Exception d’inexécution : 14 décembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/14040

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Exception d’inexécution : 14 décembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/14040

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 14 DECEMBRE 2023

N° 2023/ 826

Rôle N° RG 22/14040 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKGQ2

[P] [R]

C/

S.A.R.L. M’IMMO

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Morgane DE BRUYN

Me Cécile LEGOUT de la SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Juge des contentieux de la protection de Marseille en date du 07 juillet 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/05779.

APPELANT

Monsieur [P] [R]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/6850 du 07/10/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le 18 septembre 1954 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Morgane DE BRUYN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A.R.L. M’IMMO

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 2]

représentée par Me Cécile LEGOUT de la SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Angélique NETO, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Mme Florence PERRAUT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2023

Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 12 avril 2016, la société Compagnie des immeubles du midi, aux droits de laquelle vient la société à responsabilité limitée (SARL) M’Immo, par suite d’un acte de cession en date du 30 mars 2021, a consenti à M. [P] [R] un bail à usage d’habitation portant sur un appartement situé [Adresse 1] à [Localité 4] moyennant un loyer initialement fixé à la somme de 440 euros, provision sur charges comprise.

Le 14 juin 2021, la société M’Immo a délivré à M. [R] un commandement d’avoir à payer la somme principale de 559,32 euros en visant la clause résolutoire insérée au bail.

Se prévalant d’un commandement de payer resté infructueux, la société M’Immo a fait assigner M. [R] devant le juge des référés du pôle de proximité du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de constater la résiliation du bail, ordonner son expulsion et le condamner à lui verser diverses sommes à titre provisionnel.

Par ordonnance en date du 7 juillet 2022, ce magistrat a :

– constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies au 14 août 2021 ;

– condamné M. [R] à payer à la SARL M’Immo la somme de 2 638,77 euros à titre de provision à valoir sur les loyers et charges impayés à la date du 1er juin 2022, comprenant l’échéance du mois de juin 2022 ;

– ordonné la suspension de l’exigibilité de la somme due à compter du 7 juillet 2022 et jusqu’au mois de juillet 2023 inclus ;

– dit qu’au terme de la période de suspension, la somme serait exigible à compter du 7 août 2023 ;

– dit que la somme ne produira pas intérêts durant la période de suspension et que l’intérêt au taux légal non majoré courra à compter du 7 août 2023 ;

– dit que cette suspension ne concernait pas l’obligation de M. [R] de payer le loyer courant ;

– dit qu’à défaut de paiement d’un seul terme du loyer courant, la totalité de la somme due serait immédiatement exigible ;

– rappelé qu’au titre de l’article 1343-5 du code civil, ces délais suspendaient les voies d’exécution ;

– suspendu les effets de la clause résolutoire durant l’exécution desdits délais ;

– dit que si les délais étaient respectés, elle serait réputée n’avoir joué ;

– dit en revanche qu’à défaut de paiement du loyer à son terme exact :

1- la clause résolutoire retrouverait ses entiers effets ;

2- le solde de la dette deviendrait immédiatement exigible ;

3- qu’à défaut par M. [R] d’avoir libéré l’appartement au plus tard deux mois après la notification au préfet du commandement d’avoir à quitter les lieux, il serait procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l’assistance de la force publique, si besoin est, et au transport des meubles laissés dans les lieux à ses frais dans tel garde-meuble désigné par l’expulsé ou à défaut par le bailleur ;

4- M. [R] serait tenu au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle fixée provisoirement à la somme de 455,98 euros jusqu’à complète libération des lieux ;

– dit qu’il serait procédé, conformément à l’article L 433-1 du code des procédures civiles d’exécution, à la remise des meubles se trouvant sur les lieux, aux frais des personnes expulsées, en un lieu désigné par celles-ci, et qu’à défaut, ils seraient laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier de justice chargé de l’exécution, avec sommation aux personnes expulsées d’avoir à les retirer ;

– rappelé que l’expulsion ne pourrait avoir lieu qu’à l’expiration du délai de deux mois qui suit la délivrance du commandement d’avoir à libérer les locaux, conformément aux dispositions de l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

– rappelé en outre que, nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés au locataire, il devait être sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille ;

– condamné M. [R] aux dépens ;

– débouté toutes demandes plus amples ou contraires.

Suivant déclaration transmise au greffe le 21 octobre 2022, M. [R] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dûment reprises.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 19 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, il demande à la cour de :

in limine litis,

– prononcer l’irrecevabilité de l’assignation délivrée le 11 octobre 2021 pour inobservation des dispositions de la loi du 6 juillet 1989 ;

– annuler en conséquence en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;

à titre principal,

– reconnaître la responsabilité de la société M’Immo dans la survenance de désordres ;

– constater qu’elle a gravement manqué à ses obligations locatives à l’origine d’un trouble de jouissance ;

– constater sa mauvaise foi dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire ;

– réformer en conséquence l’ordonnance entreprise ;

– condamner la société M’Immo à lui payer la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance ;

– ordonner la compensation judiciaire de cette somme avec le montant des loyers et charges impayés ;

à titre subsidiaire,

– lui accorder des délais de paiement à hauteur de 36 mois pour apurer sa dette locative ;

en tout état de cause,

– débouter la société M’Immo de ses demandes ;

– la condamner à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 20 décembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, la société M’Immo sollicite de la cour qu’elle :

– déboute M. [R] de ses demandes ;

– confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a constaté la résiliation du bail et l’a condamné à un arriéré locatif ;

– l’infirme en ses autres dispositions ;

– statuant à nouveau ;

– ordonne l’expulsion de M. [R] ainsi que de tous occupants de son chef de l’appartement loué avec, au besoin, le concours de la force publique et sous astreinte de 300 euros par jour de retard à l’expiration du délai de 8 jours suivant la signification du commandement de quitter les lieux ;

– ordonne la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux en tel garde-meubles qu’il plaira au juge de désigner aux frais, risques et périls de M. [R] ;

– condamne par provision M. [R] à lui payer une indemnité d’occupation mensuelle égale à 455,98 euros à compter du 15 août 2021 et jusqu’à libération effective des lieux par remise des clés ;

– condamne par provision M. [R] à lui payer un montant de 4 918,67 euros au titre des loyers et/ou indemnités d’occupation et charges impayés, comptes arrêtés au 1er novembre 2022, outre intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 14 juin 2021 ;

– condamne M. [R] à lui verser la somme de 1 500 euros pour les frais irrépétibles exposés en première instance ;

– le condamne à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

– le condamne aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris le coût du commandement de payer du 14 juin 2021.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 23 octobre 2023.

Par soit-transmis en date du 30 novembre 2023, la cour a informé les parties que l’irrecevabilité de la demande de condamnation formée par l’appelant à l’encontre de l’intimée à hauteur de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance se posait s’agissant d’une demande formée à titre définitif (et non provisionnel) au regard des dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile en leur impartissant un délai expirant le vendredi 8 décembre 2023 à minuit pour lui transmettre leurs éventuelles observations sur ce point précis par une note en délibéré (articles 444 et 445 du code de procédure civile).

Aucune note en délibéré n’est parvenue à la Cour dans le délai imparti.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il importe de rappeler que les décisions de donner acte et de constat sont dépourvues de caractère juridictionnel et ne sont pas susceptibles de conférer un droit à la partie qui l’a requis et obtenu, raison pour laquelle la cour n’a pas à répondre aux demandes formées à ce titre par les parties.

En outre, le dispositif de l’arrêt doit être limité aux strictes prétentions formées par les parties, étant rappelé qu’il n’a pas vocation à contenir les moyens développés par les parties, peu important que ceux-ci figurent dans le dispositif de leurs conclusions.

Sur l’irrecevabilité des demandes de la société M’Immo en constatation de la résiliation du bail, en expulsion et en condamnation, à titre provisionnel, d’une indemnité d’occupation

Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend .

L’article 835 du même code dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Aux termes des articles 1728 du code civil et 7a de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

L’article 24-I la loi du 6 juillet 1989 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour le non versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En application de ces textes, le juge des référé peut constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

Il reste que les paragraphes II et III de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 disposent :

II.- Les bailleurs personnes morales autres qu’une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus ne peuvent faire délivrer, sous peine d’irrecevabilité de la demande, une assignation aux fins de constat de résiliation du bail avant l’expiration d’un délai de deux mois suivant la saisine de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévue à l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée. Cette saisine est réputée constituée lorsque persiste une situation d’impayés, préalablement signalée dans les conditions réglementaires aux organismes payeurs des aides au logement en vue d’assurer le maintien du versement des aides mentionnées à l’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation. Cette saisine, qui contient les mêmes informations que celles des signalements par les huissiers de justice des commandements de payer prévus au I du présent article, s’effectue par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa de l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée.

III.-A peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l’huissier de justice au représentant de l’Etat dans le département au moins deux mois avant l’audience, afin qu’il saisisse l’organisme compétent désigné par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, suivant la répartition de l’offre globale de services d’accompagnement vers et dans le logement prévue à l’article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée. Cette notification s’effectue par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa de l’article 7-2 de la même loi. La saisine de l’organisme mentionné à la première phrase du présent III peut s’effectuer par voie électronique, selon des modalités fixées par décret. L’organisme saisi réalise un diagnostic social et financier , selon des modalités et avec un contenu précisés par décret, au cours duquel le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations, et le transmet au juge avant l’audience, ainsi qu’à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives ; le cas échéant, les observations écrites des intéressés sont jointes au diagnostic .

En l’espèce, il n’est pas contesté que la société M’Immo n’a jamais saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives préalablement à la saisine du juge de première instance.

Elle affirme toutefois que cette saisine est réputée constituée au motif qu’elle a signalé la situation d’impayés de M. [R] à la caisse d’allocations familiales, ce dernier étant bénéficiaire des allocations logement.

Or, comme le relève à juste titre M. [R], il résulte du courrier de la caisse d’allocations familiales, en date du 2 novembre 2021, que cette dernière n’a été informée de la situation d’impayés de M. [R] que le 25 octobre 2021, soit postérieurement à la saisine du premier juge par acte d’huissier en date du 11 octobre 2021. Or, cette situation aurait dû être signalée à l’organisme payeur des aides au logement en vue d’assurer le maintien de leur versement préalablement à la saisine du juge.

Si la société M’Immo se prévaut des plans d’apurement proposés par la caisse d’allocations familiales en novembre 2021, mai et septembre 2022, auxquels n’a pas donné suite M. [R], ces plans ont tous été proposés après information de la caisse d’allocations familiales, le 25 octobre 2021, de la situation d’impayés de M. [R], soit postérieurement à la saisine du juge.

En outre, dès lors que le diagnostic social et financier qui a été transmis au premier juge, avant la première audience fixée initialement au 24 mars 2022, fait suite à la dénonce de l’assignation aux fins de contat de la résiliation du bail au préfet par l’huissier de justice instrumentaire par voie électronique, reçue le 13 octobre 2021, soit deux mois avant l’audience fixée initialement au 24 mars 2022, la société M’Immo ne peut s’en prévaloir pour justifier de la saisine de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives et/ou de l’organisme payeur des aides au logement préalablement à la saisine du juge de première instance.

Dans ces conditions, les dispositions susvisées de l’article 24 II de la loi du 6 juillet 1989 n’ayant pas été respectées, c’est à tort que le premier a déclaré recevable l’action de la société M’Immo aux fins de constat de la résiliation du bail ainsi que les demandes subséquentes tendant à l’expulsion de M. [R] et sa condamnation au paiement d’une indemnité provisionnelle d’occupation.

Il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

– constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies au 14 août 2021 ;

– ordonné la suspension de l’exigibilité de la somme due à compter du 7 juillet 2022 et jusqu’au mois de juillet 2023 inclus ;

– dit qu’au terme de la période de suspension, la somme serait exigible à compter du 7 août 2023 ;

– dit que la somme ne produira pas intérêts durant la période de suspension et que l’intérêt au taux légal non majoré courra à compter du 7 août 2023 ;

– dit que cette suspension ne concernait pas l’obligation de M. [R] de payer le loyer courant ;

– dit qu’à défaut de paiement d’un seul terme du loyer courant, la totalité de la somme due serait immédiatement exigible ;

– rappelé qu’au titre de l’article 1343-5 du code civil, ces délais suspendaient les voies d’exécution ;

– suspendu les effets de la clause résolutoire durant l’exécution desdits délais ;

– dit que si les délais étaient respectés, elle serait réputée n’avoir joué ;

– dit en revanche qu’à défaut de paiement du loyer à son terme exact :

1- la clause résolutoire retrouverait ses entiers effets ;

2- le solde de la dette deviendrait immédiatement exigible ;

3- qu’à défaut par M. [R] d’avoir libéré l’appartement au plus tard deux mois après la notification au préfet du commandement d’avoir à quitter les lieux, il serait procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l’assistance de la force publique, si besoin est, et au transport des meubles laissés dans les lieux à ses frais dans tel garde-meuble désigné par l’expulsé ou à défaut par le bailleur ;

4- M. [R] serait tenu au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle fixée provisoirement à la somme de 455,98 euros jusqu’à complète libération des lieux ;

– dit qu’il serait procédé, conformément à l’article L 433-1 du code des procédures civiles d’exécution, à la remise des meubles se trouvant sur les lieux, aux frais des personnes expulsées, en un lieu désigné par celles-ci, et qu’à défaut, ils seraient laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier de justice chargé de l’exécution, avec sommation aux personnes expulsées d’avoir à les retirer ;

– rappelé que l’expulsion ne pourrait avoir lieu qu’à l’expiration du délai de deux mois qui suit la délivrance du commandement d’avoir à libérer les locaux, conformément aux dispositions de l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

– rappelé en outre que, nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés au locataire, il devait être sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille ;

Les demandes de la société M’Immo tendant à la constatation de la résiliation du bail, l’expulsion de M. [R] sous astreinte et sa condamnation au paiement d’une indemnité provisionnelle d’occupation seront déclarées irrecevables.

Cette irrecevabilité n’entraîne pas pour autant l’irrecevabilité de l’assignation, pas plus que la nullité de l’ordonnance entreprise, de sorte que M. [R] sera débouté de ses demandes formées de ces chefs.

Sur la demande de provision au titre des loyers et charges locatives impayés

Par application de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

En l’espèce, les décomptes versés aux débats démontrent que M. [R], qui a été bénéficiaire des allocations logement jusqu’au mois de juin 2022, n’a jamais réglé la part de loyer laissé à sa charge depuis que la société M’Immo a acquis le bien le 30 mars 2021. L’arriéré de loyer et charges locatives s’établit à la somme de 4 918,67 euros au 1er novembre 2022, échéance du mois de novembre 2022 incluse.

Dès lors qu’il résulte de ce qui précède que la société M’Immo n’est pas recevable à solliciter la condamnation de M. [R] à lui verser une indemnité d’occupation, la provision mensuelle de 455,98 euros qu’elle demande à compter du 15 août 2021 à valoir sur les indemnités d’occupation doit s’analyser comme une provision à valoir sur les loyers et charges proprement dits.

Le montant non contesté de cet arriéré est de 4 918,67 euros à la date du 1er novembre 2022, tel que cela résulte du dernier décompte régulièrement communiqué par la société I’Immo.

Il convient de relever que M. [R] ne se prévaut pas d’une exception d’inexécution par suite d’un manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance mais fait état d’un tel manquement pour établir que le commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré de mauvaise foi. Or, il résulte de ce qui précède qu’aucun effet n’a été donné à ce commandement de payer compte tenu de l’irrecevabilité des demandes de la société M’Immo tendant à la constatation de la résiliation du bail et les demandes subséquentes.

Il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné M. [R] à payer à la société M’Immo la somme de 2 638,77 euros à titre de provision à valoir sur les loyers et charges impayés à la date du 1er juin 2022, comprenant l’échéance du mois de juin 2022.

M. [R] sera condamné à verser à la société M’Immo la somme de 4 918,67 euros à valoir sur l’arriéré de loyers et de provisions sur charges arrêté à la date du 1er novembre 2022, échéance du mois de novembre 2022 incluse.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du commandement de payer dans la limite de la somme de 559,32 euros, de l’ordonnance entreprise dans la limite de la somme de 2 638,77 euros et de la présente décision pour le surplus, et ce, jusqu’à parfait paiement.

Sur les délais de paiement de droit commun

Il résulte par ailleurs de l’article 1343-5 du code civil le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et des besoins du créancier, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, dans la limite de deux années.

En l’espèce, dès lors que les loyers n’ont été partiellement réglés, depuis le mois d’avril 2021, que grâce aux allocations logement dont bénéficie M. [R] versées directement à la bailleresse, ce dernier ne justifie pas de ses capacités financières à faire face à un loyer de 450 euros environ. Outre le fait qu’il n’a jamais réglé la part résiduelle laissée à sa charge depuis le mois d’avril 2021, le versement des allocations logement a été suspendu depuis le mois de juillet 2022. M. [R] indique lui-même être dans une situation de précarité et être privé de toutes ressources.

Or, la bailleresse n’a pas à pâtir indéfiniment des difficultés rencontrées par son locataire pour régler ses loyers et charges aux termes convenus.

Dans ces conditions, il y a lieu de débouter M. [R] de sa demande de délais de paiement de droit commun.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts à valoir sur le préjudice de jouissance

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence et dans les cas ou l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Ils ne peuvent donc accorder qu’une provision au créancier, à l’exclusion du prononcé de toute condamnation définitive.

En l’espèce, M. [R] sollicite la condamnation de la société M’Immo à lui payer la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance.

Or, une telle demande excède les pouvoirs du juge des référés, tels que définis par l’article précité, comme n’étant pas formée à titre provisionnel.

Dès lors que la cour est saisie des prétentions des parties formulées par voie de conclusions, régulièrement transmises et signifiées ou notifiées dans le cas où la partie a constitué avocat, antérieurement à l’ordonnance de clôture, une note en délibéré adressée à la demande de la cour afin de permettre aux parties de répondre à un moyen soulevé d’office ne peut les régulariser.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu à référé sur la demande de condamnation formée par M. [R] à l’encontre de la société M’Immo en réparation de son préjudice de jouissance et sur sa demande subséquente de compensation judiciaire.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Dès lors que M. [R] obtient partiellement gain de cause, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a mis les dépens de la procédure de première instance à sa charge, mais de la confirmer en ce qu’elle a débouté la société M’Immo de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance.

Il y a lieu de dire que chaque partie conservera la charge des dépens de première instance et d’appel par elle exposés.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens en faveur de l’une ou de l’autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a débouté la SARL M’Immo de sa demande d’indemnité formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Déclare irrecevables les demandes de la SARL M’Immo tendant à la constatation de la résiliation du bail, l’expulsion sous astreinte de M. [P] [R] et sa condamnation au paiement d’une indemnité provisionnelle d’occupation ;

Déboute M. [P] [R] de ses demandes tendant à l’irrecevabilité de l’assignation et nullité de l’ordonnance entreprise ;

Condamne M. [P] [R] à verser à la SARL M’Immo la somme de 4 918,67 euros à valoir sur l’arriéré de loyers et de provisions sur charges arrêté à la date du 1er novembre 2022, échéance du mois de novembre 2022 incluse ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du commandement de payer dans la limite de la somme de 559,32 euros, de l’ordonnance entreprise dans la limite de la somme de 2 638,77 euros et de la présente décision pour le surplus, et ce, jusqu’à parfait paiement ;

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation de M. [P] [R] formée à l’encontre de M’Immo à lui verser des dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance et sur sa demande subséquente de compensation judiciaire ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;

Condamne chaque partie à prendre en charge les dépens de première instance et d’appel par elle exposés.

La greffière La présidente

 


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