Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 3
ARRET DU 28 NOVEMBRE 2023
(n° 412 , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05297 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFOQ7
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Février 2022 -Président du TJ de BOBIGNY – RG n° 21/00191
APPELANTE
SOCIÉTÉ IMMO EVOLUTIF, RCS de Paris n°449134857, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée par Me Sofian MEGHOUFEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K30
INTIMÉE
S.A.S. BLACKLABEL, RCS de Paris n°818722589, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée et assistée par Me Martin ELLIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1392
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre
Jean-Christophe CHAZALETTE, Président
Patricia LEFEVRE, conseillère
Greffier, lors des débats : Olivier POIX
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, Président et par Jeanne PAMBO, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
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Aux termes d’un acte sous seing privé en date du 14 mars 2016 et de son avenant du 31 juillet 2018, la société Furctifonds immobilier (ancienne dénomination sociale de la société Immo évolutif) a donné à bail commercial à la société Blacklabel un local au rez-de-chaussée de l’immeuble situé [Adresse 3] (Seine-Saint-Denis) pour une durée de dix années prenant effet le 14 mars 2016 moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 89 600 euros. La locataire exploite dans les locaux loués une animalerie à l’enseigne Tom&Co.
Après avoir vainement fait sommation à la locataire de régler la somme de 34082,78 euros, soit la taxe foncière des années 2017 à 2019, le solde de l’assurance et diverses redditions des charges, la société Immo évolutif a, par acte extra-judiciaire en date du 5 janvier 2021, engagé une action en référé provision devant le président du tribunal judiciaire de Bobigny.
Par ordonnance contradictoire en date du 28 février 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :
– fixé les créances provisionnelles de la société Immo évolutif à l’encontre de la société Blacklabel aux sommes de 113,40 euros au titre de la prime d’assurance 2020 et 351,09 euros au titre de la reddition des charges 2019 ;
– débouté la société Immo évolutif du surplus de ses demandes ;
– Fixé les créances provisionnelles de la société Blacklabel à l’encontre de la société Immo évolutif aux sommes de 801,26 euros au titre de la reddition des charges 2018 et 5632,25 euros à titre de remboursement des sommes indûment versées au titre des taxes d’enlèvements des ordures ménagères 2020 et 2021 ;
– après compensation des créances réciproques, condamné la société Immo évolutif à payer à la société Blacklabel la somme provisionnelle de 5969,02 euros ;
– condamné la société Immo évolutif à payer à la société Blacklabel la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
Le 23 mars 2022, la société Immo évolutif a relevé appel de la décision entreprise et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 24 mai 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour au visa des articles 1134, 1152 et 1154 anciens du code civil, des articles 1347 et suivants du code civil et des articles 699, 700 et 935 du code de procédure civile, de :
– déclarer son appel recevable et bien fondé ;
– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a fixé ses créances provisionnelles à l’encontre de la société Blacklabel aux sommes de 113,40 euros au titre de la reddition de la prime d’assurance 2020 et 351,09 euros eu titre de la reddition des charges 2019 et de l’infirmer pour le surplus,
et statuant à nouveau :
– condamner à titre provisionnel la société Blacklabel au paiement de la somme de 17 448,42 euros TTC au titre des échéances de taxe d’enlèvement des ordures ménagères des années 2016 à 2021, outre celle de 872,42 euros au titre de la clause pénale prévue audit bail, augmentée des intérêts de retard contractuels, représentant 5% de majoration forfaitaire de la somme de 17 448,42 euros outre les frais de signification des sommations de payer délivrés les 8 août 2019 et 5 août 2020,
– ordonner la capitalisation annuelle des intérêts à compter de la date de l’exploit introductif
d’instance, conformément à l’article 1343-2 du code civil ;
– débouter la société Blacklabel de ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel, lesquels comprendront les frais de signification des sommations de payer du 8 août 2019 et 5 août 2020 (soit 425,89 euros TTC) ;
– condamner la société Blacklabel à lui rembourser la somme de 1 500 euros dont elle s’est acquittée en exécution de la décision de première instance
– déclarer la décision à intervenir opposable aux éventuels créanciers inscrits.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, la société Blacklabel demande à la cour, au visa des articles 700 et 835 du code de procédure civile, 1134 ancien et 1219 du code civil, R. 145-36 du Code de commerce et 1520 à 1526 du code général des impôts, de déclarer la société Immo évolutif irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter et de confirmer l’ordonnance entreprise, sollicitant en toute hypothèse, sa condamnation au paiement de la somme de 6000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Sur ce,
Selon l’alinéa 2 de l’article 835 du code de procédure civile, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils (le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence) peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux
prétentions du requérant n’apparaît pas immédiatement vain, et laisse subsister un doute
sur le sens de la décision au fond, qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur
ce point, si les parties entendaient saisir le juge du fond ; en conséquence, la contestation
sérieuse est celle qui paraît susceptible de prospérer au fond
La société Immo évolutif ne développe aucun moyen au soutien de l’infirmation du chef de l’ordonnance fixant la créance de la locataire au titre de la reddition des charges 2018 à la somme de 801,26 euros, somme qu’elle admettait devoir devant le premier juge, aveu qu’elle maintient à hauteur d’appel (page 5 dernier § de ses conclusions). L’ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.
La société Immo évolutif réclame en premier lieu la condamnation provisionnelle de la locataire au titre de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères des années 2016 à 2019, demande rejetée par le premier juge ainsi désormais que cette taxe pour les années 2020 et 2021, dont la locataire s’était acquittée et dont le remboursement a été ordonné en première instance. Elle précise qu’elle a, en exécution de l’ordonnance entreprise, transmis à la société Blacklabel un avoir correspondant au remboursement des taxes des années 2020 et 2021 (ainsi qu’à la condamnation prononcée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile).
Par une délibération en date du 27 septembre 2016, l’établissement public territorial Grand
[Localité 4] Grand Est a décidé d’instaurer la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, prévue aux articles 1520 et 1521 du code général des impôts sur le territoire Grand [Localité 4] Grand Est dont font partie les locaux loués.
La société Blacklabel explique qu’elle n’a jamais bénéficié du service public de ramassage des ordures ménagères, faisant son affaire de l’élimination de ses déchets et conteste qu’en l’absence de passage du service sur la zone commerciale dans laquelle sont situés les locaux loués, elle puisse être assujettie à cette taxe.
Selon le bail du 14 mars 2016, (page 27) sous le titre impôts, taxes, redevances afférents aux locaux et aux parties communes, il est stipulé :
l’inventaire précis et limitatif des catégories d’impôts, taxes et redevances liés au bail avec la mention de leur répartition entre le bailleur et le preneur constitue l’annexe 5 du bail qui fait partie intégrante dudit bail. Le preneur doit, à hauteur de sa quote-part, le remboursement au bailleur des impôts taxes et redevances lui incombant aux termes de la dite répartition.
Le bailleur informera le preneur des impôts, taxes et redevances nouveaux dont il sera redevable envers le bailleur.
Parmi les impôts, taxes redevances afférents aux parties communes ou à usage commun listés à l’annexe sus-évoquée, figure la taxe de balayage et d’enlèvements des ordures ménagères et il est précisé ensuite que sont refacturables au preneur,
-la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ;
– les impôts, taxes et redevances dont le redevable est le bailleur mais liés à l’usage des locaux ou de l’immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie indirectement ou directement soit :
la taxe de balayage et d’enlèvement des ordures ménagères (…)
Au regard de cette disposition dénuée ambiguïté sur la possibilité pour le bailleur de récupérer sur son locataire, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères dont il s’acquitte, clause par ailleurs conforme aux dispositions de l’article R.145-35 alinéa 3 du code de commerce, la société locataire ne peut pas sérieusement opposer la nécessité de rechercher une commune intention des parties.
La société locataire oppose également une exception d’inexécution la dispensant du paiement de la taxe et justifiant le remboursement de l’indu accueilli par le premier juge. Elle invoque les dispositions de l’article 1134 alinéa 3 du code civil selon lesquelles les conventions s’éxécutent de bonne foi et elle fait valoir que selon le bail, la société Immo évolutif s’engageait à faire ses meilleurs efforts pour gérer convenablement les charges. Elle prétend que la bailleresse a gravement manqué à cette obligation puisque, bien que sollicitée en ce sens, elle n’a pas poursuivi devant les autorités compétentes une demande de d’exonération avant de préciser que dans un dossier similaire la cour d’appel de Paris a statué dans un sens favorable au preneur en énonçant que le bailleur aurait pu poursuivre devant les autorités compétentes une demande de dégrèvement sur le fondement de l’article 1521 du code général des impôts.
Il convient de relever d’une part, que la stipulation invoquée par la locataire figure à l’article VI 2° (pages 25 et 40) du bail qui se rapporte aux charges communes et travaux afférents à l’immeuble est non aux impôts et taxes (article VI 4°) et d’autre part, que la bailleresse justifie du rejet de sa demande d’exonération pour les taxes des années 2019 et 2020.
De surcroît, la société Blacklabel ne développe pas ce moyen. Elle se contente d’invoquer l’absence de desserte des locaux loués et elle ne précise pas le fondement de l’exonération qu’aurait pu utilement invoquer la bailleresse se contentant dans sa présentation du litige, de citer le dernier alinéa de l’article 1521 du code général des impôts qui énonce sauf délibération contraire des communes ou des organes délibérants de leurs groupements, les locaux situés dans la partie de la commune où ne fonctionne pas le service d’enlèvement des ordures sont exonérés de la taxe.
Or ainsi qu’il ressort l’arrêt cité par l’appelante, (CE 17 octobre 1979 n°14987), la délimitation des parties de la commune dans lesquelles le service d’enlèvement des ordures ne fonctionne pas s’apprécie par rapport à la distance entre le point de passage le plus proche du véhicule et la limite de la propriété en cause, l’assujettissement étant maintenu lorsque cette distance n’excède pas 200 mètres.
Il s’ensuit que la contestation de la société Blacklabel ne présente pas, en l’état du dossier soumis à la cour, un caractère sérieux faisant obstacle à une condamnation provisionnelle et au contraire, aucun indu ne peut être, avec l’évidence requise en référé, retenu pour entrer en voie de condamnation à son profit.
En conséquence, la décision entreprise sera infirmée en ce qu’elle rejette la demande de la société Immo évolutif au titre de taxe d’enlèvement des ordures ménagères des années 2016 à 2019 et en ce qu’elle fixe la créance provisionnelle de la société Blacklabel au titre du paiement indu de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères des années 2020 et 2021 à la somme de 5632,25 euros et condamne la société Immo évolutif, après compensation à payer à la société Blacklabel la somme provisionnelle de 5969,02 euros.
La société Blacklabel sera condamnée au paiement de la somme provisionnelle de 11 479,40 euros ttc correspondant au montant de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères des années 2016 à 1019, dont les montants (respectivement 2.502,42 euros, 3.061,78 euros, 3.001,34 euros et 2.913,86 euros ) ne sont pas contestés et il sera dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de la société Blacklabel de remboursement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères des années 2020 et 2021.
En revanche, il n’y a pas lieu de prononcer une condamnation provisionnelle au titre des taxes des années 2020 et 2021 réglées par la société Blacklabel et dont celle-ci a obtenu le remboursement (sous forme d’avoir) en exécution de la décision entreprise, tant la restitution de cette somme est d’ores et déjà de plein droit acquise par le seul effet de l’infirmation de l’ordonnance entreprise.
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La société Immo évolutif sollicite la condamnation provisionnelle de la société Blacklabel au paiement de la somme de 872,42 euros au titre de la clause pénale prévue au bail, augmentée des intérêts de retard conventionnels.
Elle fonde sa réclamation sur les stipulations du bail (pages 28 et 40) qui prévoient des intérêts de retard au taux légal majoré de trois points, à compter de l’exigibilité des
sommes dues ainsi que, à titre de pénalité, une majoration de 5% de sa créance.
Cette clause pénale est sérieusement susceptible d’être modérée par le juge du fond, compte tenu de son montant qui cumulé avec les intérêts de retard peut apparaître élevé et par conséquent, de nature à conférer au créancier un avantage manifestement excessif.
Ce chef de demande sera rejeté, comme la demande de condamnation au titre des intérêts sur cette clause pénale et leur capitalisation.
La société Immo évolutif sollicite de la cour qu’elle condamne la locataire, incluant dans les dépens le coût de ces actes, au paiement des frais de sommations qu’elle a exposés, fondant sa réclamation sur les stipulations du bail qui prévoient le remboursement par le débiteur des frais de recouvrement. Il s’ensuit qu’elle réclame paiement de sa créance elle-même, alors que le juge des référés peut seulement allouer une provision de ce chef.
Il n’y a donc lieu à référé de ce chef.
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Enfin, en l’absence de toute dénonciation des actes de procédures aux créanciers inscrits, la demande de la société Immo évolutif de leur voir déclarer opposable l’arrêt à intervenir ne peut pas prospérer.
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Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et frais irrépétibles seront infirmées. Il n’y a pas lieu, pour le motif retenu ci-dessus, d’ordonner la restitution de la somme versée en exécution de la condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles.
La société Blacklabel sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés par la société Immo évolutif.
PAR CES MOTIFS
Dans la limite de l’appel dont elle est saisie
Confirme l’ordonnance du 28 février 2022 en ce qu’elle fixe la créance provisionnelle de la société Blacklabel à l’encontre de la société Immo évolutif à la somme de 801,26 euros au titre de la reddition des charges 2018 et l’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant
Condamne la société Blacklabel à payer à la société Immo évolutif la somme provisionnelle de 11 479,40 euros ttc correspondant au montant de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères des années 2016 à 1019 ;
Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de la société Blacklabel de remboursement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères des années 2020 et 2021 ;
Dit n’y avoir lieu à référé sur les autres demandes de la société Immo évolutif ;
Condamne la société Blacklabel à payer à la société Immo évolutif la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT