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N° H 22-84.021 F-B
N° 01180
RB5
17 OCTOBRE 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 OCTOBRE 2023
La société [5] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-13, en date du 13 mai 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 18 septembre 2018, pourvoi n° 15-80.735), pour travail dissimulé, prêt illicite de main-d’uvre, entraves et emploi illicite de personnel navigant, l’a condamnée à 200 000 euros d’amende, a ordonné la publication et l’affichage de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société [5], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’URSSAF Provence-Alpe-Côte d’Azur venant aux droits de l’URSSAF des Bouches-du-Rhône, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile, de MM. [G] [F], [P] [I], [D] [A], [X] [T], du Syndicat national des pilotes de ligne [2], de l'[6] et de l’agence Pôle emploi, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la Fédération de l’équipement, de l’environnement, des transports et des services de force ouvrière, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l’audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 16 octobre 2009, l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) a adressé au procureur de la République un procès-verbal selon lequel la société [5] aurait installé un établissement dans les locaux de l’aéroport de [Localité 4], à [Localité 3], où étaient basés quatre de ses avions.
3. L’OCLTI a relevé, dans ce procès-verbal, que la société [5] n’avait pas immatriculé son établissement auprès du registre du commerce et des sociétés (RCS) et n’avait pas déclaré auprès de l’URSSAF les salariés qu’elle avait employés.
4. Deux syndicats ont, en outre, déposé plainte en affirmant que la compagnie [5] avait exercé son activité sur le territoire français avec le concours d’une centaine de salariés, en se soustrayant à la législation sociale.
5. La Caisse de retraite du personnel de l’aéronautique civile a déposé plainte à son tour, en faisant valoir que le personnel de la société [5] était affilié au régime d’assurance irlandais, alors qu’il aurait dû l’être auprès d’elle.
6. Au terme de l’enquête préliminaire, une information a été ouverte le 8 avril 2010 des chefs de travail dissimulé, prêt illicite de main-d’uvre, entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel et emploi illicite de personnel navigant.
7. Le juge d’instruction a ordonné le renvoi de la société [5] devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés pour des faits commis de 2007 à 2010.
8. Par jugement du 2 octobre 2013, le tribunal correctionnel a déclaré la société [5] coupable de l’ensemble des faits qui lui étaient reprochés, l’a condamnée au paiement d’une amende de 200 000 euros et a prononcé sur l’action civile.
9. La société [5] a interjeté appel de cette décision. Le ministère public a interjeté appel incident.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, le deuxième moyen, le troisième moyen, pris en ses première et troisième branches, les cinquième et sixième moyens
10. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré la société [5] coupable de travail dissimulé par dissimulation d’activité et dissimulation d’emploi salarié, entrave à la constitution ou à la libre désignation des membres du comité d’entreprise, entrave à la libre désignation des délégués du personnel, entrave à l’exercice du droit syndical, entrave au fonctionnement du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, exercice illégal d’un emploi de personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile et prêt illicite de main-d’uvre, puis l’a condamnée à une amende de 200 000 euros, ainsi qu’à indemniser les parties civiles, alors :
« 2°/ que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu’il en résulte que la responsabilité d’une personne morale ne peut être retenue, sans que soit désigné son organe ou son représentant ayant commis, pour son compte, les faits objet de la poursuite ; que la qualité de représentant de la personne morale ne peut résulter que d’un acte attribuant à l’intéressé la compétence, l’autorité et les moyens nécessaires à l’accomplissement des actes en cause ; qu’en se bornant à affirmer qu’il ressortait d’un arrêt de la Chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel de Paris du 22 mai 2017 que Monsieur [E] [M] représentait la Société [5] en 2009 sans avoir consenti de délégation de pouvoir, sans indiquer aucun élément de fait de nature à caractériser un tel pouvoir de représentation, la Cour d’appel a privé sa décision de motifs, en violation de l’article 593 du Code de procédure pénale ;
3°/ que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu’il en résulte que la responsabilité d’une personne morale ne peut être retenue, sans que soit désigné son organe ou son représentant ayant commis, pour son compte, les faits objet de la poursuite ; que la qualité de représentant de la personne morale ne peut résulter que d’un acte attribuant à l’intéressé la compétence, l’autorité et les moyens nécessaires à l’accomplissement des actes en cause ; qu’en se bornant à affirmer, pour décider que la Société [5] était valablement représentée sur le territoire français, que Monsieur [R] [L] avait été entendu en interrogatoire de première comparution pour le compte de la Société [5], tandis que messieurs [J] [W] et [B] [N] avaient déclaré jouer un rôle d’interface entre [Localité 1] et [Localité 4] et avaient été désignés par les personnels de l’entreprise comme étant les responsables hiérarchiques sur le site de [Localité 4], la Cour d’appel, qui n’a pas constaté qu’ils auraient eu la qualité de représentants de la Société [5] dotés de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour la représenter, et qui n’a au surplus relevé aucun élément de fait en ce sens, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 121-2 du Code pénal, ensemble l’article 593 du Code de procédure pénale ;
4°/ que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu’il en résulte que la responsabilité d’une personne morale ne peut être retenue, sans que soit désigné son organe ou son représentant ayant commis, pour son compte, les faits objet de la poursuite ; que la qualité de représentant de la personne morale ne peut résulter que d’un acte attribuant à l’intéressé la compétence, l’autorité et les moyens nécessaires à l’accomplissement des actes en cause ; qu’en se bornant à affirmer, pour décider que la Société [5] était valablement représentée en France, de sorte que les poursuites pénales avaient été régulièrement engagées à son encontre, qu’elle s’était livrée à des « manuvres précitées de soustraction », de sorte qu’elle ne pouvait « invoquer sa propre turpitude pour échapper aux poursuites », la Cour d’appel, qui s’est prononcée par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 121-2 du Code pénal, ensemble l’article 593 du Code de procédure pénale. »