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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 11 AVRIL 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00432 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBIMF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° F17/02186
APPELANT
Monsieur [I] [J]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Jessica CHUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0595
INTIMEE
Société RENOPLAST
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Karine GARRIDO ESTEVEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : L022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [I] [J], né en 1981, a été engagé par la SARL Renoplast selon contrat à durée déterminée du 13 décembre 2010 au 12 février 2011 en qualité de poseur. Puis la relation de travail s’est poursuivie selon un contrat de travail à durée indéterminée verbal.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective du BTP IDF.
Le 7 juin 2011, M. [J] a été victime d’un accident du travail et son médecin traitant lui a établi un certificat initial d’arrêt de travail, que la société Renoplast a adressé à la CPAM le 13 juin 2011.
Des arrêts de travail ont été transmis à la société jusqu’au 19 septembre 2011.
Par lettre datée du 28 octobre 2012, M. [J] a demandé à son employeur d’organiser une visite de reprise.
Par courrier daté du 4 décembre 2012, la société Renoplast l’a informé qu’une visite médicale de reprise serait organisée par la médecine du travail le 10 décembre 2012. Il ne s’est pas présenté à cette visite.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 avril 2013, M. [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
A la date de la rupture, la société Renoplast occupait à titre habituel moins de onze salariés.
Demandant la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et diverses indemnités consécutives à la rupture du contrat, soutenant que la prise d’acte de la rupture doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires et des dommages et intérêts, M. [J] a saisi le 19 juillet 2017 le conseil de prud’hommes de Bobigny qui, par jugement du 26 novembre 2019, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
– condamne la société Renoplast à verser à M. [J] les sommes suivantes, avec intérêts de droit à compter du 19 juillet 2017, date de saisine :
– 1.427,03 euros à titre d’indemnités journalières,
– 650,73 euros à titre d’indemnités compensatrices de congés payés,
avec intérêts au taux légal à compter du prononcé au présent jugement,
– 1.356,05 euros à titre d’indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
– 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonne la remise des documents de fin de contrat par la société Renoplast,
– déboute M. [J] du surplus de ses demandes,
– déboute la société Renoplast de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamne aux éventuels dépens.
Par déclaration du 09 janvier 2020, M. [I] [J] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 09 décembre 2019.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 08 avril 2020, M. [J] demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de Prud’hommes de Bobigny en formation paritaire du 26 novembre 2019 en ce qu’il a condamné la société Renoplast à payer à M. [J] une somme au titre des indemnités journalières, de l’indemnité compensatrice de congés payés, de l’indemnité de requalification, de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens et en ce qu’il a ordonné la remise des documents de sortie par la société Renoplast,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Bobigny en formation paritaire du 26 novembre 2019 en ce qu’il a :
– limité le montant et les motifs des condamnations de la société Renoplast en décidant de condamner la société Renoplast à payer à M. [J] les sommes suivantes :
avec intérêts de droit à compter du 19 juillet 2017, et non celle du 13 mars 2015, date de la saisine :
– à titre d’indemnités journalières : 1.427,03 € et non 3.066,62 €
– à titre d’indemnité compensatrice de congés payés :650,73 € bruts et non 869,21 €,
avec intérêts de droit à compter du prononcé du jugement et non à la date de la saisine :
– au titre de l’indemnité de requalification :1.365,05 € et non de 5.470,02 €,
– à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité : 500€ et non 1. 823,34 € et 5 470,02 € pour défaut de visite d’embauche et de reprise,
– au titre de l’article 700 du code de procédure civile :1.000 € et non 3.000 €,
– ordonné la remise des documents de fin de contrat par la société Renoplast uniquement et non également celle des bulletins de salaire comportant les mentions adéquates et cela sans astreinte,
– débouté M. [J] du surplus de ses demandes,
Par conséquent :
– débouter la société Renoplast de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, excepté en ce qu’elle admet devoir au salarié des sommes a minima,
– fixer le salaire de M. [J] à la somme de 1.823,34 € bruts,
– condamner la société Renoplast à verser à M. [J] à titre de rappels de salaires les sommes suivantes :
– 1.136,62 € bruts à titre de complément de salaire,
– 113,66 € bruts correspondant aux congés payés afférents,
– 3.066,62 € bruts à titre de compléments d’indemnités journalières,
– 869,21 € bruts correspondant à ses congés payés,
– requalifier le contrat de travail à durée déterminée de M. [J], lequel ne comporte aucun motif, en contrat de travail à durée indéterminée,
par conséquent, condamner la société Renoplast à verser à M. [J] en réparation la somme de 5.470,02 € nets à titre de dommages et intérêts,
– dire et juger que la société Renoplast n’a pas satisfait à ses obligations en matière d’organisation de visites de reprises,
– en conséquence, condamner la société Renoplast à verser à M. [J] en réparation la somme de 5.470,02 € nets à titre de dommages et intérêts,
– dire et juger que la société Renoplast a commis des manquements graves justifiant la prise d’acte de la rupture à ses torts par M. [J] le 10 avril 2013,
– requalifier la prise d’acte de la rupture aux torts de la société Renoplast en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
par conséquent,
– condamner la société Renoplast à verser à M. [J] :
– 33.595,05 € nets correspondant à ses salaires à l’issue de l’arrêt de travail de M. [J] jusqu’à sa prise d’acte, ainsi qu’aux congés payés afférents,
– 10.910,04 € nets à titre de dommages et intérêts,
– 3.646,68 € bruts correspondant au préavis,
– 364,67 € bruts correspondant aux congés payés afférents,
– 850,89 € nets à titre d’indemnité de licenciement ,
– dire et juger que la société Renoplast a adopté un comportement déloyal et a manqué à ses obligations en matière de sécurité,
en conséquence,
– condamner la société Renoplast à payer à M. [J] la somme de 1 823,34 € à titre de dommages et intérêts,
– condamner la société Renoplast à payer à M. [J] la somme de 425 € nets à titre de réparation compensant le préjudice subi du fait de la perte de chances d’utiliser ses droits individuels à la formation,
– condamner la société Renoplast à communiquer à M. [J] ses bulletins de salaire, son attestation pôle emploi, son reçu pour solde de tout compte et son certificat de travail, tous portant les bonnes mentions, sous astreinte de 50 € par jour et par document à compter d’un délai de 8 jours suivant la notification de la décision à intervenir,
– réserver au conseil de prud’hommes de Bobigny la liquidation de l’astreinte,
– dire et juger que l’ensemble des condamnations prises à l’encontre de la société Renoplast seront productives d’intérêts à compter de leur demande en justice datée du 13 mars 2015,
– dire et juger que lesdites condamnations s’assortissent d’un anatocisme,
– condamner la société Renoplast à payer à M. [J] la somme de 3 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile correspondant à la procédure de première instance et celle de 3 000 € concernant la procédure d’appel,
– condamner la société Renoplast aux entiers dépens et d’appel,
– dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 18 décembre 1996 modifié par le décret du 08 mars 2001, celui du 22 mai 2008 et celui du 25 juin 2014 devront être intégralement supportées par la société Renoplast en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 juin 2020, la société Renoplast à la cour de’:
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Bobigny en date du 26 novembre 2019,
– débouter M. [J] de ses demandes,
– condamner M. [J] à verser à la société Renoplast la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 23 février 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les rappels de salaire et le complément d’indemnité journalière
Pour infirmation de la décision déférée, M. [J] soutient en substance que la société Renoplast a diminué son taux horaire, que son salaire moyen était de 1.823,34 euros avec un taux horaire de 12,603 euros, soit un manque à gagner de 1.136,62 euros, qu’en outre durant son arrêt suite à son accident du travail du 7 juin 2011, il aurait dû percevoir durant 90 jours la totalité de son salaire, son employeur devant compléter les indemnités journalières perçues ; qu’il a subi une perte de 3.066,62 euros déduction faite des indemnités journalières perçues.
La société Renoplast réplique que sa volonté était de rémunérer le salarié au SMIC, et qu’il n’a jamais été question qu’il soit rémunéré 1.500 euros nets par mois. Elle admet avoir omis de pratiquer le maintien de salaire de M. [J] durant son arrêt de travail, se fiant aux dispositions légales et non conventionnelles alors que ces dernières dérogeaient à l’exigence d’une année d’ancienneté pour bénéficier de ce maintien et sollicite à ce titre la confirmation du jugement la condamnant à la somme de 1.427,03 euros à titre de complément d’indemnité journalière. Elle reconnaît également devoir au salarié la somme de 650,73 euros.
En application de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, celui qui se prétend libérer doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En l’espèce, le contrat de travail à durée déterminée prévoit que M. [J] sera rémunéré 1.157,26 euros pour 35 heures de travail hebdomadaires, soit un taux horaire de 7,63 euros inférieur au SMIC comme le reconnaît l’employeur. Le premier bulletin de salaire mentionne un taux horaire de 12,048 euros. L’employeur ne pouvait donc baisser sa rémunération les mois suivants pour fixer un taux horaire brut de 9,231 en janvier 2011, 9 euros en février et mars 2011. Puis l’employeur a versé un salaire horaire de 12,603 euros en avril 2011 et ne pouvait davantage en mai 2011 diminuer le taux horaire pour le fixer à 9 euros. La société Renoplast ne pouvait pas modifier un élément substantiel de la relation de travail sans l’accord du salarié en diminuant sa rémunération. Eu égard au taux horaire du 1er mois payé, c’est en vain qu’elle prétend qu’elle l’avait l’intention de lui verser le salaire minimum.
En conséquence, par infirmation de la décision déférée, il convient de condamner la société Renoplast à verser à M. [J] un rappel de salaire de 1.136,62 euros dans la limite de la demande, outre la somme de 113,66 euros de congés payés afférents.
Selon l’article 6-12 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962 (c’est-à-dire occupant jusqu’à 10 salariés) du 8 octobre 1990, l’ancienneté requise pour le maintien de salaire est réduite à trois mois pour les salariés ouvriers de plus de 25 ans et aucune ancienneté n’est requise en cas d’accident du travail.
L’article 6-13 de ladite convention collective ajoute que le maintien de salaire se fait « Pour un accident ou une maladie couverts par la législation de sécurité sociale relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles :
– pour une indisponibilité inférieure ou égale à 30 jours :
jusqu’à concurrence de 90 % du salaire de l’intéressé du 1er au 15ème jour d’arrêt ;
jusqu’à concurrence de 100 % du salaire de l’intéressé après ces 15 jours et jusqu’au 30ème jour inclus de l’arrêt de travail ;
– pour une indisponibilité supérieure à 30 jours :
jusqu’à concurrence de 100 % du salaire de l’intéressé du 1er au 90ème jour de l’arrêt de travail.
En l’espèce, en arrêt de travail à compter du 7 juin 2011 pendant plus de trois mois, ce qui n’est pas contredit, étant relevé que sont produits aux débats les arrêts jusqu’au19 septembre 2011 pour accident du travail, M. [J] avait donc droit à un maintien du salaire à 100 % durant 3 mois.
Il aurait donc dû percevoir 100% de son salaire, soit 1.911,56 euros (taux horaire de 12,603 euros depuis le mois d’avril 2011 au vu des bulletins produits), soit un total de 5.734,68 euros. Il a bénéficié des indemnités journalières à hauteur de 2.668,06 euros sur trois mois de telle sorte que par infirmation de la décision critiquée, son employeur doit lui verser un complément d’indemnités journalières de 3.066,62 euros.
La société Renoplast reconnaît ne pas avoir payé à son salarié l’indemnité de congés payés correspondant, au vu du bulletin de paie de juin 2011, aux 14,5 jours qu’il n’a pas pu prendre. En conséquence et par infirmation de la décision entreprise, elle sera condamnée à lui verser la somme de 869,21 euros eu égard au taux horaire retenu.
Sur l’exécution fautive pour manquement à l’organisation de visites médicales de reprise
Pour infirmation de la décision, M. [J] soutient que son employeur ne lui a pas organisé de visite de reprise après son arrêt suite à l’accident de travail et que ce n’est qu’après de nombreuses sollicitations de sa part qu’une visite a été prévue, que cette visite a été organisée de manière déloyale puisqu’aucune heure n’a été mentionnée sur la lettre l’y convoquant, et que la date fixée étant trop proche, il a été dans l’impossibilité financière et pratique de se rendre en Ile de France pour l’effectuer.
La société Renoplast rétorque que M. [J] n’a réclamé de visite de reprise qu’en octobre 2012 et non auparavant comme il l’affirme, qu’une visite a été organisée dans un délai habituel et raisonnable suite à cette demande, qu’elle avait joint au courrier une convocation mentionnant l’heure du rendez-vous et le numéro de téléphone de la médecine du travail.
En application de l’article R. 4624-21 du code du travail dans sa version applicable, le salarié bénéficie d’un examen de reprise de travail par le médecin du travail après une absence d’au moins 8 jours pour cause d’accident du travail.
La convocation à la visite de reprise fixée au 10 décembre 2012 à 10H à l’APST Pyrénées [Adresse 3] est mentionnée comme étant jointe au courrier de l’employeur de la même date.
Comme indiqué plus avant, il appert que M. [J] a adressé à son employeur ses arrêts de travail jusqu’au 19 septembre 2011. En revanche, pour la période postérieure, il ne justifie pas de l’envoi de ses arrêts de travail. Le 28 octobre 2012, M. [J] a adressé un courrier à la société Renoplast sollicitant au plus vite une visite auprès de la médecine du travail . En réponse, par courrier du 4 décembre 2012, l’employeur a précisé à M. [J] que la CPAM l’aurait informé de ce que les avis de prolongation de l’arrêt de travail de M. [J] se sont arrêtés au 17 janvier 2012. Il résulte de l’attestation de paiement des indemnités journalières produits aux débats que celles-ci ont été versées à M. [J] jusqu’au 17 janvier 2012.
Alors que l’employeur se prévaut de ce que le salarié ne lui a pas envoyé ses arrêts de travail après le 19 septembre 2011, c’est pour le moins tardivement qu’il se serait rapproché de la CPAM selon ses dires, pour avoir connaissance des avis de prolongation des arrêts de travail jusqu’en janvier 2012. C’était à l’employeur d’avoir l’initiative de cette visite de reprise de telle sorte qu’il ne saurait faire grief au salarié de ne pas l’avoir sollicité plus tôt. Or durant la période d’arrêt de travail, le contrat de travail est suspendu et M. [J] a perçu les indemnités journalières jusqu’au 17 janvier 2012 et un complément de son employeur pendant 90 jours.
L’absence de visite de reprise dans un délai raisonnable, près de 11 mois après le terme de l’arrêt de travail a causé un préjudice à M. [J] qui est resté dans l’incertitude quant à son aptitude à reprendre son poste et son avenir professionnel.
En réparation du préjudice causé, par infirmation de la décision entreprise, il convient de condamner la société Renoplast à lui verser la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre du comportement déloyal et du manquement aux obligations en matière de sécurité
Pour infirmation de la décision, M. [J] fait valoir qu’il n’a bénéficié d’aucune visite médicale d’embauche ni des équipements de protection appropriés, à savoir des chaussures de sécurité et un chariot.
La société Renoplast ne répond pas sur ce point.
En application de l’article R.4624-10 du code du travail dans sa version applicable, le salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail.
Les salariés soumis à une surveillance médicale renforcée en application des dispositions de l’article R. 4624-19 ainsi que ceux qui exercent l’une des fonctions mentionnées à l’article L. 421-1 du code de l’aviation civile bénéficient de cet examen avant leur embauche.
L’article R. 4624-11 du même code précise que l’examen médical d’embauche a pour finalité :
1° De s’assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l’employeur envisage de l’affecter ;
2° De proposer éventuellement les adaptations du poste ou l’affectation à d’autres postes ;
3° De rechercher si le salarié n’est pas atteint d’une affection dangereuse pour les autres travailleurs.
Enfin, l’article L.4121-1 du même code dispose que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
En l’espèce, il est constant que M. [J] a été embauché le 13 décembre 2010, sans examen médical d’embauche, au poste de poseur et qu’il a été victime d’un accident du travail le 7 juin 2011, soit moins de 6 mois après sa prise de fonctions. La déclaration d’accident du travail révèle que M. [J] s’est bloqué le dos en soulevant un meuble. La société Renoplast n’établit pas, ni au demeurant ne soutient, qu’elle avait mis en oeuvre les moyens adaptés pour protéger la santé de son salarié.
Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la cour retient, par infirmation de la décision déférée qu’en ne soumettant pas son salarié à une visite médicale d’embauche et en ne mettant pas à sa disposition les moyens nécessaires à la protection de sa santé, la société Renoplast a manqué à ses obligations, ce qui a causé un préjudice à M. [J] qui sera réparé par l’octroi de la somme de 2.000 euros. La décision sera infirmée de ce chef.
Sur la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée
M. [J] soutient que le motif du recours à un contrat de travail à durée déterminée n’a pas été mentionné dans son contrat, et que dès lors celui-ci est réputé avoir été conclu pour une durée intéterminée, il sollicite donc une indemnité de requalification à hauteur de trois mois de salaire.
La société Renoplast admet avoir omis de motiver le recours au CDD et ajoute que la relation de travail a continué au-delà du terme prévu, mais elle souhaite limiter le quantum de la condamnation à un mois de salaire.
En application de l’article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
En l’espèce, le contrat de travail à durée déterminée conclu par M. [J] le 13 décembre 2010 pour une durée de deux mois ne précise pas le motif du recours à ce type de contrat. En conséquence, il est réputé conclu à durée indéterminée et la société Renoplast sera condamnée, par infirmation de la décision, à verser à M. [J] la somme de 1.823,34 euros d’indemnité de requalification en application de l’article L. 1245-2 du code du travail.
Sur la prise d’acte de la rupture
Pour infirmation de la décision sur ce point, M. [J] se prévaut de plusieurs manquements de la part de son employeur :
– la non-conformité du contrat de travail motifs pris que le motif du recours au contrat à durée déterminée n’est pas précisé et que le salaire indiqué est inférieur au SMIC,
– l’absence de paiement de la rémunération due,
– l’absence d’organisation de la reprise de M. [J].
La société Renoplast réplique que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de la part de M. [J] doit s’analyser comme une démission ; que le salarié ne s’est jamais tenu à sa disposition et a refusé de se rendre à la visite médicale de reprise pourtant organisé à sa demande.
Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission. Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.
L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
La cour a retenu que la société Renoplast avait manqué à ses obligations en modifiant à la baisse le salaire de M. [J], en ne lui versant pas le complément d’indemnités journalières dues pendant son arrêt de travail, en s’abstenant de le convoquer dans un délai raisonnable à la visite médicale de reprise. Ces manquements à ses obligations légales caractérisent des fautes dont la gravité était de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail de telle sorte que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. [J] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 10 avril 2013. La décision déférée sera infirmée de ce chef.
Sur les conséquences financières
Sur le rappel de salaire :
A défaut de visite de reprise, le contrat de travail est demeuré suspendu et l’employeur ne devait pas verser de salaire à M. [J] qui doit être débouté de sa demande à ce titre. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur les indemnités de rupture :
M. [J] bénéficiait d’une ancienneté de 2 ans et 4 mois au jour de la prise d’acte.
En conséquence, en application de la convention collective, la société Renoplast devra lui verser une indemnité compensatrice de préavis correspondant aux deux mois de salaire qu’il aurait perçus s’il l’avait exécuté, soit la somme de 3.646,68 euros outre celle de 364,67 euros de congés payés afférents.
En application des articles R.1234-2 et suivants du code du travail dans leur rédaction applicable, eu égard au salaire retenu et à son ancienneté, M. [J] est en droit de percevoir une indemnité de licenciement de 850,89 euros.
Sur l’indemnité pour licenciement abusif :
En application de l’article L.1235-5 du code du travail dans sa version applicable, les dispositions relatives à l’absence de cause réelle et sérieuse prévues à l’article L1235-3 du même code selon lesquelles il est octroyé au salarié qui n’est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté et au licenciement intervenant dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés. En cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.
En l’espèce, M. [J] justifie de difficultés financières courant 2012 et la réalisation de quelques missions intérimaires en 2013 en qualité de menuisier.
Eu égard à ces éléments et en réparation du préjudice causé par la perte injustifiée de son emploi, il convient de condamner la société Renoplast à verser à M. [J] la somme de 6.000 euros.
Sur la demande au titre du DIF :
Il résulte des articles L. 6323-1 et L. 6323-17 du code du travail que le salarié dont la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est justifiée, et qui n’est pas tenu d’exécuter un préavis, a droit d’être indemnisé de la perte de chance d’utiliser les droits qu’il a acquis au titre du droit individuel à la formation.
Pour autant, M. [J] ne justifie pas de l’évaluation son préjudice. Il sera donc débouté de sa demande au titre de la perte de chance. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur la capitalisation des intérêts
En application de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée. En l’espèce, il doit être fait droit à cette demande.
Sur les documents de fin de contrat
La société Renoplast devra remettre à M. [J] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle Emploi, un solde de tout compte et un certificat de travail conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu’il y ait lieu à astreinte.
Sur les frais irrépétibles
La société Renoplast sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à M. [J] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en 1ère instance et en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté M. [I] [J] de sa demande de rappel de salaire à compter du terme de l’arrêt de travail jusqu’à la prise d’acte de la rupture et de sa demande de dommages-intérêts au titre du droit individuel à la formation;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
JUGE que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. [I] [J] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 10 avril 2013 ;
CONDAMNE la SARL Renoplast à verser à M. [I] [J] les sommes suivantes :
– 1.136,62 euros à titre de rappel de salaire ;
– 113,66 euros de congés payés afférents ;
– 3.066,62 euros à titre de complément d’indemnités journalières ;
– 869,21 euros d’indemnité de congés payés ;
– 2.000 euros de dommages-intérêts au titre de la visite de reprise ;
– 2.000 euros de dommages-intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité et à la visite d’embauche ;
– 1.823,34 euros d’indemnité de requalification en application de l’article L. 1245-2 du code du travail ;
– 3.646,68 euros d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 364,67 euros de congés payés afférents ;
– 850,89 euros d’indemnité de licenciement ;
– 6.000 euros au titre du licenciement abusif ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts ;
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
CONDAMNE la SARL Renoplast à remettre à M. [I] [J] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle Emploi, un solde de tout compte et un certificat de travail conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu’il y ait lieu à astreinte ;
CONDAMNE la SARL Renoplast au entiers dépens ;
CONDAMNE la SARL Renoplast à verser à M. [I] [J] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente.