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CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 décembre 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10602 F
Pourvoi n° P 19-17.292
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2020
M. L… M…, domicilié […] , a formé le pourvoi n° P 19-17.292 contre l’arrêt rendu le 15 mars 2019 par la cour d’appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. X… M…, domicilié […] ,
2°/ à Mme W… M…, épouse J…, domiciliée […] ,
3°/ à Mme S… M…, épouse V…, domiciliée […] ,
4°/ à Mme N… M…, domiciliée […] ,
5°/ à Mme I… M…, épouse T…, domiciliée […] ,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations écrites de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. L… M…, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. X… M… et de Mmes W…, S…, N… et I… M…, après débats en l’audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. L… M… aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. L… M… et le condamne à payer à M. X… M… et Mmes W…, S…, N… et I… M… la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. L… M…
Le moyen reproche à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté M. L… M… de sa demande d’attribution préférentielle et d’avoir renvoyé les parties devant le notaire pour la poursuite des opérations de règlement de la succession et d’établissement de l’acte de partage conformément à la présente décision ;
AUX MOTIFS QUE
« selon l’article 831 du code civil, tout héritier copropriétaire peut demander l’attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s’il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d’entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d’une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement ;
Attendu, en l’espèce, que M. L… M… sollicite l’attribution de tous les biens immobiliers dépendant de la succession, sans apporter aucun élément permettant d’affirmer que ceux-ci constituent une entreprise agricole ou une quote-part d’une telle entreprise ;
Attendu qu’à la date du décès de Mme G… A…, veuve M…, celle-ci n’exerçait plus d’activité agricole ; que la composition de la succession ne permet pas de caractériser l’existence d’une entreprise agricole qui en dépendrait, M. L… M… affirmant lui-même que ce qui reste dans le hangar est « le matériel obsolète et inutilisable de l’ancienne exploitation agricole », en ajoutant qu’il a lui-même acquis le matériel nécessaire à l’activité agricole dont il se prévaut ;
Attendu que la circonstance que M. L… M… exerce une activité agricole en sus de son activité professionnelle principale ne suffit pas à démontrer l’existence d’une entreprise agricole au sens des dispositions rappelées ci-dessus, ni à établir les biens qui y sont affectés ;
Attendu que M. L… M… ne verse pas aux débats des documents comptables permettant de caractériser l’existence d’une entreprise, ni même de connaître l’importance réelle de son activité agricole;
Attendu que, selon ses explications, M. L… M… exercerait une activité de viticulteur et d’arboriculteur, alors que les parcelles dont il sollicite l’attribution préférentielle sont principalement en nature de terre, de prés et de bois, la superficie des vignes et des vergers étant inférieure à la moitié de la contenance totale des biens de la succession ;
Attendu qu’aucun élément ne permet d’évaluer l’intérêt des immeubles dépendant de la succession pour l’activité agricole exercée par M. L… M…, dont le premier juge a relevé à juste titre qu’elle était secondaire et limitée ;
Attendu, en conséquence, que M. L… M… ne justifie pas de ce que les conditions de l’attribution préférentielle sont réunies et qu’au surplus une telle attribution préférentielle apparaît en tout état de cause inopportune »;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« l’article 831 du code civil dispose que le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l’attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s’il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d’entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d’une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement. Dans le cas de l’héritier, la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants.
S’il y a lieu, la demande d’attribution préférentielle peut porter sur des droits sociaux, sans préjudice de l’application des dispositions légales ou des clauses statutaires sur la continuation d’une société avec le conjoint survivant ou un ou plusieurs héritiers.
En application de ces dispositions, il est généralement admis que l’entreprise agricole se caractérise essentiellement par l’affectation d’un ensemble de biens à l’exercice d’une activité lucrative particulière, le mode juridique de cette affectation étant indifférent.
La destination des biens à l’entreprise agricole que requiert l’attribution préférentielle suppose plus précisément leur affectation, soit à une activité rémunératoire de culture ou d’élevage, c’est-à-dire de maîtrise et d’exploitation d’un cycle biologique végétal ou animal, soit, éventuellement, aux activités de transformation ou de distribution des produits qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation.
Le fait que le demandeur à l’attribution soit inscrit à la mutualité sociale agricole et qu’il dispose d’un matériel agricole est à lui seul insuffisant pour caractériser l’entreprise agricole, celle-ci comportant en tout état de cause une composante immobilière qu’il importe de caractériser.
L’institution de l’attribution préférentielle a une finalité économique, malgré la substitution du terme d’entreprise agricole à celui d’unité économique par la loi du 23 juin 2006, de sorte que si l’exercice d’une activité accessoire ne suffit pas à mettre obstacle au droit pour un cohéritier participant à la culture, de réclamer l’attribution préférentielle, l’exercice régulier et à titre principal d’un autre emploi peut y faire obstacle faute d’existence d’une entreprise agricole au sens de l’article 831 du code civil.
Ainsi, l’attribution préférentielle des très petites exploitations n’est pas nécessairement exclue mais doit être envisagée à l’aune des besoins de l’exploitant et un certain seuil de rentabilité doit toutefois être atteint.
En l’espèce, il résulte des attestations versées aux débats par le demandeur qu’il a toujours travaillé sur l’exploitation viticole de ses parents et qu’il s’est toujours intéressé à la viticulture.
Il est en outre inscrit auprès de la caisse de mutualité agricole à titre de chef d’exploitation depuis 1996.
Cependant, il résulte de l’avis d’imposition 2015 du foyer fiscal de M. L… M… que celui-ci a perçu un revenu salarié de 29 041 €, que son épouse a perçu un revenu salarié de 19.392 €, tandis que le revenu agricole déclaré pour la même période s’élevait à la somme de 3.948 €.
L’avis d’impôt sur les revenus 2010 de M. L… M…, versé aux débats par les défendeurs révèle un revenu annuel de 25 442 € au bénéfice de M. M… et de 18 120 € au bénéfice de son épouse, tandis que le revenu agricole de cette année là s’élevait à la somme 2 619 €.
Il ressort de ces éléments que l’activité agricole du demandeur à l’attribution préférentielle apparaît très résiduelle, ce qui résulte également du relevé de compte émanant de la MSA selon lequel l’activité agricole de M. L… M… entre 1996 et 2013 constituait une activité secondaire n’ouvrant pas droit à l’obtention de trimestres.
Au sein de la déclaration de succession et des actes notariés, M. L… M… est désigné comme peintre de profession.
Sur les avis d’imposition, l’adresse des époux M… est située à Kilstett, et non à Balbronn dans la maison à partir de laquelle se faisait l’exploitation selon les propres déclarations du demandeur.
Les achats de matériel agricole depuis 20 ans apparaissent très limités puisqu’à l’exception d’un tracteur à la fin des années 1990, M. M… n’a que très peu investi dans l’exploitation.
Enfin le demandeur ne précise ni la vocation exacte des parcelles dont il sollicite l’attribution ni ne justifie de leur exploitation effective, certaines étant désignées comme prés, jardin et bois, ce qui permet de douter de leur vocation agricole.
Ces éléments confortent la qualification d’activité secondaire, voire de loisir, qui ne permet pas de retrouver les critères de l’entreprise agricole susceptible de faire l’objet d’une attribution préférentielle » ;
1) ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que les juges ont l’obligation de se prononcer sur l’ensemble des pièces versées aux débats ; qu’en l’espèce, dans ses conclusions d’appel, pour établir l’exploitation agricole sur les parcelles dont il demandait l’attribution préférentielle, M. L… M… produisait notamment les attestations fiscales de remboursement forfaitaire aux exploitants agricoles non imposés à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 1997 à 2008 (pièces n° 13 à 27), les déclarations fiscales de récolte de vin d’Alsace (pièces n° 28 à 33), l’attestation de début de conversion vers l’agriculture biologique (pièce n° 68), le certificat de conformité au mode de production biologique (pièce n° 69), la facture certipaq bio du 30 janvier 2018 (pièce n° 70), les attestations annuelles d’achats de produits agricoles (pièces n°72), l’attestation d’adhésion à la coopérative de la Cave du Roi Dagobert (pièce n° 73), les factures d’achat du matériel agricole destiné à l’exploitation et l’attestation de propriété du centre d’exploitation (pièce n° 47) ; qu’en affirmant, pour rejeter sa demande d’attribution préférentielle, que M. L… M… sollicite l’attribution de tous les biens immobiliers de la succession, sans apporter aucun élément permettant d’affirmer que ceux-ci constituent une entreprise agricole ou une quote-part d’une telle entreprise et permettant d’évaluer l’intérêt des immeubles dépendant de la succession pour l’activité agricole exercée par M. L… M…, sans examiner, même de façon sommaire, les multiples documents régulièrement versés aux débats par M. L… M… et établissant l’existence de l’entreprise agricole sur les parcelles litigieuses, la cour d’appel a violé ensemble l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE dénature par omission le juge du fond qui fait abstraction d’un document régulièrement produit aux débats et de nature à avoir une incidence sur la solution du litige ; qu’en l’espèce, dans ses conclusions d’appel, pour établir l’exploitation agricole sur les parcelles dont il demandait l’attribution préférentielle, M. L… M… produisait les attestations fiscales de remboursement forfaitaire aux exploitants agricoles non imposés à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 1997 à 2008 indiquant le montant des ventes réalisées annuellement (pièces n° 13 à 27) ainsi que les déclarations fiscales de récoltes de vins (pièces n° 28 à 33), les factures de vente de raisins et de vente de fruits (pièces n° 36 à 40); qu’en énonçant, pour rejeter sa demande d’attribution préférentielle, que M. L… M… ne verse pas aux débats de documents comptables permettant de caractériser l’existence d’une entreprise ni même de connaître l’importance réelle de son activité agricole, la cour d’appel a dénaturé par omission les conclusions et éléments de preuve précités de M. M… et violé l’article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis ;
3) ALORS QUE dénature par omission le juge du fond qui fait abstraction d’un document régulièrement produit aux débats et de nature à avoir une incidence sur la solution du litige ; qu’en l’espèce, dans ses conclusions d’appel, pour établir l’exploitation agricole sur les parcelles dépendant de la succession dont il demandait l’attribution préférentielle, M. L… M… produisait le document établi par la MSA de reconstitution de carrière de sa mère attestant qu’elle avait cessé son activité depuis le 1er août 1996 (pièce d’appel n°6) et le bulletin de mutation au 1er août 1996 attestant qu’il assurerait désormais l’exploitation des mêmes parcelles ; qu’en affirmant que la circonstance que M. L… M… exerce une activité agricole en sus de son activité professionnelle principale ne suffisait pas à démontrer l’existence d’une entreprise agricole, ni à établir les biens qui y sont affectés, la cour d’appel a dénaturé par omission les conclusions et éléments de preuve précités de M. M… et violé l’article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis ;
4) ALORS QUE l’existence de l’entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dont l’attribution préférentielle est sollicitée s’apprécie au jour de la demande ; qu’en l’espèce, M. L… M… faisait valoir qu’il avait repris l’exploitation agricole de sa mère le 1er août 1996, soit près de deux ans avant son décès et qu’il sollicitait l’attribution préférentielle des parcelles sur lesquelles se réalise cette exploitation ; qu’en se plaçant à la date du décès d’G… M… pour retenir qu’à cette date, celle-ci n’exerçait plus d’activité agricole et débouter ainsi M. M… de sa demande d’attribution préférentielle, la cour d’appel a violé l’article 831 du code civil ;
5) ALORS QUE tout héritier peut demander l’attribution préférentielle de toute entreprise agricole à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement ; qu’en énonçant, pour rejeter sa demande d’attribution préférentielle, que M. L… M… exercerait une activité de viticulteur et d’arboriculteur alors que les parcelles dont il sollicite l’attribution sont principalement en nature de terre, de prés et de bois, la superficie des vignes et des vergers étant inférieure à la moitié de la contenance totale des biens de la succession, quand les surfaces de biens de culture différentes ne peuvent être comparées entre elles qu’après application d’un coefficient de pondération et que les surfaces exploitées en vignes étaient équivalentes à 14,5792 hectares en polyculture, soit beaucoup plus que les prés et bois dépendant de la succession (cf concl. p. 10 et 11), la cour d’appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l’article 831 du code civil ;
6) ALORS QUE tout héritier peut demander l’attribution préférentielle de toute entreprise agricole à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement ; qu’en énonçant, pour rejeter sa demande d’attribution préférentielle, qu’aucun élément ne permet d’évaluer l’intérêt des immeubles dépendant de la succession pour l’activité agricole exercée par M. L… M… qui était secondaire et limitée, quand ni les modalités de sa mise en valeur ni la faiblesse de sa rentabilité ou de sa productivité ne constituent un obstacle à la caractérisation d’une entreprise agricole, la cour d’appel a violé l’article 831 du code civil ;
7) ALORS QUE le juge appelé à se prononcer sur une demande d’attribution préférentielle se prononce en fonction des intérêts en présence et doit préciser les raisons pour lesquelles il l’accueille ou la rejette ; qu’en se bornant, après avoir considéré que les conditions de l’attribution préférentielle n’étaient pas réunies, à énoncer qu’au surplus l’attribution préférentielle des biens à M. L… M… apparaissait « inopportune », sans préciser les raisons d’une telle appréciation, quand aucun des autres héritiers ne formait de demande d’attribution préférentielle concurrente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 831 et 832-3 du code civil.