ARRET
N°
[X]
C/
S.A. CLESENCE
CJ/VB/SGS
COUR D’APPEL D’AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU QUATORZE DECEMBRE
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/04914 – N° Portalis DBV4-V-B7G-ITCP
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SENLIS DU VINGT TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
PARTIES EN CAUSE :
Madame [T] [X]
née le 25 Février 1978 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Marc BLONDET de la SCP BLONDET, avocat au barreau d’AMIENS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/009089 du 10/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AMIENS)
APPELANTE
ET
S.A. CLESENCE agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Serge LEQUILLERIER de la SCP LEQUILLERIER – GARNIER, avocat au barreau de SENLIS
INTIMEE
DEBATS :
A l’audience publique du 19 octobre 2023, l’affaire est venue devant Mme Clémence JACQUELINE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 décembre 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière et en présence de Mme Léanne GAFFEZ-TAVERNIER, juriste assistante.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, Présidente, M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L’ARRET :
Le 14 décembre 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
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DECISION :
Par contrat du 7 décembre 2015, la S.A. d’HLM Picardie Habitat, aux droits de laquelle vient la S.A. d’HLM Clesence, a donné à bail à Mme [T] [X] un appartement situé [Adresse 1] à [Localité 4], moyennant un loyer initial de 433,30 euros (actuellement 450,41 euros) outre 146,12 euros de provisions sur charges mensuelles et 10 euros au titre du contrat d’entretien.
Le 10 juin 2021, la S.A. Clesence a fait délivrer à Mme [X] un commandement de payer dans un délai de deux mois la somme de 1 678,46 euros au titre des arriérés de loyers échus et impayés au 3 juin 2021, de justifier d’une assurance contre les risques locatifs dans un délai d’un mois et de justifier de l’occupation effective du logement dans un délai d’un mois.
Par acte du 15 septembre 2021, la SA Clesence a fait assigner Mme [X] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Senlis aux fins notamment de constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail, d’expulsion de Mme [X] et de condamnation au paiement de la somme de 1 788,36 euros au titre des loyers et indemnités d’occupation impayés arrêtés au 23 août 2021.
Par jugement contradictoire du 23 septembre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Senlis a :
constaté la résiliation du bail d’habitation par l’acquisition des effets de la clause résolutoire au 11 juillet 2021;
dit n’y avoir lieu à suspension des effets de la clause résolutoire ;
dit que Mme [X] devra quitter et rendre libres de toute occupation les lieux loués en satisfaisant aux obligations des locataires sortants, notamment par la remise des clefs ;
ordonné à défaut l’expulsion de Mme [X] ainsi que celle de tous occupants de son chef et ce, au besoin avec le concours de la force publique à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la signification d’un commandement d’avoir à libérer les lieux ;
dit n’y avoir lieu à ordonner l’enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place ;
condamné Mme [X] à payer à S.A. Clesence une indemnité d’occupation mensuelle d’un montant égal à celui du loyer contractuel majoré des charges récupérables et révisable selon les mêmes modalités, jusqu’à son départ effectif des lieux et restitution des clés ;
condamné Mme [X] à payer à la S.A. Clesence la somme de 3 449,49 euros au titre des loyers impayés au 23 mars 2022, échéance du mois de février 2022 incluse ;
débouté Mme [X] de sa demande de délais de paiement ;
condamné Mme [X] à payer à la S.A. Clesence la somme de 150 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné Mme [X] aux dépens ;
rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 4 novembre 2022, Mme [X] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 6 février 2023, Mme [X] demande à la cour :
d’infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Senlis le 23 septembre 2022 ;
Statuant à nouveau,
débouter la S.A. Clesence de ses demandes ;
Subsidiairement,
ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire stipulée aux termes du bail conclu le 7 décembre 2015 ;
accorder à Mme [X] un délai pour s’acquitter de sa dette locative sous forme de versements mensuels en plus du loyer courant, en 24 mensualités égales et consécutives.
Mme [X] soutient que la dette est due à une surconsommation d’eau soudaine dont elle a averti la S.A. Clesence et non à un défaut de règlement des loyers. Elle fait valoir que cette surconsommation a pour origine un défaut du système de plomberie dont elle n’est pas responsable et que les réparations incombent à la bailleresse.
L’appelante sollicite un délai pour rembourser sa dette eu égard à sa situation personnelle. Elle explique percevoir le RSA et des prestations familiales. Elle déclare vivre avec ses trois enfants à charge sans pension alimentaire depuis plusieurs années.
Enfin, elle indique avoir repris un paiement partiel des loyers et chercher à se reloger.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 avril 2023, la S.A. Clesence demande à la cour de :
déclarer irrecevable toute prétention postérieure à celles exprimées dans les premières conclusions d’appel par Mme [X] sur le fondement de l’article 910-4 du code de procédure civile ;
la débouter de toutes demandes plus amples et contraires ;
A titre principal,
confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
condamner Mme [X] aux dépens de l’appel et à la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
A titre subsidiaire si le jugement devait être infirmé,
constater l’acquisition de la clause résolutoire suite au commandement de payer délivré le 10 juin 2021 ;
En conséquence,
constater la résiliation du bail précédemment consenti, et subsidiairement la prononcer ;
ordonner l’expulsion de Mme [X], ainsi que de tout occupant de son chef ;
condamner Mme [X] à payer une indemnité d’occupation mensuelle à compter de la date de résiliation du bail égale au loyer contractuel majoré des charges récupérables, révisable comme lui, jusqu’à la libération des lieux et restitution des clés ;
ordonner la séquestration des meubles, objets mobiliers et autres pouvant se trouver dans les lieux et leur transfert en garde-meubles aux frais, risques et périls des expulsés ;
condamner Mme [X] à régler à la SA Clesence la somme de 11 234,46 euros, représentant les loyers impayés arrêtés au 22 mars 2023 ;
dire et juger que lesdites sommes produiront intérêts de droit à compter de l’assignation ;
dire et juger que l’exécution provisoire est de droit et subsidiairement l’ordonner ;
condamner Mme [X] en tous les dépens outre une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La S.A. Clesence fait valoir que certaines demandes de la locataire, dont la demande en réalisation de travaux dans l’appartement, sont irrecevables au visa de l’article 910-4 du code de procédure civile en ce qu’il s’agit de prétentions ultérieures.
L’intimée soutient que Mme [X] ne justifie pas d’une attestation d’assurance locative valable.
A propos de la surconsommation d’eau, elle déclare qu’en principe, l’exception d’inexécution n’est pas admise en matière de bail et que Mme [X] n’a pas saisi le tribunal judiciaire d’une action indemnitaire.
La S.A. Clesence ajoute que les techniciens diligentés n’ont pas identifié de dysfonctionnement de plomberie expliquant les niveaux de consommation d’eau.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 septembre 2023 et l’affaire a été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 19 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
L’article 910-4 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
En l’espèce, le moyen d’irrecevabilité invoqué par la société d’HLM Clesence ne peut prospérer dès lors que Mme [X] n’a adressé qu’un jeu de conclusions à la cour. Il sera donc rejeté.
L’article 7a) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 fait obligation aux locataires de payer à la date prévue le loyer et les charges récupérables.
Aux termes de l’article 7g) de cette même loi, le locataire est obligé de s’assurer contre les risques dont il doit répondre en sa qualité de locataire et d’en justifier lors de la remise des clés puis, chaque année, à la demande du bailleur. La justification de cette assurance résulte de la remise au bailleur d’une attestation de l’assureur ou de son représentant. Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut d’assurance du locataire ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Ce commandement reproduit, à peine de nullité, les dispositions du présent alinéa. A défaut de la remise de l’attestation d’assurance et après un délai d’un mois à compter d’une mise en demeure non suivie d’effet, le bailleur peut souscrire une assurance pour compte du locataire, récupérable auprès de celui-ci. Cette mise en demeure doit informer le locataire de la volonté du bailleur de souscrire une assurance pour compte du locataire et vaut renoncement à la mise en ‘uvre de la clause prévoyant, le cas échéant, la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut d’assurance du locataire.
Enfin, en application de l’article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
En l’espèce, le premier juge a constaté l’acquisition de la clause résolutoire faute de justification par Mme [X] de la souscription d’une assurance locative. Il a rappelé que dans cette hypothèse, la suspension de la clause résolutoire ne peut être ordonnée.
Mme [X] ne justifie pas davantage en cause d’appel de la souscription d’une assurance locative.
Le jugement ne pourra qu’être confirmé en ce qu’il a constaté l’acquisition de la clause résolutoire, ordonné son expulsion et statué sur les conséquences de cette expulsion.
S’agissant de la dette locative, Mme [K] soutient qu’elle est due à une augmentation inexpliquée de sa consommation d’eau. Sur la base de ce seul moyen, elle sollicite l’infirmation totale du jugement en sous-entendant qu’elle justifie d’une exception d’inexécution qui doit conduire à débouter le bailleur de sa demande en paiement.
Or l’appelante ne démontre pas que l’augmentation avérée de sa consommation d’eau est due, comme elle le soutient, à une défaillance de la plomberie et non de son propre fait. Elle ne justifie pas avoir sollicité de son bailleur une quelconque intervention à ce titre.
La société d’HLM fournit quant à elle une pièce démontrant le déplacement en mars 2022 de techniciens dans l’immeuble qui n’ont constaté aucun défaut au niveau des canalisations et de la plomberie.
Il convient dans ces conditions de confirmer le jugement au titre de la condamnation au paiement, étant précisé que la société d’HLM demande à titre principal la confirmation du jugement sans demander l’actualisation de la créance de loyers, charges et indemnités d’occupation.
Enfin, Mme [X], qui explique être dans une situation financière critique et vouloir se reloger, ne justifie d’aucune démarche en ce sens. Elle n’a pas été en mesure de reprendre le paiement du loyer courant depuis sa condamnation. Le rejet de sa demande de délais de paiement sera ainsi confirmé.
En conséquence, il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, le jugement rendu le 23 septembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Senlis.
Mme [X], qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens d’appel qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle. Il n’apparaît pas inéquitable de rejeter la demande de la SA d’HLM Clesence formée au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
Rejette le moyen d’irrecevabilité soulevé par la S.A. d’HLM Clesence ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Déboute la SA. d’HLM Clesence de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant de la procédure en appel ;
Condamne Mme [T] [X] aux dépens d’appel qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle ;
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE