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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt octobre deux mille quatre, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller DESGRANGE, les observations de la société civile professionnelle BOUTET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… Claude, partie civile,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de TOULOUSE, en date du 6 avril 2004, qui, dans l’information suivie, sur sa plainte, contre James Y… des chefs de falsification de document administratif et usage, abus de confiance et tentative d’escroquerie, a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, excès de pouvoir ;
“en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à suivre en l’état de l’information contre James Y… ;
“aux motifs que, dans sa plainte avec constitution de partie civile du 4 mars 1997, Claude X… exposait avoir confié à James Y…, président de la société PAM, l’exploitation d’un avion Falcon 20, “coque nue”, dont il était propriétaire et que James Y… avait falsifié le carnet de route pour utiliser l’appareil à son seul profit et en vue de se faire remettre des fonds en faisant apparaître un crédit en sa faveur par compensation avec les frais de maintenance à la charge du bailleur; que sur le faux, l’arrachage ou le découpage d’une feuille du carnet de route de l’avion ne fait pas l’objet de discussion sur le plan matériel et qu’une telle opération n’est pas conforme au bon usage de ce document; mais que la loi n’incrimine comme faux que l’altération de la vérité ;
qu’en premier lieu, les mentions mêmes du carnet de route font apparaître une absence de recherche de dissimulation frauduleuse dès lors que la page de garde éditée par le groupement pour la sécurité de l’aviation civile de Toulouse est datée du 8 mars 1995 et que les premières écritures retracent des vols antérieurs, débutant le 28 janvier 1995 ; que la première inscription, qui est celle d’un report des heures de vol de l’appareil, soit 8.033,05 heures, ne fait l’objet d’aucune explication de la part du plaignant qui affirme sans en apporter aucune justification que des vols auraient ainsi été soustraits du carnet de route pour la période antérieure et à compter du 16 décembre 1994, date de livraison de l’appareil, sans préciser quel pouvait être à cette date le cumul des heures de vol de l’avion, ce qui était nécessairement à sa connaissance ; qu’en second lieu, le relevé des vols établi par Eurocontrol qui sert de fondement à la plainte et qui a explicitement été établi pour la période du 1er décembre 1994 au 31 janvier 1996, ne fait justement ressortir aucun vol antérieur au 28 janvier 1995 ; qu’il en résulte qu’aucune altération frauduleuse de la vérité n’est démontrée ; que, sur l’abus de confiance, selon le même relevé d’Eurocontrol qui énumère 95 vols, de nombreux vols n’auraient pas été inscrits sur le carnet de route qui n’en mentionne que 55 ; qu’en d’autres termes, et selon la plainte, 40 vols auraient été effectués qui auraient été soustraits à la facturation, l’avion étant autant de fois détourné de son affectation conventionnelle ; mais que, d’une part, selon les explications des parties, il existe une distorsion importante entre le relevé Eurocontrol et celui fourni par l’aviation civile française, lequel rejoindrait les mentions du carnet de route, du moins dans la totalisation des heures de vol ; que, d’autre part, et surtout, le carnet de route est renseigné par le seul commandant (le bord de l’avion, et qu’aucun élément de l’information ne fait apparaître d’indice précis d’une participation de James Y… à la dissimulation reprochée, à l’admettre, alors qu’il s’agit par définition d’une location “coque nue” c’est-à-dire sans équipage ; que les éléments de l’information tendent au demeurant à faire apparaître que le pilote qui aurait été le plus souvent aux commandes de l’aéronef pilotait dans des conditions irrégulières, n’étant plus titulaire depuis 1991 du brevet de pilote professionnel, fait dans lequel l’implication de James Y… n’a pu être caractérisée ; qu’enfin, le plaignant n’a fourni aucune explication sur le fait que la seule infraction qu’il ait établie ne soit intervenue que plus d’un an après la mise à disposition de l’appareil alors que le contrat prévoyait une communication mensuelle du carnet de route, pour l’établissement d’une facturation mensuelle, sans qu’il ait dans l’intervalle émis aucune réclamation ;
que c’est à tort que le plaignant prétend tirer le preuve du détournement du relevé établi par la société PAM qui, dressé sur la base de 28 heures de vol, fait apparaître un crédit de 13.267,69 francs en faveur de cette dernière, relevé qui fonde sa plainte pour tentative d’escroquerie et qu’il considère comme un aveu, alors qu’il s’agit d’un relevé arrêté au mois d’octobre 1995 qui est conforme aux mentions du carnet de route à cette date, le total de 55 heures de vol ne résultant que des inscriptions postérieures des mois de novembre 1995 à janvier 1996 ;
“alors, de première part, que l’altération de la date du carnet de route exigé par les articles R. 133-2-1 et R. 151-1 du Code de l’aviation civile caractérise un faux commis dans un document délivré par l’Administration ; qu’en outre, la chambre de l’instruction ne peut statuer par des motifs contradictoires sur le même point; que l’arrêt attaqué a constaté que l’aéronef Falcon 20 immatriculé F-GJCC, appartenant à Claude X… agissant sous l’enseigne Locavion, a été loué à la société PAM, dirigée par James Y…, et que le carnet de route de l’appareil avait été altéré, puisque la page de garde de ce document délivré par l’administration compétente avait été arrachée et substituée par une nouvelle portant une date postérieure à la livraison de l’appareil ; que la chambre de l’instruction a également constaté que cette substitution n’altérait pas la vérité ; que ces deux constatations étant contradictoires entre elles, l’arrêt est privé de motifs ;
“alors, de deuxième part, que tenu de renvoyer devant la juridiction de jugement la personne mise en examen dès lors qu’existent des charges contre elle, le juge d’instruction ne peut, sans excéder les limites de ses pouvoirs, trancher le fond du litige et décider que l’infraction visée par la prévention n’est pas constituée ; que la chambre de l’instruction a constaté que les relevés mentionnés sur le carnet de route ne concordaient pas avec les relevées de l’Eurocontrol et des fonctionnaires de la direction générale de l’aviation civile, d’où il résultait nécessairement des charges d’une vraisemblable falsification du carnet de route par James Y…, notamment au préjudice de Claude X…, propriétaire de l’appareil litigieux ; que pour refuser de renvoyer James Y… devant le juridiction de jugement, la chambre de l’instruction a observé que le relevé de la direction générale de l’aviation civile “rejoindrait les mentions du carnet de route, du moins dans la totalisation des heures de vol”, de sorte que la juridiction d’instruction a statué au fond ; que l’excès de pouvoir est caractérisé ;
“alors, de troisième part, en toute hypothèse, que nul arrêt ne peut reposer sur des motifs insuffisants, inaptes à satisfaire aux conditions essentielles de son existence ; que, s’agissant du nombre d’heures de vol effectuées par l’aéronef litigieux, la chambre de l’Instruction a statué par le motif dubitatif d’après lequel le relevé de la Direction Générale de l’aviation civile “rejoindrait les mentions du carnet de route, du moins dans la totalisation des heures de vol” ; qu’en statuant par ce motif rédigé au conditionnel, sans mieux s’expliquer sur le fait que l’Eurocontrol a adressé à Claude X… deux relevés dont il ressort qu’au total, l’avion litigieux a effectué 97 vols du 28 janvier 1995 au 26 janvier 1996, et plus particulièrement que 73 vols avaient été exécutés du 28 janvier 1995 au 30 octobre 1995 alors que de son côté le carnet de route mentionnait que seulement 31 vols avaient été effectués pour la période du 28 janvier au 30 octobre 1995, et 59 vols au total sur l’ensemble de la période considérée ;
qu’en l’état du motif dubitatif précité et des éléments du dossier, l’arrêt n’est pas motivé ;
“alors, de quatrième part, qu’ un motif inopérant équivaut à un défaut de motif ; que, pour décider que les chefs de prévention ne seraient pas caractérisés, la chambre de l’instruction a retenu notamment que le carnet de route devait être renseigné par le pilote, qui, au demeurant, avait volé dans des conditions irrégulières, et qu’en outre Claude X… ne justifiait pas des raisons pour lesquelles il avait attendu plus d’un an avant de demander des comptes ;
que ces motifs ne peuvent justifier l’arrêt, dès lors qu’aux termes de l’article VI du contrat de location de l’appareil, James Y… était tenu d’adresser ledit carnet de route pour facturation, James Y… étant seul responsable de son établissement et ce peu important le temps laissé par Claude X… à son cocontractant pour exécuter ses obligations, ce dernier ne pouvait dissimuler des heures de vol ; qu’ainsi, la décision repose sur des motifs inopérants ;
“alors, de cinquième part, que la chambre de l’instruction doit prononcer sur tous les chefs de poursuites ; que la plainte avec constitution de partie civile faisait valoir que James Y… avait commis une tentative d’escroquerie en facturant à tort le remboursement de frais d’entretien de l’appareil, qui restaient à la charge de son propriétaire ; que l’arrêt ne s’est nullement expliqué sur ce point” ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que, pour confirmer l’ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l’instruction après avoir analysé l’ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction ;
Que le demandeur se borne à critiquer les motifs, sans justifier d’aucun des griefs que l’article 575 du Code de procédure pénale, autorise la partie civile à formuler à l’appui de son pourvoi contre un arrêt de la chambre de l’instruction, en l’absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable, qu’il en est de même du pourvoi par application du texte susvisé ;
Par ces motifs,
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Pibouleau conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Desgrange conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;