadastre, un tableau des régularisations de charges annuelle Capstone de 2008 à 2015 et une facture de régularisation 2016. L’ensemble de ces pièces justifient de l’exigibilité et du quantum des charges de 2014 à 2016 et du montant de l’arriéré au titre de l’année 2016.
La société Etanchisol expose que la pénalité contractuelle n’est pas due dès lors que le défaut de paiement était justifié par la volonté d’obtenir des éclaircissements sur la répartition des charges ; que le retard dans l’encaissement des chèques par la bailleresse est manifeste ; que le tribunal a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile en statuant sur le mode de paiement du loyer.
La cour rappelle qu’a été établi le comportement fautif du locataire dans l’absence de paiement des charges et que, de ce seul fait, l’application de l’indemnité contractuelle de 10% est justifiée.
Le jugement sera donc confirmé sur le principe et le montant de la condamnation de la société Etanchisol au titre du loyer, des charges et de la pénalité contractuelle ainsi que sur la compensation ordonnée.
Sur la restitution du dépôt de garantie,
L’article V du bail relatif au dépôt de garantie prévoit en son dernier alinéa qu’en « cas de résiliation du bail, que ce soit par application de la clause résolutoire, ou pour tout autre cause imputable au preneur, le dépôt de garantie restera de plein droit acquis au bailleur à titre de dommages et intérêts sans préjudice des tous autres ».
Contrairement à ce que soutient la société Etanchisol et, indépendamment de l’état dans lequel les locaux ont été restitués sans préavis, c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le dépôt de garantie restait acquis au bailleur, à titre indemnitaire, du fait du jeu de la clause résolutoire et de la résiliation du bail en ayant résulté, conformément aux dispositions du bail.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le paiement d’une indemnité d’éviction
La société Capstone [Adresse 5] considère injustifié le rejet par du tribunal la demande en paiement d’une indemnité d’éviction alors que le congé délivré le 29juin 2016 n’était pas fondé et, de l’aveu de la bailleresse, délivré à titre conservatoire, ce qui n’est ni prévu par les textes, ni validé par la jurisprudence qui condamne les congés conditionnels.
Le congé n’ayant pas été rétracté il demeure et le bailleur ne justifie pas d’un motif grave et légitime au sens de l’article L145-17 du code de commerce.
La société Capstone [Adresse 5] considère, en effet, le congé dépourvu de fondement et de motivation suffisante, d’une part, en ce qu’il procède par affirmations de principe lorsqu’il vise l’entreposage de containers et de palettes de stockage à l’extérieur des lieux loués alors qu’aucune pièce n’est visée dans le corps du congé pour établir ce prétendu agissement fautif et, d’autre part, en ce qui concerne tant l’obligation au paiement des charges et des loyers, tels qu’ils sont évalués, que la périodicité de leur paiement.
Concernant les loyers, la société Etanchisol rappelle avoir adressé à la bailleresse la somme de 48.665,02 euros en règlement des loyers du deuxième trimestre 2016, au moyen d’un chèque du 16 juin 2016 et, pour le paiement du loyer du troisième trimestre 2016, un billet à ordre d’un montant de 28.204,51 euros par lettre du 4 juillet 2016 reçue le 7 juillet mais non encaissé lors de la délivrance de l’assignation du 5 août 2016. Enfin concernant les charges, la bailleresse qui avait connaissance de l’ordonnance du juge de la mise en état ne s’y était pas conformé. Elle a donc fait délivrer son congé de mauvaise foi.
La société Capstone [Adresse 5] rappelle que le congé délivré sans offre de renouvellement pour motifs graves et légitimes visant, non seulement le non-paiement des charges depuis le 4ème trimestre 2014, mais encore les loyers depuis le 1er janvier 2016, ainsi que le non-respect des conditions du bail et règlement intérieur du fait de l’entreposage de containers et palettes en extérieur et, enfin, le non-respect de l’article 4 instaurant un paiement par virement bancaire automatique, est fondé.
Elle fait valoir que :
– sur le retard de paiement des loyers et charges, le bail prévoit un paiement trimestriel en début de mois et d’avance or les paiements du locataire ont été partiels et erratiques depuis la fin de l’année 2014, ce qui est attesté par les trois commandements de payés délivrés et demeurés infructueux ;
– sur la clause prévoyant le paiement par virement automatique, la société Etanchisol a refusé sa mise en place ; or, il s’agissait pourtant d’une obligation contractuelle ;
– concernant le montant des impayés, il est conséquent et durable depuis fin 2014 jusqu’à fin 2016, terme du bail et constitue un manquement d’autant plus grave qu’il est stipulé dans le bail commercial que le bailleur ne devra pas à faire l’avance des charges au locataire ;
– enfin, l’entreposage de matériels et autre sur les parkings est avéré, non contesté et démontré par les photographies prises sur le site et contraire aux dispositions du règlement intérieur du site, qui est une annexe du bail commercial à valeur contractuelle signé et accepté par le locataire.
La cour rappelle qu’aux termes des dispositions de l’article L145-14 du code de commerce, si le bailleur peut refuser le renouvellement du bail, il est tenu de payer au locataire évincé une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Toutefois, l’article L145-17 du même code introduit des exceptions à ce principe et, notamment, lorsque le bailleur justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. Dans l’hypothèse où ce motif résulterait de l’inexécution d’une obligation du bail, l’infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser.
Ces dispositions étant destinées à protéger le preneur d’une tentative du bailleur d’alléguer un motif grave et légitime, dont il ne saurait justifier sans avoir permis au locataire de régulariser la situation, un congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction n’est valable que s’il est précédé d’une sommation demeurée infructueuse dans le délai d’un mois, sous réserve de la possibilité pendant cette période de régulariser la situation.
La cour retient qu’au cas d’espèce la mise en demeure exigée par l’article L145-17 du code de commerce a été effectuée et renouvelée via les trois commandements de payer restés infructueux délivrés à la société Etanchisol avant le signification du congé discuté.
La régularisation du paiement des loyers dans le délai d’un mois après la délivrance du premier commandement est indifférente, puisque, d’une part, les charges sont demeurées impayées et, d’autre part, le preneur a réitéré ces comportements pendant toute le durée du bail.
En outre, il ne peut être tiré de la délivrance du congé pour motif grave avec refus d’indemnité d’éviction le 16 juin 2016 un caractère conservatoire du seul fait qu’il était consécutif à plusieurs commandements et introduction d’instances alors que ces actions ont, par hypothèse, des causes identiques et qu’en absence de décision rendue sur l’une d’entre elle le bailleur était dans un exercice loyal de ses droits.
Enfin, le motif grave et légitime visé par le texte n’implique pas que soit caractérisée la totalité des manquements visés dans le congé, dès lors qu’un seul motif suffit.
La dégradation des relations contractuelles entre le bailleur et la locataire et, ce, depuis plusieurs années, rendait impossible la poursuite des relations locatives et les infractions répétées au bail ont caractérisé le motif grave et légitime privant le locataire de son droit au paiement d’une indemnité d’éviction.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef par motifs substitués.
Sur les demandes accessoires
C’est à bon droit que, conformément aux dispositions des articles 699 et 700 du code de procédure civile, les premiers juges ont condamné la société Etanchisol aux dépens et au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Succombant en ses prétentions devant la cour, la société Etanchisol sera condamnée aux dépens d’appel à payer à la SCPI Capstone [Adresse 5] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil le 21 janvier 2020 (RG n° 15/1950) sauf en ce qu’il a condamné la SCPI Capstone [Adresse 5] à payer à la société Etanchisol la somme de 63.699,48 euros ;
Y ajoutant,
Condamne la SCPI Capstone [Adresse 5] à payer à la société Etanchisol la somme de 128,84 euros hors taxes ;
Condamne la société Etanchisol aux dépens d’appel ;
Condamne la société Etanchisol à payer à la SCPI Capstone [Adresse 5] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE