Exception d’inexécution : 23 novembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/11882

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Exception d’inexécution : 23 novembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/11882

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 23 NOVEMBRE 2023

N° 2023/ 368

Rôle N° RG 20/11882 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGS2P

Syndicatdescopropriétaires [Adresse 8]

C/

[V] [W]

[X] [G] épouse [W]

Syndicat des copropriétaires [Adresse 8]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sandra JUSTON

Me Ludovic LOYER

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Grasse en date du 27 Janvier 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/05442.

APPELANTE

Syndicat des copropriétaires [Adresse 8] sis [Adresse 8] 0[Localité 6], représenté par son syndic en exercice la Société NEXITY, demeurant Société NEXITY – [Adresse 3] – [Localité 2]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Michel ROUX, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur [V] [W]

né le 10 Novembre 1954 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5] – [Localité 1]

représenté par Me Ludovic LOYER, avocat au barreau de GRASSE

Madame [X] [G] épouse [W]

née le 05 Mai 1959 à [Localité 9], demeurant [Adresse 4] – [Localité 2]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Jean-louis DAUMAS-BORELLI, avocat au barreau de NICE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

Syndicat des copropriétaires [Adresse 8] Elle-même prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège est sis [Adresse 8] [Localité 6], représenté par son syndic bénévole en exercice, demeurant Monsieur [N] [M][Adresse 8] – [Localité 6]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Michel ROUX, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 27 Septembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère,

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Novembre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Novembre 2023,

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [V] [W] et Madame [X] [G] épouse [W] sont propriétaires des lots 49, 63 et 96 dans l’immeuble en copropriété [Adresse 8] situé [Adresse 8] à [Localité 6].

Courant 2010/2011, le syndicat des copropriétaires a fait procéder, en qualité de maître d’ouvrage, à des travaux d’étanchéité des terrasse et balcons des immeubles.

Un premier contentieux s’est élevé entre le syndicat des copropriétaires et la société TRIMARCO BATIMENT, chargée de la pose du carrelage et de l’étanchéité.

Le juge des référés a ordonné une expertise. Cette mesure a été rendue opposable à toutes les autres parties (autres sociétés chargées des opérations de construction et leurs assureurs ainsi que Monsieur [K] chargé de la conception et du suivi de l’exécution des travaux). L’expert a rendu son rapport le 27 octobre 2014.

Par jugement du 18 décembre 2015, après que le juge des référés a renvoyé l’affaire au fond, le tribunal de grande instance de Garsse a ordonné la désignation d’un nouvel expert qui a déposé son rapport le 13 mai 2019, avec un additif du premier juillet 2019.

L’affaire, qui avait fait l’objet d’une radiation, a été réinscrite au rôle à la demande du syndicat des coproprétaires le 03 juin 2020. Cette affaire a abouti à un jugement rendu le12 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Grasse qui a notamment condamné la société TRIMARCO BATIMENT au paiement de diverses sommes au titre des travaux réparatoires d’étanchéité, ainsi que Monsieur [K] au titre des frais de maître d’oeuvre et a condamné la SA MAAF ASSURANCES à relever et garantir la société TRIMARCO BATIMENT des condamnations prononcées contre elle.

Parallèlement à cette affaire, par acte d’huissier du 07 janvier 2015, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 8] à [Localité 6] a fait assigner Monsieur [V] [W] et Madame [X] [G] épouse [W] aux fins de les voir condamner solidairement au versement d’un arriéré de charges de copropriété.

Maame [X] [G] épouse [W] a constitué avocat.

Le 19 mars 2018, l’affaire a fait l’objet d’une radiation.

Des conclusions de réenrôlement ont été signifiées par RPVA le 18 mars 2019 avec une actualisation de l’arriéré des charges de copropriété.

Par jugement réputé contradictoire du 27 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Grasse a :

– dit que les conclusions de ré-enrôlement n’étaient pas opposables à Monsieur [W]

– débouté le syndicat des copropriétaires [Adresse 8] de ses demandes

– laissé les dépens à la charge du syndicat des copropriétaires.

Le premier juge a estimé que les conclusions de réenrôlement n’avaient pas été régulièrement signifiées à Monsieur [W] si bien qu’elles ne lui étaient pas opposables.

Il a rejeté le demandes du syndicat des copropriétaires en indiquant qu’il ne justifiait pas de sa créance, notamment en l’absence, de l’historique du compte individuel des époux [W] depuis sa dernière position créditrice, des procès-verbaux des assemblées générales et des appels de charges.

Le 02 décembre 2020, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 8] à [Localité 6] a relevé appel de tous les chefs de cette décision.

Monsieur [W] a constitué avocat mais n’a pas conclu.

Madame [G] épouse [W] a constitué avocat.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 28 août 2023 auxquelles il convient de se reporter, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 8] demande à la cour :

– de recevoir son appel,

– de réformer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

– de dire et juger que Monsieur [V] [W] et Madame [X] [G] épouse [W], propriétaires indivis des locaux 49,63 et 96 au sein de l’ensemble innnobilier [Adresse 8] sont solidairement redevables de l’arriéré de charges d’un montant 58 230,21 euros y compris le coût de la sommation de payer, somme augmentée de l’intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 1er octobre 2014 pour la somme de 12 108,06 euros et pour

le surplus à compter des présentes conclusions.

– de déclarer irrecevable la demande reconventionnelle de Madame [G]-[W] :

* la créance indemnitaire du préjudice de jouissance réclamée par Madame [G]-[W] est incertaine ;

* les liens entre le syndicat et Madame [G]-[W] et ceux existants entre le syndicat et 1e syndic ne sont pas de même nature si bien que l’exception d’inexécution ne peut être reçue

* le vice de construction n’exempte pas les copropriétaires de leurs obligations au paiement des charges de copropriété et ils engagent leur responsabilité en ne payant pas les appels de fonds de travaux urgents et indispensables ce qui contribuent à la dégradation de l’immeuble et de leur propre appartement.

* la créance de loyers de l’appartement loué à [Localité 2] par Madame [G] participe d’un choix personnel dû à une mésentente conjugale étrangère à la demande en recouvrement de charges impayées du syndicat de copropriété [Adresse 8].

– de rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de 1’intimée.

– de condamner solidairement Monsieur [W] et Madame [G]-[W] à la somme de 2000 € pour préjudice financier,

– de condamner solidairement Monsieur [W] et Madame [G]-[W] à la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

-de les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Badier’Simon-Thibault et Juston, avocats associés près la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.

Il indique que Madame [G] épouse [W] ne conteste pas être débitrice de charges de copropriété. Il ajoute qu’elle n’établit pas l’inexactitude des décomptes produits au débat.

Il fait état des assemblées générales qui approuvent les comptes.

Il déclare que les époux [W] sont redevables d’un arriéré de charges de copropriété. Il sollicite leur condamnation solidaire au paiement de cet arriéré ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Il estime irrecevable la demande reconventionnelle de Madame [G] épouse [W].

Il conteste toute faute du syndic comme de lui-même dans la gestion du dommage relatif à l’étanchéité des terrasses. Il fait état d’un dossier très complexe avec des experts qui n’ont pas été à la hauteur des missions qui leur ont été confiées.

Il ajoute que Madame [G] épouse [W] ne justifie pas s’être plainte au syndic de l’époque des désordres qu’elle évoque datant de l’année 2013. Il note qu’elle ne justifie pas d’une créance à son encontre.

Il précise qu’elle ne peut soulever d’exception d’inexécution puisque leur rapport ne procéde pas d’une même convention.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le premier juin 2023 auxquelles il convient de se reporter, Madame [G] épouse [W] demande à la cour :

‘- de confirmer le jugement du 27 Janvier 2020 attaqué,

Y ajoutant,

– de constater l’état d’insalubrité et de manque d’hygiène de son appartement,

– de constater qu’elle n’a pas pu vivre dans son appartement du fait de l’état d’insalubrité et du manque d’hygiène pendant plusieurs années,

– de condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 8] au titre de l’Article 18 de la Loi du 10 Juillet 1965, pour non administration de l’immeuble, défaut d’entretien et défaut de travaux en urgence,

– de condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 8], au remboursement des loyers acquittés au [Adresse 4] par Mme [G] pendant 12 ans, soit 158.400 €,

– de condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 8] à lui verser la somme de 92.400 €

comme étant à l’origine de son préjudice d’habitation pendant plusieurs années,

– de condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 8] à 10.000€ pour procédure abusive, et 8000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

– de débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande d’arriérés de charges sans apporter la preuve de la qualité de copropriétaire de la personne débitrice ainsi que du quantum de l’exigibilité de sa créance, en l’absence des procès-verbaux d’assemblée générale, des appels de charges en vertu de l’arrêt de la Cour de Cassation (CASS 3eme CIV 11 Décembre 2012 N°11-26. 34 JURISDATA N° 2012-029 344)’.

Elle expose avoir subi les conséquences des malfaçons dans la réalisation des travaux qui touchent aux parties communes, ce qui était connu du syndicat des copropriétaires. Elle reproche au syndicat des copropriétaires une absence d’administration de l’immeuble, un défaut d’entretien et un défaut de travaux en urgence.

Elle fait valoir que l’appelant n’a pas rempli les obligations qui lui incombent en application de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965.

Elle soutient que le syndic qui ne fait pas respecter le règlement de copropriété engage la responsabilité du syndicat et sa propre responsabilité vis-à-vis des copropriétaires pris individuellement.

Elle fait état d’un préjudice de jouissance qui a débuté en 2012 jusqu’à l’achèvement des travaux de remise en état. Elle expose avoir dû quitter son appartement qui est devenu insalubre et avoir dû vivre dans son cabinet médical.

Elle soutient que le syndicat des copropriétaires n’a rien fait pendant près de dix ans pour mettre en oeuvre des travaux d’urgence qui lui aurait permis de vivre sereinement dans son appartement. Elle chiffre son préjudice à hauteur de 700 euros par mois sur neuf ans. Elle sollicite également le remboursement du loyer dont elle s’est acquittée.

Elle indique qu’il conviendra de déduire de ces sommes le montant des charges de copropriété.

Elle déclare subir depuis 2022 de nouveaux désordres.

Elle estime par ailleurs non justifiées les demandes au titre des charges de copropriété, s’appuie sur la motivation du premier juge et note qu’il appartient au syndicat de démontrer la réalité de sa créance. Elle relève que la Cour de cassation précise que le syndicat doit produire le procès-verbal de l’assemblée générale approuvant les comptes de l’exercice correspondant, ainsi que les documents comptables et le décompte de répartition des charges.

Elle indique qu’elle peut être déchargée de ses obligations puisque le syndicat des copropriétaires n’a pas rempli les siennes et soulève une exception d’inexécution.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 septembre 2023.

MOTIVATION

Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires ne justifie d’aucune cause d’irrecevabilité des demandes reconventionnelles formées par Madame [G] épouse [W]. Le débat porte en réalité sur le bien fondé des demandes de cette dernière.

Aux termes de l’article 1998 du code civil, le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné.

Ainsi, le syndicat des copropriétaires est responsable à l’égard des copropriétaires des fautes commises par le syndic, son mandataire, dans l’exercice de ses fonctions.

Selon l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est chargé d’administrer l’immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d’urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci.

Par ailleurs, en application de l’article 14 de cette loi dans sa version en vigueur du premier janvier 1986 au premier juin 2020, le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes. Il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d’entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

Dans sa version applicable à compter du premier juin 2020, le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes. Il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

Ainsi, le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou au tiers par le vice de construction, le défaut d’entretien des parties communes ou (depuis le premier juin 2020) ou si le dommage provient ou découle d’une partie commune; le syndicat des copropriétaires ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en apportant la preuve de la faute exclusive du copropriétaire, d’un tiers ou d’un cas de force majeure.

Le syndicat des copropriétaires, en qualité de maître d’ouvrage, a fait procéder à des travaux d’étanchéité des terrasses et des balcons des immeubles de la copropriété. La réception des travaux, débutés le 20 octobre 2010, est intervenue les 14 et 15 juin 2011 avec des réserves. Des désordres sont apparus postérieurement à la réception et ont provoqué des dommages graves constatés par un expert dont le rapport a été déposé le 13 mai 2019, avec un additif du premier juillet 2019, qui établit l’existence d’infiltrations d’eau à partir des balcons, provoquant des décollements de peinture en sous face et dans certains appartements.

Dès le mois de mai 2012, Madame [G] épouse [W], propriétaire d’un appartement situé en rez-de-chaussée, a mandaté un huissier de justice en lui indiquant subir d’importantes infiltrations d’eau au niveau des terrasses de la résidence et dans son logement à la suite à des travaux d’étanchéité réalisés en 2011 dans l’ensemble de la résidence.

Madame [G] épouse [W] justifie par plusieurs constats d’huissier (mai 2012; 22 janvier et 04 février 2014; 09 mars 205; 06 avril 2015)de la dégradation de son appartement en raison d’infiltrations notamment dans la cuisine, au niveau des sous-faces de la terrasse et dans une chambre, désordres qui ont rendu le bien inhabitable.

Elle exposait à l’huissier de justice le 09 mars 2015, que des travaux sommaires avaient été réalisés par la copropriété mais qu’ils étaient insuffisants. Elle faisait état de la pose de quelques tuyaux ou gouttières pour évacuer les eaux pluviales. A cette date, l’huissier constatait d’importantes traces d’infiltrations sur l’ensemble de la sous-face de la dalle haute des terrasses. Il faisait état de travaux sommaires et apparents réalisés pour tenter de capter les infiltrations, par le biais de gouttières horizontales et de canalisations et relevait que les travaux étaient insuffisants et inefficaces.

Madame [G] épouse [W] a mandaté un huissier qui est intervenu le 22 décembre 2020. Elle lui indiquait que l’appartement avait été refait mais qu’il était à nouveau inhabitable en raison des conséquences des infiltrations, qu’elle liait toujours aux travaux d’étanchéité effectués en 2010/2011. L’huissier de justice notait que la peinture était boursouflée et décollée avec d’importantes traces d’humidité sur une peinture refaite à neuf sur la quasi-totalité de la surface du plafond de la cuisine. Il exposait que le mobilier mural de la cuisine était entièrement moisi dans le fond et que les lieux n’étaient pas utilisables en l’état. Il expliquait que les peintures se décollaient avec des traces d’humidité, au plafond du salon et sur la cloison attenante à la cuisine. Il faisait état de difficultés similaires (peinture sur cloque ou se décolle) dans le dégagement menant à une chambre, dans la chambre et dans la salle de bains, avec des vêtements qui sentaient l’humidité. Il faisait état d’infiltrations qui persistaient sur la sous-face des terrasses du premier étage avec des peintures qui se décroutaient.

Il appartient à Madame [G] épouse [W] qui recherche la responsalité du syndicat des copropriétaires, de démontrer que l’ensemble des désordres dont elle fait état sont :

– soit la conséquence d’un vice de construction ou du défaut d’entretien des parties communes, soit proviennent ou découlent des parties communes.

– soit sont la conséquence d’une négligence du syndic dans le cadre de la mission visée à l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965.

Aucune des pièces produites par Madame [G] épouse [W] ne permet de démontrer que l’ensemble des désordres affectant son logement seraient la conséquence d’un vice de construction ou du défaut d’entretien des parties communes ou proviennent des parties communes.

Il ressort toutefois du jugement du 12 septembre 2022 du tribunal judiciaire de Grasse, que le deuxième expert, Monsieur [I], avait conclu que le désordre d’infiltrations d’eau à partir des balcons avait provoqué des décollements de peinture en sous face et dans certains appartements, ce qui était le cas de celui des époux [W]. Ces désordres provenaient et découlaient des parties communes. Toutefois, l’expert précisait que le désordre d’infiltrations tirait son origine de ce que les ‘étanchéités liquides réalisées sur les balcons par la société TRIMARCO’ étaient défaillantes, cette dernière ayant par ailleurs, selon l’expert, effectué une erreur d’exécution dans la pose du carrelage provoquant des calcites. L’expert ajoutait que les travaux de la société TRIMARCO n’étaient pas conformes aux normes en vigueur. L’expert mettait également en cause Monsieur [K], en ce qu’il avait commis des ‘erreurs de conception dans la prescription d’un carrelage scellé en lieu et place d’un carrelage collé, entraînant l’obstruction partielle des évacuations ainsi que la suppression de certains relevés devant les ouvertures provoquant la création de calcites sur le carrelage et dans les pissettes’ et en ce qu’il avait été défaillant dans ‘le suivi du chantier engendrant diverses malfaçons dans la pose du SEL et du carrelage’.

L’expert, Monsieur [I] (ainsi que le relève le jugement du 12 septembre 2022), faisait état des travaux à effectuer pour la remise en état de l’étanchéité de l’immeuble.

Le syndicat des copropriétaires peut donc s’exonérer de sa responsabilité puisqu’il rapporte la preuve de ce que les désordres affectant le logement des époux [W], provenant ou découlant des parties communes (étanchéité des balcons) sont liés à la faute exclusive de tiers, à savoir l’entreprise TRIMARCO et Monsieur [K], dans le cadre de travaux d’étanchéité effectués en 2010/2011.

La responsabilité de plein droit de syndicat des copropriétaires ne peut donc être engagée.

Reste à vérifier si le syndic de copropriété a commis des fautes dans l’exercice de ses fonctions ayant entraîné un préjudice à l’égard de Madame [G] épouse [W], qui pourrait alors engager la responsabilité du syndicat des copropriétaires.

Dès le 11 mai 2012, l’assemblée générale a donné mandat au syndic d’organiser une expertise avec un organisme indépendant agréé par l’Etat (Socotec, Véritas …) afin de ‘savoir si les travaux et produits utilisés correspondaient bien aux cahier des charges’, dans le cadre des travaux d’étanchéité qui avaient été effectués.

Lors des assemblées générales suivantes, le syndic tenait informés les copropriétaires de la procédure qui avait été diligentée à l’encontre d’une des entreprises chargées des travaux d’étanchéité (la société TRIMARCO qui avait effectué la pose du carrelage et l’étanchéité). Les copropriétaires ont ainsi été informés : de la désignation d’un expert par ordonnance du 04 février 2013, des critiques portées par le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic à l’égard du premier rapport d’expertise déposé en octobre 2014 et à son complément effectué, ce qui avait conduit le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, à diligenter une nouvelle procédure judiciaire pour obtenir la désignation d’un nouvel expert, demande à laquelle il avait été fait droit.

Il ressortait du rapport du nouvel expert déposé en mai 2019, que le juge des référés, dans une ordonnance du 06 juillet 2015, avait pointé les défaillances persistantes du premier rapport d’expertise et de son complément.

Il est démontré par le syndicat des copropriétaires que son syndic, qui avait poursuivi la procédure, avait également désigné un sapiteur (cabinet ARIES), en 2013 puis avait mandaté ce cabinet, par une assemblée générale du 25 juillet 2017, pour chiffrer précisément les travaux de remise en état des terrasses de la résidence (à la suite des travaux d’étanchéité). Ce même cabinet devait, comme il l’était relevé dans une assemblée générale du 06 mars 2019, effectuer un passage dans les appartements pour établir un nouvel état des lieux. Madame [G] épouse [W] ne conteste pas la réalité de la prestation de ce cabinet.

Par ailleurs, il n’aurait pas été opportun que le syndic fasse voter des travaux de réfection sans connaître les conclusions du deuxième rapport d’expertise dont l’objet était notamment de proposer des solutions pour remédier aux désordres. Le rapport d’expertise a été déposé en mai 2019 avec un additif établi le premier juillet 2019.

Madame [G] épouse [W] ne rapporte ainsi pas la preuve que le syndic aurait manqué à sa mission d’administrer l’immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien s’agissant des désordres liées aux infiltrations d’eau dans son logement, consécutives aux malfaçons des travaux d’étanchéité effectués en 2010/2011.

Elle fait également état des manquements du syndic en s’appuyant sur un constat d’huissier du 09 mars 2015 qui, après s’être rendu dans les sous-sols, les caves et le parkings, notait que les sols en dalle de béton étaient très sales, que le local à ordures était sale et qu’il s’en dégageait une odeur nauséabonde et que ni la piscine ni les parkings extérieurs n’étaient bien entretenus. Or, le préjudice dont elle demande réparation a pour objet de réparer le fait que son logement est devenu inhabitable; elle n’évoque pas un préjudice lié à la piscine de la résidence ou aux parkings extérieurs. Il convient en outre de relever que le syndic avait proposé que des travaux de réfection soient réalisés pour l’enrobé du parking lors d’une assemblée générale du 06 mars 2019, résolution qui a été adoptée.

Le constat d’huissier du 22 décembre 2020 a été établi postérieurement au dépôt du rapport d’expertise judiciaire. Il en ressort que l’appartement de Madame [G] épouse [W] a été refait mais qu’il est affecté d’infiltrations (cuisine, salon, salle de bains, chambres). Madame [G] épouse [W] ne rapporte pas la preuve que celles-ci proviendraient des parties communes. Ce même constat démontre toutefois que des infiltrations persistent sur la sous-face des terrasses du premier étage; or, ce désordre était lié aux malfaçons des travaux d’étanchéité. Ni à cette date, ni lors d’une assemblée générale du 02 mars 2021, n’ont été proposés au vote les travaux pour remédier aux difficultés liées aux malfaçons des travaux d’étanchéité. Cependant, le syndic poursuivait la procédure judiciaire à l’encontre notamment de la société TRIMARCO qui allait aboutir au jugement du 12 septembre 2022 qui a condamné cette société et son assureur à verser la somme de 285.427, 86 euros au titre des travaux réparatoires d’étanchéité et condamné Monsieur [K] à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 28.542, 78 euros au titre des frais de maîtrise d’oeuvre nécessaires dans le cadre des travaux réparatoires d’étanchéité.

Par ailleurs, il ressort des propres déclarations de Madame [G] épouse [W] à l’huissier de justice qu’elle a mandaté en 2015 que quelques travaux avaient été effectués, ce qui témoigne de la volonté du syndic de vouloir trouver une solution, en l’attente du dépôt du rapport d’expertise. En conséquence, Madame [G] épouse [W] ne démontre pas que le syndic aurait manqué à sa mission.

Elle sera déboutée de ses demandes à l’encontre du syndicat des copropriétaires, en sa qualité de mandant du syndic.

Sur les charges de copropriété

L’article 10 de la la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dispose que les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun en fonction de l’utilité objective que ces services et éléments présentent à l’égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées.

Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes, générales et spéciales, et de verser au fonds de travaux mentionné à l’article 14-2-1 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l’article 5.

L’article 14-1 de la même loi dispose, en outre, que pour faire face aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d’administration des parties communes et équipements communs de l’immeuble, le syndicat des copropriétaires vote, chaque année, un budget prévisionnel, que les copropriétaires versent au syndicat des provisions égales au quart du budget voté, sauf à ce que l’assemblée générale fixe des modalités différentes, et que la provision est exigible le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour fixé par l’assemblée générale.

Selon l’article 45-1 du décret du 17 mars 1967, les charges sont les dépenses incombant définitivement aux copropriétaires, chacun pour sa quote-part. L’approbation des comptes du syndicat par l’assemblée générale ne constitue pas une approbation du compte individuel de chacun des copropriétaires.

L’obligation aux charges ainsi prévue par l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 est d’ordre public; le paiement des charges par chaque copropriétaire est la condition du bon fonctionnement de la copropriété. L’existence des désordres dont se plaint Madame [G] épouse [W], affectant les parties privatives de son lot et dont elle indique qu’ils proviendraient tous des parties communes, ne saurait justifier son refus de payer la quote-part des charges communes auxquelles elle est légalement tenue. L’exception d’inexécution soulevée par Madame [G] épouse [W] n’est pas admise pour faire échec à l’action en paiement de charges. Cette exception d’inexécution n’est pas plus admissible au motif que des travaux n’auraient pas été exécutés; Madame [G] épouse [W] ne peut pas plus prétexter du défaut d’entretien de l’immeuble ou de la responsabilité des syndics successifs dans la dégradation de l’immeuble pour s’abstenir du règlement des charges alors que l’immeuble ne peut être entretenu ni les travaux réglés sans trésorerie, laquelle dépend des paiements réguliers des copropriétaires.

En vertu des dispositions conjuguées des articles 1353 du code civil (article 1315 ancien) et 9 du code de procédure civile, il appartient au syndicat des copropriétaires de prouver que le copropriétaire est redevable de la somme réclamée dans sa totalité.

Le syndicat des copropriétaire doit donc justifier de sa créance :

– par les procès-verbaux des assemblées générales approuvant les comptes des exercices pour lesquelles les charges sont sollicitées,

– par les décomptes annuels de répartition des charges pour les exercices pour lesquelles les charges sont sollicitées,

– par les documents comptables.

Devant la cour, le syndicat des copropriétaires produit au débat les procès-verbaux d’assemblées générales qui approuvent les comptes des exercices courant de la période de 2007 jusqu’au 30 septembre 2016 et qui approuvent les comptes des exercices pour la période de 2017 au 30 septembre 2020, avec l’approbation du budget prévisionnel pour l’exercice 2021/2022 et celui de l’exercice 2022/2023. S’agissant de l’approbation des comptes 2016/2017, il est démontré que cette question devait être posée (résolution 4) lors de l’assemblée générale du 18 janvier 2018 et qu’à l’occasion de cette assemblée, un autre syndic a été désigné (Nexity); ce syndic a débuté sa mission le même jour et justifie de la rédaction du procès-verbal à compter de sa désignation (soit, à partir des résolutions 6 et suivantes). Le syndicat des copropriétaires précise que les comptes 2016/2017 ont été approuvés par la résolution 4 mais que l’ancien syndic n’a pas voulu faire le procès-verbal pour les résolutions antérieures à la résolution 6. Les époux [W] n’étaient pas notés comme absents lors de cette assemblée générale et Madame [G] épouse [W] ne conteste pas cette affirmation aux termes de ses conclusions.

Le syndicat des copropriétaires verse au débat des historiques du compte de copropriétaires des époux [W] qui démontrent que leur compte est devenu débiteur à compter du premier octobre 2011 (pièce 11). Il ressort de cette pièce, qui porte sur la période du 01 avril 2014 au premier octobre 2017, que le compte des époux [W] était débiteur de 29.352, 60 euros.

Si le syndicat des copropriétaires produit au débat les procès-verbaux d’assemblée générale pour les exercices de 2007 à 2020, il ne produit toutefois aucun décompte de répartion de charges pour les exercices de 2007 au 30 septembre 2017, alors même que l’arriéré allégué débute en octobre 2011.

Il se contente de produire un décompte individuel de charge pour la période du premier octobre 2017 au 30 septembre 2018 (pièce 20) et un décompte individuel de charges pour la période du premier octobre 2020 au 30 septembre 2021.

Il ne produit pas au débat l’ensemble des documents comptables sur les exercices pour lesquels les charges sont sollicitées.

Les autres historiques de comptes qui sont produits et qui reprennent un solde débiteur de 29.586, 89 euros au 22 février 2018 (sans que cette somme ne soit expliquée, alors que le solde débiteur se serait élevée à 29.352,60 euros au premier octobre 2017) permettent de constater qu’aucune somme n’a été versée par les époux [W] sur la période du 14 janvier 2011 au 18 avril 2018, puis rien sur la période du 14 juin 2018 au 21 décembre 2020 puis aucun versement à compter de cette date. Les pièces éparses produites par le syndicat des copropriétaires, en l’absence des décomptes individuels de charges pour les périodes considérées et de l’ensemble des documents comptables pour les périodes considérées, ne lui permettent pas de démontrer que Monsieur et Madame [W] seraient débiteurs de la somme de 58.230, 21 euros.

Il apparaît également, à la lecture de certains appels de fonds, qu’il est sollicité des appels pour le bureau d’étude ARIES (pièce 27), que ces appels mentionnent une assemblée générale du 18 septembre 2019 dont le procès-verbal n’est pas produit au débat.

En conséquence, il convient de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires qui est défaillant dans l’administration de la preuve de sa créance.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point. Il sera également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice financier du syndicat des copropriétaires, puisque ce dernier ne démontre pas le montant de sa créance.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Madame [G] épouse [W] pour procédure abusive

L’article 1240 du code civile énonce que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant justifier l’allocation de dommages et intérêts que dans le cas de faute caractérisée de son auteur.

La constatation de l’existence d’une faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice ouvre droit à réparation, si la preuve est rapportée de l’existence d’un préjudice en lien de causalité direct et certain avec la faute et du caractère définitif, non aléatoire ou hypothétique de ce préjudice.

Madame [G] épouse [W], qui échoue dans sa démonstration d’une faute du syndic et de la responsabilité du syndicat des copropriétaires et qui ne peut pas plus soulever une exception d’inexécution pour se dispenser de payer ses charges de copropriété, ni voir opérer une compensation, ne rapporte pas la preuve d’une procédure abusive intentée par le syndicat des copropriétaires, alors même qu’elle ne conteste pas le fait que les charges de copropriété ne quasiment plus payées. Le rejet de la demande du syndicat des copropriétaires s’appuie sur le fait que les pièces produites sont insuffisantes à démontrer la créance sollicitée; ce rejet ne s’analyse pas comme le droit donné aux époux [W] à se dérober à leurs obligations de copropriétaires. La demande de dommages et intérêts formée par Madame [G] épouse [W] sera rejetée.

Sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile

Chaque partie, en partie succombante, supportera ses propres dépens de première instance et d’appel.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement déféré qui a laissé les dépens à la charge du syndicat des copropriétaires et qui a rejeté sa demande de dommages et intérêts et sa demande au titre des frais irrépétibles sera confirmé.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt par contradictoire, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré,

Y AJOUTANT,

REJETTE les demandes formées par Madame [G] épouse [W] tendant à voir condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser le montant des loyers qu’elle a acquittés au [Adresse 4] à [Localité 2] et à lui verser des dommages et intérêts,

REJETTE la demande de dommages et intérêts formée par Madame [G] épouse [W] pour procédure abusive,

DIT que chaque partie supportera la charge des dépens qu’elle a exposés.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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