Bio : 2 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/03516

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Bio : 2 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/03516
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N° RG 22/03516 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LQ4R

N° Minute :

c3

Notification par LRAR

aux parties :

le :

copies exécutoires délivrées

aux avocats :

le :

la SELARL CABINET BARD AVOCATS ET ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

2ème CHAMBRE CIVILE

STATUANT EN MATIÈRE DE BAUX RURAUX

ARRET DU MARDI 02 MAI 2023

Appel d’une décision (N° RG 21-000005)

rendue par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Valence

en date du 05 septembre 2022

suivant déclaration d’appel du 27 Septembre 2022

APPELANTS :

Monsieur [B] [X]

[Adresse 10]

[Localité 20]

Représenté par Me Vincent BARD de la SELARL CABINET BARD AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCE

Monsieur [Z] [X]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Assisté par Me Vincent BARD de la SELARL CABINET BARD AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCE

INTIMES :

Monsieur [M] [X]

[Adresse 18]

[Localité 21]

Madame [J] [E] NEE [X]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Comparants, assistés de M.[S] [R], muni d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle CARDONA, Présidente,

Mme Anne-Laure PLISKINE, Conseiller,

M.Laurent GRAVA, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 20 février 2023, Anne-Laure Pliskine, conseillère, a été entendue en son rapport, en présence de Emmanuèle Cardona, président et Laurent Grava, conseiller, assistés de Caroline Bertolo, greffière,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ont été entendus en leurs explications ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique du 14 octobre 1977, [O] [X] et son épouse [W] [X] ont donné solidairement à bail à deux de leurs quatre enfants, Messieurs [M] et [B] [X], une propriété agricole comportant des bâtiments et terres.

Suite au décès des époux [X], par arrêt du 17 juin 2014 rectifié le 13 janvier 2015, la cour d’appel de Grenoble, statuant sur le partage des biens dépendant des successions de [O] et [W] [X], a attribué préférentiellement respectivement à Monsieur [B] [X] et à Monsieur [M] [X] diverses parcelles sur les communes du [Localité 20], de [Localité 29] et de [Localité 21] dépendant de la succession.

M.[B] [X] a, par requête du 27 mars 2013, saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’une demande d’autorisation de cession du bail à son fils [Z].

Par jugement du 10 novembre 2014, le tribunal paritaire des baux ruraux de Valence a déclaré Monsieur [B] [X] irrecevable en sa demande de cession du bail.

Par arrêt du 30 juin 2015, la cour d’appel de Grenoble statuant sur l’appel de ce jugement a déclaré la demande d’autorisation de cession du bail recevable, mais l’a rejetée.

Le 14 août 2015, Monsieur [B] [X] a fait assigner son frère [M] en référé devant le président du tribunal paritaire des baux ruraux aux fins qu’il lui soit enjoint d’enlever tout matériel se trouvant dans les hangars et de laisser l’usage paisible des parcelles.

Monsieur [M] [X] a demandé au juge des référés de se déclarer incompétent au profit du tribunal paritaire des baux ruraux statuant au fond. A titre reconventionnel, il a demandé à voir ordonner l’évacuation du troupeau de bovins, des bottes de fourrage et de paille ainsi que du matériel agricole appartenant à Monsieur [B] [X], situés sur sa propriété et qu’il lui soit fait interdiction pure et simple, ainsi qu’à tout occupant de son chef, de pénétrer sur les parcelles cadastrées ZD no [Cadastre 14] et no [Cadastre 17], sises à [Localité 21].

Par ordonnance du 24 septembre 2015, le juge des référés a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [M] [X] ainsi que les demandes principales et reconventionnelles dont il était saisi.

Par arrêt du 1er mars 2016, la cour d’appel de Grenoble a confirmé cette ordonnance en ce qu’elle avait débouté Monsieur [B] [X] de ses demandes.

Elle l’a infirmée en ce qu’elle avait rejeté la demande reconventionnelle de Monsieur [M] [X]. Statuant à nouveau, elle a ordonné à Monsieur [B] [X] d’évacuer son troupeau de bovins, ses bottes de fourrage et de paille ainsi que son matériel agricole qu’il avait entreposés sur la propriété de Monsieur [M] [X] et ce, sous astreinte.

Elle a fait interdiction à Monsieur [B] [X] de pénétrer sur les parcelles cadastrées ZD [Cadastre 14] et ZD [Cadastre 17] à [Adresse 22] et ce, sous astreinte.

Sur pourvoi de Monsieur [B] [X], la cour de cassation, par arrêt du 7 octobre 2017, a cassé et annulé dans toutes ses dispositions, l’arrêt du 1er mars 2016 et a désigné la cour d’appel de Chambéry comme juridiction de renvoi.

Par arrêt du 4 octobre 2018, la cour d’appel de Chambéry a, réformant partiellement l’ordonnance de référé du 24 septembre 2015 du président du tribunal paritaire des baux ruraux de Valence, notamment :

-enjoint à Monsieur [M] [X] de laisser à son frère, Monsieur [B] [X], la jouissance paisible des parcelles agricoles non bâties sur :

*la commune de [Localité 21] lieudit [Localité 19] ZD [Cadastre 14] et [Cadastre 17], lieudit [Localité 30] ZE [Cadastre 12] et [Cadastre 13],

*sur la commune de [Localité 29], lieudit [Localité 23] A [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 15], et lieudit [Localité 28] A [Cadastre 11],

*sur la commune de [Localité 20], lieudit [Localité 26], L[Cadastre 13] et lieudit [Localité 24] L [Cadastre 16], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7],

et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 5 mois à l’issue d’un délai de 3 mois suivant la signification de la décision,

-condamné Monsieur [M] [X] à payer à Monsieur [B] [X] une indemnité de procédure de 1.500 euros.

Par un arrêt en date 19 novembre 2020 la cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Monsieur [M] [X] contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Chambéry le 4 octobre 2018.

Dans l’intervalle, par requête en date du 31 mars 2016, Monsieur [B] [X] a demandé la convocation de Monsieur [M] [X] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Valence pour lui voir ordonner, sous astreinte, d’enlever tout matériel se trouvant dans les hangars donnés à bail et de le laisser user paisiblement des parcelles dont il est devenu seul locataire.

Par jugement du 15 mai 2017, le tribunal paritaire des baux ruraux de Valence a:

-dit que Monsieur [B] [X] est titulaire d’un bail rural sur les parcelles suivantes appartenant à Monsieur [M] [X], situées :

– commune de [Localité 21], lieudit [Localité 19], cadastrées section ZD n°[Cadastre 14] et [Cadastre 17], et lieudit [Localité 30] cadastrées section ZE n°[Cadastre 12] et [Cadastre 13],

– commune de [Localité 29], lieudit [Localité 23], cadastrées section A n° [Cadastre 1],[Cadastre 2] et [Cadastre 15], et lieudit [Adresse 27], cadastrée section A n°[Cadastre 11],

– commune de [Localité 20], lieudit [Localité 26], cadastrée section L n°[Cadastre 13], lieudit [Adresse 25], cadastrées section L n°[Cadastre 16],[Cadastre 5],[Cadastre 6] et [Cadastre 7],

– condamné Monsieur [M] [X] à payer à Monsieur [B] [X] la somme de 750 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Monsieur [M] [X] aux dépens,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

– débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires.

Par arrêt du 4 décembre 2018, la cour d’appel de Grenoble a :

-confirmé le jugement déféré sauf en ce qu’il a dit que Monsieur [B] [X] est titulaire d’un bail rural à l’égard de Monsieur [M] [X] portant sur la parcelle section A n°[Cadastre 11] sur la commune de [Localité 29].

Statuant à nouveau et y ajoutant,

-débouté Monsieur [B] [X] de sa demande tendant à voir être déclaré preneur d’un bail rural consenti par Monsieur [M] [X] portant sur la parcelle section A n°[Cadastre 11] sur la commune de [Localité 29].

-dit n’y avoir lieu à application complémentaire des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

-laissé à chaque partie la charge de ses dépens d’appel.

Par arrêt du 19 novembre 2020, la cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 4 décembre 2018 et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Chambéry.

Par arrêt du [Cadastre 14] janvier 2022, la cour d’appel de Chambéry a notamment:

-réformé partiellement le jugement déféré

-dit que M. [B] [X] était titulaire d’un bail rural dont l’objet était limité aux parcelles suivantes appartenant à M. [M] [X]:

-sur la commune de [Localité 21]

-lieudit Les [Localité 19], parcelles ZD [Cadastre 14] et [Cadastre 17]

-lieudit [Localité 30], parcelles ZE [Cadastre 12] et [Cadastre 13]

-sr la commune de [Localité 20]

-lieudit [Localité 26], parcelle L[Cadastre 13]

-lieudit [Localité 24], parcelles L[Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7]

-ordonné à M.[M] [X] de laisser à M.[B] [X] l’usage exclusif et paisible de ces parcelles et des bâtiments implantés sur celles-ci

-condamné M.[M] [X] à payer à M.[B] [X] la somme de 500 euros de dommage-intérêts en réparation du préjudice moral causé par les troubles de jouissance qu’il a subis.

Par acte d’huissier en date du 16 février 2021, Monsieur [M] [X] a fait délivrer à M.[B] [X] un congé pour reprise au bénéfice de sa fille Mme [J] [E], pour les parcelles sises :

-sur la commune de [Localité 21]

-lieudit Les [Localité 19], parcelles ZD [Cadastre 14] et [Cadastre 17]

-lieudit [Localité 30], parcelles ZE [Cadastre 12] et [Cadastre 13]

-sr la commune de [Localité 20]

-lieudit [Localité 26], parcelle L[Cadastre 13]

-lieudit [Localité 24], parcelles L[Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7].

Ce congé a été contesté par M.[B] [X].

Par jugement du 5 septembre 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Valence a:

-reçu l’intervention volontaire de Mme [J] [E] ;

-rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M.[M] [X] ;

-dit et jugé régulier sur la forme et sur le fond le congé aux motifs du droit de reprise au profit de madame [J] [E] en date du 16 février 2021.

En conséquence,

-dit que le bail en date du 14 octobre 1977 à effet du 15 novembre 1977 sera résilié à compter du 14 novembre 2022 ;

-dit que monsieur [B] [X] devra libérer les parcelles cadastrées situées :

Sur la commune de [Localité 21], lieudit [Localité 19], cadastrées section ZD n°[Cadastre 14] et [Cadastre 17] et lieudit [Localité 30] section ZE n°[Cadastre 12] et [Cadastre 13]

Sur la commune de [Localité 20], lieudit [Localité 26], cadastrée section L n°[Cadastre 13] et lieudit [Localité 24], cadastrées section L n°[Cadastre 5],[Cadastre 6] et [Cadastre 7].

À défaut ordonné d’ores et déjà son expulsion si besoin était avec l’assistance de la force publique;

-débouté monsieur [B] [X] de sa demande de dommages et intérêts ;

-débouté monsieur [B] [X] du surplus de ses demandes;

-dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les a déboutées de leurs demandes de ce chef ;

-condamné monsieur [B] [X] aux dépens :

-ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

M.[B] [X] a interjeté appel de ce jugement

A l’audience, M.[B] [X] demande à la cour de:

-déclarer fondé et recevable l’appel interjeté,

-réformer la décision entreprise dans toutes ses dispositions,

-annuler le congé délivré par Monsieur [M] [X] à Monsieur [B] [X],

-autoriser Monsieur [B] [X] à céder son bail à ses fils [U] et [Z] [X],

-condamner Monsieur [M] [X] à verser à [B] [X] :

– 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-laisser à la charge du bailleur les entiers dépens de l’instance,

-rejeter toutes conclusions et demandes contraires des intimés,

Au soutien de ses demandes, M.[B] [X] soulève à titre principal la nullité du congé du fait du défaut de qualité pour agir seul de Monsieur [M] [X] dès lors que jusqu’au 14 novembre 2022, le bail restait indivisible et que ce n’est qu’à compter du renouvellement le 15 novembre 2022, postérieurement à la délivrance du congé, que cette indivisibilité a cessé.

Il fait valoir que jusqu’au terme du bail initial indivis, et même si dans l’intervalle un des indivisaires devenait seul propriétaire, l’indivisibilité du bail entre tous les indivisaires initiaux se poursuit jusqu’au terme du bail et nécessite une action commune des propriétaires indivis.

Subsidiairement, il soulève la nullité en application des dispositions des articles L.411-58 et suivants du code rural.

Il fait valoir que Mme [E] est gestionnaire d’assurance et vit à plus de 9 kilomètres du siège d’exploitation, qu’il n’est pas mentionné qu’elle va cesser son activité professionnelle primaire en conséquence, elle sera pluriactive, qu’en outre, son siège est à plus de 2.5km de l’exploitation ce qui lui fait perdre ses éventuelles priorités conformément aux dispositions du schéma directeur régional, qu’enfin aucun développement n’est fourni sur les conditions d’exploitation alors qu’elle entend construire un poulailler de 400m2 ce qui nécessite une proximité de vie.

Il déclare qu’il appartient au tribunal de vérifier que le preneur justifie d’une conformité au contrôle des structures sans s’en tenir aux seules déclarations de la DDT, qu’en l’espèce, aucune pièce n’est produite permettant ce contrôle des structures et notamment les justificatifs de revenus fiscaux. Il affirme que l’analyse faite par la DDT est erronée puisque le régime de la déclaration est strictement encadré par la jurisprudence.

Il sollicite une indemnité au titre du trouble de jouissance qu’il subit depuis cinq ans compte tenu de l’inexécution par son frère des décisions de justice.

Il sollicite enfin que ses fils [U] et [Z] [X] lui succèdent au visa de l’article L.411-35 du code rural.

En réponse, M.[M] [X] et Mme [J] [E] demandent à la cour de:

-dire que le congé délivré le 16 février 2021 est valable sur la forme et sur le fond,

-rappeler la décision de la cour d’appel de Chambéry du [Cadastre 14] janvier 2022, en ce qu’elle a jugé l’absence de trouble de jouissance causé à M.[B] [X] et a rejeté la demande indemnitaire de ce dernier,

-rejeter la demande en cession de bail fait par M.[B] [X] au profit de MM.[Z] et [U] [X],

-dire en conséquence que le bail entre M. [M] [X] et M.[B] [X] prendra fin à compter du 14 novembre 2022,

-rejeter toutes les demandes de M.[B] [X],

-condamner M.[B] [X] à verser à M.[M] [X] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-condamner M.[B] [X] aux entiers dépens de l’instance.

M.[M] [X] réfute toute fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir au motif qu’il a bénéficié de l’attribution préférentielle sur les parcelles litigieuses et en a acquis la pleine propriété.

Sur le fond, il fait valoir que M.[B] [X] n’exploite plus les parcelles litigieuses depuis plus de trente ans, ce qui est de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.

Il ajoute que son frère a atteint l’âge de la retraite, qu’il perd donc son droit au renouvellement.

Il indique que sa fille Mme [J] [E] est titulaire des diplômes requis, qu’elle remplit toutes les conditions prévues par l’article L.411-59 du code rural.

Il s’oppose à la demande formulée par M.[B] [X] de cession du bail à ses fils, d’une part du fait du défaut d’exploitation et d’autre part parce que MM.[Z] et [U] [X] ne sont pas selon lui en règle avec le contrôle des structures, qu’en outre, la perte desdites parcelles lui causerait un grave préjudice.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir

Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

M.[B] [X] se fonde sur le principe de l’indivisibilité du bail rural, toutefois, ce dernier concerne l’hypothèse où un bien donné par un bailleur unique devient indivis dans le cadre d’une succession, et vise à permettre la poursuite dudit bail dans les conditions initialement déterminées.

Or en l’espèce, il n’existe plus d’indivision, puisqu’en vertu de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Grenoble en date du 17 juin 2014 rectifié le 13 janvier 2015, chacun des deux frères a bénéficié d’une attribution préférentielle sur diverses parcelles et en la matière, il convient d’appliquer les principes généraux du partage, en particulier l’effet déclaratif et donc rétroactif de ce dernier.

La jurisprudence visée par M.[B] [X] est inapplicable à la présente instance puisque lors de la délivrance du congé, M.[M] [X] était propriétaire du bien repris en vertu d’un partage intervenu avant la fin du bail le 14 novembre 2022.

Aucune fin de non-recevoir ne peut être relevée, M.[B] [X] sera débouté de sa demande, le jugement sera confirmé.

Sur la validité du congé pour non renouvellement et reprise au profit de Mme [J] [E]

Aux termes de l’article L.411-47 du code rural, le propriétaire qui entend s’opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l’expiration du bail, par acte extrajudiciaire.

A peine de nullité, le congé doit :

-mentionner expressément les motifs allégués par le bailleur ;

-indiquer, en cas de congé pour reprise, les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire ou des bénéficiaires devant exploiter conjointement le bien loué et, éventuellement, pour le cas d’empêchement, d’un bénéficiaire subsidiaire, ainsi que l’habitation ou éventuellement les habitations que devront occuper après la reprise le ou les bénéficiaires du bien repris ;

-reproduire les termes de l’alinéa premier de l’article L. 411-54.

La nullité ne sera toutefois pas prononcée si l’omission ou l’inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur.

Selon l’article L.411-58 alinéa 1, le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s’il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit du conjoint, du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou d’un descendant majeur ou mineur émancipé.

Selon l’article L.411-59, le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l’exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d’une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d’une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l’exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.

Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l’exploitation directe.

Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu’il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu’il répond aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées aux articles L.331-2 à L.331 ou qu’il a bénéficié d’une autorisation d’exploiter en application de ces dispositions.

Selon l’article L.331-1du code rural, le contrôle des structures des exploitations agricoles s’applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d’une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d’organisation juridique de celle-ci et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée.

L’objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l’installation d’agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d’installation progressive.

Ce contrôle a aussi pour objectifs de :

1° Consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d’atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles ;

2° Promouvoir le développement des systèmes de production permettant de combiner performance économique et performance environnementale, dont ceux relevant du mode de production biologique au sens de l’article L. 641-13, ainsi que leur pérennisation ;

3° Maintenir une agriculture diversifiée, riche en emplois et génératrice de valeur ajoutée, notamment en limitant les agrandissements et les concentrations d’exploitations au bénéfice, direct ou indirect, d’une même personne physique ou morale excessifs au regard des critères précisés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles.

Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu’il satisfait aux conditions précitées et qu’il répond aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées par les articles L.331-2 à L.331-5 ou bien qu’il a bénéficié d’une autorisation d’exploiter.

En l’espèce, Mme [J] [E] habite à 9 kilomètres du lieu d’exploitation des terres dont la reprise est sollicitée, ce qui ne constitue pas une distance empêchant l’exploitation.

Elle est titulaire d’un diplôme professionnel, puisqu’elle a obtenu le 30 juillet 2019 un brevet professionnel option responsable d’entreprise agricole.

Elle a effectué les démarches auprès de la DDT, et il résulte des pièces produites qu’elle n’a pas besoin d’une autorisation au titre du contrôle des structures, nonobstant les dires contraires, non étayés, de M.[B] [X].

Elle présente en outre un projet professionnel cohérent, consistant en la production de poulets, céréales et légumineuses, avec un budget paraissant adapté à la nature de l’exploitation et dès la première année, des prévisions de chiffre d’affaires lui permettant de se dégager un revenu. Elle justifie du caractère sérieux des investissements financiers projetés, puisqu’elle disposait d’une épargne salariale nette au 30 juin 2021 de [Cadastre 12] 930, 07 euros, ce qui est de nature à lui permettre d’exploiter personnellement le fonds repris.

M.[B] [X] allègue qu’elle est pluriactive puisqu’elle travaille en parallèle dans le domaine des assurances, toutefois, s’il n’est pas contesté que Mme [E] travaillait effectivement dans ce secteur, aucun élément ne permet d’affirmer que tel est toujours le cas.

En conséquence, Mme[J] [E] justifie répondre aux conditions posées par les articles précitées. Le jugement sera confirmé.

Ainsi que l’a rappelé le premier juge, il n’y a pas lieu d’examiner les autres motifs invoqués dans le congé et relatifs tant au défaut d’exploitation qu’à l’âge de la retraite atteint par le preneur.

Sur la demande de M.[B] [X] tendant à obtenir la cession de son bail au profit de ses enfants

Compte tenu de ce qui précède, cette demande est sans objet.

Sur la demande de M.[B] [X] tendant à la reconnaissance d’un préjudice de jouissance

L’indemnité sollicitée se réfère à de précédentes procédures et est sans rapport avec la délivrance du congé pour reprise, cette demande est rejetée.

M.[B] [X] qui succombe à l’instance sera condamné aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant ;

Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne M. [B] [X] aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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