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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRÊT DU 11 MAI 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/05824 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCKQZ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Janvier 2010 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY section RG n° 02/06761
APPELANT
M. [N] [W]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Assisté de Me Philippe MAGNOL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.A. AIR FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Emmanuel GALISTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0659
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 23 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, rédactrice
Mme Nicolette GUILLAUME, Présidente
Mme Emmanuelle DEMAZIERE, Vice-Présidente placée
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [N] [W], a été engagé en qualité de steward par la société Air France dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en date du 26 février 1973.
Il devenait chef de cabine à compter du 1er novembre 1995.
La convention collective applicable à la relation de travail est celle relative au personnel naviguant commercial.
Le 17 octobre 1974, le salarié était victime d’un accident de travail dont il était considéré consolidé le 19 octobre 1974.
Le 14 mars 1978, il a été victime d’une rechute.
Par la suite le salarié déclarait trois autres rechutes, le 19 janvier 1981, le 9 décembre 1981 consolidée le 14 décembre suivant et le 8 octobre 1982 consolidée le 8 février 1983.
M. [W] a postérieurement à ces premiers faits déclaré douze autres accidents du travail ou de trajet.
Le 27 avril 1998, il était de nouveau victime d’un accident du travail lequel a impliqué le jour même un arrêt de travail renouvelé jusqu’au 12 juillet 1998, le service médical d’Air France ayant déclaré par décision du 12 juin 1998 qu’il n’autorisait pas la reprise des vols, mais précisait qu’une reprise au sol était possible à compter de la fin de la période d’arrêt, avis confirmé le 15 juillet suivant aux termes duquel le salarié était reconnu inapte provisoirement au vol, mais apte à une activité au sol.
Dans ce cadre, il était affecté provisoirement à un poste au sol jusqu’au 22 novembre suivant.
Par lettre du 21 novembre 1998, le salarié se déclarait volontaire pour continuer d’occuper un poste du même type au delà de cette date, mais la compagnie l’informait qu’il avait épuisé ses droits à congé avec solde à compter du 23 novembre 1998, date à laquelle M. [W] était placé en position de congé sans solde par son employeur.
Parallèlement, il lui était délivré un nouvel arrêt de travail.
Le 3 décembre suivant l’intéressé était déclaré inapte définitivement aux fonctions qu’il occupait de personnel navigant comme Steward, décision du Conseil Médical de l’Aéronautique Civile, (le CMAC), dont il faisait part à la société Air France le 7 décembre 1998 en lui précisant que dans l’attente de la décision d’imputabilité au service de son inaptitude, il sollicitait la possibilité de conserver l’emploi au sol occupé.
Toujours en situation d’attente non rémunérée, le salarié était de nouveau placé en arrêt de travail à compter du 8 décembre 1998, lequel sera renouvelé jusqu’au 30 août 1999.
Par lettre du 14 décembre 1998, la société Air France a pris acte de l’inaptitude définitive de son salarié, et de ce qu’il sollicitait de reprendre son poste au sol dans l’attente d’une décision sur l’imputabilité de son inaptitude au service aérien, laquelle intervenait le 28 mai 1999, M. [W] étant à ce stade déclaré inapte définitivement au service en vol, inaptitude reconnue imputable au service aérien.
Le 29 juin suivant, il obtenait le statut de travailleur handicapé.
Par lettre du 3 décembre 1999, la société demandait à son salarié, toujours en position de congé sans solde, s’il souhaitait bénéficier d’un reclassement au sol ou d’un licenciement, l’intéressé optant pour cette dernière solution le 23 décembre 1999. Dans ce cadre il était convoqué le 30 décembre suivant à un entretien préalable fixé au 12 janvier 2000 et le 14 janvier 2000,la société Air France lui notifiait sa cessation de service à raison de son inaptitude physique définitive, puis le 13 mars suivant, la compagnie adressait au salarié une lettre de licenciement ‘pour inaptitude physique définitive imputable’, précisant que la cessation définitive [d’activité], interviendra[it], à l’issue du préavis de trois mois qui a débuté le 18 janvier 2000.’
Contestant le bien fondé de la rupture de son contrat de travail, M. [W] saisissait le conseil des prud’hommes de Bobigny le 7 décembre 2000.
Par jugement du 15 janvier 2010, notifié aux parties par lettre du 1er février 2010, cette juridiction a :
-débouté M. [W] de l’intégralité de ses demandes,
-rejeté la demande de la compagnie Air France, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné M. [W] aux dépens.
Par déclaration en date du 25 février 2010, M. [W] a interjeté appel.
Par ordonnance du 27 septembre 2012, l’affaire a été radiée une première fois du rôle au constat de l’absence de toute conclusions de la part de l’appelant.
Réinscrite le 25 septembre 2014, elle a de nouveau fait l’objet d’une radiation le 27 octobre 2017 au constat de la même carence de l’appelant.
Par requête du 24 octobre 2019, l’affaire a été réinscrite sur le rôle sous le numéro 20/5824.
Elle a été appelée à l’audience du 13 octobre 2022 dans les suites de laquelle les parties ont informé la cour qu’elles entraient en voie de médiation, un arrêt du 27 octobre 2022 ayant déterminé les conditions dans lesquelles cette médiation allait être mise en oeuvre.
Informée le 2 février 2023 de l’échec du processus amiable mis en oeuvre, l’affaire a été rappelée à l’audience du 23 février 2023 conformément aux x termes de la décision du 27 octobre 2022.
Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe de la cour le 10 novembre 2021 et soutenues à l’audience, M. [W] demande à la Cour :
– de dire M. [W] recevable en son appel et l’y déclarant bien fondé,
– d’infirmer en totalité le jugement entrepris,
et statuant à nouveau :
– de requalifier le licenciement intervenu en licenciement sans cause réelle ni sérieuse ce dernier étant intervenu en violation des articles L 122-32-5 du Code du travail et L 122-32-6 et L 122-32-7 du Code du travail et de la violation de l’obligation de reclassement,
– de dire que la société Air France a commis une faute grave en ne procédant pas au paiement du salaire de M. [W] du 8 décembre 1998 au 17 janvier 2000,
– de dire que la mise en congé sans solde du salarié 8 décembre 1998 au 17 janvier 2000 constituait une rupture du contrat de travail devant incontestablement s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– de condamner la société Air France à la somme de :
– 47 790,41 euros au titre du rappel de salaires du 8 décembre 1998 au 17 janvier 2000,
– 4 779 euros à titre de congés payés afférents,
– 350 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L 122-14-4 du Code du Travail,
– 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat sur le fondement de l’article 1134, alinéa 3 du Code civile applicable à l’époque (L-1222-1 du code du travail actuel),
– 88 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice liés à l’absence de cotisations à la Caisse de retraite CRPNAC entre le 8 décembre 1998 et le 17 avril 2000,
-100 000 euros de dommages et intérêts pour perte de chance au régime général d’assurance vieillesse de la Sécurité Sociale à taux plein,
– 5 000 euros en cause d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– de dire qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1154 du Code civil.
Dans ses dernières conclusions, déposées le 6 décembre 2021 au greffe de la cour et soutenues à l’audience, la société , Air France demande à la Cour :
– de recevoir Air France, la dire recevable et bien fondée,
– de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– de rejeter toutes les demandes fins et conclusions de M. [W],
– d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande Air France assise sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
en conséquence et à titre reconventionnel, condamner l’appelant à la somme de :
-10 000 euros sur le fondement du même article,
– de le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.
MOTIFS
I- sur le bien fondé des mesures prises,
De l’article L. 122-24-4 devenu L. 1226-2, 1226-4 du code du travail, il résulte que le salarié déclaré inapte à reprendre son emploi, consécutivement à une maladie ou un accident non professionnel doit se voir proposer par son employeur un autre emploi approprié à ses capacités.
Il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a respecté son obligation de reclassement en faisant une recherche sérieuse et loyale d’un poste à proposer.
De plus, lorsque à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’avis d’inaptitude, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé, ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
L’article L. 122-32-10 devenu L 1226-10 à 12, instaure des dispositions du même ordre en faveur des salariés victimes d’une inaptitude liée à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, ajoutant compte tenu de l’origine de l’inaptitude la nécessité de l’avis des délégués du personnel sur le poste de reclassement proposé.
Par ailleurs, jusqu’en 2003, date à laquelle la loi N° 2003-322 du 9 avril 2003 a organisé la privatisation d’Air France, les personnels navigants commerciaux de la société Air-France étaient régis par :
– le code de l’Aviation Civile, L.424-1 et suivants,
– le règlement des Personnels Navigants Commerciaux (RPNC) pour la détermination de leur statut,
– des accords collectifs d’entreprise ou catégoriels et notamment au protocole d’accord du 1er octobre 1997, relatif notamment à l’inaptitude provisoire et définitive des personnels navigants commerciaux.
La profession réglementée de personnel navigant nécessitait pour son exercice l’inscription sur un registre tenu par la Direction Générale de l’Aviation Civile, laquelle était soumise à une condition d’aptitude physique dont l’absence définitive devait être constatée par le CEMAC.
Selon l’article 1 du RPNC
‘1. Inaptitude physique à l’exercice de la profession de navigant.
a- En cas d’inaptitude physique définitive au vol reconnue imputable au service ou résultant d’un accident aérien ou d’un accident du travail ou d’une maladie déclarée imputable au service par le conseil médicale de l’Aéronautique civile, le reclassement au sol immédiat est offert de droit à l’intéressé. Celui-ci peut toutefois opter pour le régime d’indemnisation prévu en cas de licenciement pour inaptitude définitive reconnue imputable au service défini en 5ème partie.
b- en cas d’inaptitude physique définitive non reconnue imputable au service, intervenant avant l’âge d’entrée en jouissance de la pension de retraite -50 ans-, le reclassement au sol dans un délai maximum de douze mois est garanti au personnel navigant commercial. En l’attente de reclassement le lien contractuel est maintenu.
Cependant l’intéressé peut opter pour le régime d’indemnisation prévu en cas de licenciement pour inaptitude définitive non imputable au service défini ci après en 5ème partie.’
Il est admis que la déclaration d’inaptitude physique définitive qu’elle soit ou non imputable au service ne constitue ni un cas de force majeure ni un fait du prince ayant pour conséquence de rompre le contrat de travail.
Par ailleurs, antérieurement à la loi du 9 avril 2003 précitée, s’il est considéré que les dispositions du statut du personnel élaboré par le conseil d’administration sous le contrôle des autorités de tutelle excluent l’application à ce personnel des dispositions du code du travail qui leur sont contraires, les articles de ce code demeurent applicables lorsqu’ils ne sont pas en contradiction avec cette réglementation spéciale.
Dans ce cadre il y a lieu d’apprécier si la société s’est conformée aux obligations qui étaient les siennes au regard de l’inaptitude définitive de M. [W], telle que constatée le 2 décembre 1998, les dispositions relatives à l’incapacité temporaire de travail résultant de l’article 2 du protocole d’accord de 1997 reprenant celles du protocole d’accord du 24 décembre 1992 n’étant plus applicables à ce stade, alors au demeurant que l’employeur les avait utilement mises en oeuvre au bénéfice de M. [W] en lui maintenant son salaire pendant 180 jours à compter de son arrêt de travail initial marquant le début de son inaptitude temporaire jusqu’au 23 novembre suivant.
Le lien entre l’inaptitude de M. [W] et son activité aérienne a été reconnu le 28 mai 1999.
Air France a appliqué préalablement à cette reconnaissance les dispositions de l’article I b précité duquel il résultait que le lien contractuel devait être maintenu en l’attente de reclassement.
Cette situation n’impliquait pas le maintien du paiement du salaire lequel n’est effectivement pas prévu par l’article Ib, l’employeur expliquant ainsi la position du salarié placé en congé sans solde ou ‘en attente’.
Pour la période postérieure à la reconnaissance de l’origine professionnelle, M. [W] a également était maintenu en congé sans solde, l’article I-a dont il relevait désormais ne prévoyant pas davantage de maintien du paiement du salaire du salarié non encore reclassé ni licencié.
Cependant, l’absence de disposition spécifique sur ce maintien de salaire dans le statut ne caractérise pas une contrariété avec celles des articles L 1226-4 et L. 1226-11 du code du travail imposant, quelle que soit l’origine de l’inaptitude, la reprise du versement du salaire correspondant à l’emploi précédemment occupé à l’issue du délai d’un mois suivant la déclaration d’inaptitude dans l’attente du reclassement ou du licenciement.
En conséquence, il est dû à M. [W] un rappel de salaire courant à compter du 3 janvier 1999, dès lors qu’un mois après le constat d’inaptitude du 2 décembre 1998, le salarié n’était ni reclassé ni licencié.
Quant à l’obligation de reclassement, qu’elle trouve sa source dans le statut spécifique ou dans les dispositions non contraires du code du travail telles qu’issues des art L. 1226- 2 et L. 1226-10 du code du travail, c’est à l’employeur qu’il appartient d’en démontrer le respect, tenant à une recherche loyale et sérieuse.
Au delà, à raison de la reconnaissance du lien entre l’inaptitude et l’activité aérienne du 28 mai 1999, étaient applicables les dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail selon lesquelles doit intervenir la consultation des délégués du personnel sur les conclusions du médecin du travail et la proposition d’emploi, dès lors que rien ne caractérise là encore, une contradiction de ces dispositions avec la réglementation spéciale issue du statut spécifique.
Or, la société Air France n’apporte pas la preuve d’une recherche loyale de reclassement ni après l’avis du 2 décembre 1998, date à laquelle elle s’est inscrite dans le cadre d’une inaptitude non liée à l’activité aérienne alors que le salarié l’avait expressément informée dans sa lettre du 7 décembre 1998 (pièce N° 33 de l’employeur), de ce qu’il entendait faire reconnaître l’origine aérienne de son inaptitude, ni après la décision du 28 mai 1999 rattachant l’inaptitude à l’activité aérienne et qui en application de l’article I-A précité devait impliquer un reclassement au sol immédiat, les arrêts de travail délivrés postérieurement à ces deux dates étant sans effet sur l’obligation pesant sur l’employeur.
Ainsi le salarié est-il invité le 14 décembre 1998, ‘à prendre contact’ avec un service chargé de procéder à son affectation, puis par télex, informé de ce que ‘les emplois d’ASC d’agent de gestion ou de planning ne pouvaient lui convenir’, aucun élément sur le contenu de ces postes et leur compatibilité avec l’état de santé de l’intéressé n’étant communiqué, situation qui perdurera au delà de la reconnaissance de l’imputabilité au service aérien de l’inaptitude, la compagnie se limitant à déplorer par courrier du 3 décembre 1999 (pièce N° 16 du salarié), de l’absence de toute nouvelle du salarié.
L’employeur a donc manqué à ses obligations, le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement ayant été prononcé en violation des dispositions légales et conventionnelles ci-dessus rappelées.
II- sur les sommes dues à M. [W],
A- sur les rappels de salaires,
De ce qui précède, il résulte que la société Air France doit un rappel de salaire à compter du 3 janvier 1998 jusqu’au 17 janvier 2000 inclus.
En référence à un salaire de 3 540,03 euros, non remis en cause, il doit lui être alloué de ce chef 44 722,379 euros et 4 472,23 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement doit être infirmé de ce chef.
B- sur l’indemnité à raison de la violation de l’obligation de reclassement,
En vertu des dispositions du code du travail non contraires à celles du statut applicable au personnel naviguant, il y a lieu de mettre en oeuvre la sanction instaurée par l’article L.1226-15 du code du travail aux termes duquel l’indemnité due pour violation de l’obligation de reclassement en cas d’inaptitude imputable au service ne peut être inférieure à douze mois de salaire.
M. [W] demande au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture, qu’il rattache à la violation de l’obligation de reclassement, une somme de 350 000 euros.
Il fait état d’une admission à l’Aide au Retour à l’Emploi à hauteur de 57,4% de son dernier salaire brut et déclare justifier de ses recherches actives d’emploi, mais ne verse sur ce point aucune pièce.
Sans autre élément que l’âge et l’ancienneté de M. [W] au moment de la rupture, l’indemnité de l’article L. 1226-15 du code du travail doit être fixée à 80. 000 euros.
C- sur le préjudice de carrière,
M. [W] soutient de ce chef que son employeur a contesté constamment ses accidents du travail et ajoute qu’il a subi une perte de chance au regard de la situation qu’il aurait eue s’il avait été correctement reclassé.
Cependant il ne justifie d’un préjudice distinct de celui lié au non respect de l’obligation de reclassement et demeurant non indemnisé malgré l’octroi de la somme de 80 000 euros en application des articles 1226-15 du code du travail et I.a du statut.
Le jugement ayant rejeté la demande ainsi formée doit donc être confirmé.
D- sur l’exécution déloyale du contrat de travail,
Comme tout contrat, le contrat de travail s’exécute loyalement et il appartient à celui qui demande une indemnisation au titre de l’exécution déloyale d’en apporter la preuve.
Pour ce faire, M. [W] fait état des nombreuses démarches qu’il a dû supporter pour qu’aboutissent ses demandes diverses relatives aux accidents du travail répétés qu’il a eu à subir pendant l’exécution de sa profession, versant aux débats de nombreux courriers adressés à divers services de la compagnie, en charge à l’époque de la gestion des risques professionnels, rappelant que cette dernière a été dépossédée de cette mission à raison des nombreux dysfonctionnements constatés et soulignant que les circonstances dans lesquelles son contrat de travail a été rompu démontrent la réalité de la déloyauté de la compagnie à son encontre, observation étant faite, comme il le rappelle dans ses écritures, que l’employeur a évoqué ‘ses absences répétées’ liées en fait à ses arrêts de travail, pour justifier de son impossibilité de mise en oeuvre d’une recherche effective de reclassement.
La réalité d’une exécution déloyale du contrat de travail est ainsi établie et au titre des troubles et tracas qu’elle a généré, il doit être alloué de ce chef la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts.
E- sur le préjudice né de l’absence de cotisations au régime social depuis le 8 décembre 1998 jusqu’au 17 janvier 2000 et sur la perte de chance au titre de la pension de retraite.
La perte de chance implique une incertitude sur l’orientation future d’une alternative ouverte dont la disparition actuelle présente le caractère certain à la mesure de la probabilité du choix ou de l’événement souhaitable ou souhaité.
Si une perte de chance même minime est indemnisable, conformément au droit commun, il appartient au demandeur d’apporter la preuve de l’existence de son préjudice.
Il est admis que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
Il n’est pas contesté que le placement en congé sans solde a compter du 8 décembre 1998 a induit une absence de cotisation au régime retraite, et que la rupture du 17 janvier 2000 l’a définitivement interrompue, le tout générant un seul et même préjudice né de la perte de chance de percevoir une retraite plus importante.
Cependant, le salarié ne pouvait prétendre au maintien inéluctable de son emploi jusqu’à son admission à la retraite, et donc à l’indemnisation intégrale des conséquences de l’absence de cotisation retraite jusqu’à ce terme.
De ce fait, alors que l’étendue du préjudice résultant de la perte de chance dont la preuve incombe à celui qui en réclame l’indemnisation, n’est pas justifiée à hauteur de la somme totale sollicitée de ce chef, la perte de chance subie de percevoir une retraite plus importante s’évalue à 10% de l’avantage perdu, soit 18 800 euros de dommages-intérêts.
Le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point.
Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt
Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt, en application de l’article 1154 devenu 1343-2 du code civil ;
En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à M.[W] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a:
– débouté M. [W] de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice de carrière,
INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Air France à verser à M. [W] les sommes de:
– 44 722,379 euros
– 4 472,23 euros au titre des congés payés afférents,
– 80 000 euros à titre ‘indemnité pour violation de l’obligation de reclassement,
– 8 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l’exécution déloyale du contrat de travail,
– 18 800 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance née de la suspension puis l’interruption de cotisation au régime de prévoyance,
– 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en cause d’appel,
DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt, en application de l’article 1154 devenu l’article 1343-2 nouveau du code civil,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la société Air France aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE