Exception d’inexécution : 24 novembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/05973

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Exception d’inexécution : 24 novembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/05973

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 24 NOVEMBRE 2023

N° 2023/ 326

Rôle N° RG 22/05973 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJI6H

[U] [E]

C/

[I] [G]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Guy AZZARI

Me Florian PLEBANI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Président du TJ de Nice en date du 31 Mars 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/04580.

APPELANT

Monsieur [U] [E]

né le 31 Janvier 1953 à [Localité 2]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté par Me Guy AZZARI, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur [I] [G]

né le 24 Novembre 1953 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]/FRANCE

représenté et assisté par Me Florian PLEBANI, avocat au barreau de NICE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 16 Octobre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme OUVREL, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2023,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Courant 2017, la commune de [Localité 4] a fait un appel d’offre afin de désigner les gérants de l’auberge communale dénommée Le Vieux Moulin. M. [U] [E] et M. [I] [G] ont présenté une candidature commune, autour d’un projet de restaurant offrant une cuisine traditionnelle. Par délibération du conseil municipal en date du 27 janvier 2018, ils ont été désignés.

Un bail commercial a été signé en juin 2018 avec la SASU du Vieux Moulin.

Des travaux préalables au commencement de leur activité ainsi que l’achat de matériels se sont avérés nécessaires.

M. [I] [G] a indiqué que M. [U] [E] ne disposait pas des fonds nécessaires et que pour éviter de recourir à un prêt bancaire, il a pris de l’argent sur son assurance-vie à hauteur de 80 000 euros pour assumer la part de ce dernier.

Le 30 juin 2018, une reconnaissance de prêt a été signée par M. [U] [E] par laquelle il reconnaît devoir à M. [I] [G] la somme de 80 000 euros ‘pour le prêt qu’il lui a consenti à ce jour, au titre de l’avance sur la reprise du restaurant Le Vieux Moulin situé à [Localité 4] et, par laquelle, il ‘s’engage à lui rembourser la dite somme en un versement d’un même montant de 80 000 euros, auquel s’ajouteront les intérêts au taux équivalent au montant facturé par sa société bancaire, ce remboursement devant s’effectuer au plus tard le 30 septembre 2018’.

Une déclaration de contrat de prêt était faite le même jour auprès de l’administration fiscale signé par M. [U] [E].

M. [U] [E] contestant l’existence de ce prêt, et principalement le versement effectif de fonds, et ne procédant à aucun remboursement, M. [I] [G] l’a assigné en paiement de la somme de 80 000 € outre dommages et intérêts compensatoires par acte du 21 décembre 2020.

Par jugement en date du 31 mars 2022, le tribunal judiciaire de Nice a :

débouté M. [U] [E] de toutes ses demandes,

condamné M. [U] [E] à payer à M. [I] [G] la somme de 80 000 € au titre de la reconnaissance de prêt du 30 juin 2018 majoré des intérêts au taux légal qui courent depuis le 16 septembre 2020, date de la mise en demeure par avocat,

débouté M. [I] [G] de sa demande de dommages et intérêts compensatoires,

condamné M. [U] [E] aux entiers dépens,

condamné M. [U] [E] à payer à M. [I] [G] la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonné l’exécution provisoire.

Le tribunal a estimé que M. [I] [G] rapportait la preuve du prêt ayant bénéficié à M. [U] [E], ce dernier ne justifiant pas ne pas avoir profité de la somme de 80 000 € prêtée, bien qu’il n’en ait pas reçu le versement direct, cette somme étant accordée à titre d’avance sur la reprise du restaurant, tandis que M. [I] [G] justifie de son côté avoir perçu des fonds en mai 2018 provenant d’une assurance-vie ainsi que des travaux réalisés pour le restaurant, de sorte qu’aucune exception d’inexécution ne peut être retenue.

En revanche, le tribunal n’a retenu aucune faute dolosive contre M. [U] [E] et a débouté M. [I] [G] de sa demande de dommages et intérêts complémentaires à sa demande en remboursement.

Selon déclaration reçue au greffe le 22 avril 2022, M. [U] [E] a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes les dispositions du jugement déféré dûment reprises.

Par ordonnance d’incident du 3 mai 2023, le conseiller de la mise en état de la chambre 1-1 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a dit n’y avoir lieu à radiation de l’affaire, dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné M. [I] [G] au paiement des dépens.

Par dernières conclusions transmises le 19 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [U] [E] sollicite de la cour qu’elle :

infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

dise que le contrat de prêt invoqué est invalide faute de contenir des prestations certaines imputables aux parties en l’absence de remise quelconque en sa faveur,

Subsidiairement, à supposer le contrat valide :

le dise recevable dans son exception d’inexécution dans la mesure où M. [I] [G] n’ayant pas rempli sa propre prestation, ce dernier est fondé à refuser d’exécuter la sienne propre,

dise que le projet d’association convenu dans un premier temps entre lui et M. [I] [G] est devenu caduc du fait que le contrat d’association n’a reçu aucune exécution par M. [I] [G], contrairement à ses prétentions,

En conséquence,

‘ déboute M. [I] [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

‘ condamne M. [I] [G] à lui régler la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

En premier lieu, M. [U] [E] invoque le défaut de validité du contrat de prêt au regard de l’article 1128 3° du code civil, son contenu n’étant ni licite, ni certain, faisant valoir que les faits contredisent la réalité même du prêt. Ainsi, l’appelant met en avant une absence de remise des fonds par M. [I] [G] à son profit, ce qui résulte des termes mêmes de la reconnaissance de dette. Il indique que l’intimé a fini par admettre cette absence de remise de fonds. M. [U] [E] soutient que le projet d’association est devenu caduc dans la mesure où le bail commercial consenti l’a été au seul profit de la SASU Le Vieux Moulin dont M. [I] [G] est l’associé unique, de sorte que lui-même ne participe finalement en rien à l’exploitation du restaurant Le Vieux Moulin. Il conteste toute preuve d’un engagement ou d’une association de sa part, M. [I] [G] ayant choisi dès mai 2018 de ne constituer qu’une SASU. De même, M. [U] [E] assure que les éléments comptables produits démontrent que M. [I] [G] est le seul titulaire des fonds investis dans la société, ne s’étant jamais départi de son assurance-vie.

M. [U] [E] invoque, en deuxième lieu, une exception d’inexécution au sens de l’article 1219 du code civil, non pas relativement au contrat de prêt, mais au titre du contrat présomptif d’association invoqué en l’absence de toute contrepartie exécutée par l’intimé.

Par dernières conclusions transmises le 27 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [I] [G] sollicite de la cour qu’elle :

le déclare recevable et bien fondé en son appel incident,

confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [U] [E] de ses demandes, condamné M. [U] [E] à lui verser la somme de 80 000 € à titre de dommages et intérêts moratoires majorés des intérêts légaux qui courent depuis la mise en demeure du 16 septembre 2020, et, condamné M. [U] [E] à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

infirme le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts compensatoires,

condamne M. [U] [E] à lui verser la somme de 80 000 € à titre de dommages et intérêts compensatoires majorés des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,

déboute M. [U] [E] de toutes ses demandes,

condamne M. [U] [E] à lui verser la somme de 6 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, en sus de ceux accordés en première instance, outre les entiers dépens comprenant les frais de procédure et de signification par commissaire de justice.

M. [I] [G] invoque, en premier lieu, le bénéfice des articles 1376, 1359, 1231, et 1231-6 du code civil pour solliciter la confirmation des dommages et intérêts moratoires accordés par le tribunal. Il fait valoir que la contrepartie du prêt, consenti par lui à M. [I] [G] et reconnu dans le cadre d’une reconnaissance de dette du 30 juin 2018, tenait en l’avance des travaux financés directement par lui pour la reprise du restaurant, et non en un versement direct de la somme de 80 000 € à M. [U] [E].

S’agissant de la validité contestée de la reconnaissance de dette, M. [I] [G] fait valoir que celle-ci constitue un contrat unilatéral qui n’exige donc aucune contrepartie, l’absence de celle-ci ne pouvant permettre en soi à M. [U] [E] de s’exonérer de son obligation à rembourser. En tout état de cause, il assure avoir exécuté sa propre obligation tenant au financement des travaux et à l’acquisition du matériel, ce financement n’étant pas possible par l’appelant compte tenu de son état d’endettement et des procédures collectives ouvertes à l’endroit de ses autres sociétés. L’intimé estime qu’aucune prestation contraire à l’ordre public, ni aucune contrepartie illusoire n’est spécifiée, de sorte que le contenu du contrat est licite au sens des articles 1162 et 1169 du code civil.

M. [I] [G] assure en outre que M. [U] [E] a toujours été effectivement concerné par l’opération commerciale d’exploitation du restaurant ainsi que les circonstances de fait le démontrent ( la fille de M. [U] [E] a fait les flyers, présence de M. [U] [E] lors de l’inauguration du restaurant conjointement avec M. [I] [G], interview donnée par M. [U] [E], travail effectif de M. [U] [E] dans le restaurant, celui-ci se présentant comme un associé, etc).

S’agissant de l’exception d’inexécution invoquée par l’appelant, M. [I] [G] rappelle que la reconnaissance de dette est un contrat unilatéral, ne requérant aucune contrepartie de sa part. Il ajoute avoir, pour sa part, procédé au financement attendu et explique l’absence d’association juridique initiale par la situation financière de M. [U] [E] à l’époque, ce que son comptable confirme dans une attestation (pièce 47). Il dénie l’apport de la notoriété de l’appelant comme condition de l’accord de la commune. Il ajoute que si l’exploitation du restaurant a cessé, ce n’est qu’en raison de ses propres difficultés de santé, l’ayant conduit à cesser cette activité. Il assure justifier du versement des 80 000 € provenant de son assurance-vie en compte courant d’associé.

M. [I] [G] invoque, d’autre part, les dispositions des articles 1231-3, 1231-4, 1344 et 1344-1 du code civil pour solliciter l’octroi de dommages et intérêts compensatoires. Il soutient que M. [U] [E] a commis à son endroit une faute dolosive, entendue au sens de la volonté délibérée d’un cocontractant de ne pas exécuter ses obligations contractuelles, peu important qu’il ait ou non l’intention de nuire à l’autre partie au contrat. En effet, il explique que l’appelant n’a toujours remboursé aucune somme 4 ans après avoir admis le prêt, cette attitude et cette résistance caractérisant sa faute dolosive.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 18 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour d’appel précise, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constatations’, de ‘prise d’acte’ ou de ‘dire et juger’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.

Sur la demande de dommages et intérêts moratoires

Par application de l’article 1359 du code civil, l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.

Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, même si la somme ou la valeur n’excède pas ce montant, que par un autre écrit sous signature privée ou authentique.

En vertu de l’article 1376 du code civil, l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.

En vertu de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Par application de l’article 1231-6 du code civil : Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.

L’article 1892 du code civil définit le prêt de consommation comme un contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité.

Par application de l’article 1128 du code civil, la validité d’un contrat est subordonnée notamment à l’existence d’un contenu licite et certain.

Le 30 juin 2018, une reconnaissance de dette a été signée par M. [U] [E], par laquelle il reconnaît devoir à M. [I] [G] la somme de 80 000 euros ‘pour le prêt qu’il lui a consenti à ce jour, au titre de l’avance sur la reprise du restaurant Le Vieux Moulin situé à [Localité 4] et, par laquelle, il ‘s’engage à lui rembourser la dite somme en un versement d’un même montant de 80 000 euros, auquel s’ajouteront les intérêts au taux équivalent au montant facturé par sa société bancaire, ce remboursement devant s’effectuer au plus tard le 30 septembre 2018’.

Le même jour, M. [U] [E] signait en outre une déclaration de prêt destinée à l’administration fiscale aux termes de laquelle il reconnaît devoir à M. [I] [G] la somme de 80 000 €, au titre d’un prêt du 30 juin 2018, consenti au taux de 5%.

Il résulte de ces pièces contractuelles que M. [I] [G] a accordé, courant 2018, à M. [U] [E] un prêt à hauteur de 80 000 € à titre d’avance sur la reprise du restaurant de la commune de [Localité 4] pour laquelle ils avaient reçus tous deux l’agrément par délibération du 27 janvier précédent. Par acte du 30 juin 2018, dont la validité formelle n’est pas contestée, M. [U] [E] a reconnu devoir cette somme à M. [I] [G] au titre du prêt par lui consenti le même jour.

Or, c’est à l’emprunteur qui a souscrit une reconnaissance de dette, de rapporter la preuve de l’absence de remise des fonds en cause. Il appartient donc ici à M. [U] [E] qui conteste la validité et la réalité du prêt de prouver qu’aucune somme ne lui a été remise directement ou dans le but expressément convenu entre les parties.

En l’espèce, non seulement M. [U] [E] a signé cette reconnaissance de dette aux termes de laquelle il s’est engagé à rembourser en un versement d’un même montant de 80 000 €, outre intérêts au taux équivalent au montant facturé par sa société bancaire, ce remboursement devant s’effectuer au plus tard le 30 septembre 2018, mais, en outre, il a adressé, en tant qu’emprunteur, à l’administration fiscale pour enregistrement, une déclaration de prêt par M. [I] [G] à son profit pour le même montant.

M. [I] [G] démontre de son côté l’origine des 80 000 € en cause, par le retrait justifié d’une somme d’un même montant de son contrat d’assurance-vie en mai 2018.

L’historique des relations entre les parties explique ce prêt et la reconnaissance de dette. Il établit également la réalité des sommes investies par M. [I] [G] au nom de M. [U] [E] dans le restaurant concerné. En effet, il résulte de la délibération de la commune du 27 janvier 2018 que M. [U] [E] et M. [I] [G] ont été désignés ensemble comme repreneurs du Vieux Moulin à [Localité 4] ensuite de l’appel d’offre et du projet monté depuis 2017. Il n’est pas contesté que des travaux étaient requis avant tout début d’activité et qu’il convenait d’acheter divers matériels en vue de son exploitation. M. [I] [G] produit de nombreuses factures d’achat à son nom au titre de travaux, de fourniture et d’investissement divers au nom et pour le compte du restaurant au cours des mois de mai et juin 2018. Le 24 mai 2018, la SASU du Vieux Moulin, M. [I] [G] en étant l’associé unique.

Dans son attestation du 8 septembre 2021, l’expert comptable a confirmé ‘avoir reçu M. [I] [G] les 6 et 27 avril 2018 afin d’envisager avec lui la création de sa société, en association avec M. [U] [E]’. Elle ajoute que ‘la situation professionnelle, à l’époque, de M. [U] [E] ne permettait pas de l’associer au projet dans un premier temps pour obtenir le financement nécessaire’. Elle précise avoir constitué et immatriculé la société unipersonnelle au cours du mois de mai 2018, ‘M. [U] [E] devant être associé par la suite’. En effet, il est démontré qu’en 2017 et 2018, l’appelant souffrait d’un endettement conséquent et que ses sociétés, la SARL [E] Restaurant et la SARL [E], bénéficiaient de procédures collectives.

Le 23 juin 2018, les pièces produites démontrent que M. [U] [E] et M. [I] [G] ont procédé ensemble à l’inauguration du Vieux Moulin. De nombreuses attestations, détaillées et précises, d’origines diverses, démontrent la présence de M. [U] [E] au sein du restaurant, se présentant comme l’un des patrons et/ou associés et agissant comme tel à l’égard des clients, des fournisseurs ou prestataires mais également journalistes et guides gastronomiques.

C’est dans ce contexte que la reconnaissance de dette est signée par M. [U] [E] à M. [I] [G] le 30 juin 2018. Il n’est pas contesté que l’appelant n’a procédé effectivement à aucun remboursement.

En revanche, il est démontré par les nombreux justificatifs produits que M. [I] [G] a effectivement investi seul en finançant directement les travaux du restaurant et en acquérant les matériels et fournitures nécessaires à son ouverture, qui a effectivement eu lieu.

Il s’en évince que M. [U] [E] échoue à démontrer l’absence de contenu certain du contrat de prêt existant entre les parties, ainsi que l’absence de prise en charge des travaux et matériels indispensables à l’ouverture du restaurant le Vieux Moulin, tel que convenu entre elles à hauteur de 80 000 € représentant la part de M. [U] [E], avancée par M. [I] [G].

C’est donc à tort que M. [U] [E] soutient la caducité ou l’absence de validité de l’engagement signé entre les parties, faute de contenu licite et certain.

Par ailleurs, M. [U] [E] ne justifie pas davantage d’une exception d’inexécution lui permettant de s’exonérer de son obligation à paiement.

En effet, aux termes du contrat signé entre les parties et valant loi entre elles, les seules obligations mises à la charge de M. [I] [G] tenaient en la réalisation de travaux et l’acquisition de matériels en vue de permettre la reprise et l’exploitation du restaurant le Vieux Moulin à [Localité 4]. Il vient d’être démontré que ces obligations ont été remplies par l’intimé.

En revanche, il ne résulte pas des termes du contrat de prêt, ni de la reconnaissance de dette en consacrant l’existence et le contenu, que le prêt ait été subordonné à l’octroi de parts sociales ou de dividendes au bénéfice de M. [U] [E] dans la société exploitant le restaurant. La caducité d’un prétendu contrat d’association est donc sans incidence sur la reconnaissance de dette expressément admise par l’appelant.

M. [U] [E] ne peut donc se prévaloir d’aucune exception d’inexécution.

En définitive, l’obligation à paiement de M. [U] [E] envers M. [I] [G] est réelle et l’absence d’exécution de celle-ci est établie. C’est donc à juste titre que le premier juge a condamné M. [U] [E] à payer à M. [I] [G] la somme de 80 000 € à titre de dommages et intérêts moratoires pour défaut d’exécution de l’obligation à paiement souscrite.

Sur la demande de dommages et intérêts dommages et intérêts compensatoires

Par l’effet de l’article 1231-3 du code civil, le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l’inexécution est due à une faute lourde ou dolosive.

En application de l’article 1231-4 du même code, dans le cas même où l’inexécution du contrat résulte d’une faute lourde ou dolosive, les dommages et intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution.

Certes, il est acquis que M. [U] [E] n’a toujours remboursé aucune somme depuis le 30 septembre 2018, date d’exigibilité de la dette.

Toutefois, même à supposer acquis un comportement fautif de la part de l’appelant pouvant constituer un dol, il y a lieu de relever que M. [I] [G], qui a cessé l’exploitation du restaurant Le Vieux Moulin pour des raisons personnelles, indépendantes du présent litige, ne rapporte pas la preuve d’un préjudice distinct et indépendant de celui réparé par le bénéfice des intérêts au taux légal assortissant le paiement des dommages et intérêts moratoires, compensant déjà le remboursement tardif des sommes dues.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté cette demande.

En définitive, le jugement doit être confirmé en l’ensemble de ses dispositions.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

M. [U] [E], qui succombe au litige, supportera les dépens de première instance et d’appel. En outre, l’indemnité à laquelle il a été condamné en première instance au titre des frais irrépétibles sera confirmée, et, une indemnité supplémentaire de 3 000 € sera mise à sa charge au bénéfice de M. [I] [G], sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en considération de l’équité et de la situation économique respectives des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant :

Condamne M. [U] [E] à payer à M. [I] [G] la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [U] [E] de sa demande sur ce même fondement,

Condamne M. [U] [E] au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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