Aviation civile : 4 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04086

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Aviation civile : 4 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04086
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 88K

DU 04 AVRIL 2023

N° RG 21/04086

N° Portalis DBV3-V-B7F-UTFY

AFFAIRE :

[U], [M], [W] [C]

C/

CAISSE DE RETRAITE DU PERSONNEL NAVIGANT PROFESSIONNEL AÉRONAUTIQUE CIVILE – CRPNPAC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Mai 2021 par le Tribunal Judiciaire de Nanterre

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 18/09552

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SELEURL FABLOI,

-l’AARPI [8]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [U], [M], [W] [C]

né le 21 Juillet 1966 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Violaine BOUISSOU substituant Me Fabrice PERRUCHOT de la SELEURL FABLOI, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : J094 – N° du dossier 180186

APPELANT

****************

[7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Oriane DONTOT de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20210674

Me Julie BARON-MARCO substituant Me Olivier BINDER de la SELEURL OLIVIER BINDER & ASSOCIES, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : P0014

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [C], commandant de bord en dernier lieu au sein de la société HOP, une compagnie aérienne filiale du groupe [5], travaille selon le régime du temps alterné depuis plusieurs années. Le travail à temps alterné comporte une succession de périodes d’activité et de périodes d’inactivité sans solde permettant d’assurer par année civile selon une alternance régulière un temps travaillé et une période d’inactivité, sur la base du volontariat.

Parallèlement à ses fonctions de commandant de bord, il a été nommé, à compter du 1er janvier 2012, président directeur général au sein de la société familiale [6], fonction pour laquelle il a perçu, au cours de l’année 2018, une rémunération mensuelle fixe de 6 000 euros bruts.

M. [C] est affilié à deux régimes de retraite complémentaire obligatoires :

– le régime de retraite général AGIRC-ARRCO, au titre de ses fonctions de président directeur général de la société [6],

– le régime de retraite du personnel naviguant géré par la Caisse de retraite du personnel naviguant professionnel de l’aéronautique civile (ci-après la ‘[7]’) au titre de ses fonctions de commandant de bord au sein de la société HOP.

Depuis le 1er janvier 2012, la [7] ne comptabilise plus les périodes d’inactivité sans solde de M. [C] liées au travail en temps alterné en sa qualité de commandant de bord.

Soutenant à titre principal que l’article R 4626-13 (en réalité R. 426-13) du code de l’aviation civile, fondant la décision de la [7] d’exclure du décompte de la durée d’assurance pour la liquidation de ses droits à retraite les mois non travaillés, serait illégal et qu’il lui serait par conséquent inopposable et, à titre subsidiaire, que cette décision violerait le principe d’égalité de traitement et serait par suite illégale, M. [C] a, par acte du 20 septembre 2018, fait assigner la caisse de retraite devant le tribunal de grande instance de Nanterre, devenu tribunal judiciaire de Nanterre, afin qu’il ordonne à cette dernière de prendre en compte dans la durée d’assurance tous les mois de l’année, travaillés ou non, et ce tant rétroactivement à compter du 1er janvier 2012 que sous astreinte de 500 euros par jour à compter d’un délai de trente jours suivant la notification du jugement.

Par jugement contradictoire rendu le 4 mai 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

– Débouté M. [U] [C] de l’ensemble de ses demandes ;

– Condamné M. [C] à payer à la Caisse de retraite du personnel naviguant professionnel de 1’aéronautique civile la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné M. [C] aux dépens.

M. [C] a interjeté appel de ce jugement le 28 juin 2021 à l’encontre de la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile.

Par d’uniques conclusions notifiées le 6 août 2021, M. [C] demande à la cour de :

Vu, notamment, les dispositions du code de procédure civile, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de la Constitution du 4 octobre 1958, de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la jurisprudence de la Cour de cassation,

– Le déclarer recevable et bien fondé l’appel ainsi formé ;

Y faisant droit,

– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 4 mai 2021, sauf en ce qu’il a jugé le juge judiciaire compétent pour connaître du litige ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

– Juger que l’article R 4626-13 du code de l’aviation civile est illégal ;

En conséquence,

– Juger que l’article R 4626-13 du code de l’aviation civile lui est inopposable ;

– Ordonner à la [7] de prendre en compte dans sa durée d’assurance pour la liquidation de ses droits à retraite un nombre de 360 jours par an, sans distinction entre les jours travaillés ou non, et ce rétroactivement à compter du 1er janvier 2012 sous astreinte de 500 euros par jour à compter d’un délai de 30 jours suivant la notification du jugement ;

A titre subsidiaire :

– Juger que la décision de la [7] d’exclure du décompte de la durée d’assurance pour la liquidation de ses droits à retraite les jours en alternance non travaillés viole le principe d’égalité de traitement et est illégale ;

En conséquence,

– Ordonner à la [7] de prendre en compte dans la durée d’assurance de M. [C] pour la liquidation de ses droits à retraite un nombre de 360 jours par an, sans distinction entre les jours travaillés ou non, et ce rétroactivement à compter du 1er janvier 2012 sous astreinte de 500 euros par jour à compter d’un délai de 30 jours suivant la notification du jugement ;

En tout état de cause :

– Condamner la [7] à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Par d’uniques conclusions notifiées le 8 novembre 2021, la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile demande à la cour de :

– Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 4 mai 2021 ;

En conséquence,

– Débouter M. [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner M. [C] à lui régler la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner M. [C] aux entiers dépens.

Y ajoutant,

– Condamner M. [C] à lui régler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ;

– Condamner M. [C] aux entiers dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera effectué conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 1er décembre 2022.

SUR CE, LA COUR,

A titre liminaire,

Pour la bonne compréhension du litige, il convient de rappeler que M. [C], en sa qualité de commandant de bord, travaille selon le régime du temps alterné depuis plusieurs années, en l’espèce il alterne six mois d’activité et six mois non travaillés, mais qui sont en principe pris en compte et comptabilisés dans sa durée d’assurance auprès du régime de retraite du personnel navigant.

L’article R.426-13, sous m), du code de l’aviation civile, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2012, (et pas, comme l’indique de manière erronée l’appelant, l’article R 4626-13) prévoit une dérogation à ce régime lorsque les périodes non travaillées donnent lieu à prestations dans le régime ou à cotisations dans un autre régime. C’est précisément la situation de M. [C], ce qu’il déplore et qu’il combat en invoquant, comme en première instance, d’une part, l’illégalité de cette disposition au regard des articles 2 et 3 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites et, d’autre part, la violation du principe d’égalité de traitement à son détriment.

Sur les limites de l’appel

M. [C] poursuit l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions.

La [7] sollicite la confirmation du jugement.

Sur la légalité de l’article R. 426-13 du code de l’aviation civile contestée par M. [C]

– Moyens des parties

M. [C] poursuit l’infirmation du jugement et soutient qu’en matière de retraite, le principe d’harmonisation des régimes de retraite et d’égalité de traitement entre tous les assurés est consacré par l’article 3 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Selon lui, bien que dénué de valeur normative, cet article 3 n’en est pas pour autant dénué d’effet juridique et le Conseil constitutionnel lui a reconnu une valeur déclarative.

Il se fonde également sur les dispositions de l’article 2 de la loi précitée ainsi que sur l’article L171-2-1 du code de la sécurité sociale issu de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017.

Il rappelle exercer des fonctions de commandant de bord selon un temps de travail alterné au sein de la société HOP et revendique à ce titre le droit de pouvoir bénéficier du même traitement que n’importe lequel de ses collègues placés dans la même situation, à savoir que le nombre de 360 jours, travaillés ou non, devra être comptabilisé dans sa durée d’assurance ouvrant droit à retraite au sein du régime du personnel navigant.

Il déplore que, depuis le 1er janvier 2012, la [7] se soit bornée à comptabiliser dans sa durée d’assurance les seuls jours de l’année réellement travaillés (entre 150 et 210 selon les années) et non 360 jours.

Selon M. [C], dans la mesure où il exerce simultanément deux activités professionnelles qui relèvent de deux régimes de retraite différents, il est affilié et cotise simultanément aux régimes dont relèvent ces deux activités. Il affirme donc, à titre principal, que l’article ‘R. 4626-13’ du code de l’aviation civile, sur le fondement duquel la [7] a refusé de déférer à sa demande, serait illégal au motif qu’il serait contraire à l’article 3 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites qui consacrerait un principe d’harmonisation des régimes de retraite et d’égalité de traitement entre tous les salariés.

La Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile poursuit la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et rétorque, en se fondant sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Cons. cons.,14 août 2003, décision n° 2003-483 DC) et du Conseil d’Etat (CE., 27 octobre 2016, n° 387834 ; CE., 11 septembre 2015, n° 386691), que l’appelant ne peut pas se prévaloir de l’article 3 de la loi du 21 août 2003 pour soutenir que l’article R. 426-13 du code de l’aviation civile serait illégal.

Elle observe que l’intégralité des périodes pendant lesquelles M. [C] exerce ses fonctions de commandant de bord et pour lesquelles il perçoit des revenus à ce titre est prise en compte par la [7], et donc qu’il bénéficiera d’une pension en rapport avec les revenus qu’il aura tirés de son activité.

La [7] précise que le régime de la [7] n’est pas soumis au code de la sécurité sociale de sorte que M. [C] ne peut utilement invoquer les dispositions de ce code.

Elle ajoute qu’en tout état de cause, M. [C] est affilié et cotise au régime complémentaire [7] pour les jours pendant lesquels il exerce ses fonctions de commandant de bord.

En conséquence, l’intimée soutient que la légalité de l’article R. 426-13 du code de l’aviation civile ne pouvant être remise en cause sur le fondement des articles 2 et 3 de la loi du 21 août 2003 et de l’article L. 171-2-1 du code de la sécurité sociale, son refus opposé à son adversaire concernant la comptabilisation pour sa retraite [7] de ses périodes d’inactivité sans solde ne saurait être sérieusement querellé et la décision ainsi prise annulée.

En tout état de cause, l’intimée prétend que si la cour entendait voir statuer sur la légalité de l’article R. 426-13 du code de l’aviation civile, elle ne pourrait que se déclarer incompétente au profit du juge administratif (Tribunal des conflits, 7 juin 1982, n° 0225 ; Tribunal des conflits, 3 juillet 2000, n° 00-03205), la légalité des actes réglementaires ne pouvant être appréciée que par les juridictions de cet ordre.

‘ Appréciation de la cour

L’article R.426-13, sous m, du code de l’aviation civile, dans sa rédaction applicable à l’espèce (résultant du décret n° 2011-1500 du 10 novembre 2011), dispose que ‘Sont considérées comme valables pour la retraite les périodes suivantes, exprimées en jours, dans la limite de 360 jours pour une année complète :

m) Les périodes d’inactivité sans solde, liées au travail à temps alterné dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, ou les périodes d’inactivité relevant d’un congé parental pris sous forme de temps alterné, sous réserve qu’elles ne donnent pas lieu à prestations dans le régime ou à cotisations dans un autre régime’.

L’article 3 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites précise que ‘Les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent.’

Selon l’article 2 de cette loi, ‘Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu’il a tirés de son activité.’

Comme le relève très pertinemment l’intimée, aux termes d’une jurisprudence constante, le Conseil d’Etat juge, se fondant sur la décision du Conseil constitutionnel du 14 août 2003, que les dispositions de l’article 3 de la loi précitée sont dépourvues de valeur normative de sorte que ‘le requérant ne peut donc s’en prévaloir pour soutenir qu’un acte réglementaire serait illégal’ (par exemple, CE., 27 octobre 2016, n° 387834).

En outre, comme le fait valoir très justement l’intimée, il est incontestable que l’intégralité des périodes pendant lesquelles M. [C] a exercé ses fonctions de commandant de bord et pour lesquelles il perçoit des revenus à ce titre est prise en compte par la [7] de sorte qu’il bénéficiera d’une pension en rapport avec les revenus qu’il aura tirés de son activité. Il s’ensuit que les dispositions de l’article 2 de la loi précitée sont en l’espèce respectées.

Le moyen tiré de l’illégalité de l’article R.426-13, sous m, du code de l’aviation civile sera rejeté et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la conformité de l’article R. 426-13 du code de l’aviation civile au principe d’égalité de traitement contestée par M. [C]

– Moyens des parties

M. [C], se fondant sur le principe d’égalité de traitement énoncé tant dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, que dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la Constitution du 4 octobre 1958 et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, fait valoir que si ce principe n’est pas absolu en ce que certaines dérogations ont été admises par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat lorsque l’inégalité est la conséquence nécessaire d’une loi, et qu’il existe entre les assurés des différences de situation objectives justifiant une différence de traitement (CE Sec., 10 mai 1974 ; et Cons. Cons., décision n° 1996-375 DC), en revanche, en matière de protection sociale complémentaire, le principe susvisé a été consacré par la Cour de cassation au sujet des régimes de retraite complémentaire (Soc., 31 mai 2001, n° 2500-FS-PB). Il s’ensuit, selon lui, que le principe d’égalité interdit de procéder à des différences de traitements entre les bénéficiaires d’un même régime de retraite (2e Civ., 6 décembre 2006, pourvoi n° 05-20.279).

Il souligne qu’à l’inverse, la distinction des régimes de retraite constitue une différence objective de nature à justifier l’application de règles distinctes (Soc., 11 janvier 2012, pourvoi n° 10-15.806 ; Soc., 23 mars 2013, pourvois n° 11-23.761 ; n° 11-13.645 ; n° 10-28.022 et n° 11-20.490 ; Soc., 20 mars 2013, pourvoi n° 11-20.490).

M. [C] fait ainsi valoir que la différence de situation, permettant de justifier une différence de traitement pour l’attribution d’un avantage, ne s’apprécie par in abstracto mais in concreto au regard dudit avantage.

En outre, il prétend que le régime AGIRC-ARRCO n’applique aucune distinction entre un assuré qui exerce simultanément une activité relevant d’un régime spécial ainsi qu’une activité relevant du régime général et un autre assuré qui n’exerce qu’une activité salariée de sorte que tous deux sont traités dans les conditions de droit commun, sans qu’aucune distinction ne soit faite, au regard de l’accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961 et les délibérations prises pour son application.

En l’espèce, pour justifier de l’inégalité de traitement dont il se dit victime, M. [C] invoque différentes situations, selon lui comparables, qui aboutirait cependant de manière claire à caractériser l’inégalité de traitement dont lui, personnellement, est victime compte tenu de l’application des règles qui sont faites par la [7].

Afin d’illustrer son propos, il expose l’exemple de la situation d’un commandant de bord né en 1966, comme lui, qui a travaillé en temps alterné, sans exercer d’autres activités en parallèle de ses fonctions, et ce sans interruption à compter du 1er janvier 1994. Dans cette situation, ce commandant de bord pourra, selon lui, liquider sa retraite et bénéficier d’une pension de retraite [7] à taux plein à compter du 1er janvier 2019.

En revanche, si ce même commandant de bord exerce une activité en parallèle de ses fonctions, il ne cotisera plus à hauteur de 360 jours par an pour l’acquisition de ses droits à retraite [7], mais à hauteur de seulement 180 jours par an, et il ne pourra liquider sa retraite et bénéficier d’une pension de retraite à taux plein qu’à compter du 1er janvier 2026.

Il en conclut que deux commandants de bord, tous deux nés en 1966, tous deux ayant exercé leurs fonctions dans des conditions strictement identiques selon un même temps de travail alterné sont traités de manière différente et inégalitaire alors qu’ils sont placés dans une même situation ce qui est illégal.

Il ajoute que, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, son affiliation au régime AGIRC-ARCCO et les droits qu’il a acquis au sein de ce régime ne compensent nullement le préjudice né de la perte de ses droits au regard du régime de la [7]. Ainsi, selon lui, en affirmant qu’il ne démontre pas l’existence d’une différence de traitement dont il serait victime, le tribunal n’a pas tiré les conséquences légales des documents qu’il a versés aux débats.

Par ailleurs, M. [C] rappelle que le régime de retraite du personnel navigant et le régime AGIRC-ARRCO constituent deux régimes de retraite complémentaires obligatoires autonomes gérés par des organismes totalement distincts de sorte que sa situation doit être appréciée au regard de chaque régime pris isolément puisque les droits acquis au sein de l’un ou l’autre desdits régimes n’interfèrent pas, ne se compensent pas et ne substituent pas entre eux.

Selon lui, cette différence de traitement ne repose sur aucune différence de situation au regard du régime de retraite de la [7] puisque les fonctions qu’il exerce au sein de la société [6] constituent un élément indifférent au regard de ce régime.

Il fait valoir que la [7] apprécie sa situation in abstracto et non au regard de l’avantage retraite issu de son affiliation au régime de retraite du personnel naviguant, celle-ci faisant donc une application erronée du principe d’égalité de traitement.

En définitive, selon M. [C], en faisant application de l’article R. 426-13 du code de l’aviation civile, la [7] aurait provoqué une rupture d’égalité de traitement à son détriment, considérant que son adversaire ne saurait se prévaloir de ses fonctions de dirigeant d’entreprise pour établir une différence de situation, celles-ci étant selon lui sans pertinence pour apprécier sa situation au regard du régime de retraite [7].

La Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile rétorque que M. [C] ne démontre pas la différence de traitement dont il se prévaut.

En premier lieu, elle indique que la comparaison réalisée par l’appelant en prenant l’exemple de deux navigants travaillant à temps alterné dont l’un cotise pendant ses périodes d’inactivité sans solde auprès d’un autre régime que la [7] et l’autre non, dans le but de démontrer une différence de traitement à son préjudice, ne repose pas sur des bases juridiquement fondées et est totalement erronée.

En outre, l’intimée rappelle que, dans le cadre du temps alterné, les périodes d’inactivité, sous réserve du respect des conditions fixées à l’article R. 426-13, sous m), du code de l’aviation civile, peuvent :

– soit être validées à titre gratuit – par application de l’article R. 426-14 IV du code de l’aviation civile – de sorte que ces périodes ne seront donc pas cotisées,

– soit faire l’objet d’un rachat de cotisations – par application de l’article R. 426-14 II e) du code de l’aviation civile – correspondant à du temps onéreux racheté.

Selon la [7], le relevé de situation individuelle versé par M. [C] indique un ‘temps alterné gratuit’ pour 82 jours en 2010 et pour 30 jours en 2011, mais n’assure pas que ce dernier ait ‘cotisé’ sur ces périodes d’inactivité. Elle explique alors que ces périodes d’inactivité ont été prises en compte dans sa carrière et validées à titre gratuit, en jours seulement, justifiant que ‘ les colonnes salaire brut non plafonné et salaire brut plafonné (soumis à cotisations) soient renseignées à 0’ (Pièce adverse n° 5).

En deuxième lieu, l’intimée conteste le préjudice dénoncé par l’appelant en ce qu’un assuré ne peut pas mettre en concurrence deux modèles d’acquisition de droits issus de deux régimes différents. Selon elle, chaque régime a sa propre réglementation et, dans le cas d’espèce, il n’y a pas cumul de périodes d’activité, puisque les périodes de temps alterné sont des périodes d’inactivité.

En troisième lieu, la [7] rappelle qu’elle assure simplement, sur le fondement de l’article L. 6527-2 du code des transports, la gestion du régime de retraite complémentaire du personnel navigant de l’aéronautique civile dans le cadre des dispositions réglementaires qui régissent et organisent ce régime de retraite, de sorte qu’elle doit appliquer les dispositions issues du chapitre VI, titre II, livre IV du code de l’aviation civile telles que prises par le pouvoir réglementaire. Dès lors, elle soutient qu’ayant strictement appliqué l’article R. 426-13 du code de l’aviation civile à M. [C], il ne saurait lui en être fait grief puisqu’il n’entre pas dans ses prérogatives d’écarter l’application d’une disposition réglementaire en vigueur.

Au surplus, l’intimée soutient que si un principe d’égalité de traitement trouve à s’appliquer en matière de régime de retraite complémentaire, ce principe implique le respect des différences de situations appréciables en ce que toute discrimination n’est pas illicite et que la différence de traitement qui répond à une différence de situation objective et rationnelle, et qui est en rapport avec l’objet ou le but du service, est justifiée (CEDH, arrêt du 16 septembre 1996, Gaygusuz c/ Autriche, n° 17371/90 et CE., 28 juin 2002, n° 220361).

La [7] fait valoir que tel n’est pas le cas de M. [C] qui cotise auprès du régime complémentaire de retraite AGIRC-ARRCO pendant ses périodes d’inactivité sans solde dans le cadre du temps alterné, et qu’il se constitue ainsi des droits auprès de ce régime. Il ne saurait donc sérieusement, selon elle, se comparer aux autres personnels navigants qui, pendant ces mêmes périodes d’inactivité sans solde au titre du temps alterné, ne cotisent pas auprès d’un autre régime et ne se constituent pas corrélativement de droit à retraite dans un autre régime.

L’intimée rappelle qu’une discrimination ne peut être fondée que sur des situations identiques (2e Civ., 6 décembre 2006, pourvoi n° 05-20.279) et en l’espèce, tous les personnels navigants travaillant à temps alterné et cotisant pendant leurs périodes d’inactivité sans solde auprès d’un autre régime que la [7], sont traités de la même façon que M. [C].

Elle insiste sur le fait que les périodes d’inactivité sans solde au titre du temps alterné ayant fait l’objet de cotisations dans un autre régime complémentaire de retraite ne sauraient, de manière cohérente et systématique, être validées dans le régime de retraite de la [7].

Par conséquent, la [7] soutient que l’application de l’article R. 426-13 du code de l’aviation civile ne crée pas d’inégalité de traitement entre personnels navigants placés dans une situation identique.

‘ Appréciation de la cour

Contrairement à ce que soutient M. [C], les situations qu’il invoque ne sont pas identiques ni comparables puisque, dans un cas, le commandant navigant n’a pas exercé d’activité durant sa période d’inactivité et n’a donc pas pu bénéficier d’un régime de retraite complémentaire au titre de cette période d’inactivité. Dans l’autre, à savoir sa situation personnelle, sa période d’inactivité au titre de son activité de commandant de bord a été consacrée à l’exercice d’une autre activité pour laquelle il a cotisé et bénéficiera d’une pension de retraite.

En outre, comme le souligne pertinemment la [7], la situation qu’il décrit s’avère plus complexe qu’il ne le prétend dans la mesure où, dans le cadre du temps alterné, ses périodes d’inactivité, pourraient, à certaines conditions, être validées, de sorte que M. [C] pourrait ainsi bénéficier d’une pension de retraite [7] plus favorable.

De plus, la situation de M. [C] n’est nullement comparable à celle d’un de ses collègues qui ne travaille pas durant les périodes d’inactivité, dans la mesure où l’appelant acquiert des droits issus de deux régimes différents, ce qui n’est pas le cas de son collègue qui lui ne travaille pas durant ces périodes d’inactivité. Chaque régime a sa propre réglementation et il n’y a pas cumul de périodes d’activité, puisque les périodes de temps alterné sont des périodes d’inactivité.

Force est en outre de constater que M. [C] peine à démontrer que, durant les périodes d’activité, ces deux salariés sont traités de manière différente.

Il s’ensuit que M. [C] ne justifie pas de la violation par la [7] du principe d’égalité de traitement.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

M. [C], partie perdante, supportera les dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Par voie de conséquence, sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

L’équité commande d’allouer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à la [7].

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, et mis à disposition,

CONFIRME le jugement ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [C] aux dépens d’appel ;

DIT qu’ils seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [C] à verser à la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


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