Exception d’inexécution : 30 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/05773

·

·

Exception d’inexécution : 30 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/05773

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/05773 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHLQQ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Février 2023 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 22/55824

APPELANTE

S.A.S. N.B. SAINT MAUR, RCS de Paris sous le n°899 569 156, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée et assistée par Me Bernard BESSIS de la SELEURL BERNARD BESSIS SELARL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0794

INTIMEES

S.C.I. ZIDOR, RCS de Paris sous le n°421 262 106, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée et assistée par Me Vanessa PERROT, avocat au barreau de PARIS, toque : J134

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 1], pris en la personne de son syndic le cabinet République immobilier (LAFORÊT)

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jesse SERFATI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0635

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 Octobre 2023, en audience publique, Laurent NAJEM, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l’article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous signature privée du 21 octobre 2015, la société Zidor a consenti à la société A Jamais Les premiers un bail commercial portant sur des locaux dépendant d’un immeuble situé [Adresse 1]) pour une durée de neuf ans à compter du 21 octobre 2015 moyennant un loyer indexé de 18.000 euros par an HT et HC payable par trimestre à échoir.

Les lieux loués sont décrits comme suit dans l’acte : « au rez-de-chaussée contre l’escalier et au fond de la cour à gauche, un atelier avec porte sur cour d’une surface de 57,8 m² (…) ». Il résulte des déclarations concordantes des parties que ce local, qui correspond au lot n°33, se trouve dans le bâtiment C de l’ensemble immobilier constituant la copropriété.

L’activité autorisée dans les lieux est la suivante : « Laboratoire alimentaire pour tous types de cuissons nécessitant une extraction, point de retrait par des livreurs non motorisés, torréfaction de café ».

 

Par acte du 2 avril 2021, la société N.B. Saint Maur a acquis le droit au bail de la société A Jamais Les Premiers.

Le 3 février 2022, le syndic de la copropriété a écrit à la société Zidor pour l’informer du prochain démarrage des travaux de reprise du sous-‘uvre du bâtiment C à compter du 14 février 2022 et l’inviter en conséquence à prendre ses dispositions pour libérer l’accès au local n°33 durant le temps des travaux et le vider de tous ses meubles afin « de ne laisser qu’une coque entièrement vide ». Par courrier du 31 mars 2022, le syndic a précisé à la société Zidor que les travaux allaient commencer le 19 avril 2022 et durer quatre mois.

Le lot n°33 n’a pas été vidé de ses meubles et équipements de sorte que les travaux prévus par le syndicat des copropriétaires dans le bâtiment C n’ont pas été réalisés.

Le 13 avril 2022, la société Zidor a fait signifier à la société N.B. Saint Maur un commandement visant la clause résolutoire du bail d’avoir à lui payer la somme de 27.377,23 euros au titre des loyers et charges, outre les frais de l’acte.

Les 17 et 20 juin 2022, la société N.B. Saint Maur a fait assigner la société Zidor et le syndicat des copropriétaires devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris.

Aux termes de ses dernières conclusions développées oralement devant le premier juge, elle demandait de :

– dire que le commandement signifié le 13 avril 2022 est nul,

– débouter le conséquence la société Zidor de sa demande de constat de l’acquisition de la clause résolutoire, A titre infiniment subsidiaire,

– accorder à la société N.B. Saint Maur un moratoire de deux ans et suspendre le paiement des loyers tant que les travaux engager par le syndicat des copropriétaires n’auront pas été achevés et après la restitution d’un local exploitable,

– dispenser la société N.B. Saint Maur du paiement des loyers entre l’acquisition du bail et la fin des travaux, celle-ci incluant le remontage des installations et la remise en état du local,

– condamner solidairement la société Zidor et le syndicat des copropriétaires payer titre provisionnel la société N.B. Saint Maur la somme de 46.752 euros TTC au titre des frais de démontage, d’entreposage et de démontage des chambres froides et du matériel,

– interdire l’exécution des travaux tant que la somme précitée n’aura pas été versée la société N.B. Saint Maur, sous réserve de tous autres préjudices évaluer une fois les travaux réalisés,

– condamner solidairement le syndicat des copropriétaires et la société Zidor au paiement provisionnel de 30.000 euros au titre du préjudice subi du fait de l’impossibilité pour la société N.B. Saint Maur d’exploiter et de développer son activité,

– débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de paiement de la somme de 38.304,20 euros,

– débouter la société Zidor et le syndicat des copropriétaires de leur demande au titre des frais irrépétibles,

– condamner solidairement les défendeurs lui payer 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 27 février 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :

ordonné à la société N.B. Saint Maur, dans le délai de 48 heures à compter de la signification de la présente ordonnance, de prendre toutes dispositions nécessaires pour permettre au syndic du syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1]) et à toute société mandatée par ce dernier, notamment la société Mimmo, d’accéder au lot n°33 qu’elle occupe en vertu du bail du 21 octobre 2015 afin d’y réaliser, sous le contrôle de l’architecte de la copropriété, les travaux concernant ledit lot votés lors des assemblées générales des copropriétaires des 8 décembre 2020 et 21 mai 2021 ainsi que les travaux figurant dans la liste annexée au courrier du 31 août 2022 du Service Technique de l’Habitat de la Ville de Paris, et ce pendant toute la durée de réalisation desdits travaux,

A défaut pour la société N.B. Saint Maur de donner suite à cette injonction dans le délai de 48 heures,

autorisé le syndic et toute société mandatée par ce dernier, notamment la société Mimmo, à accéder au lot n°33 afin d’y réaliser les travaux précités, et ce pendant toute la durée de réalisation desdits travaux ;

dit que pour accéder au lot n°33, le syndic pourra se faire assister d’un serrurier et si besoin du concours de la force publique ainsi que d’un commissaire de justice ;

Afin de permettre l’exécution des travaux précités,

autorisé le syndicat des copropriétaires à faire procéder par toute entreprise qualifiée et assurée de son choix aux opérations nécessaires de démontage, d’entreposage et de remontage des chambres froides et du matériel se trouvant dans le lot n°33, sous sa responsabilité et à ses frais avancés ;

dit que le syndic, s’il le souhaite ou à la demande de la société Zidor ou de la société N.B. Saint Maur, pourra faire dresser, aux frais du syndicat des copropriétaires, un constat par commissaire de justice afin de décrire l’état du lot n°33, des chambres froides et du matériel s’y trouvant avant les opérations de démontage et le commencement des travaux, ledit constat étant établi en présence du syndic, de la société Zidor et de la société N.B. Saint Maur ou ceux-ci dûment convoqués par le syndic ;

autorisé la société N.B. Saint Maur à suspendre le paiement du loyer et des charges dus à la société Zidor à compter de l’engagement, dans le lot n°33, des travaux votés par l’assemblée générale des copropriétaires et des travaux exigés par le Service Technique de l’Habitat de la Ville de [Localité 7] et ce jusqu’à la restitution du local dans des conditions permettant la reprise de l’exploitation commerciale prévue par le bail ;

condamné la société N.B. Saint Maur à payer à la société Zidor la somme provisionnelle de 41.172,72 euros à valoir sur l’arriéré de loyers, charges et taxes selon décompte arrêté au 13 septembre 2022, échéance du quatrième trimestre 2022 incluse ;

constaté l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail du 21 octobre 2015 portant sur les locaux situés [Adresse 1]), avec effet à la date du 13 mai 2022 à 24h00 ;

accordé à la société N.B. Saint Maur des délais de paiement ;

dit que la société N.B. Saint Maur pourra s’acquitter du paiement de la provision précitée de 41.172,72 euros en six mensualités successives de 1.000 euros suivie de dix-sept mensualités successives de 2.000 euros et d’une dernière mensualité soldant la dette, étant précisé que les versements devront avoir lieu le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la présente ordonnance ;

dit que les effets de la clause résolutoire seront suspendus durant le cours des délais accordés ;

dit qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité à échéance, la clause résolutoire reprendra ses effets, et :

le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,

l’expulsion de la société N.B. Saint Maur pourra être poursuivie ainsi que celle de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 1], avec l’assistance, si besoin, de la force publique et d’un serrurier,

le sort des meubles se trouvant dans les lieux loués sera régi conformément aux articles L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

la société N.B. Saint Maur sera condamnée payer, à titre provisionnel, la société Zidor une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer tel qu’il résulterait de la poursuite du contrat outre les charges et taxes exigibles en vertu du bail expiré, et ce jusqu’à la libération effective des lieux et la remise des clés,

dit sans objet la demande de garantie de la société Zidor et du syndicat des copropriétaires ;

dit n’y avoir lieu à référé sur les autres demandes ;

débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société N.B. Saint Maur au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 13 avril 2022 et les frais de levée des extraits Kbis et des états d’endettement acquittés par la société Zidor auprès du tribunal de commerce.

Par déclaration du 24 mars 2023, la société N.B. Saint Maur a interjeté appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2023, la société N.B. Saint Maur demande à la cour, au visa des articles 1219, 1231-1 et 1719 du code civil, de l’article L. 145-41 du code de commerce et de l’article 648 du code de procédure civile, de :

déclarer son appel recevable et bien fondé ;

infirmer l’ordonnance de référé rendue, en ce qu’elle a indiqué qu’il n’entrait pas dans les pouvoirs du juge des référés de constater qu’un commandement délivré sans mention du nom du demandeur est nul, contrairement aux dispositions de l’article 648 du code de procédure civile alors que ce constat relevait directement des pouvoirs du juge des référés et de son application des dispositions des textes législatifs ;

infirmer également l’ordonnance de référé rendue en ce qu’elle a exclu l’existence d’un grief à ce défaut de délivrance régulier de l’acte, alors d’une part qu’il faisait jouer la clause résolutoire du contrat et qu’il portait donc sur la résiliation du bail d’autre part que l’impossibilité d’exploiter de la société N.B. Saint Maur excluait qu’elle ait pu le réceptionner ;

infirmer par voie de conséquence l’ordonnance de référé en ce qu’elle a constaté l’acquisition de la clause résolutoire inscrite au contrat et a ordonné l’expulsion de la société N.B. Saint Maur ;

A titre complémentaire,

infirmer l’ordonnance rendue en ce qu’elle a condamné la société N.B. Saint Maur au paiement de 41.172,72 euros à titre d’arriéré locatif ;

suspendre tout règlement de loyers depuis la cession du bail intervenue le 24 mars 2023 jusqu’à la remise du local en bon état, meubles et chambres froides remontés ;

confirmer l’ordonnance rendue en ce qu’elle a suspendu le paiement des loyers et charges tant que les travaux engagés par le syndicat n’auront pas été achevés et après restitution d’un local exploitable avec un matériel en état de fonctionnement ;

l’infirmer en ce qu’elle a exclu l’existence d’un quelconque préjudice subi par la société N.B. Saint Maur à compter de l’acquisition du droit au bail ;

Subsidiairement,

confirmer l’ordonnance rendue en ce qu’elle a suspendu le paiement des loyers et charges tant que les travaux engagés par le syndicat n’auront pas été achevés et après restitution d’un local exploitable avec un matériel en état de fonctionnement ;

accorder à la société N.B. Saint Maur un moratoire de deux ans pour payer le montant des sommes que la cour estimerait dues par provision ;

condamner solidairement la SCI Zidor et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] au paiement d’une provision de 30.000 euros à titre de provision pour le préjudice subi du fait de l’impossibilité d’exploiter ;

infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté la société N.B. Saint Maur de sa demande de frais irrépétibles ;

les condamner solidairement au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens dont distraction au profit de Bernard Bessis SELARL en vertu des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société N.B. Saint Maur fait valoir que le nom du demandeur n’est pas mentionné en tête du commandement, de sorte que cet acte est nul, conformément à l’article 648 du code de procédure civile et elle considère qu’il appartenait au premier juge de constater que les mentions faisaient défaut et d’annuler l’acte ou de constater l’existence d’une contestation sérieuse. Elle précise qu’elle n’a jamais reçu l’acte et que faute de délivrance conforme le local ne pouvait pas être exploité.

Elle soutient qu’elle n’a jamais pu bénéficier d’une jouissance paisible des lieux ; que le local est affecté par de nombreuses fissures ; que l’ensemble est incliné sur la partie opposée à la cour ; qu’elle a ainsi soulevé une exception d’inexécution de la part de la bailleresse quant à son obligation de délivrance, la contrepartie au paiement n’existant pas. Elle estime que la preuve du défaut de délivrance et de l’impossibilité d’exploiter les locaux est rapportée.

Elle se prévaut d’un préjudice financier résultant d’une absence de chiffre d’affaires et de résultat pour lequel elle réclame la somme de 30 000 euros.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 mai 2023, la SCI Zidor demande à la cour, au visa de l’article 835 du code de procédure civile et de l’article L. 145-41 du code de commerce, de :

confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a accordé un délai de paiement de vingt-quatre mois ;

Statuant à nouveau sur ce point,

débouter la société N.B. Saint Maur de sa demande de délais ;

A titre subsidiaire, concernant l’acquisition de la clause résolutoire, si par extraordinaire, la cour devait estimer que la nullité du commandement du 12 avril 2022 est une contestation sérieuse,

constater la résiliation du bail commercial par effet de l’acquisition de la clause résolutoire en date du 24 février 2023 ;

ordonner l’expulsion de la société N.B. Saint Maur ainsi que celle de tous occupants de son chef si besoin est avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier des locaux commerciaux qu’elle occupe dans l’immeuble sis [Adresse 1]) ;

ordonner, à défaut d’enlèvement volontaire, la séquestration de tous les meubles et objets mobiliers garnissant les lieux occupés dans tel garde meuble qu’il plaira à la SCI Zidor et ce, aux frais, risques et périls de la société N.B. Saint Maur ;

fixer l’indemnité d’occupation mensuelle au montant du dernier loyer contractuel augmenté de la provision pour charges et de tout taxe s’ajoutant contractuellement et condamner par provision la société N.B. Saint Maur à lui payer les sommes dues de ce chef jusqu’à la libération définitive des lieux ;

Dans tous les cas,

débouter la société N.B. Saint Maur de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

condamner la société N.B. Saint Maur à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens qui comprendront le coût du commandement et le coût des extrait Kbis et des états d’endettement.

La SCI Zidor fait valoir que si son nom ne figure pas en première page du commandement, il est porté dans le décompte, de sorte qu’il n’y a aucun grief. Elle précise qu’en tout état de cause, un second commandement a été délivré.

Elle considère que la clause résolutoire est claire et précise et que le juge des référés est compétent en l’espèce pour statuer sur le litige. Elle souligne que la société N.B. Saint Maur n’a pas régularisé sa situation dans le délai d’un mois de sorte que la clause résolutoire est acquise.

Elle soutient que la locataire ne s’est jamais plainte de l’état des locaux ; que l’immeuble est en travaux depuis plusieurs années ; que l’appelante se saisit donc du prétexte des travaux, feignant de les découvrir, pour faire supporter à son bailleur le coût d’acquisition du fonds. Elle allègue qu’en refusant de libérer les lieux, la société N.B. Saint Maur est à l’origine de l’aggravation des fissures dont elle se plaint.

Elle fait valoir que le fait que l’appelante ait laissé les lieux dans un état de saleté déplorable n’enlève rien au fait qu’elle a été en mesure d’exploiter, dès son entrée dans les lieux.

Elle allègue que sa locataire ne respecte pas les délais accordés ; qu’elle entend conserver le dépôt de garantie conformément au bail puisque la clause résolutoire est acquise.

Le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, a constitué avocat mais il n’a pas conclu.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 octobre 2023.

SUR CE, LA COUR

Sur le périmètre de l’appel

Il convient de constater que le syndicat des copropriétaires n’a pas conclu mais que les parties ne critiquent pas la décision en ce qu’elle a ordonné à la société N.B. Saint Maur de laisser le syndic accéder au local qu’elle occupe. La décision n’est pas davantage critiquée en ce qu’elle a :

– autorisé le syndicat des copropriétaires à faire procéder par toute entreprise qualifiée et assurée de son choix aux opérations nécessaires de démontage, d’entreposage et de remontage des chambres froides et du matériel se trouvant dans le lot n°33, sous sa responsabilité et à ses frais avancés ;

– dit que le syndic, s’il le souhaite ou à la demande de la société Zidor ou de la société N.B. Saint Maur, pourra faire dresser, aux frais du syndicat des copropriétaires, un constat par commissaire de justice afin de décrire l’état du lot n°33, des chambres froides et du matériel s’y trouvant avant les opérations de démontage et le commencement des travaux, ledit constat étant établi en présence du syndic, de la société Zidor et de la société N.B. Saint Maur ou ceux-ci dûment convoqués par le syndic.

Sur la nullité du commandement visant la clause résolutoire

Il convient de rappeler qu’il n’appartient pas à la cour, statuant comme juge des référés, de prononcer la nullité d’un commandement de payer, sachant qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du magistrat des référés de prononcer une telle nullité. Le juge des référés en revanche peut déterminer si les éventuelles irrégularités, invoquées à l’encontre du commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l’empêchant de constater la résolution du bail.

En l’espèce, la société N.B. Saint Maur fait valoir que le nom du requérant au commandement visant la clause résolutoire n’est pas mentionné dans l’acte, lequel contrevient dès lors aux dispositions de l’article 648 du code de procédure civile puisque tout acte d’huissier doit notamment comporter la dénomination de la personne morale requérante et ce, à peine de nullité.

Le défaut d’indication de la personne morale relève du régime des nullités pour vice de forme : il est donc nécessaire que le destinataire de l’acte démontre qu’il a pu se méprendre sur l’identité de la société demanderesse ou qu’il a pu ignorer qui elle était et que l’irrégularité commise lui cause un grief, conformément aux dispositions de l’article 114 du code de procédure civile.

Le commandement de payer en date du 13 avril 2022 mentionne le nom de l’huissier qui a délivré l’acte mais nullement le nom du bailleur en en-tête, la société Zidor. Cependant l’adresse des lieux est indiquée, ainsi que le fait que l’acte est délivré « en vertu d’un (‘) bail en date du 21/10/2015 dont [la société N.B. Saint Maur est] cessionnaire ».

Il en résulte que le preneur savait à quel titre les sommes étaient réclamées et partant, l’identité de la partie qui les lui réclamaient ne faisait aucun doute.

La clause résolutoire est reproduite dans l’acte litigieux sous la forme de la page du bail correspondante. Surtout, le décompte annexé à l’acte comporte bien le nom du bailleur, la SCI Zidor.

Par conséquent, il ne peut être sérieusement soutenu à la lecture de cet acte que la société N.B. Saint Maur aurait pu se méprendre sur l’identité du requérant. Il ne résulte donc aucun grief de cette omission.

Enfin, il n’existe aucun lien entre le défaut d’indication du nom du bailleur dans l’acte dont fait état la locataire et l’impossibilité alléguée d’occuper les lieux.

Par conséquent, c’est à bon droit que le premier juge a considéré que la contestation soulevée à ce titre pour faire obstacle à la mise en ‘uvre de la clause résolutoire est dépourvue de caractère sérieux.

Sur les causes du commandement, l’exception d’inexécution et l’acquisition de la clause résolutoire

La société N.B. Saint Maur se prévaut d’une exception d’inexécution : elle allègue qu’elle n’a jamais pu bénéficier d’une jouissance paisible des lieux, ni d’une délivrance conforme au bail. Elle expose que, dès qu’elle a pénétré dans les lieux, elle a constaté une impossibilité d’exploiter les locaux, tenant notamment à l’existence de fissures sur les murs.

La cession du droit au bail à son bénéfice est intervenue suivant acte du 2 avril 2021.

La société N.B. Saint Maur ne justifie d’aucun courrier, d’aucune mise en demeure adressée à son bailleur invoquant l’impossibilité d’exploiter dont elle fait pourtant état dès son entrée dans les lieux et jusqu’en 2022, alors même que, selon ses allégations, le paiement du loyer et des charges n’aurait eu aucune contrepartie faute de jouissance des lieux et ce, depuis l’origine.

Elle produit un procès-verbal de constat en date du 11 février 2022 illustré de photographies (sa pièce 8) qui attestent de l’existence de nombreuses fissures dans les locaux.

Un second procès-verbal en date du 24 mars 2023 établit que les lieux (lot 33) sont très dégradés, les sols et murs présentent des lézardes encore plus importantes et le faux plafond s’effondre.

Cependant, dans l’acte de cession intervenu entre la société A Jamais les premiers, cédant, et M. [R], agissant en qualité de président de la société R.M. Consulting, elle-même présidente de la société N.B. Invest seule associée de la société N.B. Saint Maur en cours de constitution, cessionnaire (page 7), il a été stipulé : « Le Cédant informe le Cessionnaire que la copropriété va entreprendre en 2022 et 2023 des travaux de structures importants notamment dans les bâtiments C & D. Pour le bâtiment D, une reprise des fondations avec installation de micro-pieux sera entreprise. Pour le bâtiment C, une consolidation de la structure par injection de résine est prévue tout comme le remplacement de l’escalier du rez-de-chaussée au 1er étage.

(‘)

La gêne qui en résultera a été intégrée dans la fixation du prix de cession ».

Il est précisé que, selon les informations du syndic, les travaux engendreront une immobilisation du local pour une durée de un à trois mois.

Est annexé à l’acte et paraphé par les parties, un courriel en date du 8 janvier 2021 qui confirme l’existence de travaux dans la cour et annonce une seconde phase qui ne débutera pas « avant fin 2022 voire 2023 ».

Au surplus, il est indiqué dans l’acte, de manière classique, que « Le Cessionnaire déclare bien connaître les lieux pour les avoir visités en vue de la présente cession » (article 1, page 3). Il est fait état de visites « à plusieurs reprises »des locaux (page 6 de l’acte).

Il en résulte que la société N.B. Saint Maur ne peut prétendre avoir découvert au moment de son entrée dans les lieux la nécessité de travaux de très ampleur et justifiant d’ailleurs qu’elle libère les locaux le temps qu’ils soient menés ; l’état dégradé des lieux a expressément influé sur le prix de la cession.

Le courrier de la société N.B. Saint Maur en date du 8 février 2022 et aux termes duquel elle indique notamment n’avoir jamais été informée par son bailleur de « quelconques travaux dans l’immeuble (‘) » n’est pas conforme aux stipulations expresses de l’acte de cession.

En outre, l’absence de libération des locaux pour procéder aux travaux prévus de longue date a nécessairement conduit à une aggravation de l’état des lieux.

Comme l’a relevé le premier juge, cette impossibilité d’exploiter depuis l’origine n’est étayée d’aucune autre pièce que les procès-verbaux de constat, tenant par exemple au refus allégué des salariés à travailler dans les locaux.

Dès lors, c’est à bon droit que le premier juge a retenu que la société N.B. Saint Maur n’opposait pas de contestation sérieuse aux effets du commandement.

La dette d’un montant de 41.172,72 euros selon décompte arrêté au 9 septembre 2022, échéance du 4ème trimestre inclus, n’est pas contestée en son quantum. Elle n’est pas actualisée compte tenu des travaux.

L’ordonnance déférée sera confirmée de ce chef.

Il est constant que les causes du commandement délivré le 13 avril 2022 n’ont pas été réglées dans le mois de sa délivrance et par ailleurs il a été relevé, que ni l’omission du nom de bailleur dans cet acte ni l’exception d’inexécution ne présentent de caractère sérieux susceptible de remettre en cause la validité de cet acte ou la bonne foi du bailleur dans sa délivrance.

Par conséquent, il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 13 mai 2022 à 24 heures.

S’agissant de la demande de conservation du dépôt de garantie formée par le bailleur dans le corps de ses conclusions, conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour observe que ladite demande n’est pas reprise dans le dispositif et qu’elle n’en ait donc pas saisie.

Le premier juge a autorisé la société N. B. Saint Maur à suspendre le paiement du loyer et des charges dus à la société Zidor à compter de l’engagement, dans le lot n°33, des travaux votés par l’assemblée générale des copropriétaires et des travaux exigés par le Service Technique de l’Habitat de la Ville de [Localité 7] et ce, jusqu’à la restitution du local dans des conditions permettant la reprise de l’exploitation commerciale prévue par le bail. Cette disposition n’est pas critiquée par le bailleur qui en demande la confirmation.

En revanche, compte tenu de ce qui a été retenu et confirmant en cela la décision du premier juge, il n’y a pas lieu à « suspendre »le paiement des loyers pour la période antérieure, la société N.B. Saint Maur sollicitant une suspension « depuis la cession du bail intervenue le 24 mars 2023 », – la cession à son profit est intervenue le 2 avril 2021.

Sur les délais de paiement

L’article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Aux termes des dispositions de l’article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L’ordonnance entreprise a alloué des délais au locataire sur 24 mois.

Le bailleur sollicite l’infirmation en relevant que ces délais n’ont pas été respectés, la première mensualité de 1.000 euros n’ayant pas été réglée.

Cependant, les travaux étant actuellement en cours dans les lieux empêchant leur exploitation, il y a lieu de confirmer la décision en ce qu’elle a accordé des délais mais, compte tenu de l’évolution du litige, de les accorder selon les modalités nouvelles prévues dans le dispositif de la présente décision.

Sur la demande provisionnelle au titre de l’impossibilité d’exploiter les lieux

La société N.B. Saint Maur réclame la condamnation de son bailleur et du syndicat des copropriétaires solidairement à payer la somme provisionnelle de 30 000 euros au titre du préjudice résultant de ce qu’elle n’a pu réaliser ni son chiffre d’affaires ni le résultat prévu lors de son acquisition du droit au bail.

Cependant, elle n’apporte aucun élément notamment comptable pour justifier de sa situation financière et des prévisions qui étaient les siennes s’agissant de l’exploitation des locaux, de sorte que cette demande se heurte à une contestation sérieuse qu’il n’appartient pas à la cour de trancher sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile.

La décision déférée sera confirmée, en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à avoir lieu à référé sur ce point.

Sur les autres demandes

Le sens de la décision conduit à confirmer les dispositions de la décision déférée en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens.

A hauteur d’appel, la société N.B. Saint Maur sera condamnée aux dépens – il n’y a pas lieu de préciser qu’ils comprennent le coût du commandement et des états d’endettement et Kbis, la décision déférée confirmée sur ce point l’a déjà précisé.

L’équité commande de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l’appel,

Confirme la décision déférée, sauf s’agissant des modalités des délais de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire ;

Statuant de nouveau de ce chef et y ajoutant,

Dit que la société N.B. Saint Maur pourra s’acquitter de la somme de 41.172,72 euros, en plus des loyers courants, en vingt-trois mensualités successives de 1.500 euros et une vingt-quatrième réglant le solde, le premier versement devant intervenir avant le 15 du mois suivant la signification du présent arrêt et les versements suivants avant le 15 de chaque mois ;

Suspend les effets de la clause résolutoire pendant le cours de ce délai, laquelle sera réputée n’avoir jamais joué si la société N.B. Saint Maur se libère de sa dette dans ce délai et si les loyers courants augmentés des charges, taxes et accessoires afférents sont payés pendant le cours de ce délai dans les conditions fixées par le bail commercial ;

Dit qu’à défaut de paiement d’une seule des mensualités à bonne date dans les conditions ci-dessus fixées ou du loyer courant augmenté des charges, taxes et accessoires afférents à leur échéance, et huit jours après l’envoi d’une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception :

la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible ;

la clause résolutoire reprendra son plein effet ;

faute de départ volontaire des lieux loués, il pourra être procédé à l’expulsion de la société N.B. Saint Maur de tous occupants de son chef des locaux loués, avec le concours de la force publique si nécessaire ;

le sort des meubles trouvés sur place sera régi par les articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;

la société N.B. Saint Maur sera condamnée, jusqu’à la libération effective des lieux, à payer à la société Zidor une indemnité provisionnelle d’occupation égale au montant du loyer, augmenté des charges, taxes et accessoires, qui aurait été dû si le bail s’était poursuivi ;

Condamne la société N.B. Saint Maur aux dépens d’appel ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x