ARRET
N°
[I]
[W]
C/
[Z]
[W]
[W]
DB/VB/SGS/DPC
COUR D’APPEL D’AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU SEPT DECEMBRE
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/01108 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IWLZ
Décision déférée à la cour : ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS DU DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [O], [J], [S] [I], agissant tant en sa qualité personnelle qu’en sa qualité d’usufruitier légal de la succession de son épouse Madame [R], [V], [Y] [W] épouse [I] née le 4 août 1944 à [Localité 6] (Oise) et décédée le 28 février 2023
né le 25 Septembre 1938 à [Localité 11] (60)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Pierre-François ETTORI substituant Me Yann BOURHIS de la SCP BOURHIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BEAUVAIS
Madame [R], [V], [Y] [W] épouse [I], décédée le 28/02/2023
née le 04 Août 1944 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
APPELANTS
ET
Madame [X] [Z]
née le 15 Août 1922 à [Localité 10] (60)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Marine SALMON substituant Me Thierry BERTHAUD de la SELARL BERTHAUD ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de BEAUVAIS
INTIMEE
Madame [K] [W] épouse [C], héritière pour moitié de sa mère adoptive Madame [R], [V], [Y] [W] épouse [I] née le 4 août 1944 à [Localité 6] (Oise) et décédée le 28 février 2023
née le 17 Mai 1983 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 8]
Madame [F] [W], héritière pour moitié de sa mère adoptive Madame [R], [V], [Y] [W] épouse [I] née le 4 août 1944 à [Localité 6] (Oise) et décédée le 28 février 2023
née le 18 Juillet 1994 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 6]
Représentés par Me Pierre-François ETTORI substituant Me Yann BOURHIS de la SCP BOURHIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BEAUVAIS
PARTIES INTERVENANTES
DEBATS :
A l’audience publique du 05 octobre 2023, l’affaire est venue devant M. Douglas BERTHE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 décembre 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Douglas BERTHE, Président de chambre Président, Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L’ARRET :
Le 07 décembre 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
*
* *
DECISION :
Par acte notarié du 27 septembre 2003, Mme [X] [H] a vendu en viager aux époux [I] une maison d’habitation sise au [Adresse 3] à [Localité 4] (60) au prix de 38 110 euros outre une rente viagère indexée annuellement sur l’indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains dont le chef est employé ou ouvrier série France entière, cette rente étant initialement fixée à 7 320 euros payable en12 mensualités de 610 euros.
Mme [H] s’était réservée un droit d’usage et d’habitation sur ce bien.
Elle s’obligeait à maintenir l’immeuble en bon état des réparations d’entretien pendant toute la durée du droit d’usage et d’habitation de manière qu’il soit livré à la fin dudit droit d’usage et d’habitation en bon état desdites réparations, les grosses réparations incombant à l’acquéreur.
Par acte notarié du 9 avril 2022, Mme [H] a désigné M. [L] [A] en qualité de mandataire général pour la gestion de son patrimoine. Elle a mandaté également un huissier pour faire constater notamment par deux procès-verbaux des 21 avril 2017 et 7 mai 2019 l’état de délabrement de la maison.
Mme [H] a mis en demeure, par l’intermédiaire de son conseil, les acquéreurs de procéder aux grosses réparations, à l’entretien du jardin et à la mise en place d’un virement bancaire pour le règlement des arrérages.
Par exploit d’huissier du 20 octobre 2022, Mme [H] a assigné en référé M. [O] [I] et Mme [R] [W] aux fins notamment de les voir condamnés à verser la rente mensuelle due par virement automatique, transmettre sous un délai de 10 jours à compter de l’ordonnance leur mode de calcul de l’indexation depuis l’année 2003, ordonner de faire établir les devis de réfection notamment de l’ensemble de la toiture, d’ordonner de procéder à l’entretien paysager du jardin et de lui accorder des indemnités provisionnelles au titre de son trouble de jouissance, de son préjudice morale et du défaut d’entretien du jardin.
Par ordonnance de référé en date du 19 janvier 2023, le président du tribunal judiciaire de Beauvais a :
– déclaré recevables les demandes de Mme [X] [H] veuve [Z] d’injonctions de faire relatives aux travaux de réparation et d’entretien du jardin,
– enjoint à Mme [R] [W] épouse [I] et M. [O] [I] de fournir à Mme [X] [H] veuve [Z] un devis de réparation des dégradations concernant la couverture, les menuiseries extérieures, les plafonds et les fissures pouvant affecter la solidité des murs, notamment celui de la salle de bains et de l’aile à colombage, tels que constatés par procès-verbal de Me [D], huissier de justice, le 27 mai 2022, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé un délai de 3 mois suivant la signification de la décision, pendant une durée de six mois, à l’issue de laquelle il pourra être à nouveau statué,
– enjoint à Mme [R] [W] épouse [I] et à M. [O] [I] de procéder à l’entretien du jardin de l’immeuble vendu entre les parties au moins deux fois par an, sur demande de Mme [X] [H] veuve [Z], dans le mois suivant la demande, en prévenant cette dernière de la date retenue pour l’entretien au moins 7 jours à l’avance pour permettre l’accès au jardin, le tout sous astreinte de 20 euros par jour de retard, passé le mois suivant la demande,
– constaté que la demande d’injonction sous astreinte relative au mode de calcul et de remise de la rente présentée par Mme [X] [H] veuve [Z] est devenue sans objet,
– condamné Mme [R] [W] épouse [I] et M. [O] [I] à payer à Mme [X] [H] veuve [Z] la somme de 1 000 euros à titre de provision à valoir sur la liquidation de son préjudice de jouissance,
– condamné Mme [R] [W] épouse [I] et M. [O] [I] aux dépens,
– condamné Mme [R] [W] épouse [I] et M. [O] [I] à paver à Mme [X] [H] veuve [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 22 février 2023, M. [O] [I] et Mme [R] [W] ont interjeté appel de cette décision.
[R] [W] est décédée le 28 février 2023.
Ses ayants-droits, Mme [K] [W] épouse [C] et Mme [F] [W] sont intervenus volontairement à l’instance le 11 mai 2023.
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 24 juillet 2023 par lesquelles M. [O] [I], Mme [F] [W] et Mme [K] [W] demandent à la cour de :
– infirmer l’ordonnance du 19 janvier 2023 en ce qu’elle a :
déclaré recevables les demandes de Mme [X] [H] veuve [Z] d’injonctions de faire relatives aux travaux de réparation et d’entretien du jardin,
enjoint à Mme [R] [W] épouse [I] et M. [O] [I] de fournir à Mme [X] [H] veuve [Z] un devis de réparation des dégradations concernant la couverture, les menuiseries extérieures, les plafonds et les fissures pouvant affecter la solidité des murs, notamment celui de la salle de bains et de l’aile à colombage, tels que constatés par procès-verbal de Me [D], huissier de justice, le 27 mai 2022, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé un délai de 3 mois suivant la signification de la décision, pendant une durée de six mois, à l’issue de laquelle il pourra être à nouveau statué,
enjoint à Mme [R] [W] épouse [I] et à M. [O] [I] de procéder à l’entretien du jardin de l’immeuble vendu entre les parties au moins deux fois par an, sur demande de Mme [X] [H] veuve [Z], dans le mois suivant la demande, en prévenant cette dernière de la date retenue pour l’entretien au moins 7 jours à l’avance pour permettre l’accès au jardin, le tout sous astreinte de 20 euros par jour de retard, passé le mois suivant la demande,
condamné Mme [R] [W] épouse [I] et M. [O] [I] à payer à Mme [X] [H] veuve [Z] la somme de 1 000 euros à titre de provision à valoir sur la liquidation de son préjudice de jouissance,
condamné Mme [R] [W] épouse [I] et M. [O] [I] aux dépens,
condamné Mme [R] [W] épouse [I] et M. [O] [I] à paver à Mme [X] [H] veuve [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau :
À titre principal :
– déclarer Mme [X] [H] irrecevable en l’ensemble de ses demandes,
À titre subsidiaire :
– débouter Mme [X] [H] de ses demandes auxquelles il a été fait droit en première instance,
– confirmer l’ordonnance du 19 janvier 2023 pour le surplus de ses dispositions,
en tout état de cause :
– ordonner une mesure d’expertise judiciaire portant sur l’immeuble sis [Adresse 3], cadastré Section ZE n°[Cadastre 1],
– Désigner tel expert qu’il plaira à la cour avec pour mission de :
décrire l’ensemble des désordres affectant l’immeuble,
déterminer l’origine de ces désordres, notamment en précisant s’ils sont liés à un défaut d’entretien ou à l’usure du temps,
déterminer le coût des travaux de réhabilitation et de reconstruction.
– condamner chacune des parties au paiement par moitié du coût de l’expertise,
– condamner Mme [X] [H] à payer à M. [O] [I], Mme [K] [W] et Mme [F] [W] la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de l’instance de première instance et de celle en appel.
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 12 juin 2023 par lesquelles, Mme [X] [H] veuve [Z] demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance du 19 janvier 2023 rendue par le président du tribunal judiciaire de Beauvais statuant en qualité de juge des référés sauf en ce qu’elle a :
omis de statuer sur la demande relative à l’obligation de réaliser des travaux,
condamné Mme [W] épouse [I] et M. [I] à payer à Mme [H] veuve [Z] la somme de 1 000 euros à titre de provision à valoir sur la liquidation de son préjudice de jouissance.
statuant de nouveau,
– condamner les acquéreurs à procéder aux travaux de réfection nécessaires sur la toiture, la couverture, les menuiseries extérieures, les plafonds et les fissures pouvant affecter la solidité des murs, notamment celui de la salle de bain et de l’aile à colombages dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt qui sera rendu et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard et ce pour une durée de six mois,
– à lui payer les sommes de :
19 200 euros à titre d’indemnité provisionnelle au titre de préjudice de jouissance jusqu’en juillet 2022,
5 500 euros à titre d’indemnité provisionnelle au titre de préjudice de jouissance d’août 2022 à juin 2023, somme à parfaire par la cour au jour où elle statuera à hauteur de 500 euros par mois,
10 000 euros à titre d’indemnité provisionnelle au titre du préjudice moral,
6 320 euros la somme à parfaire au jour du délibéré à hauteur de 80 euros par mois à compter de juillet 2023,
y ajoutant,
– dire qu’elle n’est pas saisie de la demande formée par les époux [I] à titre principal et subsidiairement, de débouter les acquéreurs de leur demande d’irrecevabilité formée à titre principal,
– déclarer les acquéreurs irrecevables en leur demande d’expertise formée en cause d’appel et subsidiairement les débouter de leur demande d’expertise,
– condamner les acquéreurs à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les acquéreurs aux entiers dépens d’appel.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
La clôture a été prononcée le 14 septembre 2023 et l’affaire a été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 5 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’irrecevabilité des demandes de devis de travaux, d’entretien du jardin et d’indemnités provisionnelles de Mme [X] [H] veuve [Z] :
Il résulte des articles 1103 et 1106 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et que le contrat est synallagmatique lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres.
Selon les articles 31 et 122 code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention et constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
À titre liminaire et contrairement à ce que soutient Mme [X] [H] veuve [Z], les fins de non-recevoir portant sur l’ensemble de ses demandes sont bien présentées au dispositif des conclusions de M. [O] [I], de Mme [F] [W] et de Mme [K] [W] en ce qu’aux termes du dispositif de leurs conclusions récapitulatives déposées le 24 juillet 2023, ces derniers demandent à la cour de façon explicite, non équivoque et à titre principal de déclarer Mme [X] [H] irrecevable en l’ensemble de ses demandes.
En l’espèce, en première instance Mme [X] [H] veuve [Z] sollicitait deux injonctions de faire l’une relative à la production de devis de travaux de réparation et l’autre d’entretenir le jardin, outre trois indemnités provisionnelles à raison de son trouble de jouissance, de son préjudice moral et du défaut d’entretien du jardin.
Aux termes de l’acte notarié du 27 septembre 2003, la vente a été effectuée avec une réserve viagère du droit d’usage et d’habitation qui est un démembrement de la propriété s’éteignant par le décès de sa titulaire.
Outre le paiement de la rente viagère indexée, le débirentier s’obligeait notamment à :
– faire les grosses réparations mises la charge du nu-propriétaire,
– entretenir le jardin d’agrément.
Il en résulte que Mme [X] [H] veuve [Z] dispose d’un intérêt légitime à ce que les obligations des acquéreurs, qui font loi entre les parties, soient parfaitement exécutées.
En outre, le droit d’usage et d’habitation est un droit figurant au patrimoine de Mme [X] [H] veuve [Z] qu’elle a la libre faculté d’exercer ou non.
D’ailleurs, il ne résulte nullement de l’acte notarié du 27 septembre 2003 que l’exécution des obligations des acquéreurs est conditionnée par l’exercice effectif du droit d’usage et d’habitation appartenant à Mme [X] [H] veuve [Z], le contrat prévoyant seulement une obligation de jouissance « en bon père de famille » pour le cas où ce droit serait effectivement exercé.
Dès lors, la question de l’état de santé, de l’âge ou de la perte d’autonomie alléguée de Mme [X] [H] veuve [Z] se trouve sans incidence quant à l’appréciation du patrimoine de la venderesse ou des obligations respectives des parties.
Enfin, l’objet du litige tel qu’il est présenté par Mme [X] [H] veuve [Z] réside précisément dans la carence alléguée des acquéreurs dans l’exécution d’une partie de leurs obligations qui, selon elle, porte directement atteinte à sa propriété.
De ce point de vue, le compte-rendu du CCAS du 1er mars 2022 dont se prévalent M. [O] [I], Mme [F] [W] et Mme [K] [W] conclut à la nécessité d’une solution de relogement de Mme [X] [H] veuve [Z] à raison du fait « qu’une grande partie [de l’habitation vendue] menace de s’écrouler ».
Dès lors, la décision entreprise doit être confirmée en ce qu’elle a déclarée Mme [X] [H] veuve [Z] recevable en ses demandes.
Sur l’irrecevabilité de la demande de réalisation de travaux :
Il résulte des articles 561 et 564 du code de procédure civile que l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel et qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
En l’espèce, il ne résulte d’aucun élément de la procédure que Mme [X] [H] veuve [Z] aurait demandé au premier juge de condamner les acquéreurs à procéder aux travaux de réfection nécessaires sur la toiture, la couverture, les menuiseries extérieures, les plafonds et les fissures pouvant affecter la solidité des murs et que ce faisant ce dernier aurait omis de statuer sur la demande relative à l’obligation de réaliser des travaux.
Dès lors, s’agissant d’une demande nouvelle faite à hauteur de cour celle-ci doit être déclarée irrecevable.
Sur l’irrecevabilité de la demande d’expertise nouvellement formée à hauteur d’appel :
En l’espèce, les acquéreurs ne conteste pas présenter pour la première fois en appel une demanded’expertise judiciaire tendant à décrire l’ensemble des désordres affectant l’immeuble, à déterminer l’origine de ces désordres et à déterminer le coût des travaux de réhabilitation et de reconstruction.
Ils soulignent toutefois que cette demande nouvelle est recevable car destinée à faire écarter les prétentions adverses.
Toutefois, les acquéreurs ne démontrent pas en quoi les missions d’expertise proposées feraient échec aux injonctions de faire distinctes sollicitées, à savoir la production de devis et l’entretien effectif du jardin.
Il ne démontre pas non plus en quoi l’expertise sollicitée serait de nature à écarter les autres demandes de l’intimée.
En revanche, cette demande nouvelle modifie sensiblement le périmètre du litige alors qu’elle n’a jamais été soumise à un premier degré de juridiction.
La demande d’expertise est une demande qui tend à faire écarter les prétentions adverses et elle est donc recevable.
Toutefois, les acquéreurs ne justifient pas d’un motif légitime à voir ordonner une mesure d’instruction, celle-ci n’ayant pas vocation à suppléer la carence des parties dans l’administration de la preuve.
Sur l’injonction de production de devis de réparation :
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Enfin les articles 605 et 606 du code civil disposent que les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire et qu’elles sont celles qui intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité.
L’acte de vente stipule que « l’acquéreur s’oblige à faire les grosses réparations mises à la charge du nu-propriétaire par l’article 605 du code civil, dès qu’elles deviendront nécessaires ».
Mme [X] [H] veuve [Z] produit aux débats :
– un procès-verbal du 26 août 2014, constatant que, dans l’immeuble précité, deux fenêtres, situées dans l’escalier et les toilettes de l’étage, étaient en mauvais état, condamnant l’usage des toilettes,
– un procès-verbal du 21 avril 2017, constatant que, dans l’immeuble précité, une partie du plafond du couloir d’accès à l’escalier de l’étage s’était effondré, laissant apparaître des pièces de bois dégradées et vermoulues ; que le plafond du salon était dégradé et fissuré avec affaissement,
– un procès-verbal du 7 mai 2019, constatant que le plafond de l’arrière-cuisine était ouvert ; qu’un jour était visible sur un mur de la salle de bains ; que les désordres affectant le mur de soutien du balcon et l’accès a la cave étaient toujours présents,
– un procès-verbal du 27 mai 2022, constatant que des ardoises étaient manquantes sur la toiture, laissant apparaître la charpente ; qu’une aile du bâtiment présentait des fissures et des colombages rongés que les désordres affectant le mur de soutien du balcon, l’accès à la cave, la cuisine, l’arrière-cuisine, la salle de bains, les escaliers et le salon étaient toujours présents.
En outre, les acquéreurs versent à hauteur d’appel un rapport d’expertise rédigé le 27 mars 2023 par M. [G], expert en bâtiment, qui constatait l’impropriété à sa destination du bâtiment et les désordres suivants :
– Fuite importante en toiture,
– Infiltration au niveau des menuiseries,
– Menuiseries non étanche à I’air,
– Pièces d’eau non utilisable,
– Électricité non conforme,
– Absence d’isolation,
– Absence d’entretien,
– Rupture au niveau escalier rez-de-chaussée/étage,
– gouttières non raccordées.
Ce rapport conclut à un risque d’effondrement de l’angle sud-ouest du bâtiment principal dû à de grosses fuites en toiture non récentes, un escalier intérieur dangereux, des planchers risquant de s’effondrer et une clôture nord risquant de s’effondrer sur la voie publique.
Il a estime qu’un arrêté municipal de mise en péril est à envisager sur toute la façade nord au niveau clôture et qu’il existe un risque de chute d’ardoises.
Il indique enfin que deux actions sont à envisager, soit une réhabilitation lourde, soit une démolition-reconstruction aux exigences de ce jour.
Ainsi, il n’est pas sérieusement contestable que les réparations intéressant la structure et la solidité du bâtiment, notamment la couverture, les plafonds, les murs, l’escalier, les gouttières, l’isolation et les menuiseries extérieures relèvent des grosses réparations au sens de l’articles 605 du code civil précisé par l’article 606 du même code.
Le grief des acquéreurs au terme duquel la charge de la preuve serait inversée et que la démonstration de désordres relevant des grosses réparations ne serait pas établie ne résiste pas à l’examen de la série de constats d’huissier produite aux débats et du rapport d’expert en bâtiment attestant de la nécessité de procéder à de grosses réparations consistant soit en une réhabilitation lourde, soit en une démolition-reconstruction aux exigences de ce jour, rapport qu’ils ont eux-même versé aux débats.
Par ailleurs, il ne saurait utilement être soutenu que la demande d’injonction de fournir un devis de réparation des désordres ne relève pas d’une obligation de faire, l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, donnant pouvoir au juge des référés d’ordonner l’exécution de toute obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Dès lors, la décision entreprise sera confirmée sur ce point.
Sur l’injonction relative à l’entretien du jardin :
En l’espèce, selon l’acte notarié de vente du 27 septembre 2003 conclu entre les parties, il a été stipulé que « l’acquéreur s’oblige à entretenir le jardin dépendant de l’immeuble vendu et à le laisser en jardin d’agrément ».
Mme [X] [H] veuve [Z] produit aux débats :
– un procès-verbal du 26 août 2014 constatant l’état de friche du jardin avec sur l’ensemble de hautes orties, un roncier au centre et la pousse sauvage d’arbres de diverses variétés, les arbustes d’ornement n’étant pas taillés et les arbres n’étant pas élagués et l’appentis étant entièrement recouvert par la végétation, constat qui donnait lieu à un commandement d’entretenir le jardin en date du 2 septembre 2014,
– un procès-verbal du 21 avril 2017 constatant le non entretien du jardin envahi de mauvaises herbes, l’inaccessibilité du fond du jardin et le défaut de taille des haies, constat qui donnait lieu à un commandement d’entretenir le jardin en date du 16 juin 2017,
– un procès-verbal du 7 mai 2019 constatant d’imposants massifs d’orties dans le jardin, le défaut de taille des buis, l’envahissement par de mauvaises herbes et l’envahissement du mur de clôture par des végétaux grimpants,
– un procès-verbal du 27 mai 2022 constatant la présence de nombreuses herbes hautes dans le jardin de l’immeuble vendu, rendant le terrain impraticable, constat qui donnait lieu à un commandement d’entretenir le jardin en date du 14 août 2022.
Il résulte en outre de l’attestation de M. [T] [M] du 1er février 2022 que ce dernier s’est rendu à plus de 30 reprises chez Mme [X] [H] veuve [Z] et que le terrain couvert de ronces et de mauvaises herbes s’avérait impraticable et dangereux et qu’il n’a pu se rendre au fond du jardin en raison de la hauteur de la végétation.
Les appelants font valoir qu’ils ne peuvent entretenir le jardin en raison d’un cadenas apposé depuis avril 2022 au moins sur l’entrée du jardin. Cette attestation a été établie par l’époux de Mme [K] [W], intervenante volontaire et il en résulte que celui-ci a pu accéder au jardin en dépit de la présence d’un nouveau cadenas. Il indique ensuite ne pas avoir pénétré un autre jour dans le jardin sur injonction d’un tiers non identifié.
Il résulte de ces éléments que le défaut d’entretien du jardin est récurrent et avéré depuis au moins l’année 2014.
Les acquéreurs à hauteur d’appel allèguent qu’ils sont fondés à invoquer une exception d’inexécution à l’encontre de Mme [X] [H] veuve [Z] du fait que celle-ci manque à son obligation d’entretien de la maison, leur obligation d’entretien du jardin s’avérant ainsi sérieusement contestable.
Il est cependant rappelé qu’aux termes même du rapport d’expertise immobilière qu’ils produisent l’immeuble est inhabitable, dangereux, qu’un arrêté municipal de mise en péril est à envisager et que l’immeuble nécessite soit une réhabilitation lourde soit une démolition-reconstruction, désordres relevant de la responsabilité des acquéreurs.
Dans ces conditions, il ne peut être reproché à Mme [X] [H] veuve [Z] de ne pas occuper le bâtiment et ce faisant de procéder à son entretien courant.
Au regard de l’acte notarié du 27 septembre 2003 et des éléments de preuves produits, l’obligation d’entretien du jardin par les acquéreurs n’est pas sérieusement contestable et la décision entreprise sera donc confirmée sur ce point.
Sur les demandes de provision :
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.
Il résulte de l’analyse des procès-verbaux de constat suscités, des attestations de Mme [E] [B] et de Mme [U] [P] et du rapport de M. [G] que durant une période d’au moins huit années, soit entre le mois d’août 2014 et jusqu’au mois août 2022, Mme [X] [H] veuve [Z], personne âgée en perte d’autonomie, a occupé un logement dont la couverture s’est avérée lourdement fuyarde et dont les planchers – menaçant de s’effondrer – ont dû être étayés, les désordres s’aggravant avec le temps.
Ces désordres, contrairement à ce qu’allèguent les acquéreurs ne relèvent à l’évidence pas d’un simple défaut d’entretien mais concerne la structure et la solidité de la maison et nécessitaient manifestement de grosses réparations qui leur incombaient et qu’ils n’ont pas exécuté.
Depuis le mois d’août 2022, Mme [X] [H] veuve [Z] ne jouit plus de son logement devenu insalubre et dangereux.
Ainsi, il n’est pas sérieusement contestable que Mme [X] [H] veuve [Z] n’a pas été en mesure de jouir paisiblement de la maison, faute de réalisation par les acquéreurs des travaux de grosses réparations mis à leur charge par l’acte de vente du 27 septembre 2003.
Dès lors, il conviendra d’accorder à Mme [X] [H] veuve [Z] une indemnité provisionnelle de 10 000 euros au titre de son trouble de jouissance subi pour la période d’août 2014 à ce jour et la décision entreprise sera infirmée sur ce point.
En revanche, Mme [X] [H] veuve [Z] ne justifie pas à ce stade d’un préjudice moral distinct du trouble de jouissance et il n’y a donc pas lieu de lui accorder une provision à ce titre, de sorte que sa demande de provision à ce titre est sérieusement contestable et doit être rejetée.
Par ailleurs, le contrat de vente du 27 septembre 2003 – qui fait loi entre les parties – stipule que « l’acquéreur s’oblige à entretenir le jardin dépendant de l’immeuble vendu et à le laisser en jardin d’agrément ; à défaut de quoi, la rente ci-dessus stipulée sera majorée de quatre vingt euros par mois, ce qu’il accepte ».
Mme [X] [H] veuve [Z] est fondée à solliciter une indemnité provisionnelle de 80 euros par mois au vu de la stipulation contractuelle précitée entre janvier 2017 et décembre 2023 correspondant à la date de mise à disposition de la présente décision, soit 84 mois.
Il a été examiné plus haut qu’il a été constaté à plusieurs reprises l’état de friche du jardin envahi par les orties et les ronces, la pousse sauvage d’arbres, l’absence de taille et d’élagage des arbres et haies rendant le terrain impraticable. Cette description ne révèle donc pas un manque d’entretien ponctuel et occasionnel mais une absence totale et durable d’entretien du terrain qui a ainsi entièrement perdu sa vocation de jardin d’agrément.
Il y aura donc lieu d’accorder à Mme [X] [H] veuve [Z] une indemnité provisionnelle de 6 720 euros au titre du défaut d’entretien du jardin et la décision entreprise sera infirmée sur ce point.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
La décision de première instance sera confirmée en ses dispositions afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens.
M. [O] [I], Mme [F] [W] et Mme [K] [W] qui succombent doivent être condamnés aux dépens de l’appel.
L’équité commande de condamner in solidum M. [O] [I], Mme [F] [W] et Mme [K] [W] à payer à Mme [X] [H] veuve [Z] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions prévues par l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevable la demande de Mme [X] [H] veuve [Z] de condamner les consorts [I] à procéder aux travaux de réfection nécessaires sur la maison d’habitation sise au [Adresse 3] à [Localité 4] (60),
Rejette la demande d’expertise formée par M. [O] [I], Mme [F] [W] et Mme [K] [W],
Confirme la décision querellée sauf en ce qu’elle a condamné Mme [R] [W] épouse [I] et M. [O] [I] à payer à Mme [X] [H] veuve [Z] la somme de 1 000 euros à titre de provision à valoir sur la liquidation de son préjudice moral et de jouissance et rejeté la demande d’indemnité provisionnelle au titre du défaut d’entretien du jardin,
Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,
Condamne in solidum M. [O] [I], Mme [F] [W] et Mme [K] [W] à payer à Mme [X] [H] veuve [Z] la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur la liquidation de son préjudice de jouissance,
Condamne in solidum M. [O] [I], Mme [F] [W] et Mme [K] [W] à payer à Mme [X] [H] veuve [Z] la somme de 6 720 euros euros à titre de provision à valoir sur la liquidation de son préjudice correspondant au défaut d’entretien du jardin,
Rejette la demande d’indemnité provisionnelle formée par Mme [X] [H] veuve [Z] au titre de son préjudice moral,
y ajoutant,
Condamne in solidum M. [O] [I], Mme [F] [W] et Mme [K] [W] à payer à Mme [X] [H] veuve [Z] la somme de 1 500 euros en indemnisation des frais irrépétibles que cette dernière a été amenée à exposer à hauteur d’appel,
Condamne M. [O] [I], Mme [F] [W] et Mme [K] [W] aux dépens de l’appel,
Rejette les autres demandes.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT