06/12/2023
ARRÊT N°453
N° RG 21/01826 – N° Portalis DBVI-V-B7F-ODXF
SM/AA
Décision déférée du 11 Mars 2021
Tribunal de Commerce de TOULOUSE
(2019J00763)
M. [C]
S.A.R.L. ARTEL SOCIETE NOUVELLE
C/
S.A.R.L. CRESTEY SINTES
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A.R.L. ARTEL SOCIETE NOUVELLE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Christophe DULON, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A.R.L. CRESTEY SINTES
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Céline MOULY, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. MOULAYES, Conseillère, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
S.MOULAYES, conseillère
F. PENAVAYRE, magistrat honoraire exerçant des fonctions à titre juridictionnelle
Greffier, lors des débats : C. OULIE
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par V. SALMERON, présidente, et par C.OULIE, greffière.
Faits et procédure
La Sarl Artel Société Nouvelle est intervenue comme sous-traitant de la société Bouygues, entrepreneur principal, dans le cadre d’un marché concernant l’extension de la capacité d’accueil d’une station du métro de [Localité 4], signé avec Tisséo Collectivité en qualité de maître de l’ouvrage.
Selon contrat du 20 mai 2019, elle a sous traité à la Sarl Crestey Sintes la réalisation de travaux de manutention et pose de vitrage chiffrés à 8 784.08 € HT, étant précisé que ces travaux devaient intervenir de nuit, entre 00h30 et 05H30, lors de la fermeture de la station de métro.
La nuit du 13 au 14 juin 2019 a été fixée pour cette intervention et le sous-traitant de second rang en a été informé.
La Sarl Crestey Sintes s’est organisée pour procéder à ces travaux, et a notamment libéré le planning des deux employés qui devaient intervenir, et loué du matériel.
Le 13 juin 2019 à 16h15 la Sarl Artel Société Nouvelle a avisé par mail la Sarl Crestey Sintes de l’annulation de la mission en raison d’une manifestation culturelle organisée au sein de la ville, occasionnant la prolongation des horaires d’ouverture du métro.
La Sarl Crestey Sintes a sollicité de la Sarl Artel Société Nouvelle le paiement des frais engagés pour la location du matériel, et pour la perte d’exploitation liée à la modification du planning d’intervention des deux salariés mobilisés pour intervenir sur le chantier.
Un litige est né entre les parties, le sous-traitant de second rang sollicitant l’indemnisation de son préjudice avant de prévoir une nouvelle date d’intervention.
Par acte du 11 octobre 2019, la Sarl Crestey Sintes a fait délivrer assignation en paiement devant le tribunal de commerce de Toulouse à la Sarl Artel Société Nouvelle.
Par jugement du 11 mars 2021, le tribunal de commerce de Toulouse a :
– condamné la Sarl Artel Société Nouvelle à payer à la Sarl Crestey Sintes la somme de 8 800€ à titre de dommages et intérêts ;
– débouté la Sarl Artel Société Nouvelle de sa demande reconventionnelle ;
– prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la Sarl Artel Société Nouvelle à effet du 9 juillet 2019
– ordonné l’exécution provisoire
– condamné la Sarl Artel Société Nouvelle à payer à la Sarl Crestey Sintes la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné la Sarl Artel Société Nouvelle aux dépens.
Par déclaration en date du 21 avril 2021, la Sarl Artel Société Nouvelle a relevé appel du jugement. La portée de l’appel est la réformation de l’ensemble des chefs du jugement, que la déclaration d’appel critique tous expressément.
La clôture est intervenue le 24 octobre 2022.
L’affaire, initialement appelée à l’audience du 23 novembre 2022, a été finalement fixée à l’audience du 11 octobre 2023.
Prétentions et moyens
Vu les conclusions d’appelant n°2 notifiées le 13 octobre 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sarl Artel Société Nouvelle demandant, au visa de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, et des articles 1217, 1219, 1224 et 1227 du Code Civil, de :
– rejetant toutes conclusions contraires ;
– réformer le jugement du Tribunal de Commerce de Toulouse en date du 11 mars 2021 en ce qu’il a :
– condamné la Sarl Artel Société Nouvelle à payer à la Sarl Crestey Sintes la somme de 8 800€ à titre de dommages et intérêts ;
– débouté la Sarl Artel Société Nouvelle de sa demande reconventionnelle ;
– prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la Sarl Artel Société Nouvelle à effet du 9 juillet 2019
– ordonné l’exécution provisoire
– condamné la Sarl Artel Société Nouvelle à payer à la Sarl Crestey Sintes la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné la Sarl Artel Société Nouvelle aux dépens.
Et statuant à nouveau :
– débouter la Sarl Crestey Sintes de ses demandes, fins et prétentions;
– reconventionnellement, dire et juger, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de sous-traitance en date du 10.05.2019 aux torts exclusifs de la Sarl Crestey Sintes, à effet du 9.07.2019, date de la mise en demeure de réaliser la prestation ;
– subsidiairement si par extraordinaire la Sarl Artel Société Nouvelle devait être tenue d’indemniser la Sarl Crestey Sintes pour une faute qu’elle n’a pas commise, dire et juger que le montant de cette indemnisation se compense avec le coût des prestations qu’Artel a dû exécuter en lieu et place de la Sarl Crestey Sintes, soit le coût du marché de 8 784.00 € HT totalement inexécuté
– en tout état de cause, condamner la Sarl Crestey Sintes à payer à Artel la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’Article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens .
La société Artel fait valoir qu’en sa qualité de sous-traitant de premier niveau, elle ne saurait être tenue pour responsable du calendrier fixé par le maître de l’ouvrage ou des aléas d’organisation ; elle estime que la décision du maître de l’ouvrage d’annuler le jour même la prestation prévue est un cas de force majeure l’exonérant de sa responsabilité.
Elle ajoute que la Société Crestey Sintes a manqué à ses obligations contractuelles relatives à l’ajournement de la prestation, et qu’elle n’était pas fondée à opposer une exception d’inexécution, dans la mesure où la seule obligation de l’appelante était de payer le prix d’une prestation effectivement réalisée.
Elle sollicite ainsi la résiliation judiciaire du contrat de sous-traitance aux torts exclusifs de Crestey Sintes.
Vu les conclusions notifiées le 14 octobre 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sarl Crestey Sintes demandant, aux visas des articles 1103, 1104, 1194, 1217, 1218, 1219, 1220 et 1231-1 Code civil, et des articles 515, 696 et 700 du Code de procédure civile, de :
– rejetant toutes conclusions contraires comme étant injustes et mal fondées,
– confirmer le jugement de 1ère instance dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a fixé à 8 800 euros les dommages et intérêts alloués à la Sarl Crestey Sintes
– allouer à la Sarl Crestey Sintes 10 800 € à titre de dommages-intérêts ;
Y ajoutant,
– condamner la société Artel Société Nouvelle au paiement de 2 500 euros à la Sarl Crestey Sintes, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La société Crestey Sintes réfute tout cas de force majeure, et rappelle qu’en sa qualité de sous-traitant de premier rang, la Sarl Artel Société Nouvelle doit répondre de son exécution fautive comme l’entrepreneur principal ; ainsi, elle doit l’indemniser du préjudice lié à la location du matériel nécessaire pour intervenir, et de la perte d’exploitation liée à l’organisation spécifique du planning d’intervention de ses employés pour la réalisation de la prestation annulée.
Elle affirme avoir mis en ‘uvre son exception d’inexécution, afin de se préserver d’une nouvelle exécution fautive d’Artel lui causant un préjudice financier, et rappelle que la société Artel n’a pas donné suite à ses propositions de nouvelles dates d’intervention.
MOTIFS
Sur l’exécution fautive du contrat de sous-traitance
Sur la force majeure
Il ressort des dispositions de l’article 1218 du code civil qu’il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Il résulte de ce texte que pour constituer une force majeure, l’événement invoqué doit être imprévisible et irrésistible.
La Sarl Artel Société Nouvelle, qui se prévaut de ces dispositions, ne les établit pas au cas de l’espèce.
En effet le maître de l’ouvrage a refusé l’intervention au motif de l’ouverture tardive de la station de métro dans laquelle la prestation devait avoir lieu, et ce alors que l’intervention était prévue pour avoir lieu de nuit, lors des heures de fermeture au public de la station.
Cette ouverture tardive était liée à une manifestation festive prévue depuis plusieurs mois, qui ne présentait donc aucun caractère imprévisible.
Il est constant qu’un événement ne peut pas être considéré imprévisible lorsqu’il est possible de l’anticiper, ni être considéré irrésistible si des mesures raisonnables permettent d’en empêcher la survenance
Il appartenait à la Sarl Artel Société Nouvelle, qui en sous-traitant une partie de son lot à la Sarl Crestey Sintes est devenue son entrepreneur principal, de mettre cette dernière en mesure de réaliser sa prestation.
L’opération consistait en la réalisation de travaux de nuit dans une station de métro qui devait être fermée au public, avec l’utilisation d’un matériel particulier qui, selon le compte rendu de réunion du 28 mai 2019, devait faire l’objet des vérifications de faisabilité importantes.
Il appartenait à l’entrepreneur principal d’anticiper et de prévoir les nombreux aléas susceptibles d’intervenir sur une telle opération.
La Sarl Artel Société Nouvelle, en se bornant à affirmer qu’elle n’a pas elle-même décidé d’annuler la prestation du 13 juin 2019, n’est pas fondée à invoquer la force majeure pour s’exonérer de sa responsabilité, alors que l’événement allégué n’était ni imprévisible ni irrésistible.
Sur les fautes contractuelles reprochées à la Sarl Crestey Sintes
Il ressort des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Les parties ont signé le 10 mai 2019 un contrat de sous-traitance précisant les conditions particulières de leurs engagements, et renvoyant pour le reste expressément aux « conditions générales du contrat de sous-traitance du BTP ‘ Edition 2014 ».
Ces textes font la loi des parties ; il n’y a pas lieu de tenir compte de conditions non visées au contrat, telles que le Cahier des Clauses Administratives Générales auquel se réfère la société appelante.
La Sarl Artel Société Nouvelle reproche plusieurs fautes à la société sous-traitante, qui n’aurait pas respecté les conditions générales et particulières de son engagement ; elle indique ainsi que la Sarl Crestey Sintes s’est engagée « sans limite » à accepter les travaux supplémentaires, que l’éventualité d’une prolongation du délai d’exécution était prévue au contrat, et que le sous-traitant avait l’obligation de l’assister dans ses réclamations dirigées contre le maître de l’ouvrage.
Ces arguments sont toutefois inopérants ; en effet, la lecture des conditions générales permet de relever que l’engagement « sans limite » du sous-traitant ne concernait que les augmentations ou diminutions résultant d’un changement de la masse des travaux ou de la nature des ouvrages prévus.
En l’espèce, les frais supplémentaires sont liés à l’obstacle fait à la réalisation de la prestation, et non à une modification de la masse des travaux.
Par ailleurs, à l’inverse de ce qu’affirme la Sarl Artel Société Nouvelle, la prestation litigieuse a bien été annulée, et non reportée.
Elle l’admet elle-même dans l’avenant au contrat rédigé pour convenir d’une nouvelle date de prestation, que la société Crestey Sintes n’a pas souhaité signer, dont l’objet est « annulation de la prestation de manutention et pose de vitrage ».
Le contrat de sous-traitance vient en tout état de cause exclure expressément toute prolongation du délai d’exécution dans l’article 7-4 des conditions particulières, qui priment sur les conditions générales.
Ainsi, la société appelante n’est pas fondée à se prévaloir des conditions générales relatives aux retard ou prolongations de délais.
En outre, si la société Artel reproche à son sous-traitant de ne pas l’avoir assistée dans ses réclamations auprès du maître de l’ouvrage, conformément aux dispositions de l’article 4-318 des conditions générales, la Cour constate que l’appelante ne justifie pas d’une quelconque réclamation portée par celle-ci contre Tisséo, maître de l’ouvrage, en lien avec l’annulation de la prestation.
Aucun manquement contractuel ne peut donc être reproché à la Sarl Crestey Sintes, le contrat ne prévoyant aucune hypothèse d’annulation de la prestation ou de prolongation des délais d’exécution.
Dans un second temps, la société appelante reproche à l’intimée de lui avoir opposé une exception d’exécution non fondée ; la Sarl Crestey Sintes à l’inverse affirme avoir voulu se prémunir d’un risque de nouvelle inexécution alors même qu’elle n’était pas encore indemnisée de son préjudice résultant de l’annulation brutale de son intervention.
L’article 1219 du code civil permet à une partie de refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
L’article 1220 ajoute qu’une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle.
En l’espèce, la Sarl Crestey Sintes a sollicité dès le 13 juin 2019, jour de la prestation annulée, l’indemnisation de son préjudice en transmettant à la Sarl Artel Société Nouvelle une facture d’indemnisation.
Le sous-traitant a proposé à deux reprises à la société Artel de nouvelles dates d’interventions qui soit ont été refusées, soit n’ont donné lieu à aucune réponse dans les délais de l’option posée auprès du fournisseur de matériel.
Alors que la Sarl Crestey Sintes a sollicité à plusieurs reprises le paiement de sa facture d’indemnisation, ce n’est que par message électronique du 3 juillet 2019 que la Sarl Artel Société Nouvelle a exprimé son refus de payer cette facture.
La Sarl Crestey Sintes n’a commis aucune faute en suspendant l’exécution de ses obligations contractuelles dans l’attente de l’indemnisation de son préjudice, face à un entrepreneur principal qui, après avoir brutalement annulé la réalisation de la prestation, a refusé de l’indemniser des frais engagés sans formuler au minimum un projet d’indemnisation précis, et n’a pas donné suite à ses propositions de nouvelles dates d’intervention.
Elle était donc fondée à opposer une exception d’inexécution.
Sur la résiliation du contrat
Il a été précédemment rappelé que la société Artel, en sa qualité d’entrepreneur principal à l’égard de son sous-traitant, avait l’obligation de mettre la Sarl Crestey Sintes en mesure d’exécuter sa prestation ; l’inexécution fautive de la Sarl Artel Société Nouvelle, qui a fait preuve de négligence dans l’organisation de l’intervention de son sous-traitant, tant en annulant brutalement sa prestation qu’en ne faisant pas diligence pour répondre aux propositions de nouvelles interventions dans les délais de l’option posée auprès du fournisseur, doit entraîner la résiliation judiciaire du contrat à ses torts exclusifs.
La Cour confirmera ainsi la décision du tribunal de commerce de ce chef.
Sur la demande en paiement
Selon l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
La Sarl Crestey Sintes sollicite l’indemnisation de son préjudice à hauteur de 10 800 euros détaillée comme suit :
– 4 000 euros au titre de la location du matériel ;
– 4 800 euros pour son préjudice d’exploitation résultant des journées non travaillées par les deux employés qui devaient intervenir de nuit ;
– 2 000 euros en réparation de la résistance abusive de l’appelante.
Il ressort de l’article 9 du code de procédure civile, qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
La Sarl Crestey Sintes verse aux débats le devis émis par son fournisseur pour la location du matériel nécessaire et la mise à disposition d’un technicien pour 8 heures de travail d’un montant de 4 000 euros ht ; elle produit également une facture portant sur ce même montant, datée du 17 juin 2019, mentionnant le chantier annulé du 13 juin 2019.
Ce préjudice est certain et doit être réparé.
En revanche, la Sarl Crestey Sintes échoue à rapporter la preuve de son préjudice d’exploitation ; si en effet elle a organisé le planning d’intervention de ses deux employés en fonction de la prestation de nuit prévue, elle ne produit aucun élément permettant sérieusement d’apprécier le préjudice découlant de la mise au repos de ces deux employés durant la journée du 13 et du 14 juin 2018.
Elle réclame la somme de 4 800 euros de ce chef, ce qui porte ainsi son préjudice résultant de la location du matériel et du préjudice d’exploitation à la somme de 8 800 euros, soit une somme supérieure à celle qui devait être facturée pour la réalisation de la prestation.
Or le préjudice résultant d’un défaut de réalisation d’une prestation ne peut raisonnablement être supérieur au coût total de la prestation.
Par ailleurs, le préjudice invoqué par la Sarl Crestey Sintes au titre de la perte d’exploitation ne peut s’analyser qu’en une perte de chance ; en plus de ne pas formuler sa demande en ce sens, la société Crestey Sintes n’apporte aucun élément justifiant d’un chantier potentiel en cours permettant d’utiliser ces deux salariés.
La Cour ne fera donc pas droit à cette demande, pas plus qu’à celle résultant de la résistance abusive, étant rappelé que l’exercice d’une action en justice constitue un droit et que la simple contestation d’une créance ne peut être qualifiée d’abusive à défaut de prouver la mauvaise foi, la malice, ou l’erreur grossière de la partie adverse.
Le jugement du tribunal de commerce sera donc infirmé sur le préjudice, et la Sarl Artel Nouvelle Société sera condamnée à payer à la Sarl Crestey Sintes la somme de 4 000 euros ht à titre d’indemnisation de son préjudice.
Sur la demande en compensation
La Sarl Artel Société Nouvelle sollicite la compensation entre la dette que la présente décision va lui faire porter, et le coût des prestations qu’elle a été contrainte de faire réaliser par une autre société.
Selon l’article 1347 du code civil, la compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes.
La compensation ne s’opère qu’entre deux personnes qui se trouvent débitrices l’une envers l’autre.
En l’espèce la société appelante ne donne aucune explication sur sa demande et sur le fait qu’elle fasse porter à son sous-traitant initial, la charge du paiement du sous-traitant suivant, intervenu pour réaliser la prestation que la Sarl Crestey Sintes n’a pas été mise en mesure d’effectuer.
La faute de la Sarl Artel Société Nouvelle étant à l’origine de l’impossibilité d’intervenir de la Sarl Crestey Sintes, il appartient à la société appelante d’assumer la charge financière de la réalisation des travaux.
L’intimée n’est pas débitrice de l’appelante, dès lors aucune compensation ne sera ordonnée.
Sur les demandes accessoires
La Sarl Artel Société Nouvelle, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel.
En revanche, l’équité ne commande pas de condamner la Sarl Artel Société Nouvelle au paiement de frais irrépétibles au delà de ceux prononcés en première instance, qui seront confirmés.
Les parties seront en conséquence toutes deux déboutées de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en dernier ressort, de manière contradictoire, et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné la Sarl Artel Société Nouvelle à payer à la Sarl Crestey Sintes la somme de 8 800 euros à titre de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la Sarl Artel Société Nouvelle à payer à la Sarl Crestey Sintes la somme de 4 000 euros HT à titre d’indemnisation du préjudice subi ;
Y ajoutant,
Déboute la Sarl Artel Société Nouvelle de sa demande de compensation ;
Déboute la Sarl Artel Société Nouvelle de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Déboute la Sarl Crestey Sintes de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Condamne la Sarl Artel Société Nouvelle aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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