Exception d’inexécution : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/01073

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Exception d’inexécution : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/01073

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 30 MARS 2023

N° 2023/ 267

Rôle N° RG 22/01073 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIXVP

[L] [B] [A]

[E] [U]

C/

[M] [V]

[X] [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Clément DIAZ

Me Julie BEUGNOT

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Juge des contentieux de la protection de Menton en date du 30 Décembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 12 – 21-216.

APPELANTS

Madame [L] [B] [A]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/1200 du 18/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), Née le [Date naissance 7] 1990 à [Localité 14], demeurant [Adresse 2]

Monsieur [E] [U]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/1202 du 18/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), Né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 13], demeurant [Adresse 9]

représentés par Me Clément DIAZ, avocat au barreau de NICE substitué par Me Maïlys LARMET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Madame [M] [V]

née le [Date naissance 6] 1963 à [Localité 13],

demeurant [Adresse 3]

Monsieur [X] [V]

né le [Date naissance 8] 1959 à [Localité 15], demeurant [Adresse 4]

représentés par Me Laure BARATHON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

et assistés de Me Julie BEUGNOT de la SELARL BERGER AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Angélique NETO, Présidente

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023,

Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 6 octobre 2017, M. [X] [V] et Mme [M] [V] ont consenti à Mme [L] [B] [A] et M. [E] [U] un bail d’habitation portant sur un appartement situé [Adresse 5] à [Localité 11] moyennant un loyer mensuel de 1 000 euros, outre 50 euros de provisions sur charges.

Le 18 novembre 2020, les époux [V] ont délivré à Mme [B] [A] et M. [U] un commandement de payer la somme principale de 2 587,55 euros en visant la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail.

Se prévalant d’un commandement de payer resté infructueux, les époux [V] ont, par acte d’huissier en date du 9 mars 2021, assigné Mme [B] [A] et M. [U] devant le juge des contentieux et de la protection statuant en référé du tribunal de proximité de Menton aux fins d’obtenir la résiliation du bail, leur expulsion et leur condamnation à leur verser diverses sommes.

Par ordonnance en date du 30 décembre 2021, ce magistrat a :

– constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 29 décembre 2008 étaient réunies à la date du 18 janvier 2021 et que le bail était résilié ;

– condamné solidairement Mme [L] [B] [A] et M. [E] [U] à verser à M. [X] [V] et Mme [M] [V] à titre provisionnel la somme de 5 221,55 euros due au 18 janvier 2021 au titre de l’arriéré locatif ;

– condamné Mme [L] [B] au paiement de la somme provisionnelle de 8 719,17 euros correspondant aux indemnités d’occupation dues à compter du 18 janvier 2021 et jusqu’au mois de septembre 2021 inclus ;

– rejeté la demande de délais de paiement formée par Mme [L] [B] [A] et M. [E] [U] ;

– dit, qu’à défaut de départ volontaire des lieux loués et remise des clés, il pourra être procédé à l’expulsion de Mme [B] [A] et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d’un serrurier, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L 412-1 et suivants, R 411-1 et suivants et R 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;

– dit que Mme [L] [B] [A] sera condamnée à verser aux époux [V] une indemnité mensuelle d’occupation provisionnelle égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l’absence de résiliation du bail, à compter du 1er octobre 2021, jusqu’à la date de libération définitive des lieux caractérisée par la remise des clés, soit la somme mensuelle de 1 050 euros ;

– rappelé que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L 433-1 et L 433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

– rejeté la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Mme [B] [A] aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer, de l’assignation et de sa notification à la préfecture ;

– rejeté le surplus des demandes.

Suivant déclaration enregistrée le 25 janvier 2022, Mme [B] [A] et M. [U] ont interjeté appel de l’ordonnance susvisée en toutes ses dispositions dûment reprises.

Aux termes de leurs conclusions transmises le 3 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, ils sollicitent de la cour :

– d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

– de débouter les époux [V] de leurs demandes ;

– de les condamner à leur verser, à chacun, la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de les condamner aux dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de leurs conclusions transmises le 1er février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, les époux [V] sollicitent de la cour de :

– confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

– y ajoutant ;

– condamner Mme [B] [A] au paiement de la somme provisionnelle de 9 450 euros au titre des indemnités d’occupation dues à compter du 1er octobre 2021 jusqu’à la libération effective des lieux qui a eu lieu en juin 2022 ;

– rejeter la demande de délais de paiement formulée par les appelants ;

– rejeter la demande de suspension de la clause résolutoire formulée par les appelants ;

– les condamner solidairement à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

– les condamner solidairement à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– les condamner aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer et les frais relatifs à l’expulsion locative.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 6 février 2023.

Le 13 février 2023, les époux [V] ont adressé de nouvelles conclusions en sollicitant le rabat de l’ordonnande de clôture aux fins de leur permettre de répondre aux conclusions transmises le 3 février 2023 et aux nouvelles pièces n° 29 à 33 qui y sont annexées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la révocation de l’ordonnance de clôture

Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Il résulte de l’article 802 du code de procédure civile, qu’après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office : sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et accessoires échus, aux débours faits jusqu’à l’ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l’objet d’aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes en révocation de l’ordonnance de clôture.

Doivent également être considérée comme comme tardives les conclusions déposées le jour de la clôture de la procédure dont la date a été communiquée à l’avance.

L’article 803 du code de procédure civile dispose que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue. Elle peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats sur décision du tribunal.

En l’espèce, alors même que les parties avaient échangé des conclusions les 9 et 23 mars 2022, les intimés ont transmis de nouvelles écritures le 1er février 2023 avec de nouvelles pièces, ce qui a appelé une réplique des appelants aux termes d’écritures transmises les 2 et 3 février 2023 avec de nouvelles pièces également.

L’ordonnance de clôture ayant été rendue le 6 février 2023, les époux [V] ne justifient d’aucun motif grave justifiant sa révocation afin d’accueillir leurs dernières conclusions transmises le 13 février 2023 sans nouvelles pièces, soit postérieurement à l’ordonnance de clôture, étant relevé que les parties n’ont manifesté aucun accord, avant la clôture des débats ou par la voie du RPVA, à la demande de révocation formulée par les intimés.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de rabattre l’ordonnance de clôture du 6 février 2023, de sorte que le dernier jeu de conclusions des époux [V] transmis le 13 février 2023 sera écarté des débats.

Sur la constatation de la résiliation du bail et les demandes subséquentes (expulsion et paiment d’une indemnité provisionnelle d’occupation)

Il résulte de l’article 834 du code de procédure civile que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

L’article 835 du même code dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exéxution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En application des articles 1728, 1741 du code civil et 15 I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire a pour obligation principale le paiement du loyer. Un manquement grave et répété à cette obligation justifie la résiliation du contrat ou la délivrance d’un congé pour ce motif à l’initiative du bailleur.

Aux termes de l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus. L’article 24 alinéa 1 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour le non versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Devenu occupant sans droit ni titre du fait de l’acquisition de la clause résolutoire, il est tenu de payer une somme équivalente au loyer augmenté des charges à titre de réparation du préjudice subi par le bailleur.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en ‘uvre régulièrement, ce qui suppose notamment que la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

En l’espèce, le contrat de bail d’habitation liant les parties stipule dans un paragraphe VIII (en page 5) qu’il est expressément convenu qu’à défaut de paiement du dépôt de garantie, du paiement intégral à son échéance exacte d’un seul terme de loyer et de ses accessoires, le présent contrat sera résilié de plein droit, si bon semble au bailleur, deux mois après un commandement de payer demeuré sans effet (…).

Le commandement de payer visant la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail délivré le 18 novembre 2020 porte sur la somme principale de 2 587,55 euros.

Les appelants, qui reconnaissent ne pas avoir réglé les causes du commandement de payer avant l’expiration du délai qui leur était imparti, se prévalent de contestations sérieuses affectant la validité du commandement de payer.

Concernant Mme [B] [A], elle indique avoir cessé de régler ses loyers et charges à partir du moment où elle a été victime d’un accident domestique le 23 août 2020. Elle explique qu’alors même qu’elle cuisinait, la hotte de cuisson et le meuble situé au-dessus se sont écroulés sur la plaque de cuisson, ce qui lui a occasionné des brûlures thermiques profondes, à la suite de quoi elle sera hospitalisée et ne réintégrera plus les lieux.

Aux termes de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 n° 89-462, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.

Le bailleur est obligé :

a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;

b) D’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;

c) D’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués ;

d) De ne pas s’opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors que ceux-ci ne constituent pas une transformation de la chose louée.

Par ailleurs, l’article 1719 du code civil dispose que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ;

2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;

3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Enfin, il est constant que, même si le bailleur n’exécute pas ses obligations, le locataire ne peut se prévaloir d’une exception d’inexécution tirée de l’article 1219 du code civil, qui énonce qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave, pour suspendre le paiement des loyers, à moins que le logement ne soit inhabitable ou totalement insalubre.

En l’occurrence, dans sa déclaration de sinistre effectuée auprès de son assureur, la société BPCE Iard le 24 août 2020, Mme [B] [A] explique, qu’alors qu’elle était en train de faire des beignets, la hotte et le meuble situés au-dessus de la plaque de cuisson se sont écroulés sur la poêle contenant de l’huile chaude. Elle indique que de l’huile a atteint son corps, et en particulier le côté gauche, et qu’elle a composé le 18 lorsqu’elle a vu sa peau partir en lambeau.

Elle justifie avoir été hospitalisée à l’hôpital [16] de [Localité 15] les 23 et 24 août 2020 avant d’être transférée à l’hôpital [10] à [Localité 17] du 24 août au 17 septembre 2020 où elle subira trois interventions chirurgicales de greffe les 27, 31 août et 4 septembre 2020, à la suite d’un accident domestique à l’origine de brûlures thermiques par huile de deuxième degré superficiel à intermédiaire avec 12 % d’atteinte cutanée au niveau de la cuisse gauche, de l’avant bras gauche et de l’épine iliaque antérieur supérieur gauche. Elle verse également un certificat médical dressé par le service de réhabilitation spécialisée et soins de réadaptation de l’hôpital [H] [F] attestant qu’elle y a été hospitalisée du 17 septembre au 14 novembre 2020.

En outre, Mme [G] [O] épouse [K] atteste avoir hébergé Mme [B] [A] du 14 novembre 2020 au mois de janvier 2021, avant que cette dernière ne justifie avoir signé un contrat de bail avec Mme [D] [Z] portant sur un bien meublé situé [Adresse 2] à [Localité 11] du 1er au 31 décembre 2021.

Enfin, les actes réalisés par l’huissier de justice en exécution de l’ordonnance entreprise, et notamment la signification de ladite ordonnance à étude le 25 janvier 2022, le procès-verbal de tentative d’expulsion remis à étude le 30 mars 2022 et le procès-verbal d’expulsion transformé en procès-verbal de recherches infructueuses le 24 mai 2022, ainsi que le procès-verbal d’état des lieux dressé le 8 juin 2022, démontrent que Mme [B] [A] n’est jamais retournée vivre dans l’appartement, la cuisine étant dans le même état que celui décrit par le cabinet Texa lorsqu’il a visité les lieux le 2 octobre 2020.

Cela résulte également des constatations faites par M. [T], expert judiciaire, désigné par ordonnance du juge des référés du tribunal de proximité de Menton le 21 juin 2022, aux fins notamment de vérifier la réalité des désordres allégués par Mme [B] [A] et M. [U] portant sur la hotte de la cuisine et du meuble qui sont tombés sur la plaque de cuisson, en rechercher les causes et l’origine, de fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant, à la juridicion compétente de déterminer les responsabilités éventuellement encourues et de fournir éventuellement tous éléments d’appréciation des préjudices subis.

En effet, aux termes de son compte-rendu de l’accédit du 9 janvier 2023, l’expert relève que la cuisine semble être restée en l’état depuis l’accident en constatant la présence d’huile ou d’un corps gras sur le plan de travail et au sol au droit de la plaque de cuisson, outre le meuble et la hotte posés sur la plaque de cuisson.

Ces éléments établissent, avec l’évidence requise en référé, que Mme [B] [A] n’a jamais réintégré le logement donné à bail par les époux [V] depuis l’accident survenu le 23 août 2020.

Or, les époux [V], qui ont déclaré le sinistre auprès de leur assureur, la société MMA, étaient, à l’évidence, informés de l’accident survenu le 23 août 2020, tel que cela résulte du courrier adressé par cet assureur à Mme [B] [A] le 3 septembre 2020.

De plus, il résulte du rapport d’expertise amiable diligentée par leur propre assureur dressé par le cabinet Texa le 15 décembre 2020, après une visite des lieux au contradictoire des parties le 2 octobre 2020, que le conseil de Mme [B] [A] a indiqué que sa cliente était à l’hôpital de [Localité 12] au service des grands brûlés. Il en résulte que les époux [V] ne peuvent valablement soutenir n’avoir été informés que d’une hospitalisation allant jusqu’au 17 septembre 2020.

Enfin, compte tenu dans l’état dans lequel l’appartement a été retrouvé lors de l’expertise qui s’est déroulée le 2 octobre 2020, ils ne pouvaient manifestement ignorer, qu’à la date de la délivrance du commandement de payer, Mme [B] [A] n’avait pas réintégré les lieux.

S’il n’appartient pas à la cour de se prononcer sur les causes et l’origine de la chute de la hotte et du meuble situés au-dessus de la plaque de cuisson, il n’en demeure pas moins que le fait pour les époux [V] d’avoir délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée dans le bail le 18 novembre 2020, pour des loyers et charges échus à un moment où le bien n’était plus occupé suite à l’accident domestique survenu le 23 août 2020, constitue une contestation sérieuse sur la validité de cet acte privant le juge des référés de ses pouvoirs de faire droit aux demandes formées à l’égard de Mme [B] [A] tendant à la constatation de la résiliation du bail, à son expulsion et au paiement d’une indemnité provisionnelle d’occupation.

Concernant M. [U], il affirme avoir donné congé des lieux bien avant la délivrance du commandement de payer.

Une clause de solidarité résulte du contrat de bail (en page 5), aux termes de laquelle :

Il est expressément stipulé que les copreneurs et toutes personnes pouvant se p’évaloir des dispositions de l’article 14 de la loi du 06/07/89 seront tenus solidairement et indivisiblement de l’exécution des obligations du présent contrat et de toutes obligations ordonnées par décision judiciaire.

Les colocataires soussignés, désignés le ‘LOCATAIRE’, reconnaissant expressément qu’ils se sont engagés solidairement et que le bailleur n’a accepté de consentir le présent bail qu’en considération de cette cotitularité solidaire et n’aurait pas consenti la présente location à l’un seulement d’entre eux.

Si un colocataire délivre congé et quitte les lieux, il restera en tout état de cause tenu du paiement des loyers et accessoires ainsi que de toutes les obligations du bail en cours au moment de la délivrance du congé, et de ses suites, au même titre que le(s) colocataires(s) demeuré(s) dans les lieux pendant une durée de six mois à compter de la date d’effet du congé. Cette solidarité pourra prendre fin avant l’expiration de ce délai, si un nouveau colocataire, accepté par le bailleur, figure au présent contrat.

Le présente clause est une condition essentielle sans laquelle le présent bail n’aurait pasété consenti.

Il en résulte que le bail contient expressément une clause de solidarité portant sur les loyers et charges nés du contrat, étant observé qu’aucun appel incident n’a été formé par les bailleurs en ce qui concerne l’indemnité provisionnelle d’occupation à laquelle seule Mme [B] [A] a été condamnée par le premier juge.

Cette clause est conforme à l’article 8-1 VI de la loi du 6 juillet 1989 qui énonce que la solidarité d’un des colocataires et de la personne qui s’est portée caution pour lui prennent fin à la date d’effet du congé régulièrement délivré et lorsqu’un nouveau colocataire figure au bail et, à défaut, elles s’éteignent au plus tard à l’expiration d’un délai de six mois après la date d’effet du congé.

Or, l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le congé donné par le locataire doit être notifié par lettre recommandée avec accusé de réception, signifié par acte d’huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement.

Si M. [U] se prévaut d’un congé daté du 8 février 2020 remis en main propre le 11 février suivant à Mme [W] [F] de l’Agence Régionale, gestionnnaire du bien, et justifie lui avoir réglé ce même jour la somme de 500 euros en espèces, la preuve n’est pas rapportée d’une remise en main propre contre récépissé ou émargement. Au contraire, il est indiqué à la fin du courrier que Mme [F] n’a pas voulu délivrer un récépissé.

Nonobstant les attestations produites par M. [U] certifiant qu’il a quitté les lieux à la fin du mois de février 2020, seul le congé en date du 17 septembre 2020 peut produire ses effets comme ayant été reçu par le gestionnaire du bien le 22 septembre 2020.

Il reste que le moyen tiré de l’existence d’une contestation sérieuse sur la validité du commandement de payer soulevé par Mme [B] [A] est valable pour M. [U] en ce que les loyers et charges réclamés portent sur une période au cours de laquelle le bien ne pouvait, avec l’évidence requise en référé, être occupé, compte tenu de la nécessité de laisser la cuisine en l’état dans l’attente d’investigations techniques afin de déterminer la réalité des désordres allégués et d’en rechercher les causes et l’origine.

Dès lors que le manquement des époux [V] à leurs obligations de délivrance, d’entretien et de jouissance paisible du bien loué justifiant le non-paiement des loyers et charges par Mme [B] [A] et M. [U] à compter du mois d’août 2020 ne peut être exclu avec l’évidence requise en référé, la demande formée à l’encontre de M. [U] tendant à la constatation de la résiliation du bail excède les pouvoirs du juge des référés.

Il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

– constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 29 décembre 2008 étaient réunies à la date du 18 janvier 2021 et que le bail était résilié ;

– condamné Mme [L] [B] [A] au paiement de la somme provisionnelle de 8 719,17 euros correspondant aux indemnités d’occupation dues à compter du 18 janvier 2021 et jusqu’au mois de septembre 2021 inclus ;

– dit, qu’à défaut de départ volontaire des lieux loués et remise des clés, il pourra être procédé à l’expulsion de Mme [B] [A] et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d’un serrurie, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L 412-1 et suivants, R 411-1 et suivants et R 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;

– dit que Mme [L] [B] [A] sera condamnée à verser aux époux [V] une indemnité mensuelle d’occupation provisionnelle égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l’absence de résiliation du bail, à compter du 1er octobre 2021, jusqu’à la date de libération définitive des lieux caractérisée par la remise des clés, soit la somme mensuelle de 1 050 euros;

– rappelé que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L 433-1 et L 433-2 du code des procédures civiles d’exécution.

Les époux [V] seront déboutés de leur demande de constatation de résiliation du bail formée à l’encontre de Mme [B] [A] et M. [U] ainsi que de leurs demandes d’expulsion et de paiement d’une indemnité provisionnelle d’occupation formées à l’encontre de Mme [B] [A].

Sur la provision à valoir sur l’arriéré locatif

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas ou l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Enfin, c’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.

Au terme de l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer les loyers et charges récupérables aux termes convenus.

En l’espèce, dès lors qu’il résulte de ce qui précède que l’obligation de Mme [B] [A] et de M. [U] de régler les loyers et charges résultant du bail à compter du mois d’août 2020 se heurte à une contestation sérieuse tenant à l’exception d’inexécution dont ils se prévalent, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné solidairement Mme [L] [B] [A] et M. [E] [U] à verser à M. [X] [V] et Mme [M] [V] à titre provisionnel la somme de 5 221,55 euros due au 18 janvier 2021 au titre de l’arriéré locatif.

Les époux [V] seront donc déboutés de leur demande formée de ce chef.

Sur les délais de paiement et la suspension de clause résolutoire

Si les appelants indiquent, dans le corps de leurs dernières écritures, que Mme [B] [A] renonce à sa demande tendant à obtenir la suspension de la clause résolutoire, dès lors qu’elle n’entend pas réintégrer les lieux, il n’en demeure pas moins qu’ils sollicitent, dans le dispositif de leurs conclusions, l’infirmation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté leur demande de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire. La cour doit donc se prononcer sur ce point.

En l’absence de constatation de la résiliation du bail et de condamnation prononcée à l’encontre de Mme [B] [A] et M. [U], les demandes formées à ce titre se révèlent sans objet.

Il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

Par ailleurs, l’article 559 du même code énonce qu’en cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui lui seraient réclamés.

En application des dispositions de ces textes, les exercices d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, et de voies de recours constituent, en principe, un droit et ne dégénèrent en abus, pouvant donner naissance à une dette en dommages et intérêts, que dans le cas de malice ou de mauvaise foi.

En l’espèce, étant donné que les appelants obtiennent gain de cause à hauteur d’appel, les époux [V] n’apportent pas la preuve d’un appel abusif. Ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts formée de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Dès lors que les appelants obtiennent gain de cause à hauteur d’appel, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné Mme [B] [A] aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer, de l’assignation et de sa notification à la préfecture, et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance non compris dans les dépens.

Les époux [V] seront tenus aux dépens de première instance et d’appel.

En outre, l’équité commande de les condamner à verser aux époux [V] une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens.

En revanche, en tant que parties perdantes, les époux [V] seront déboutés de leur demande formulée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit n’y avoir lieu de rabattre l’ordonnance de clôture du 6 février 2023 ;

Ecarte en conséquence des débats le dernier jeu de conclusions transmis le 13 février 2023 par M. [X] [V] et Mme [M] [V] ;

Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Déboute M. [X] [V] et Mme [M] [V] de leur demande tendant à constater la résiliation du bail et à condamner solidairement Mme [L] [B] [A] et M. [E] [U] au paiement d’un arriéré de loyers et charges arrêté au 18 janvier 2021 ;

Déboute M. [X] [V] et Mme [M] [V] de leurs demandes tendant à ordonner l’expulsion de Mme [L] [B] [A] et sa condamnation à une indemnité d’occupation provisionnelle allant du 18 janvier 2021 au mois de juin 2022 ;

Déclare sans objet les demandes de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire formées par Mme [L] [B] [A] et M. [E] [U] ;

Déboute M. [X] [V] et Mme [M] [V] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne M. [X] [V] et Mme [M] [V] à verser à Mme [L] [B] [A] et M. [E] [U] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens ;

Déboute M. [X] [V] et Mme [M] [V] de leur demande formée sur le même fondement ;

Condamne M. [X] [V] et Mme [M] [V] aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière La présidente

 


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