Exception d’inexécution : 19 décembre 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/00860

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Exception d’inexécution : 19 décembre 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/00860

ARRET N°542

N° RG 22/00860 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GQKB

[W]

C/

[P]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00860 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GQKB

Décision déférée à la Cour : jugement du 13 décembre 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LA ROCHELLE.

APPELANT :

Monsieur [E] [W] en qualité de « Liquidateur amiable » de la société [W] HABITAT anciennement SARL HT CLIM

né le 03 Avril 1974

[Adresse 4]

[Localité 2]

ayant pour avocat Me Daniel CHARCELLAY de la SELARL MINAUD CHARCELLAY, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIME :

Monsieur [K] [P]

né le 16 Novembre 1978 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

ayant pour avocat Me Luc-Pierre BARRIERE de la SELARL BARRIERE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 06 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

– Contradictoire

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

Suivant devis accepté du 14 octobre 2016, [K] [P] a confié à la SARL HT Clim la fourniture et l’installation d’un système de climatisation dans la maison d’habitation dont il est propriétaire à [Localité 6].

Ayant acquis par lui-même un climatiseur d’une autre marque, il a demandé que la prestation se limite en définitive à la pose de l’appareil qu’il s’était procuré.

Un premier intervenant ultérieurement qualifié par l’entreprise de ‘sous-traitant’ a posé l’installation dans un angle du salon, avant de laisser le chantier inachevé.

La SARL HT Clim, entre-temps devenue la SAS [W], est venue terminer le chantier, et constatant que l’emplacement choisi n’était pas adapté, elle a déplacé le groupe extérieur sur une autre façade.

M. [P] s’est alors plaint des dégradations causées à la façade Sud de son bien par ce déplacement du groupe de climatisation, ainsi que de détériorations à une tuile et à la dalle aluminium de sa façade lors du passage des tuyaux.

Faute d’accord avec M. [E] [W], dirigeant de la SAS [W], M. [P] a saisi son propre assureur protection juridique, lequel a mandaté un expert qui est intervenu le 30 mai 2018 en présence de M. [W] et a émis des propositions sur la base desquelles M. [W] et M. [P] ont signé le jour même un protocole d’accord ainsi libellé :

‘…

Monsieur [W] représentant la sarl HT Clim, s’engage

-à prendre en charge les dommages à la façade résultant du déplacement de l’ouvrage pour un montant 1.857,57 euros correspondant au rebouchage des trous, traitement des la façade abîmée, mise en peinture, échafaudages et nettoyage du chantier

-une rétribution financière sur le vantail en aluminium abîmé de 300 euros TTC

-un changement du moteur de la climatisation défectueuse ainsi que poser le bouchon de l’unité extérieure.

Monsieur [P] accepte de prendre en charge le nettoyage des deux façade et la mise en sécurité et nettoyage de chantier de la façade non impacté par la pose de l’objet.

Les parties s’engagent à honorer le présent protocole avant le 6 juillet 2018’.

M. [K] [P] a fait assigner M. [E] [W] par acte du 25 septembre 2020 devant le tribunal judiciaire de La Rochelle aux fins de voir constater le manquement de ce dernier à ses engagements issus du protocole d’accord et à l’entendre condamner à lui verser :

.2.157,57 euros à titre de dommages et intérêts

.230 euros en remboursement des frais d’expertise

.outre 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

M. [W], déclarant agir en qualité de liquidateur amiable de la SARL HT Clim devenue SAS [W], a :

-invoqué la nullité du protocole faute de concessions réciproques

-conclu en conséquence au rejet des prétentions du demandeur

-sollicité la condamnation de M. [P] à lui payer en qualité de liquidateur amiable

.448,80 euros au titre du solde de la facture de travaux

.1.138,80 euros au titre du remboursement du moteur

-demandé au tribunal d’ordonner la compensation entre les dettes réciproques

.et réclamé 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 13 décembre 2021, le tribunal judiciaire de La Rochelle a :

* constaté la validité du protocole d’accord du 30 mai 2018

En conséquence

* débouté M [W] ès qualités de liquidateur amiable de la SAS [W] Habitat, anciennement HT Clim, de sa demande de nullité du protocole du 30 mai 2018

* débouté M. [P] de sa demande de condamnation de M. [W] à titre personnel

*condamné M [W] ès qualités de liquidateur amiable de la SAS [W] Habitat, anciennement HT Clim, à verser à M. [K] [P] la somme de 2.157,57 euros à titre de dommages et intérêts

* dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2018 et jusqu’au complet règlement

* débouté M [W] ès qualités de liquidateur amiable de la SAS [W] Habitat, anciennement HT Clim de ses demandes en paiement du solde de facture, de remboursement du coût du moteur et de compensation

* débouté M. [P] de sa demande de remboursement des frais d’expertise demeurés à sa charge

* condamné M [W] ès qualités de liquidateur amiable de la SAS [W] Habitat, anciennement HT Clim aux dépens et à payer 800 euros à M. [P] en application de l’article 700 du code de procédure civile

* débouté M [W] ès qualités de liquidateur amiable de la SAS [W] Habitat, anciennement HT Clim de sa propre demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile

* rappelé que l’exécution provisoire était de droit.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu, en substance :

-que M. [W] n’était partie à l’instance qu’en qualité de liquidateur amiable de la SAS [W] Habitat, anciennement HT Clim

-que les parties au protocole avaient l’une et l’autre consenti des concessions

-que le protocole n’était donc pas nul

-qu’il devait être exécuté

-que la société [W] Habitat ne l’avait que partiellement exécuté, et restait redevable à M. [P] de la somme de 2.157,57 euros qu’elle s’était engagée à supporter

-que M. [P] n’était pas quant à lui en droit de solliciter le remboursement des frais d’expertise amiable non prévus au protocole, qui réglait l’ensemble du litige entre les parties.

M. [E] [W] en qualité de liquidateur amiable de la SAS [W] Habitat, anciennement HT Clim, a relevé appel le 1er avril 2022.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :

* le 21 décembre 2022 par M. [E] [W] en qualité de liquidateur amiable

* le 29 septembre 2022 par M. [K] [P].

[E] [W] en qualité de liquidateur amiable de la SAS [W] Habitat, anciennement HT Clim demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [P] de sa demande de condamnation dirigée à son encontre à titre personnel et de sa demande en remboursement des frais d’expertise restés à sa charge, de le réformer en ses autres chefs de décision et statuant à nouveau :

-de prononcer la nullité du protocole d’accord du 30 mai 2018

– de débouter en conséquence M. [P] de toutes ses demandes, y compris formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-de condamner M. [P] à lui payer en qualité de liquidateur amiable

.448,80 euros au titre du solde de la facture de travaux

.1.138,80 euros au titre du remboursement du moteur

-de débouter M. [P] de son appel incident tenant au remboursement de ses frais d’expertise

-d’ordonner la compensation entre les dettes réciproques

-de condamner [K] [P] aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à lui payer ès-qualités 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il maintient que le protocole est nul car M. [P] n’a consenti aucune concession, ou des concessions dérisoires ce qui revient au même, car il obtient ainsi cumulativement la prestation de pose convenue et la réparation des petits dégâts causés à sa façade, sans avoir à payer la prestation de pose. Il considère que la prétention à la réfection des entières façades n’était pas sérieuse et rappelle que le propre expert commis par l’assureur de M. [P] l’excluait.

Il justifie sa demande en paiement en faisant valoir que la prestation de pose a bien été réalisée, de sorte qu’aucune exception d’inexécution ne peut être utilement invoquée, et qu’il n’a pas à supporter la charge de la remise en état d’un climatiseur qu’il n’a pas fourni et n’a fait que poser sans en être payé.

Il conteste devoir payer à M. [P] ses frais d’expertise, soit si le protocole est annulé parce que la prétention est indue, soit s’il est validé parce que celui-ci n’en parle pas.

[K] [P] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [W] ès qualités de liquidateur amiable de la SAS [W] Habitat, anciennement HT Clim, de sa demande de nullité du protocole du 30 mai 2018, en ce qu’il a condamné M [W] ès qualités à lui verser 2.157,57 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2018, en ce qu’il a débouté M [W] ès qualités de ses demandes en paiement du solde de facture, de remboursement du coût du moteur et de compensation et de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ; de le réformer en ce qu’il l’a débouté de sa propre demande de remboursement des frais d’expertise demeurés à sa charge, et statuant à nouveau, de condamner M. [W] ès qualités de liquidateur amiable de la SAS [W] Habitat, anciennement HT Clim :

-à lui payer 230 euros en remboursement des frais d’expertise

-à lui verser 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

-aux dépens.

Il maintient que le protocole a été conclu après concessions réciproques, indiquant avoir quant à lui renoncé à la réfection des façades et à être indemnisé du préjudice esthétique causé par la visibilité de la reprise des dégradations causées à une des façades, et avoir accepté de supporter le solde des frais d’expertise et les frais de protocole alors même que la responsabilité de HT Clim était acquise, et que ces sommes incombaient à celle-ci.

Il fait valoir que l’entreprise y a notamment trouvé l’avantage d’éviter un procès, ses frais, et la publicité qui l’accompagne.

Il s’estime en droit de réclamer aujourd’hui le solde des frais d’expertise dès lors que le protocole n’a pas été exécuté, invoquant en cela l’article1219 du code civil selon lequel une partie peut refuser d’exécuter son obligation alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Il récuse tout enrichissement sans cause en faisant valoir que la société [W] Habitat n’a fait qu’assumer les conséquences de son incompétence, puisque M. [W] a cassé l’unité intérieure en essayant de remplacer une pièce défectueuse dans le cadre de l’exécution d’un des points du protocole, de sorte qu’il était normal que l’entreprise supporte le remplacement de l’installation irréversiblement détériorée.

La clôture est en date du 7 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* sur le périmètre de la saisine de la cour

Alors qu’il agissait en première instance contre [E] [W] à titre personnel en lui reprochant d’avoir fautivement procédé à la liquidation amiable de la société [W] Habitat dont il était le dirigeant, et que le tribunal l’a débouté dans le dispositif de sa décision de sa demande de condamnation de M. [W] à titre personnel, [K] [P] ne forme pas appel incident sur ce point et ne sollicite pas la réformation de ce chef de décision, qui est donc définitif.

M. [W], qui a fait appel en qualité de liquidateur amiable de la SAS [W] Habitat, anciennement HT Clim, ne figure donc qu’en cette qualité dans l’instance d’appel.

* sur la demande en nullité du protocole

Aux termes de l’article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.

L’existence de concessions réciproques s’apprécie en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l’accord transactionnel.

Il n’est pas nécessaire, pour que le protocole soit valable, que les concessions soient équivalentes ni même proportionnées. Il suffit qu’elles ne soient pas dérisoires.

Ainsi que le premier juge l’a caractérisé par des motifs pertinents, il est établi que M. [P] a consenti des concessions réelles en régularisant le protocole d’accord du 30 juin 2018, puisqu’il y ‘renonce à toute action du fait des dommages et de leurs conséquences’, alors qu’il réclamait à la société [W] habitat, succédant à la société HT Clim, non seulement le coût des travaux et réparations que l’accord lui alloue, mais aussi la reprise intégrale de toutes les façades pour conjurer une dénuanciation entre elles si seule était reprise celle, Sud, accusant des marques et des trous après la pose initiale de l’installation, ce à quoi il a renoncé, de même qu’au remplacement d’un volet et d’une dalle enfoncés lors de l’intervention initiale.

M. [W] ès qualités n’est pas fondé à soutenir que les prétentions auxquelles M. [P] a ainsi renoncé n’avaient aucune chance d’être consacrées, alors qu’aucune juridiction n’en ayant été saisie il s’agit d’une pure conjecture, étant observé que l’expert mandaté par l’assureur de M. [P] n’a pas conclu que ces doléances étaient dépourvues de tout fondement mais qu’elles lui paraissaient excessives, analyse d’un expert d’assurance dont rien ne persuade qu’elle eût été immanquablement celle d’un tribunal, et en tout état de cause, il appartenait à l’appelant -qui n’argue d’aucun vice de son consentement- de ne pas signer le protocole d’accord s’il était si certain de l’inanité des réclamations adverses.

Quant à l’objection de M. [W] ès qualités que le protocole d’accord tel qu’il l’a signé procurerait un enrichissement indu à M. [P], elle n’est pas de nature à fonder l’annulation de la transaction, étant ajouté que les sommes et prestations dont celle-ci accorde le bénéfice au maître de l’ouvrage trouvent leur cause d’une part, dans les dégradations causés par l’installateur à la façade Sud et à un vantail en aluminium, et d’autre part dans les dysfonctionnements, avérés, de l’installation posée, dont l’expert sous les auspices duquel s’est opéré le rapprochement qui a abouti à la transaction consigne que M. [W] ès qualités a accepté à titre commercial de prendre en charge le remplacement du moteur de la climatisation, que le protocole qualifie de ‘défectueuse’.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il rejette la demande d’annulation du protocole d’accord transactionnel signé le 30 juin2018.

* sur les conséquences de la validité du protocole

Le protocole d’accord étant validé, la société [W] Habitat représentée par son liquidateur amiable n’est pas fondée à solliciter de M. [P] des sommes qu’elle a renoncé par cet accord à lui réclamer, et le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ses prétentions.

La société [W] Habitat n’ayant pas exécuté toutes les obligations qu’elle avait souscrites dans le protocole d’accord transactionnel, le tribunal l’a condamnée à bon droit comme le demandait M. [P] au paiement des sommes qu’elle s’était engagée à verser sans s’être exécutée, soit 2.157,57 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2018.

M. [P] obtenant, par son action en justice, l’exécution de la transaction à laquelle l’autre partie se refusait, n’est pas fondé à prétendre s’en affranchir pour demander paiement des frais d’expertise et de protocole qu’il a précisément renoncé à réclamer, et il a été débouté à bon droit de sa demande en paiement de la somme de 230 euros, reprise devant la cour par voie d’appel incident.

* sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Les chefs de décision du tribunal afférents aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés, et ils seront confirmés.

M. [E] [W] succombe devant la cour et supportera les dépens d’appel.

Il versera à M. [P] une indemnité de procédure au titre des frais irrépétibles d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

CONFIRME le jugement entrepris

ajoutant :

DÉBOUTE les parties de leurs prétentions autres ou contraires

CONDAMNE M. [E] [W] en sa qualité de liquidateur amiable de la SARL HT Clim devenue SAS [W], aux dépens d’appel

LE CONDAMNE en cette même qualité à payer à M. [K] [P] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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