Exception d’inexécution : 22 décembre 2023 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/07591

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Exception d’inexécution : 22 décembre 2023 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/07591

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR fond

N° RG 23/07591 – N° Portalis 352J-W-B7H-C23Y3

N° MINUTE : 2/2023

JUGEMENT
rendu le 22 décembre 2023

DEMANDEURS
Monsieur [O] [N], demeurant [Adresse 9], Madame [R] [N], demeurant [Adresse 1], Madame [A] [N], demeurant [Adresse 11], Madame [I] [N] épouse [F], demeurant [Adresse 10], Monsieur [U] [W], demeurant [Adresse 5], Madame [T] [W] épouse [J], demeurant [Adresse 3], Madame [G] [W], demeurant [Adresse 7], demeurant [Adresse 8], Madame [D] [W] représentée par sa mère [C] [W] résidant toutes les 2 à la même adresse, demeurant [Adresse 4], représentés par Me Anne-Elisabeth DEZARD, avocat au barreau de PARIS, [Adresse 2], Toque G0244

DÉFENDEURS
Madame [S] [M], demeurant Chez Mme [Z][X], [Adresse 6], comparante en personne
Monsieur [B] [V], demeurant [Adresse 8], non comparant, ni représenté

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Sandra MONTELS, juge des contentieux de la protection
assistée de Caroline CROUZIER, Greffière

DATE DES DÉBATS : 19 octobre 2023

JUGEMENT
réputé contradictoire et en premier ressort prononcé par mise à disposition le 22 décembre 2023 par Sandra MONTELS, juge des contentieux de la protection assistée de Caroline CROUZIER, Greffière

Décision du 22 décembre 2023
PCP JCP ACR fond – N° RG 23/07591 – N° Portalis 352J-W-B7H-C23Y3

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé à effet du 1er avril 2008, l’indivision [N]-[W] a consenti un bail d’habitation à Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V] sur des locaux situés au [Adresse 8]), moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 1160 euros et d’une provision pour charges de 75 euros.

Par actes de commissaire de justice du 17 janvier 2023, la bailleresse a fait délivrer aux locataires un commandement de payer la somme principale de 6.607,08 euros au titre de l’arriéré locatif, visant la clause résolutoire prévue dans le contrat.

La commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V] le 18 janvier 2023.

Par assignations du 17 août 2023, M. [O] [N], Mme [R] [N], Mme [A] [N], Mme [I] [F] née [N], M. [U] [W], Mme [T] [J] née [W], Mme [G] [W], M. [Y] [W], Mme [D] [L] [W] constituant l’indivision [N]-[W] ont saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
-condamnation solidaire de Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V] au paiement de la somme de 8163,50 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 22 juillet 2023, échéance de juillet 2023 incluse, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, somme à parfaire au jour de l’audience,
-constat de l’acquisition de la clause résolutoire,
-à titre subsidiaire, de constat de la validité du congé pour vente notifié le 12 septembre 2022,
-à titre infiniment subsidiaire, de prononcé de la résiliation du bail aux torts exclusifs de Madame [S] [M] et de Monsieur [B] [V],
En tout état de cause :
-être autorisés à faire procéder à l’expulsion de Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V],
-condamnation solidaire de Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V] au paiement :
-d’une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,
-de la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
-de la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris le coût du commandement de payer.

Elle soutient que les locataires ne paient pas le loyer, qu’après un commandement de payer non suivi d’effet la clause résolutoire du bail est acquise, que le bail arrivant à expiration le 31 mars 2023 elle a notifié un congé pour vente du logement réceptionné le 12 septembre 2022, que les indivisaires ont subi un préjudice en raison du non-paiement des loyers et du refus de laisser visiter le bien en vente, du maintien dans les lieux.

L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 17 août 2023.

À l’audience du 19 octobre 2023, l’indivision [N]-[W], représentée par son conseil, maintient l’intégralité de ses demandes, et précise que la dette locative, actualisée au 19 octobre 2023, s’élève désormais à 11.913,33 euros et que le loyer courant n’est plus réglé depuis le mois de mars 2023.

Madame [S] [M] indique que Monsieur [B] [V] a quitté le logement depuis dix ans sans avoir donné congé. Elle reconnaît le principe de la dette locative, qu’elle ne peut chiffrer, et ne plus payer le loyer depuis trois mois. Elle expose avoir rencontré des problèmes de santé ayant engendré des difficultés financières et avoir une fille étudiante à charge. Elle indique ne plus résider dans le logement depuis le mois de juin 2023 sans avoir rendu les clés, ce qu’elle s’engage néanmoins à faire. Elle demande à bénéficier de délais de paiement sans pouvoir proposer un montant mensuel. Elle évoque une obstruction dangereuse au niveau de la chaudière, dont le propriétaire a été alerté sans faire les travaux, et a estimé qu’un arrangement financier avec ce dernier aurait pu intervenir.

Elle sollicite le rejet de la demande indemnitaire et de celle au titre des frais irrépétibles.

Bien que régulièrement cité par acte de commissaire de justice délivré à étude, Monsieur [B] [V] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

Autorisées en ce sens à l’audience, Madame [S] [M] a adressé à l’indivision [N]-[W] des échanges de courriels datés d’avril 2019, deux devis des 04 mars 2019 et 24 avril 2022 relatif à l’entretien de la chaudière, pièces auxquelles l’indivision [N]-[W] a répondu par note du 7 novembre 2023 exposant d’une part que Madame [S] [M] a remis les clés le 23 octobre 2023, et d’autre part s’agissant de la chaudière, que Madame [S] [M] ne produit pas les attestations antérieures à l’année 2019 de sorte qu’il ne peut être établi s’il s’agit d’un problème de conformité ou d’un défaut d’entretien imputable au locataire, qu’aucune mise en demeure ne lui a été adressée par Madame [S] [M] de sorte que cette dernière ne peut prétendre à l’application de l’article 20-1 du de la loi du 6 juillet 1989, que l’attestation de 2022 ne lui a pas été communiquée.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant alors droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande de constat de la résiliation du bail

Sur la recevabilité de la demande

L’indivision [N]-[W] justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.

Elle justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.

Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

Sur la résiliation du bail

Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat de bail litigieux, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l’espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de location a été signifié aux locataires le 17 janvier 2023. Or, d’après l’historique des versements, la somme de 6607,08 euros n’a pas été réglée par ces derniers dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d’apurement n’a été conclu dans ce délai entre les parties.

La bailleresse est donc bien fondée à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 18 mars 2023.

Il convient, en conséquence, d’ordonner aux locataires ainsi qu’à tous les occupants de leur chef de quitter les lieux, et, pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, d’autoriser la bailleresse à faire procéder à l’expulsion de toute personne y subsistant.

Cependant, dès lors qu’aucune circonstance ne justifie la réduction du délai prévu à l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution, il convient de rappeler que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance aux locataires d’un commandement de quitter les lieux.

Sur la dette locative

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement.

L’article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Aux termes des dispositions de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 et 1343-5 du code civil, le juge peut, même d’office, accorder au locataire défaillant en situation de régler sa dette des délais de paiement.

En l’espèce, l’indivision [N]-[W] verse aux débats un décompte démontrant qu’à la date du 1er septembre 2023, Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V] lui devaient la somme de 11.913,33 euros.

Madame [S] [M] ne parvient pas à faire la preuve que l’indivision [N]-[W] a failli à son obligation de remise d’un logement décent et en bon état d’usage et de réparation imposée par l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 qui aurait pu fonder une exception d’inexécution de paiement des loyers. En effet les échanges de courriels sont incompréhensibles (lettres manquantes) et il n’est pas démontré que les problèmes de sécurité ne relevaient pas d’un défaut d’entretien de la chaudière qui incombe au locataire.

Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V] n’apportant par ailleurs aucun élément de nature à remettre en cause le montant de la dette locative, ils seront solidairement condamnés à payer la somme de 11.913,33 euros à la bailleresse, échéance de septembre 2023 (loyer et charges) incluse, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation sur la somme de 8163,50 euros et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus.

Il ressort des débats que Madame [S] [M] n’apparaît pas en capacité de régler sa dette : elle a indiqué percevoir des revenus mensuels de 700 euros, avoir une fille à charge et ne pas savoir comment régler les arriérés locatifs. Sa demande de délais de paiement sera en conséquence rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

En vertu de l’article 1231-6 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

En l’espèce, la demanderesse ne démontre pas avoir subi un préjudice indépendant du retard de Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V] dans le paiement des sommes dues, ni leur mauvaise foi, laquelle ne se présume pas.

Par ailleurs elle ne fait pas la preuve de l’opposition de Madame [S] [M] à la visite des lieux dans le cadre de la vente.

Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V], qui succombent à la cause, seront solidairement condamnés aux dépens de la présente instance en ce compris le coût du commandement de payer, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité et la situation économique de Madame [S] [M] commandent par ailleurs de faire droit à hauteur de 500 euros à la demande de l’indivision [N]-[W] concernant les frais non compris dans les dépens, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile précitées.

L’exécution provisoire est de plein droit

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 17 janvier 2023 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois,

CONSTATE, en conséquence, que le contrat conclu à effet du 1er avril 2008 entre l’Indivision [N]-[W], d’une part, et Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V], d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 8]) est résilié depuis le 18 mars 2023,

CONDAMNE solidairement Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail,

DIT que cette indemnité d’occupation, qui se substitue au loyer dès le 18 mars 2023, est payable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés à la bailleresse ou à son mandataire,

ORDONNE à Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V] de libérer de leur personne, de leurs biens, ainsi que de tous occupants de leur chef, les lieux situés au [Adresse 8]) ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement,

DIT qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à leur expulsion et à celle de tous occupants de leur chef avec l’assistance de la force publique,

DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution,

RAPPELLE que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’hors période hivernale et à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux,

CONDAMNE solidairement Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V] à payer à M. [O] [N], Mme [R] [N], Mme [A] [N], Mme [I] [F] née [N], M. [U] [W], Mme [T] [J] née [W], Mme [G] [W], M. [Y] [W], Mme [D] [L] [W] constituant l’indivision [N]-[W] la somme de 11.913,33 euros (onze mille neuf cent treize euros et trente-trois centimes) au titre de l’arriéré locatif et de l’indemnité d’occupation arrêté au 19 octobre 2023, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation sur la somme de 8163,50 euros et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus,

DEBOUTE Madame [S] [M] de sa demande de délai de paiement ;

DÉBOUTE M. [O] [N], Mme [R] [N], Mme [A] [N], Mme [I] [F] née [N], M. [U] [W], Mme [T] [J] née [W], Mme [G] [W], M. [Y] [W], Mme [D] [L] [W] de leur demande indemnitaire,

CONDAMNE solidairement Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer ;

CONDAMNE solidairement Madame [S] [M] et Monsieur [B] [V] à payer à M. [O] [N], Mme [R] [N], Mme [A] [N], Mme [I] [F] née [N], M. [U] [W], Mme [T] [J] née [W], Mme [G] [W], M. [Y] [W], Mme [D] [L] [W] la somme de 500 euros (cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023, et signé par la juge et le greffier susnommés.

Le Greffier La Juge

 


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